« Zanahary qui a créé nos jambes et nos bras » disent-ils, « a aussi créé le ciel et la terre ».
Les récits relatant la divine création demeurent sans grandes précisions, comme en témoignent les divers contes, légendes ou mythes Bara ; ils ont néanmoins la conviction profonde que le Zanahary est l’Unique Créateur. L’histoire sur l’origine de l’homme a traversé les temps - non sans modifications - grâce aux traditions orales transmises par les Anciens. C’est cette histoire qui sera relatée ici, car c’est un recueil cher à chaque génération. Malgré des transformations produites au fil du temps, faute d’écrits.
L’HISTOIRE DU PREMIER HOMME :
Deux vieillards, Ranovelo et Tsihekeny, et plusieurs ombiasa ont gardé en mémoire le récit suivant :
“Un homme portant le nom de Idama était le premier être humain sur cette terre” dit-il. “Il possédait plusieurs zébus ,moutons et chèvres, mais il était préoccupé par sa solitude. Alors, un jour il se décida à monter au ciel pour demander à Ndriananahary de lui accorder une compagne qui lui préparerait à manger, car il avait beaucoup à faire avec ses troupeaux. Ndriananahary accepta sa requête et lui promit de venir le voir après quelques querelles entre ses serviteurs à arbitrer, et que pour le moment Il était indisponible. Le soir venu, Ndriananahary n’apparaissait toujours pas avec la compagne promise, alors Idama sombra dans un profond sommeil, épuisé par le soleil au cours de ce voyage. Mais Ndriananahary vint effectivement accompagné d’une femme qui lui était destinée. Il ne réveilla pas Idama sachant ce dernier attristé et fourbu par la longue route, et allongea la femme auprès de ce dernier puis s’en retourna au ciel.”
“Le jour se leva et Idama se réveilla, cette femme endormie à ses côtés. Il se souvint aussitôt de sa requête et retourna la femme - chez les Bara, le mot “retourner” prend le sens de “réveiller celui qui est assoupi”- la femme se réveilla et se tourna vers Idama. Ce dernier tout heureux se dit : “Elle est mienne car je l’ai retournée, et c’est Ndriananahary qui me l’a accordée.” C’est de là que vient le mot Bara : “vidy” sorti de la bouche de Idama : “vadiko” ou “navadiko” - “mon épouse” ou “celle que j’ai retournée”
« Idama ignorait encore son nom à ce moment-là, car intimidée, la femme ne voulait le lui dire. Mais Ndriananahary intervint et annonça à Idama qu’elle s’appelait Ihaova et qu’Il lui a accordé suite à sa prière.
Dès lors, les ombiasa Bara recommandent : Idama pour un garçon ou Ihaova pour une fille, comme prénoms à donner aux enfants nés un mercredi (alarobia) et sous le signe zodiacal (vintana) Alahamaly ; si deux personnes, de parents différents, nés sous ce même signe et ce même jour se marient, ils pourront avoir jusqu’à 12 enfants dont 6 filles et 6 garçons, car ils auront hérité de la chance du couple Idama et Ihaova, les tous premiers ancêtres de l’homme.
AU DEBUT DE LEUR VIE DE COUPLE ET SON EVOLUTION :
En ce temps-là, mari et femme vivaient paisiblement dans l’opulance et depuis, aucun autre Bara n’a jamais pu posséder autant de zébus qu’eux. D’ailleurs, les zébus sauvages (omby manga) qu’on rencontre encore actuellement faisaient partie du troupeau éparpillé de ce couple que leurs descendances n’ont pas pu gérer. Ils entretenaient toujours de bonnes relations avec Ndriananahary. De temps en temps, Celui-ci descendait faire une petite visite à Idama et sa femme si ce n’était le couple qui allait monter au ciel et partait dans de longues discussions avec les esclaves de Dieu. Comme ils se sentaient tellement bien à ces moments-là ! Souvent il leur arrivait de ne redescendre sur terre que fort tard dans la nuit, oubliant toute notion du temps, plongés dans ces plaisirs célestes .
Leur état de félicité ne dura pas car ils demandèrent à Dieu d’avoir plus de compagnie pour se retrouver aussi nombreux que ceux du ciel, car c’était trop calme et inhospitalier sur la terre. Dieu n’accéda pas tout de suite à cette demande et leur fit la proposition suivante : « Si vous désirez augmenter en nombre alors vous serez à l’image du bananier : les parents s’effaceront à l’apparition des enfants, mais si vous ne supportez pas cela, vous serez comme la lune et ses phases : s’éteindre toutes les quatre semaines, sans jamais croître, et vous-mêmes mourrez et ressusciterez. Faites votre choix ! ». Le couple demanda un délai de réflexion sur la meilleure décision à prendre car il ne fallait pas se tromper sur le choix qui sera irréversible.
L’ORIGINE DE LA MORT CHEZ TOUS LES HOMMES :
Ils discutèrent âprement sur ce dilemme : accepter de s’éteindre régulièrement telle que la lune semble être éreintant car improductif, quand il faudrait disparaître tous les mois et ne jamais croître alors que c’était cela l’objet de leur désir initial. Quant à choisir de s’étioler comme le bananier, et partir en laissant toute sa descendance : c’est tout aussi dur d’abandonner derrière soi toute sa progéniture (des orphelins), dépourvus de protecteurs ; comme la séparation d’avec tout ses enfants chéris sera si amère ! Hélas, puisqu’il fallait se prononcer sur un choix alors ils prirent la fin du bananier s’assurant une descendance après eux.
Et c’est ainsi que la mort a commencé à frapper régulièrement sur terre et ce jusqu’à nos jours. Il paraît que les taches visibles sur la lune quand elle est pleine ne sont autres que Idama et sa femme, en train de nous regarder, nous leurs enfants sur cette terre.
Depuis cet accord, les Bara regretteraient terriblement de mourir sans laisser d’enfant pour prendre la relève. Mais ceux qui ont pu enfanter sont confiants et sereins, et leurs familles pourront se consoler auprès de ces enfants. Il arrive que ces orphelins-là sont invités à accompagner des personnes qui vont présenter leurs condoléances aux familles endeuillées en leurs disant : « Ne pleurez pas le défunt car voyez, sa descendance est là pour le remplacer, d’autant plus que ceci arrive à tout ceux qui ont leur porte orientée vers l’ouest.* »
Miankandrefam-baravarana *
Expression désignant le commun des mortels, métaphore des tombeaux dont l'ouverture est systématiquement orienté vers l'Ouest.