Selon la définition du Larousse, le storytelling est une “technique de communication politique, marketing ou managériale qui consiste à promouvoir une idée, un produit, une marque, etc. à travers le récit qu’on en fait, pour susciter l’attention, séduire et convaincre par l’émotion plus que par l’argumentation”.
Ces techniques de “mise en récit” sont aujourd’hui bien connues des scénaristes dont l’objectif est de maintenir les spectateurs le plus longtemps possible devant leurs écrans, des conseillers en communication qui essaient d’orienter le vote des électeurs pour tel candidat, mais aussi des publicitaires qui tentent d’influencer les consommateurs. A tel point qu’aujourd’hui, le storytelling est devenu un terme plutôt péjoratif en France, généralement désigné comme un outil de propagande au service d’une doctrine néolibérale et dont l’utilisateur est soupçonné de vouloir contrôler les esprits
En tant qu’enseignants, on peut néanmoins se demander si une technique aussi puissante ne pourrait pas être mise au service de l’éducation afin de créer des situations d’apprentissage et des ressources éducatives susceptibles d’améliorer la concentration, la motivation et la mémorisation des élèves.
Soyons clair : les professeurs sont des professionnels de l’enseignement. Ils connaissent mieux que personne leurs programmes, leurs publics et les méthodes les plus efficaces pour permettre à leurs élèves d’apprendre. Une réflexion sur la forme du message à transmettre pourrait néanmoins leur permettre parfois de gagner en efficacité et de proposer des supports adaptés.
C’est en tout cas l’idée défendue par de nombreux pédagogues, dont Platon dans La République (Livre II), qui fait dire à Socrate dans son dialogue avec Adimante :
— Tu ne comprends pas, dis-je, que nous commençons par raconter des histoires aux enfants ? Or cela, dans l’ensemble, n’est-ce pas, est de l’ordre du faux (même s’il s’y trouve aussi du vrai). Et nous avons donc recours aux histoires, devant les enfants, avant d’avoir recours à l’exercice nu.
— Oui, c’est cela.
— C’est bien ce que je disais, qu’il faut s’attacher à la musique avant de s’attacher à la gymnastique.
— C’est correct, dit-il.
— Or tu sais que le commencement de toute œuvre, c’est le plus important, en particulier pour tout ce qui est jeune et tendre? Car c’est surtout à ce moment-là que chaque être se modèle, et que s’enfonce le mieux le caractère qu’on veut imprimer en lui.
— Oui, parfaitement.
— Est-ce qu’alors nous laisserons aussi facilement les enfants écouter les premières histoires venues modelées par les premiers venus, et recevoir dans leurs âmes des opinions pour l’essentiel opposées à celles que nous croyons qu’ils devront avoir, lorsqu’ils seront des hommes faits ?
— Nous ne les laisserons certainement pas.
— Il nous faut donc d’abord, semble-t-il, superviser les créateurs d’histoires : approuver l’histoire qu’ils créeront, si elle est convenable, et sinon, la désapprouver.
Si cet extrait témoigne de l’intérêt universel et intemporel de la mise en récit dans la construction intellectuelle de l’individu dès son plus jeune âge, il résonne tout particulièrement dans le contexte médiatique du XXIe siècle. Si l’utilisation du storytelling est en effet devenue aussi importante dans les domaines du divertissement, de la communication et de la politique, l’une des missions de l’école ne devrait-elle pas être de s’emparer d’un tel sujet afin de contribuer à l’éducation du citoyen éclairé et doté d’outils de défense intellectuelle contre d’éventuelles tentatives de manipulation ?
Les articles proposés dans cette catégorie auront pour ambition de nourrir cette réflexion à partir de synthèses permettant de discuter des intérêts du storytelling en éducation, mais aussi de lister des exemples d’outils permettant d’adapter les principes de la mise en récit à vos ressources pédagogiques.
Mickaël BERTRAND