04 Chapitre

Il est à souligner que le mot Bara « Tiva » ou « tahy havoa » signifie « ota », pour tout ce qui suit, limitons-nous à la définition originelle du mot : « ota » c’est à dire toute source de maladie et de souffrance ainsi que des diverses douleurs.

Ota : dialecte des hauts plateaux pour désigner : résidu, déchet, saleté.

A ne pas confondre avec péché, son homonyme depuis l'arrivée du christianisme,dans le sens de "heloka" (culpabilité)

Ainsi pour les Bara, tout ce qui soigne sera appelée : « avotra » (salut), et quand on parle ici de “fanavotana” (secours) cela ne prend pas le sens du même mot “fanavotana” (salvifique) cité dans la Bible, car appartenant à la catégorie des “ody” [qui se regroupent en une famille : remède, charme, sorcellerie, préservateur, amulette] et les formules s’y associant. D’une manière générale, le but est d’apporter l’apaisement du corps soumis à la douleur, au chagrin et tout autre souci, comme la maladie.

SECOURS CONTRE UN MAL INVOLONTAIRE :

Quand une personne est atteinte d’une maladie, on pense aussitôt que c’est suite à un impair qu’elle aurait commis envers Dieu. Il existe pourtant deux raisons incitant à commettre l’erreur comme d’avoir mal agi sans le vouloir et l’ignorance, puis le fait d’avoir agi sciemment tout en sachant que cela offenserait Dieu.

Mais le fait d’entrer en collision avec Dieu sur son chemin sera obligatoirement source de maladie, malgré que cela ait été involontaire. Alors pour se tirer de ce mauvais pas, le malade doit recourir au “fanavotana” qui lui permettra de présenter ses excuses auprès de Dieu. Le rituel à faire sera d’apporter un poulet à l’endroit supposé où l’incident avec Dieu s’est déroulé. Une fois sur place, on tue ce poulet : sa tête, ses ailes, ses pattes et ses viscères seront enfilés sur une brochette en bois en prenant soin d’orienter la tête vers l’Est. Si la personne est gravement malade, alors ce sera un membre de sa famille qui se chargera d’aller déposer ces morceaux de poulet. Les restes de viande seront mis à rôtir sur un gril, et une fois bien cuits, un bout de chaque morceau sera disposé sur un petit autel “kitrely”, préparé au cours de la cuisson.

Ensuite, l’officiant siffle trois fois et dit : « Vous, Zanahary de l’Est, du Nord, de l’Ouest et du Sud, répondez à notre appel car untel…(en citant le nom de la personne) est malade, on dit qu’il ou elle Vous a offensé, et le mpisikidy l’a vu, l’ombiasa l’a dit, nous nous empressons de Vous offrir ce poulet pour implorer votre pardon et d’épargner sa vie, soyez clément avec lui. Que ce poulet lui serve de salut. Que son souffle lui rende la sienne, sa tête pour ses maux de tête, ses pattes pour ses pieds douloureux, alors vous pouvez tout emporter, mais permettez la guérison au malade, car Vous n’ignorez pas qu’il ne peut Vous voir, puisque ses yeux ne lui servent qu’à orienter sa tête, et il ne peut entendre vos paroles non plus, car ses oreilles ne perçoivent que le grondement du tonnerre ».

Ainsi s’achève la cérémonie (avotra) pour le malade, puis l’officiant mange le restant de viande grillée sur le feu. On rentre chez soi, rassuré car l’”avotra” a été accompli. Une offense commise ou un interdit transgressé envers le territoire des esprits malins pourrait être réparé de la même manière afin de les amadouer et sortir d’une maladie ou tout simplement pour se protéger d’Eux.

SECOURS SUITE A UNE OFFENSE MORTELLE :

On dit qu’il existe de nombreuses fautes commises par l’homme qui offensent Dieu au plus haut point, et provoquent en Lui une grande colère qui l’amènent à punir en infligeant des maladies et même par la mort. L’ombiasa verra le sang couler, et la mort obstruant l’entrée du village à cause de ces faits. Le malade se trouve bien en grand danger. Le mal qui l’envahit risque de l’entraîner vers la mort si aucun rituel de protection n’est entrepris. Étant donné la gravité de la situation, le sacrifice d’un poulet ne suffira plus mais il faudra un zébu.

Le zébu destiné à la cérémonie du “avotra” est attaché à un pieu dans la cour à l’est de la case du malade. La corde doit être assez longue pour que le moribond puisse la tenir de son lit. Toujours suivant le même rituel, on implore Dieu de prendre la vie du zébu et de préserver celle du malade.

Il faut aussi une mèche de cheveux du malade et des bouts de ses ongles, (des mains ou des pieds) auxquels on ajoutera les résidus de son repas récurés d’entre ses dents et enfin d’un bout de tissu découpé de ses vêtements, on enveloppera le tout pour confectionner son effigie qui sera enterrée à proximité d’une fourmilière ou d’un rocher, celle-ci représentera son corps enseveli.

Pour finir, on disposera un miroir en face du malade, pour que toute la maisonnée puisse y jeter un regard en disant : «Je vois untel… (en nommant le souffrant) qui n’est pas perdu mais toujours vivant ». Ainsi s’achève ce grand rituel du “avotra”. Il ne restera plus à la famille qu’à espérer la guérison du malade que toute offense commise envers Dieu aura été réparée.

IMMUNITE ENVERS LES TABOUS :

Depuis des générations, les Bara ont d’innombrables tabous ancestraux dont ils sont strictement tenus à respecter ; et pour gagner leur vie, chercher d’autres zébus ou pour aller combattre, ils doivent quitter leur village.

Mais les différents tabous à respecter risquent d’être transgressés lors de ces déplacements à moins de les précéder d’un “avotra”, préparé de la manière suivante :

On remplit d’eau un grand mortier placé sur le seuil de la porte. On tue un poulet noir puis son gésier est découpé en morceaux qu’on ajoute dans le mortier. On brûle une vieille natte noircie et y verser aussi les cendres. Enfin, on rajoute quelque poudre grattée sur le montant de la porte. Puis le tout est mélangé avec le fil d’une hache. Ensuite une corde formant un nœud coulant est déposée sur le pourtour du mortier. Chaque personne amené à transgresser un tabou boit de ce breuvage protecteur en disant : « Je pourrai manger... (citer l’aliment interdit) ou faire… (citer l’acte interdit) car maintenant je suis immunisé ».

Telle est la procédure à suivre pour se prémunir contre certains tabous. On l’appelle : “Mandrara-faly”, ce qui veut dire : empêcher et neutraliser les effets d’un tabou, ce qui est interdit ne l’est plus grâce à cela.

Le Salut dont les chrétiens y croient est autrement merveilleux, ne comportant ni sang de poulet, ni sang de zébu selon les croyances Bara, ni même de sang de chèvre ou de mouton comme chez les juifs, mais vient du Sang du Christ le fils de Dieu et qui est pur.

Pour aller plus loin :

  • Au sujet des bénédictions et malédiction - HAVOA, voir le commentaire (en malgache) de la Bara Zafimanely TINAHY DORTHINE page 250

  • HAVOA, au sens des conflits et histoires du passé qui risquent de ternir la qualité de la fête ou de fausser son déroulement. RABEDIMY page 231