Les suffixes -al et -el

-al et -el sont des suffixes formateur d'adjectifs (pouvant parfois être substantivés) à partir de substantifs appartenant à la langue française ou à partir de thèmes latins.

A. Relatif à, propre à, qui se rapporte à, qui appartient à, qui concerne ...

    • artisanal « relatif à l'artisan »

    • banal « qui appartient au ban, circonscription du suzerain »

    • beylical « qui a rapport au bey »

    • branchial « qui appartient aux branchies »

    • caricatural « qui tient de la caricature, qui y prête »

    • collégial « qui se rapporte à un collège (réunion de chanoines) »

    • colonial « relatif aux colonies »

    • comtal « qui se rapporte à un comte, à une comtesse »

    • commercial « relatif au commerce »

    • ducal « qui appartient à un duc, à une duchesse »

    • génial « qui appartient au génie, qui est inspiré par le génie »

    • marial « relatif à la Vierge Marie »

    • mondial « relatif à la terre entière, qui concerne toute la terre »

    • monumental « relatif aux monuments »

    • musical « qui est propre, qui appartient à la musique; qui a les caractères de la musique »

    • nymphal « relatif aux nymphes d'insectes »

    • papal « qui appartient au pape »

    • postal « qui concerne la poste, l'administration des postes »

    • orchestral « propre, relatif à l'orchestre symphonique »

    • racial « relatif à la race, aux races »

    • régional « relatif à une région »

    • seigneurial « qui appartient à un seigneur »

    • sentimental « qui concerne l'amour ; qui provient de causes d'ordre affectif »

    • tombal « qui appartient à une tombe, aux tombes »

    • tribal « relatif à la tribu » 


    • alluvionnel « relatif aux alluvions »

    • confessionnel « relatif à une confession de foi, à une religion »

    • conjoncturel « relatif à la conjoncture économique »

    • constitutionnel « relatif à la constitution d'un État »

    • correctionnel « qui a rapport aux actes qualifiés de délits par la loi »

    • émotionnel « relatif à l'émotion, qui a le caractère de l'émotion »

    • existentiel « relatif à l'existence en tant que réalité vécue »

    • fonctionnel « relatif aux fonctions (en biologie, psychologie, chimie) »

    • individuel « qui concerne l'individu ; qui concerne une seule personne »

    • industriel « qui se rapporte à l'industrie »

    • insurrectionnel « qui tient de l'insurrection »

    • matriciel « relatif aux matrices de l'administration »

    • obédientiel « relatif à l'obédience »

    • présidentiel « relatif au président, à la présidence »

    • professionnel « relatif à la profession, au métier »

    • pulsionnel « relatif aux pulsions »

    • réactionnel « qui a rapport à une réaction organique; qui constitue une réaction contre une situation mal supportée, une pulsion refoulée »

    • rédactionnel « relatif à la rédaction »

    • résidentiel « propre à l'habitation, à la résidence »

    • sériel « qui forme une série, appartient à la série »

    • torrentiel « relatif au torrent, qui caractérise, concerne le torrent »

    • transactionnel « qui concerne une transaction, a le caractère d'une transaction »

    • vectoriel « relatif aux vecteurs »


    • équatorial « relatif à l'équateur terrestre »

    • provençal « qui appartient ou qui a rapport à la Provence et à ses environs immédiats »

    • tropical « qui concerne les tropiques, la zone intertropicale, les régions situées autour de chaque tropique, de part et d'autre de la zone équatoriale proprement dite »

    • zénithal « relatif au zénith »

    • zodiacal « relatif au zodiaque »...

    • à comparer avec colonial, mondial et aux termes médicaux.


    • concurrentiel « où s'exerce la concurrence »


    • auroral « relatif à l'aurore »

    • matinal « qui appartient au matin, qui se produit le matin »

    • septembral « qui appartient au mois de septembre »

    • solsticial « relatif aux solstices »


En médecine, ce suffixe, surtout sous la forme -al, est très productif. La base est un substantif désignant un organe, une partie ou une substance du corps humain (abdominal, anal, anévrismal, duodénal, endothélial, synovial, tympanal, ventral ...; artériel), une maladie, ses manifestations ou ses causes (grippal, rhumatismal, pétéchial, syncopal, trichinal, vaccinal ...; carentiel, lésionnel). Toutefois, la forme -el prédomine en français moderne et sert à former des dérivés appartenant surtout à la psychanalyse (caractériel, confusionnel, démentiel, obsessionnel, réactionnel ...). Un grand nombre de noms de médicaments se terminent par le suffixe -al (penthiobarbital, penthotal, pipéronal, véronal...). Voir les répertoires de pharmacie.

