SA LOCALISATION :
Toutes les religions primitives localisent, plus ou moins précisément, le lieux de déroulement de la vie spirituelle post mortem. Pour les égyptiens, leur âme navigue à bord du navire-soleil autour de la terre. Quant à la mythologie nord-germanique, Val Hall est le séjour paradisiaque réservé aux vaillants morts en héros.
A Madagascar, chaque ethnie dispose de sa propre localisation. Celle des Betsileo et autres tribus nordiques se trouve soit à « Ambondrombe » soit à « Itena ».
IMAGE DE L’AU-DELA :
Amboromena est un endroit magnifique, délimité au nord, au sud et à l’ouest par de majestueuses montagnes, et à l’est par une forêt dense. D’après leur légende, au centre se trouve un lac carré servant de transit aux âmes sur toute sa périphérie.
Sur sa partie orientale se trouve une canalisation alimentant les Tanala : c’est la rivière « Intara » (1) qui descend jusqu’à Farafangana, où elle prend le nom de « Manambato ».
De la partie nordique du lac s’écoule le « Zomandao » (2) irriguant les Betsileo et qui rejoint la rivière « Ihosy » jusqu’au fleuve « Mainty ». (3)
La partie ouest du lac s’étrangle et arrose le pays Bara, sous le nom de « Menarahaka ». (4)
Cette rivière traverse de part et d’autre Ivohibe, lors de sa descente jusqu’à son embouchure à Vangaindrano où il prend le nom de « Mananara. »
Ambondrombe : "Pays où abondent les roseaux" (Hadès malgache). Vondrona (roseau) désigne aussi un groupement d'individus chez les Bara.
Ainsi est délimité avec précision le lieu de villégiature des ancêtres des Bara, après leur éprouvant passage sur terre. Strictement réservé aux « fahasivy » (neuvième) ou défunts, c’est aussi une source de vie grâce à ce riche réseau hydrographique. Amboromena n’est qu’un lieu de passage, car l’au-delà céleste reste la merveilleuse destination finale.
De même, le peuple Bara désigne deux localités spécifiques à l’état physique du corps du défunt. « Amboromena » premier lieu de transit de l’âme tant que le corps est en décomposition. Ensuite, au ciel, lieu d’installation définitive de l’esprit dès que son enveloppe corporelle est sèche.
« Amboromena » est au centre des montagnes au nord-Est d’« Ivohibe ». Pour certains Bara de l’ouest, quelques terres ou forêts sacrées peuvent faire office de lieu de transit. Âme et Esprit visitent régulièrement le lieu de sépulture. Ils manifestent aux vivants leur contrariété, soit pour réclamer de nouveau linceul, soit des travaux d’entretien ou de réfection du caveau.
LES PREPARATIFS POUR Y ALLER :
Quel que soit l’origine de la mort, les Bara se préparent à cette épreuve dans la sérénité. Habituellement, les personnes âgées convoquent leur descendance pour une dernière bénédiction. Un moment de partage de l’héritage peut être envisagé, si les enfants le désirent et selon la volonté divine. Les parents aussi ont le sens de la prévoyance. Encore sains de corps et d’esprit, en attendant l’issue fatale de la mort, ils mettent en garde les enfants de leur situation de parents-débiteurs, ou le cas échéant, de parents-créanciers.
Dans autre cas de figure, toute la famille (petits et grands) se met au chevet du malade pour écouter ses dernières volontés. « Je vais bientôt vous quitter car mon heure est proche. Vous, les aînés, qui serez mes remplaçants, prenez soins des plus petits. Que les plus jeunes soient obéissants. Quant aux zébus et aux linceuls, ce sera selon vos dispositions. Cependant, ne décimez pas de suite le troupeau, car un jour, à votre tour, vous laisserez aussi des orphelins ». Quelques jours après, la mort délivre le souffrant qui garde espoir d’aller à Amboromena, et de retrouver ultérieurement toute sa famille au ciel.
Pour d’autre, l’agonie peut durer quelques jours. Cela signifie que le mourant désire être accompagné de zébus. On procède alors au traditionnel sacrifice à l’Est du village. Au cours de l’ultime beuglement de la bête, le malade et le zébu rendent simultanément leurs derniers souffles.
Les enfants non circoncis doivent être opérés avant d’être ensevelis. Cela leur évite d’errer tristement, véritable exclusion du clan des morts. C’est donc un passage obligatoire pour la reconnaissance du Dieu CREATEUR.
Avant de draper le défunt d’un linge propre, on lui donne un dernier bain. Il ne serait pas convenable de se présenter crasseux devant Dieu et les ancêtres. Leurs cheveux seront tressés correctement (les Bara - hommes et femmes - portent des tresses) pour les grandes retrouvailles familiales.
Force est de constater que les préparatifs pour rejoindre l’Au-Delà et Amboromena sont similaires.
L’ETAT DE L'AU-DELA :
Si les grecs et les romains pensaient, qu’à sa mort l’homme s’abreuve au fleuve de l’oubli et bascule dans le néant ; les Bara sont persuadés d’une joyeuse retrouvaille avec familles et ancêtres. De même, dans un espace bien défini, ils se regrouperont en un endroit précis où chacun gardera le même caractère, avec quelques améliorations en sus. A l’identique de leur vivant, le statut social ou familial sera maintenu. Le souverain dirigera encore ses sujets et les rapports parent-enfant seront toujours respectés. L’union des couples sera particulièrement préservée même 40 ou 60 années après. Cela est d’ailleurs perceptible à travers les rêves de l’un des survivants du couple. Quant à la richesse, ceux qui ont œuvré seront toujours comblés et les plus démunis, en plus des retrouvailles familiales, seront mieux lotis.
Les Bara sont persuadés que les défunts rejoindront la grande famille divine. Le mourant promet de solliciter les faveurs divines pour sa descendance. Il assume ainsi son rôle d’ancêtre médiateur, l’envoyé de Dieu pour assurer les retrouvailles dans l’Au-Delà.
L’avenir des malfaiteurs reste incertain. Celui des sorciers, en guenilles après leur mort, sème la terreur.