Le suffixe -aille
1. -aille est un suffixe formateur de substantifs féminins ayant une valeur collective (avec ou sans nuance péjorative).
• blocaille « matériau formé de débris de briques et de moellons, de petites pierres »
• broussaille « surtout au pluriel, végétation touffue des terrains incultes, composée d'arbustes et de plantes rabougris, rameux et épineux »
• fouaille (de l'ancien français fou « feu ») « abats de sanglier cuits au feu, que l'on donne au chien après la chasse »
• futaille « ensemble de tonneaux, de fûts, etc. »
• muraille « étendue de murs élevés et assez épais »
• pierraille « petites pierres, éclats de pierres; étendue de pierres »
• rocaille « pierres qui jonchent le sol; terrain plein de pierres ; pierres cimentées utilisées avec des coquillages, etc., pour construire des grottes artificielles, des décorations de jardin... »
• bordaille
• brumaille
• cendraille
• charbonnaille
• cornaille
• fagotaille
• mitraille (de l'ancien français mite « monnaie de cuivre de Flandres »)
• moellonaille (« menus moellons »),
• verraille (« menus objets de verre »)
• fonçailles (de foncer « garnir d'un fond ») « planches qui forment le fond d'un tonneau, d'une couchette, d'un lit »
• sonnaille « cloche ou clochette attachée au cou d'un animal domestique, bétail ou bête de somme ; par extension, son, bruit de cloches ».
• bisaille (bis) « mélange de pois gris et de vesce pour nourrir la volaille »
• longuailles « pièces qui font la longueur d'un tonneau; il se dit par opposition à fonçailles »
• couaille (de coe, forme ancienne de queue)« laine de seconde qualité coupée près de la queue »
• mouscaille (de mousse « excrément »), être dans la mouscaille « avoir de graves ennuis, être dans la misère, la pauvreté »
• canaille (qui a remplacé l'ancien chiennaille) « ramassis de gens méprisables ou considérés comme tels »
• marmaille (radical de marmot « petit enfant ») « groupe nombreux de jeunes enfants bruyants »
• piétaille « l'infanterie, les petits, les subalternes; les piétons »
• prêtraille « terme injurieux pour désigner le clergé »
• valetaille « ensemble de valets, domesticité (seulement en mauvaise part) »
• cochonnaille
• crapaudaille
• crépodaille (« tissu en crêpe »)
• créponaille (« crépon »)
• ferraille (au sens de « déchets de fer, d'acier »)
• flicaille
• frocaille (« réunion de moines »)
• gentilhommaille
• maraudaille
• merdaille
• moinaille (« les moines en général »),
• monacaille
• moutonnaille
• parentaille
• paysandaille
• philosophaille
• piétonaille
• ribaudaille
• tripaille
• truandaille
• boustifaille (altération expressive de boufaille, dérivé de bouffer) « nourriture, repas »
• crevaille « repas où l'on mange avec excès »
• huaille « canaille, cohue »
• pendaille« canaille digne d'être pendue »
• triaille « chez les cartiers, cartes de qualité inférieure, de rebut »
• antiquaille « monuments antiques de peu de valeur »
• bleusaille « ensemble des conscrits »
• gueusaille « troupe de gueux, l'ensemble des gueux »
• pédantaille « ramassis de pédants »
Plusieurs de ces collectifs à valeur péjorative, tout en conservant cette valeur, ont parfois perdu leur sens collectif (antiquaille « objet ancien sans valeur ») ou ont doublé leur sens collectif d'un emploi (parfois dominant) pour désigner soit un individu (bleusaille « conscrit », canaille, moinaille « moine ») ou un objet (futaille « récipient de bois en forme de tonneau »), soit une matière (bisaille « farine de deuxième qualité dont on fait le pain bis »). Parfois aussi la valeur collective du mot de base est estompée dans le dérivé lorsque celui-ci désigne un objet (sonnaille « cloche », dérivé de sonner « faire entendre un bruit de cloche »).
-aille, en position d'infixe, se fait suivre fréquemment du suffixe -on, ce qui confère aux dérivés ainsi créés, un sens très nettement péjoratif : buvaillon, peintraillon, plaidaillon.
2. Le dérivé désigne une action (en particulier un rite, une fête familiale), l'instrument nécessaire à l'action ou le résultat de cette action (généralement de nature technologique). La base est le plus souvent verbale.
• accordailles « fiançailles »
• épousailles « célébration d'un mariage »
• fiançailles « promesse solennelle de mariage, échangée entre futurs époux; temps qui s'écoule entre la promesse et la célébration du mariage »
• relevailles « rite chrétien par lequel une accouchée vient remercier Dieu ; vieilli ou rural, (le) fait de se lever, de relever de couches »
• retrouvaille « action de retrouver ce dont on était séparé, ce qu'on avait perdu ; (au pluriel) les retrouvailles (de personnes qui se retrouvent) »
• semailles « travail qui consiste à semer, à ensemencer »
• bataille,
• trouvaille
• cisaille « gros ciseaux (ou pinces coupantes) servant à couper les métaux, à élaguer les arbres »
• tenaille « (surtout au pluriel) outil de métal, formé de deux pièces assemblées en croix, dont une extrémité sert de manche et l'autre forme mâchoire ; par extension, tenaille à vis, étau à main de serrurier ; anciennement, instrument de supplice en forme de tenailles ; en fortification, ouvrage présentant un angle rentrant (face à l'ennemi) »
• touraille « étuve dans laquelle on sèche l'orge germée (touraillon) pour arrêter la germination (opération du touraillage, effectuée par le tourailleur) ; l'orge ainsi séchée »
• cisaille « rognure de métal »
• courtaille « épingle manquée »
• grenaille « métal réduit en grain »
• grisaille « peinture monochrome en camaïeu gris ; ton ou aspect naturel qui fait songer à la peinture en grisaille ; caractère terne, atmosphère morne, manque d'éclat ou d'intérêt »
• limaille « parcelles de métal détachées par le frottement de la lime »
• retaille « partie enlevée, retranchée (d'une chose façonnée, d'une matière souple : étoffe, peau...) »
Le suffixe aille vient de la terminaison latine -ālĭa, forme neutre pluriel de -ālis, ou du suffixe italien -aglia. En latin, ālĭa a déjà un sens collectif, cet emploi s'est continué en latin médiéval.
Finale homophone :
• écaille, mot normanno-picard issu du francique skal(j)a « tuile »
• passacaille, de l'espagnol pasacalle, de pasa, impératif de pasar « passer », et calle « rue »
• touaille, du francique thwahlja « serviette »
Le suffixe -aille très productif autrefois a de nos jours un rôle beaucoup plus modeste. C'est à partir du 13ème siècle que le suffixe -aille, seulement collectif à l'origine, a acquis une valeur dépréciative. Les créations nouvelles sont rares et ont, pour la plupart, une valeur péjorative.
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