    • conjectural « qui est fondé sur des conjectures »

    • instrumental « qui s'exécute avec des instruments »


    • accidentel « qui constitue une modification passagère ; qui est produit par une circonstance occasionnelle »

    • additionnel « qui s'ajoute ou doit s'ajouter »

    • confidentiel « qui se dit, se fait sous le sceau du secret »

    • exceptionnel « qui constitue une exception; qui est hors de l'ordinaire »

    • intentionnel « qui est fait exprès, à dessein »

    • possessionnel « qui marque la possession »

    • préférentiel « qui établit une préférence »

    • prévisionnel « qui est en prévision de quelque chose ; qui fait l'objet d'une étude ou qui constitue une étude destinée à prévoir qqc. »

    • sensationnel « qui fait sensation, produit une vive impression sur le public »


Noter aussi : bancal (de banc, les pieds d'un banc étant souvent divergents) « se dit d'une personne qui a une jambe ou les jambes torses, et dont la marche est inégale ; se dit d'un meuble dont les pieds sont inégaux et qui n'est pas d'aplomb »

La base est latine ou le dérivé est emprunté directement au latin : 

    • abbatial « qui appartient à l'abbaye, ou à l'abbé, l'abbesse »

    • baptismal « qui a rapport au baptême »

    • censorial « relatif à la censure »

    • clérical « relatif au clergé ; qui a rapport au cléricalisme »

    • conjugal « relatif à l'union entre le mari et la femme »

    • dominical « qui appartient au Seigneur ; qui a rapport au dimanche, jour du Seigneur »

    • ecclésial « qui concerne l'Église, entendue comme communauté, sous son aspect social et juridique »

    • familial « relatif à la famille »

    • filial « qui émane d'un enfant à l'égard de ses parents »

    • lacrymal « qui a rapport aux larmes, à la production ou à l'écoulement des larmes »

    • matrimonial « qui a rapport au mariage »

    • matutinal « qui appartient au matin »

    • nuptial « relatif aux noces, à la célébration du mariage »

    • pictural « qui a rapport ou appartient à la peinture »

    • prétorial « relatif au prétoire »

    • rural « qui concerne la vie dans les campagnes »

    • sénatorial « qui est relatif, qui appartient à un sénat, aux sénateurs »

    • sororal « relatif à la sœur, aux sœurs »

    • spatial « qui se rapporte à l'espace, est du domaine de l'espace »

    • tinctorial « relatif à la teinture »

    • virginal « propre à une vierge »

    • vital « qui concerne, constitue la vie » 


Les dérivés en -el, dans ce cas, sont presque tous empruntés directement au latin : actuel, charnel, corporel, criminel, essentiel, immortel, originel, personnel, rationnel, temporel,... Toutefois proviennent d'un dérivé emprunté au latin :

    • fraternel « qui concerne les relations entre frères ou entre frères et sœurs ; propre à des êtres qui se traitent en frères »

    • maternel « qui appartient à la mère, lui est propre; qui a rapport à la mère, quant à la filiation, à la relation familiale »

    • mutuel « qui est relatif à un rapport double et simultané, un échange d'actes, de sentiments »

    • paternel « qui est propre au père, qui concerne le père »

    • spirituel « relatif à l'âme, en tant qu'émanation et reflet d'un principe supérieur, divin »


Certains de ces dérivés pénètrent de plus en plus dans le vocabulaire technique.

    • en linguistique : adnominal, adverbial, apical, bilabial, grammatical, labial, labiodental, nominal, pronominal, substantival, suffixal, verbal. 

    • en mathématiques : décimal, duodécimal, heptagonal, hexagonal, octogonal, orthogonal, pentagonal, polygonal,  sexagésimal, vicésimal .

    • en médecine : buccal, cæcal, cervical, crural, discal, jugal, radial, stomacal. 

    • en sciences naturelles : marsupial, staminal, uropygial. 


B. Servant à exprimer une qualité (ou un défaut) :

    • amical « empreint d'amitié, qui marque de l'amitié »

    • amoral « qui est moralement neutre, étranger au domaine de la moralité; qui est immoral par défaut de sens moral » (à comparer avec moral, immoral)

    • bestial « qui tient de la bête, qui assimile l'homme à la bête »

    • brutal « qui tient de la brute; qui use volontiers de violence, du fait de son tempérament rude et grossier ; qui est sans ménagement, ne craint pas de choquer »

    • cordial « qui vient du cœur »

    • jovial « qui est plein de gaieté franche, simple et communicative [comme les personnes nées sous le signe de Jupiter] »

    • loyal « qui est entièrement fidèle aux engagements pris, qui obéit aux lois de l'honneur et de la probité » (à comparer avec déloyal)

    • vénal « qui se laisse acheter au mépris de la morale »...


