Le suffixe -an

1. -an est un suffixe formateur de substantifs du vocabulaire scientifique :

    • argentan ou argenton « alliage de cuivre, zinc et nickel imitant l'argent »

    • constantan « alliage de cuivre et de nickel dont la résistance électrique varie peu avec la température »

    • indican (du latin indicum « indigo », mot créé par Schunck, en 1855) « glucoside extrait des feuilles de l'indigotier »

    • prolan (du grec proles « lignée », à comparer avec prolifique) « hormone d'origine placentaire qui favorise la gestation »

Il apparait aussi fréquemment en finale du nom de produits pharmaceutiques (phénergan, atophan, etc.)

-an jouant le rôle de suffixe formateur de termes scientifiques semble être d'origine anglaise (sur le modèle de indican). 


Autres formations avec an- :

    • alezan « (cheval, mulet) dont la robe est brun rougeâtre », un alezan balzan « (cheval) qui a des taches blanches aux pieds », une balzane « tache blanche aux pieds d'un cheval » rouan « (cheval aubère) qui a les crins et les poils des extrémités noirs »

    • un rouan rubican « (cheval) dont la robe est semée de poils blancs »

    • médian (la médiane)

    • occitan, l'occitan « langue d'oc »

    • d'antan

    • gnangnan (ou gniangnian). 

    • une désignation de personne : artisan, banian, chambellan, capitan, charlatan, chenapan, chouan, drogman, forban, gardian, hetman (ou ataman), houligan, korrigan « esprit malfaisant (Bretagne) », icoglan « officier du palais du sultan », pléban, ruf(f)ian, sultan, titan, traban « hallebardier des régiments suisses », tyran, uhlan « cavalier mercenaire (Pologne) » vétéran, etc. 

    • un oiseau : cormoran, faisan, halbran, milan, ortolan, pélican, pluvian, toucan, etc. ; un poisson : capelan, éperlan, flétan, merlan, serran, etc. ; autres animaux : caïman, daman, élan, orang-outan(g), pékan, etc. 

    • un inanimé : aman, astrakan, autan, bataclan, bilan, boucan, bougran, brelan, caban, cabestan, cadogan (ou catogan), cadran, caf(e)tan, cancan, capelan, carcan, cardan, cardigan, catamaran, divan, écran, élan, empan, encan, estran, firman, harmattan, hauban, jaseran, liman, mangoustan, mitan, myrobolan, océan, oliban, origan, ouragan, palan, parian, portulan, radian, raglan, ramadan, redan, risban, ruban, safran, sampan(g), slogan, tarpan, toboggan, toman, trépan, turban, tympan, volcan, yatagan, etc. 

Le seul nom féminin en -an est maman. 

La finale -an a des origines diverses. 

Dans de nombreux cas, an fonctionne comme une finale d'accueil, permettant l'adaptation au système français d'emprunts de terminaisons très diverses : 

    • le latin -anu(m) : décan < decanus, médian < medianus, occitan < latin médiéval (lingua) occitana, océan < oceanus, pélican < pelicanus, vétéran < veteranus, etc. 

    • phonétiquement le latin -ann- : carcan < latin médiéval carcannum, tyran < tyrannum

    • la finale -ano de l'italien ou de l'espagnol, de -anu(m) : artisan de l'italien artigiano, balzan de l'italien balzano, boucan de l'italien baccano, capitan de l'italien capitano, charlatan de l'italien ciarlatano, courtisan de l'italien i, partisan de l'italien partigiano, portulan de l'italien portolano, rubican de l'espagnol rabicano avec l'influence de rubicond, rouan de l'espagnol roano du latin ravus, rufian de l'italien ruffiano, etc. 

    • la finale -an du provençal,  de -anu(m) : autan, capelan, faisan, gardian, milan, ortolan, etc. 

    • la finale grecque -on (par l'intermédiaire du latin) : trépan du latin médiéval trepanum, du grec trupanon ; tympan du latin tympanum, du grec tumpanon 

    • le suffixe ou la terminaison -an de l'anglais : parian, radian, slogan, tartan, etc. 

    • arabe, persan, turc : alezan (espagnol alazan, emprunté à l'arabe al-hisan), aman (mot arabe), caban (italien de Sicile cabbanu, de l'arabe qabâ), caf(e)tan (turc qaftân), daman (mot arabe), divan (turc diouan, mot persan), dolman (turc dolâmân), firman (turc fermân), musulman (arabe muslim), ramadan (mot arabe), safran (arabo-persan za'farân, par le latin safranum), sultan (arabo-turc soltān), talisman (arabe vulgaire tilsam), toman (arabo-persan tûmân), turban (persan tülbend), yatagan (turc yâtâghan), etc. 

