06 Chapitre

LEURS ORIGINES ET DIFFUSIONS :

Suite à l’inévitable choix originel de mourir à l’image du plan de bananier, l’homme connut aussi la maladie. Le CREATEUR envoya son enfant appelé « Masy » auquel il a confié les remèdes pour soigner les malades. Voici ses recommandations : « Cette nuit, je ferai tomber une rosée vivifiante. Toutes roches, plantes et terres humidifiées vous serviront à guérir les souffrants. » Afin que ma grâce accompagne leurs utilisations, n’oubliez pas de m’invoquer comme suit : « Masy, Masy, Masy, Andriantompo, Andriananahary, Mr… est malade et que l’on n’ait pas à pratiquer deux ou trois fois ce remède, car son efficacité sera immédiate. »

Ainsi, est né l’usage des remèdes, et, ce n’est qu’ultérieurement que l’ethnie Antaimoro eut transmis les détails avec le concours des six ombiasa suivants :

Sampy & Fady

relient Madagascar aux cultures malayo-polynésiennes et bantoues :

ils revêtent un caractèrent magique et pédagogique

  • Rarandra

  • Ratokanono

  • Ralaimainty

  • Rafotsimbarinify

  • Radabe

  • Ratsikolahy

Les rituelles de guérisons Bara sont toujours précédés de ces invocations jusqu’à nos jours.

Depuis, l’utilisation des ody n’a cessé d’évoluer. Du simple remède - don du fils de Dieu - les Bara sont arrivés aux charmes et amulettes protecteurs, contribuant à leur enrichissement ou préservant leur bien-être, mais aussi aux maléfices. Telles sont l’acquisition et l’évolution des ody, relatées par les ombiasa Bara.

L’APPRENTISSAGE DES OMBIASA :

Les ombiasa se distinguent entre eux par leur degré de savoir. On les classent du débutant au plus érudit :

    • Ombiasa-kibo

    • Ombiasa-trandraka

    • Ombiasa-ihany

    • Ombiasa-be

    • Ombiasa-karakatoka

    • Ombiasa-karafito

  • Ombiasa-janahary

La dénomination du dernier vient du faite qu’il a été instruit directement par Dieu.

L’apprentissage est un travail de longue haleine permettant de devenir un véritable érudits comme l’ombiasa-karafito.

Les personnes ayant décidé de le devenir choisissent un ombiasa comme enseignant, et, lui offre un zébu ou autre chose comme convenu. L’ombiasa accepte, cependant il les met en garde : « Si vous désirez réellement apprendre alors on fera le nécessaire. Par contre, l’apprentissage est difficile, et requière patience et respect des lois. » (tabous) « L’abandon avant la fin de l’instruction conduit à l’état de folie ou d’errance permanente. » Chacun promet alors persévérance et obéissance, en attendant le jour faste de l’accueil des novices.

Cet accueil obéit aux règles suivantes. On sacrifie un coq rouge. Chaque apprenti s’applique un peu de sang du coq sur le front. Leurs mains droites seront décorées de perles blanches pour les protéger, les faciliter à saisir et désigner ce qu’ils doivent apprendre. Avec de la terre blanche « taniravo », de la latérite et du charbon, on écrit sur le « Fafa » (planche de 2 m de long sur 20 cm de large) la liste du programme d’apprentissage. Dorénavant, le maître sera appelé « Raevola » tandis que les étudiants « Mpianatsasy ».

Durant cette période, les mpianatsasy font vœux de chasteté pour se purifier et se concentrer à leur apprentissage. Le cas échéant, l’exclusion du cycle de formation sera signifiée aussitôt par le Raevola. Parmi tout ce qu’ils doivent apprendre, le « Haky» ne peut être pointé du doigt ni même prononcé, sans auparavant s’être acquitter d’une certaine somme d’argent. Le haky relève directement de Dieu.

Durant l’enseignement et pour leur protection, les élèves dorment sur des nattes neuves chez le Raevola. De même, leur nourriture immaculée est accompagnée soit de viande, soit de lait.

Des rituels sont respectés afin de solliciter le savoir céleste. Un bain quotidien dans la rivière est effectué dès l’aurore.

Dans un grand silence, ils plongent dans l’eau, s’immergent trois fois, se purgent puis remontent trois fois le courant. En rentrant au village, ils récitent tout ce qu’ils ont appris, pour prendre à cœur et vivre leurs nouvelles connaissances. Ce dur apprentissage requiert un immense effort intellectuel. Il ne s’agit pas de retenir uniquement tout ce qui concerne les ody, mais aussi tout le vocable. D’autant plus, qu’il ne s’agit pas de dialecte Bara classique, mais d’un langage propre aux initiés que sont les ombiasa.

