Le suffixe -ail

-ail est un suffixe formateur de substantifs masculins.

A.− Le dérivé désigne un outil, et plus généralement, un objet servant à un usage déterminé :

    • attirail (d'attirer) « ensemble d'objets nécessaires pour un usage déterminé ; équipement compliqué, encombrant ou ridicule »

    • épouvantail (d'épouvanter) « objet qu'on met dans les champs, les jardins, les arbres pour effrayer les oiseaux et les empêcher de manger les graines, les fruits »; par analogie « objet, personne qui inspire de vaines ou d'excessives terreurs »

    • éventail (d'éventer) « instrument portatif qu'on agite d'un mouvement de va-et-vient pour produire de la fraicheur ; spécialement, cet instrument, formé d'une feuille de tissu, papier, montée sur des branches articulées, qu'on peut déployer ou refermer; ensemble de choses diverses d'une même catégorie (qui peut être augmenté ou diminué comme on ouvre ou ferme un éventail) »

    • fermail (de fermer) « agrafe ; fermoir de livre »

    • gouvernail (du latin gŭbĕrnācŭlum; de gŭbĕrnare, gouverner) « plan mince orientable servant à régler la direction, les évolutions d'un navire ; par analogie ou au figuré, ce qui sert à diriger, à conduire »

    • mézail (origine incertaine) « armure de tête, visière mobile d'un casque fermé »

    • soupirail (de soupirer) « ouverture pratiquée dans le soubassement d'un rez-de-chaussée pour donner de l'air, du jour aux caves et pièces en sous-sol »

    • vantail (de vent) « panneau mobile »

    • ventail (de vent) ou ventaille « partie de la visière des casques clos par où passait l'air »

    • De même : aspirail et en ancien français afermail (fermoir), afichail (agrafe), afublail (vêtement), alumail (mèche), amorsail (amorce), atachail (attache), bersail (cible), cordail (corde), mirail (miroir), terrail (retranchement de terre), badail, encornail, tampail...

On peut rapprocher de ces mots certains vocables dans lesquels -ail est une finale homophone du suffixe :

    • tramail ou trémail (du bas latin tremaculum, de tri, trois et macula, maille) « grand filet de pêche formé de trois nappes superposées »

    • travail (du bas latin tripalium, de tri, trois, et pālūs, pieu)« dispositif servant à immobiliser les grands animaux (chevaux, bœufs) pour pratiquer sur eux certaines opérations »


B.− Le dérivé désigne un collectif :

    • aiguail « rosée »

    • bétail « ensemble des animaux entretenus pour la production agricole »

    • harpail ou harpaille « troupe de biches ou de jeunes cerfs »

    • plumail « petit balai de plumes »


En ancien français, certains dérivés désignent des lieux comme par exemple cenail « grenier, fenil » ; le français moderne a conservé bercail remplaçant la forme française normale bergeail et a accepté foirail, mot du Centre et du Sud, répandu vers 1874.

Ce suffixe vient du latin -ācŭlum, très productif dans la formation de dérivés désignant principalement des outils. Toutefois, il contribue également à former des dérivés de sens très divers. 

Dans certains dérivés, le suffixe -ail s'est substitué au suffixe -al : frontail pour frontal « partie de la têtière du cheval qui passe sur le front », poitrail pour l'ancien français peitral « partie du harnais couvrant la poitrine du cheval », portail pour portal, vitrail pour vitral.

Finale homophone

    • camail, du provençal capmalh (du latin caput « tête » et macula « maille »)

    • caravansérail du turc karwan-serai, emprunté au persan qayrawān « caravane » et I« habitation »

    • chandail, abréviation populaire de marchand d'ail, « nom donné au tricot porté par les vendeurs de légumes aux Halles, puis adopté par le fabricant Gamart, d'Amiens »

    • corail, du latin corallium, emprunté au grec korallion

    • émail, du francique smalt (en allemand Schmelz, de schmelzen « fondre »)

    • sérail, de l'italien serraglio (avec r double, par attraction de serrare « fermer », serraglio « clôture »), du turco-persan serâï « palais » 

    • trenail, de l'anglais treenail « cheville de bois », de tree « arbre » et nail « clou »


Le suffixe -ail productif autrefois ne l'est plus aujourd'hui. La création la plus récente, foirail, remonte à 1874, mais ce mot existait déjà dans les patois du Centre et du Sud.