    • sensuel « porté à rechercher et à goûter tout ce qui flatte les sens »

    • -el, la forme populaire du suffixe, a surtout contribué à former des dérivés à partir de substantifs de la langue française, d'où le nombre réduit de dérivés en -el trouvés dans cette partie.


Selon la signification et la nature du substantif qui régit le dérivé, celui-ci peut exprimer des choses différentes. Ainsi la colonne vertébrale est composée de vertèbres, alors qu'une tumeur vertébrale est une tumeur placée dans la région des vertèbres.

Les suffixes -el/-al sont le plus souvent présentés comme des variantes, il arrive cependant que des adjectifs formés avec l'un et l'autre une fois lexicalisés se différencient : 

    • culturel n'a été sémantiquement réservé à la culture de l'esprit qu'en contraste avec cultural, et sans doute aussi par analogie avec naturel, auquel il s'oppose.  

    • official « juge ecclésiastique délégué par l'évêque pour exercer en son nom la juridiction contentieuse » / officiel « qui émane d'une autorité reconnue (gouvernement, administration) ; certifié par l'autorité ». 

    • original ne s'est spécialisé qu'en fonction de sa concurrence avec originel, originaire « qui parait inventé ou imaginé sans modèle ou souvenir antécédent », originel « qui remonte jusqu'à l'origine ». 

    • partial « qui prend parti pour ou contre quelqu'un ou quelque chose sans souci de vérité » se différencie de partiel « qui ne se réfère, qui ne concerne que la partie d'un tout » 

    • sacramentel et sacramental paraissent entièrement synonymes, si ce n'est peut-être que sacramentel a une forme un peu plus française et moins liturgique, ce qui le rendrait plus propre au langage profane ou du monde.


Plusieurs de ces dérivés sont entièrement substantivés : official, sacramental, qui appartiennent au vocabulaire ecclésiastique, journal, mémorial, etc. ; d'autres le sont dans certaines de leurs acceptions : armorial (recueil), idéal, local (administratif, etc.), original (d'un texte), principal (de collège), etc. ; d'autres sont en train de le devenir : (examen) partiel, (élément) terminal (d'une configuration électronique). lusieurs de ces substantifs l'étaient dans la langue à laquelle ils sont empruntés : festival, récital (anglais), piédestal (italien), tribunal (latin), etc.

-al se présente le plus souvent sous la forme simple (global, musical, pyramidal, verbal, zodiacal...), mais aussi : 

    • sous la forme -ial (adverbial, filial, présidial, proverbial...) surtout après [s] (facial, glacial, official, racial...) 

    • et dans la finale -orial généralement en relation avec un substantif en -eur : censeur, dictateur, ou en -oire : mémoire, territoire (censorial, dictatorial, mémorial, réquisitorial, sénatorial, territorial...). 


-el se présente sous la forme simple (formel, personnel, temporel...), mais aussi sous les formes : 

    • -uel : conceptuel, graduel, habituel, menstruel, perpétuel, résiduel, spirituel, télévisuel, textuel... 

    • -iel . Si la base est un subst. en -ance/-ence : concurrentiel, démentiel, événementiel, existentiel, préférentiel, référentiel, révérenciel, valentiel. Par analogie, en correspondance avec d'autres substantifs, notamment ceux dont la base se termine en [ʀ] ou [s] : factoriel, indiciel, industriel, sacrificiel, sectoriel, sensoriel, sériel, tensoriel... . Plus particulièrement en correspondance avec -ère : artère/ artériel, caractère/caractériel, matière/matériel, ministère/ministériel... 


Changements phonétiques ou graphiques dans le radical . -al : 

    • eu [œ] > o [ɔ] : censorial, dictatorial, sénatorial (à comparer toutefois avec seigneurial) 

    • oi [wa] > o [ɔ] : matrimonial, mémorial, réquisitorial, territorial. 

    • eu [œ] > u [y] : fluvial ... 

    • additionnel, conventionnel, émotionnel, fonctionnel, intentionnel, notionnel, passionnel, professionnel, rationnel, relationnel, sensationnel, traditionnel. 

    • conventionalisme, rationalisme, traditionalisme... . 

    • national (international, supranational)

    • cantonal, diagonal, méridional, patronal, polygonal, etc. 

