Nouveau vocabulaire de la politique et des relations internationales

Journal officiel de la République française du 21 décembre 2023. 

une diplomatie hybride : [relations internationales] la forme de diplomatie qui associe des représentants étatiques et des acteurs non étatiques. En anglais : track 1.5 diplomacy, track one and a half diplomacy. Voir aussi : acteur non étatique, diplomatie informelle, diplomatie non gouvernementale.

une diplomatie informelle : [relations internationales] la forme de diplomatie menée en dehors des canaux officiels de négociation en vue de préparer, d'accompagner ou de remplacer des négociations officielles entre acteurs étatiques. En anglais : back channel diplomacy, backchannel diplomacy. Voir aussi : diplomatie hybride, diplomatie non gouvernementale.

une diplomatie non gouvernementale ou DNG : [relations internationales] la forme de diplomatie menée exclusivement par des acteurs non étatiques. En anglais : second track diplomacy, track 2 diplomacy. Voir aussi : acteur non étatique, diplomatie hybride.

un dossier compromettant : [relations internationales] un ensemble de documents compromettants, authentiques ou fabriqués, utilisés pour nuire à une personne influente, investie d'une autorité ou ayant accès à des informations sensibles, ou pour faire pression sur elle. En russe : Компромат, kompromat.

une obligation de rendre compte : [relations internationales - économie et gestion d'entreprise] le devoir incombant à une personne physique ou morale responsable d'une tâche de répondre des résultats et du choix des moyens mis en œuvre. Pour parler d'une personne assujettie à une telle obligation, on dira qu'elle est « comptable » de sa gestion, de son bilan, etc. On trouve aussi le terme « redevabilité », qui est déconseillé dans ce sens. En anglais : accountability. Attention : Cette publication annule et remplace celle du Journal officiel du 16 septembre 2006.

un pays attentiste : [relations internationales] un pays qui, face à un enjeu international, préfère ne pas prendre parti ou différer sa décision. En anglais : fence-sitting country.

un refoulement illégal : [relations internationales] l'action qui consiste, pour un État ou un groupe d'États, à refouler des migrants voulant entrer sur leur territoire sans avoir instruit préalablement leur demande conformément au droit. En anglais : push back, push-back.


 Deep state, game changer, snapback... Si l’anglais est la langue de prédilection des relations diplomatiques et de la politique internationale, disposer des concepts pour aborder ces questions en français n’en demeure pas moins nécessaire : c’est pourquoi les experts des affaires étrangères de la Commission d’enrichissement de la langue française ont élaboré de nouveaux termes, parus au Journal officiel de la République française du 1er juillet 2022.


 Une première série de termes concerne les relations internationales à proprement parler. Ainsi, une gouvernance qui associe diverses parties prenantes sera appelée gouvernance multipartite ou gouvernance multiacteur (multistakeholderism). Les échanges et la coopération avec d’autres pays peuvent se dérouler dans un contexte dit d’autonomie stratégique ouverte (open strategic autonomy), un concept apparu au sein de l’Union européenne. Les experts ont par ailleurs repris l’étude de l’anglicisme snapback qui se dit désormais clause de rétroaction, laquelle s’applique dans les situations où une des parties ne respecte pas ses engagements. Et pour faire référence à l’érosion de la puissance et de l’influence de l’Occident, thème traité par la Conférence de Munich sur la Sécurité en 2020, les experts ont opté pour le terme désoccidentalisation (westlessness en anglais), qui peut correspondre à une situation constatée comme à un processus en cours.


D’autres termes se rapportent davantage à des notions de politique intérieure. Afin de nommer un régime accordant la priorité à l’écologie, la Commission propose le terme démocratie écologiste (ecocentric democracy, ecodemocracy), où l’adjectif souligne une politique volontariste. L’on peut également parler de démocratie écocentrée. Pour traduire deep state, la Commission entérine le terme État profond, déjà en usage, ainsi que son synonyme État souterrain, qui évoque bien une tentative de peser discrètement sur la politique d’un gouvernement. Sur un versant plus économique, deux termes sont proposés comme équivalents à des néologismes nés en Amérique latine : l’extractivisme (extractivismo en espagnol, extrativismo en portugais) ainsi que sa mise en œuvre dans une perspective sociale, le néoextractivisme (neo-extractivismo, neo-extrativismo).


 Enfin, signalons un terme qui concerne bien d’autres domaines que les seules relations internationales : il s’agit de tournant décisif, à utiliser à la place de game changer.


 Pour parfaire votre connaissance de cette nouvelle liste, qui se veut un tournant décisif dans la terminologie des relations internationales, découvrez deux derniers termes : pouvoir de manipulation et transnationalisme.


une autonomie stratégique ouverte : [relations internationales] le fait, pour un pays ou pour un ensemble de pays, de disposer des moyens de préserver ses intérêts vitaux, tout en poursuivant les échanges et la coopération avec d'autres pays. Le concept d'autonomie stratégique ouverte est apparu au sein de l'Union européenne. En anglais : open strategic autonomy.


une clause de rétroaction : [relations internationales] la clause d'un accord selon laquelle les parties conviennent de revenir automatiquement à la situation antérieure si l'une d'entre elles ne respecte pas ses engagements. En anglais : snap-back, snapback. Attention : Cette publication annule et remplace celle du terme « règle de caducité » au Journal officiel du 13 décembre 2017.


une démocratie écologiste ou une démocratie écocentrée. : [politique] une démocratie qui définit ses orientations en accordant la priorité à l'écologie. En anglais : ecocentric democracy, ecodemocracy.


une désoccidentalisation : [relations internationales] une érosion des valeurs, de la puissance ou de l'influence de l'Occident dans le monde ou dans une partie du monde. En anglais : westlessness.


un État profond ou un État souterrain : [politique] un ensemble de personnes, généralement soutenues par des groupes d'intérêt, dont on suppose que les rôles clés au sein de l'État leur permettent d'influencer discrètement la politique gouvernementale ou de contrecarrer sa mise en œuvre. En anglais : deep state.


un extractivisme : [politique - économie générale] une exploitation massive de ressources naturelles, notamment minières. Voir aussi : néoextractivisme. En anglais : extractivism ; en espagnol : extractivismo ; en portugais : extrativismo.


une gouvernance multipartite ou gouvernance multiacteur : [relations internationales] une gouvernance qui associe diverses parties prenantes. Dans une gouvernance multipartite, l'État est une partie prenante parmi d'autres. En anglais : multistakeholderism.


un néoextractivisme : [politique - économie générale] un modèle de développement fondé sur l'extractivisme, mis en œuvre par un État au service de sa politique de redistribution sociale. En espagnol : neo-extractivismo ; en portugais : neo-extrativismo. Voir aussi : extractivisme.


un pouvoir de manipulation : [politique - relations internationales] la capacité d'un État à manipuler les opinions publiques d'autres États, notamment par l'usage d'infox. En anglais : sharp power. Voir aussi : contrefaçon d'opinion, infox.


un tournant décisif : un évènement ou un élément nouveau qui marque un changement radical de situation. En anglais : game changer.

un transnationalisme : [relations internationales] le mode d'action et d'organisation de groupes non étatiques dont les activités se développent sans considération des frontières nationales. En anglais : transnationalism