(Vaines) recommandations concernant l'emploi de drastique

  L’adjectif drastique vient du grec drastikos « qui agit » et s’emploie en médecine au sens d’« actif, énergique », en parlant d’un purgatif, d’un remède. Sous l’influence de l’anglais, le sens figuré de drastique « très énergique, draconien » tend à s’imposer et à remplacer les nombreux adjectifs dont dispose le français pour qualifier ce que l’anglais englobe sous le mot drastic : draconien, radical, rigoureux, contraignant, énergique, massif, sévère, strict, etc. Il demeure préférable de réserver le terme drastique aux purgatifs et aux remèdes. En savoir plus : Office québécois de la langue française.


 On doit à la Grèce deux adjectifs emblématiques d'une certaine idée de la rigueur, qui semble lui faire si cruellement défaut aujourd'hui : draconien et drastique.

 Le premier est dérivé de Dracon, législateur athénien (VIIe siècle avant J.-C.) auteur d'un code pénal resté célèbre pour la sévérité de ses sanctions (Dracon préconisait tout de même la peine de mort pour presque tous les délits, fussent-ils mineurs) ; aussi emploie-t-on l'adjectif draconien pour qualifier une loi, une décision, une attitude d'une sévérité extrême.

 Le second, aux sonorités plus dures, est à l'origine un terme de médecine emprunté du grec drastikos (« qui opère, actif, efficace, énergique »), qui se dit d'un remède très énergique et, particulièrement, d'un laxatif brutal. Sous l'influence de l'anglais drastic, il est désormais appliqué au figuré à tout remède qui agit « aussi efficacement » qu'un laxatif, qui exerce une action radicale et produit donc beaucoup d'effet, d'où le sens de « très rigoureux, très contraignant » (en vertu du principe selon lequel ce qui est vécu sous la contrainte fait généralement ch...) ; dans cet emploi, « qui n'est pas à encourager » selon Littré mais qui est désormais admis par l'Académie, il concurrence draconien (pour ne pas dire qu'il l'évacue) en parlant d'une situation, d'une disposition.

 Sans doute est-on fondé à se demander en quoi une disposition énergique serait forcément rigoureuse... Voilà pourquoi il me semble souhaitable de réserver à draconien l'idée de sévérité extrême et à drastique celle d'efficacité énergique. Pour tous les autres sens afférents, on préférera les adjectifs radical, rigoureux, contraignant, dirimant, strict, implacable, inflexible, impitoyable, etc.

En savoir plus : Parler français.


 Il fut un temps où il était interdit de parler de mesures drastiques. Seul un remède pouvait être ainsi qualifié. Drastique au sens de draconien était un anglicisme. Donc, à proscrire (du moins au Québec). Il fallait dire des mesures draconiennes. Aujourd’hui, on admet, sans restriction, des mesures drastiques. Ce qui était « fautif » est donc aujourd’hui « bon » !

En savoir plus : La langue française et ses caprices.


 On l’entend partout, au point où à peu près personne ne voit l’erreur. Des mesures drastiques, des coupures drastiques (sic).

 Le mot est un bel exemple d’un terme français dont le sens a été infléchi par l’anglais. Deux articles à ce sujet (ici et ici) ont paru dans ce blogue. L’anglicisation de certains mots français constitue une pomme de discorde chez les langagiers, dont le degré d’ouverture est à géométrie variable.

 Certains diront que drastique au sens d’énergique est passé dans la langue depuis plusieurs décennies et qu’il serait vain de vouloir revenir en arrière. À l’origine, drastique désigne un purgatif puissant. Mais plus personne (ou à peu près) ne l’emploie en ce sens. Un petit tour sur la Toile saura vous convaincre. D’ailleurs, le Larousse considère cette définition comme vieillie. [...]

 Une certaine lucidité s’impose que l’on aborde des termes dont le sens est infléchi par l’anglais. On peut bien sûr mener une guerre de tranchées contre eux, mais les esprits plus permissifs brandiront les dictionnaires, qui ne font que confirmer l’usage.

 Alors que faire ? S’incliner piteusement ? Accepter une évolution de la langue? Éviter ces mots controversés ? Le choix vous appartient.

 En savoir plus : André Racicot. Au cœur du français.