Voici quelques exemples :

Bilady : terre, territoire

Abiby : esclave, serviteur

Fahatelo : frère, ami, sœur

Saily : mère, femme mûre

Sailimaro : groupe de personnes

Sailibe : grand-mère, toute femme âgée

Betsimisay : terme désignant les femmes

Maly : zébu, biens, toute propriété

Haja : riz, nourriture, toute alimentation

Akiha : maison, village, région, cour

Fianaho : descendance ou enfant d’autrui

Haky : Dieu et tout ce qui relève du sacré

Safary : voie, grande route ou petit chemin

Sorata : parent, tout adulte avec ou sans descendance

Soratabe : grand-père, ancien et notable d’âge avancé

Quand l’enseignant estime que ses apprentis sont dignes de confiance, il choisit un jour faste pour leur conférer le plein pouvoir des ombiasa.

LA FIN DE L’APPRENTISSAGE :

La vérification des connaissances par le Raevola se faisait en deux étapes : la veille et le jour de leur consécration. La première se déroule ainsi : L’épouse du Raevola mime la perte d’un bien en le manifestant à haute voix, tout en le cherchant partout. Elle convoque un à un les Mpianatsasy pour trouver l’objet égaré. On les questionne séparément afin d’éviter qu’ils se communiquent les réponses.

Quand ce jour exceptionnel arrive, dans une grande réjouissance, ils préparent leurs plus belles parures pour célébrer la séparation, après cette période où tout s’est bien passé entre eux. Avec le Raevola, ils se retirent dans un endroit calme pour préparer un dernier repas rituel. Dans la même marmite, on fait cuire un coq (qui chantait bien), du riz, d’autres animaux et quelques plantes médicinales.

Lors de ce repas spécial autour du feu, ils ne doivent manifester aucun dégoût. Ils utilisent trois ustensiles pour se servir : une hache, un ciseau à bois et une grande cuillère. En se servant avec la hache, le Raevola formule : « Ce que je fend sera coupé, ce que je tranche sera décidé. » Chaque Mpianatsasy saisira les ustensiles et reprendra ces formulations. Ensuite, le Raevola sert le riz avec le ciseau à bois : « Ce que je formule est immuable, mes œuvres ne seront pas vains mais s’élèveront. » Il termine en prenant la grande cuillère : « Ce que ma bouche désigne, sera à jamais marqué d’une pointe de lance. »

A l’issue du repas, le Raevola donne un coup de hache dans un tronc d‘arbre de la taille d’un homme. Avec la même hache, chaque candidat doit répéter l’opération et viser juste. Toute déviation, par rapport au premier sillon laissé par le maître, est considérée comme une faute, quelque soit l’intervalle. La seconde partie sera consacrée à l’interprétation de ces résultats.

En silence, ils s’assoient tous autour du Raevola, qui définira le caractère de chacun, selon la qualité de leur visée. Certains auront une grande fortune, grâce aux ody, et pourront poursuivre leurs études. Pour d’autres, les ody n’apporteront rien, et, ils devraient cesser leur formation. Les derniers sont interdits d’accès aux ody afin de ne pas basculer dans la sorcellerie.

Après le Raevola les bénit pour prendre possession de leur pouvoir d’ombiasa. Chacun rentre chez soi et peut réintroduire dans son alimentation tout ce qui lui était interdit auparavant. Quant au « Fafa », la planche de recueil du savoir, elle finira sa vie dans une rivière célèbre afin de perpétuer la renommée des érudits.

Dorénavant, plus personne ne les nomme « mpianatsasy » mais ombiasa, sauf le Raevola qui les appelle « Zanabola ». Ainsi s’achève le premier cycle d’apprentissage d’ombiasa. Mais, il leur reste encore à acquérir l’épistémè.

LES COMPOSANTS DES ODY ET LEURS PREPARATIONS :

Les dérivés de plantes sont utilisés de quatre manières :

Les feuilles vertes :

Ces ody poussent partout et peuvent être cueillis dès qu’on en a besoin.

Tohiresy :

Il s’agit de plusieurs variétés de racines enfilées en collier. Certains sont de la taille d’un doigt, d’autres comme l’avant bras. En cas de besoin, on râpe ces racines avec une pierre que l’on lèche directement. Sinon on applique la poudre sur le front, le dos ou la nuque… On peut aussi recueillir la poudre dans une assiette pour faire une décoction, et ensuite la boire.