    • diverses langues : caïman (mot caraïbe, par l'espagnol), drogman (italien drogmanno, lui-même du grec byzantin), harmattan (mot africain), liman (mot russe), mangoustan (du malais, par le portugais mangustão), orang-outan (g) (mot malais), ouragan (mot des Antilles, par l'espagnol huracán), sampan(g) (mot chinois), toboggan (mot anglais du Canada, emprunté à l'algonquin), uhlan (mot allemand, emprunté au polonais, du tartare oglan « enfant »), etc. 

    • se substitue à -enc (et -eng) : chambellan (chamberlenc, du francique kamarling), cormoran (cormare(n)g, 12ème siècle, ancien français corp « corbeau » + marenc « marin »), merlan (merlenc, merlanc au 13ème siècle, de merle + suffixe germanique -ing), palan (palenc, 1573, italien palancio), etc. 

    • voir aussi brelan (variante brehant jusqu'au 18ème siècle, de l'ancien haut allemand bretling), éperlan (moyen néerlandais spierlinc), flétan (néerlandais vleting, de vlete « espèce de raie »). Par ailleurs, l'italien bilancio a donné bilan. 

    • d'autres finales (en particulier de langues nordiques) : chenapan (allemand schnapphahn), écran (moyen néerlandais scherm), élan (haut allemand elend), empan (francique spanna, à comparer avec l'allemand spanne), estran (normand, de strand), halbran (moyen haut allemand halber-ant), risban (néerlandais rijsbank), ruban (moyen néerlandais ringhband), etc. 

    • Certains mots sont de formation onomatopéique : bataclan, gnangnan (ou gnian-gnian), rataplan (ou rantamplan), cancan. 

    • D'autres remontent à un nom propre de personne ou de ville : cardan, cardigan, catogan ou cadogan, raglan ; astrakan, sedan.

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2. -an, -ane, est un suffixe exprimant l'idée d'appartenance, formateur d'adjectifs substantivables, le plus souvent des ethniques.

La base est un nom de pays, de région, d'ile : andorran, bigourdan (Bigorre), bressan, castillan, catalan, cerdan (Cerdagne), faucigneran (Faucigny), formosan, iseran (Isère), mosan (Meuse), mosellan, persan, rhénan, texan, toscan, valmoreysan (Valmorey). Noter aussi afghan, gitan, ottoman dont la base n'est pas isolable et les extensions de sens où le dérivé désigne la langue : le catalan, le toscan, le roman « langue courante, populaire, antérieure à l'ancien français » (d'où le sens de « œuvre écrite en roman », d'où « œuvre d'imagination... »). Paysan, qui, au Moyen Âge, a signifié « homme d'un pays » peut être considéré comme un ethnique.

La base est un nom de ville. Villes espagnoles ou italiennes : capouan, cordouan, gaditan (Cadix), mantouan, orviétan, padouan, parmesan (Parme), pavesan (Pavie), pisan, sévillan, tolédan, trévisan. Villes françaises : beaussetan (Le Beausset), belleysan (Belley), cannettan (Le Cannet), cérétan (Céret), chirouzan (Chirouzes), lauzetan (Le Lauzet), miribelan (Miribel), seysselan (Seyssel), vénissian (Vénissieux). 

Formations particulières : catalan (Catalogne), cerdan (Cerdagne), orviétan (Orvieto), texan (Texas), vénissian (Vénissieux).

On notera les extensions ou le dérivé désigne des choses concrètes : orviétan « remède de charlatan », parmesan « fromage ».

Les mots anglican, gallican, musulman qui sont des emprunts et qui désignent les adeptes d'une religion ont permis la création analogique du dérivé mahométan.

Artisan, capitan, courtisan, gardian, partisan ne sont pas des dérivés français, mais des emprunts à l'italien. 

Le suffixe -an, ane est généralement considéré comme la forme savante du suffixe -ain, aine issu régulièrement de anu(m). Il reproduit, dans les mots d'emprunt, le latin -anu(m) : persan < persanus ; rhénan < rhénanus. Parfois -an a existé antérieurement à -ain : african 1080, africain 16ème siècle ; riveran 1333, riverain 1690 ; samarithan 1330, samaritain en français moderne. 

Les noms de villes ou de régions françaises dérivées en -an, ane se situent presque tous dans la moitié sud du pays. 

-an, ane est l'adaptation d'emprunts à l'anglais : anglican, texan, (et peut-être formosan). 

Le suffixe -an, ane n'a jamais été réellement productif. Il a essentiellement servi à adapter des emprunts. 

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