    • un confessionnal, un processionnal

    • hiver/hivernal, vierge/virginal

    • matin/matinal, région/régional. 

    • La présence d'une syllabe de transition dans beylical (de bey) est inexplicable, elle se retrouve également dans le dérivé beylicat.


En position d'infixe, el est toujours remplacé par -al, ce qui montre l'équivalence des 2 suffixes. 

À partir de -al et -el se créent des verbes en -aliser : constitutionnel/constitutionaliser, départemental/départementaliser, fiscal/fiscaliser, formel/formaliser, institutionnel/institutionnaliser, intellectuel/intellectualiser, officiel/officialiser, personnel/personnaliser, proportionnel/proportionaliser, spatial/spatialiser, temporel/temporaliser, visuel/visualiser. 

À partir de -al et -el se forment des substantifs 

    • en -alisation, généralement par l'intermédiaire de verbes en -aliser : libéral/libéralisation, mutuel/mutualisation, normal/normalisation, rationnel/rationalisation. 

    • en -alité : féodal/féodalité, original/originalité, universel/universalité, formel/formalité. 

    • en -alisme (-aliste) : capital/capitalisme, colonial/colonialisme, idéal/idéalisme, journal/journalisme, national/nationalisme, patronal/patronalisme, régional/régionalisme, social/socialisme, conventionnel/conventionalisme, formel/formalisme, individuel/individualisme, intellectuel/intellectualisme, naturel/naturalisme, rationnel/rationalisme, réel/réalisme, sensuel/sensualisme. 


    • -al s'accole volontiers à la finale -ment ou à la finale -ure : . départemental, fondamental, gouvernemental, ornemental, sentimental ; architectural, caricatural, conjectural, cultural, horticultural, sculptural, structural... -al se place souvent derrière le suffixe -oïde : colloïdal, conchoïdal, cycloïdal, hélicoïdal, ovoïdal, rhomboïdal, sinusoïdal, sphéroïdal, spiroïdal, trapézoïdal... 

    • -el s'accole fréquemment à des substantifs en -tion, sion... : commotionnel, confusionnel, congrégationnel, directionnel, fonctionnel, fractionnel, gravitationnel, informationnel, institutionnel, lésionnel, obsessionnel, omnidirectionnel, opérationnel, propositionnel, provisionnel, pulsionnel, réactionnel, tridimensionnel, unidirectionnel. 

    • -el (sous la forme -iel) s'accole très souvent aux substantifs en -ance/-ence : circonstanciel, concurrentiel, confidentiel, providentiel, substantiel, tendanciel... 

    • Noter la correspondance fréquente de -el et de -ité : éternel/éternité, fraternel/fraternité, maternel/maternité, paternel/paternité. 


-al remonte au latin -lis (-lem), une finale adjective attachée à un radical substantif, qui présente les formes suivantes : -īlis, ulis, ēlis, ālis. Par dissimilation, après les radicaux en -l, la finale -ālis devient -āris (-aire). -el est la forme française du suffixe savant -al du latin -alis. Les deux suffixes semblent avoir été très productifs à toutes les époques de la langue. Il y a eu jusqu'au 17ème siècle dans beaucoup d'adjectifs et dans quelques substantifs une certaine hésitation entre -al et le suffixe populaire -el. 

Finales homophones :  maréchal, sénéchal, arsenal, orignal ; autel.

On a hésité entre -al et -ar/-ard. De même, ail dans corail, frontail, poitrail, portail a été sporadiquement remplacé par -al. Il y a eu substitution de -ier à -el (menestrel, pluriel), de -eau à -el (fronteau), de -eau à -el, lui-même substitué à -ier (linteau), et parfois alternance de -el et de -al.

Les formations en -el ont connu un développement récent très important. En effet, ces adjectifs intéressent surtout l'économie politique (préférentiel, prévisionnel, référentiel, sectoriel), la psychologie (démentiel, obsessionnel, réactionnel), les technologies récentes, comme la télévision (télévisuel) ou l'habitat moderne (résidentiel). Le suffixe -al a connu une extension plus régulière.

Lorsqu'il a le choix entre les deux suffixes -el et -al, le locuteur emploie actuellement de préférence celui en -el, dont l'extension est continue dans les sciences et les techniques ; ceci est confirmé par l'absence des dérivés en -al pour les mots en -tion, par opposition avec le développement de la forme -(n)el. À la limite, les sujets parlants tendent à distinguer les dérivés (par exemple idéel et idéal) encore qu'il soit impossible de parler de différenciation systématique.

en savoir plus : CNRTL.