Vo :

Râper les ody du torihesy, mélanger la poudre avec de l’huile qu’on enveloppe dans du lambarano, la toile de Bengale bleue. Accrochée autour du cou, cette amulette protège des incidents inopinés.

Mohara :

Talisman préservatif que l’on porte dans l’extrémité d’une corne de zébu. Richement décoré de perles pour faire impression, la corne contient un mélange de plantes médicinales incinérées et de poudre de tohiresy. Le tout sera recouvert d’huile. Afin de les sacraliser, toutes ces préparations seront embaumées avec du Ramy, gomme issue d’un grand arbre. (encens blanc d’Afrique)

LES VARIETES DE ODY ET LEURS UTILISATIONS :

Au commencement, grâce à la générosité du fils du CREATEUR, les ody étaient uniquement destinés à la guérison et au soulagement des douleurs. On les nommera aussi « Fanàla » afin de les différencier des « Mosavy » ou « Vorika » que sont les ody maléfiques, inventés ultérieurement par certains individus malintentionnés.

Les différents Mosavy et leurs usages :

Raihelatse : Ody maléfique visant les femmes enceintes, responsable d’évanouissement et de vision (éclair ou miroitement) après l’accouchement.

Tsitrabalimatsaka : Ody maléfique causant une mort subite, aussi prompt que la durée d’une corvée d’eau. (mourir avant d’être de retour de la source)

Variritse : Ody maléfique entraînant la mort pendant qu’on cuisine, ou en fin de cuisson du riz. (il n’y a plus d’eau de cuisson du riz)

Somondraravaky : Ody maléfique visant les jeunes que l’on convoite (jeune fille désirable).

Barikatapaka : Ody maléfique pouvant toucher tout le monde, quel que soit l’âge ou la catégorie sociale. Il se manifeste par des courbatures dans le dos et de « points de côté. » Le malade manifeste sa douleur par des complaintes (comme une barrique sectionnée).

Maolalava : Ody maléfique sans issue fatale mais, au début, responsable de perte de mémoire et de divagation (longue maladie mentale) enfin, se terminant par une tétanie.

Mandriko : Poison appliqué aux projectiles aggravant les blessures et amplifiant la détonation (du temps où les Bara détenaient fusils et sagaies).

Gagamañoaka : Les victimes de cet Ody maléfique coassent comme des corbeaux.

L’utilisation de ces ody maléfiques est très diversifiée. Pour certains, un simple regard posé sur eux déclencherait leur pouvoir.

Pour d’autres, il est nécessaire de disposer des phanères ou d’un morceau de vêtement de la future victime. En dernier recours, il faut incorporer les ody à l’alimentation de l’intéressé. On peut aussi les appliquer sur les biens des victimes (terre, maison, rizière).

Enfin, une dernière technique appelée « tsongodia » consiste à mélanger les ody avec la poussière des traces de pas des victimes.

Les différents Fanala et leurs usages :

Famoto et laimalinika : Il s’agit de remède préventif ou curatif, administré aux hommes (essentiellement les bouviers) ou aux animaux contre les morsures d’arachnide. Cet ody protège aussi le bétail ayant ingurgité des insectes en s’abreuvant.

Fañidy : Remède préventif contre les morsures de caïman, lors des baignades et des traversées de rivière.

Firoratra : Amulette favorisant l’enrichissement, qu’on accroche au dessus de la porte pour ce faire.

Odivona : Remède contre la stérilité, mais aussi pour éviter la mort précoce du nouveau-né.

Mahavaly : Ody appliqué aux zébus pour éviter qu’on les vols. Malgré cela, s’ils se font quand même dérober, alors le voleur aura des problèmes dermatologiques.

Odibasy : Ody porté sur les parties du corps (bras, poitrine, dos, front…) empêchant l’ennemi de viser et le cas échéant, d’éviter l’impact des projectiles ou des sagaies.

Odiahitsy : Protection contre certains esprits maléfiques, responsables de misère et de maladie.

Safaimbola : Ody préservant l’avenir et après la mort, en permettant le bien de s’installer tout en chassant le mal.

Toetsimindry : Ody renforçant l’honneur, l’appréciation par les souverains et le voisinage.

Raiaja, Betambà : Ody empêchant les malfaiteurs d’agir ou de tuer.

Odisimbanalo : Ody protégeant contre tous les maléfices, mais aussi pour en guérir.