Cogni-Classes

Qu'est-ce qu'une cogni'classe ?

Le dispositif appelé “cogni’classe” a été imaginé et développé par l’association “apprendre et former avec les sciences cognitives” créée par J-L Berthier en 2011 et composée de chercheurs en sciences cognitives, de formateurs et d’enseignants du premier et second degré.

En collège et en lycée, une cogni’classe regroupe au moins trois professeurs d’une équipe pédagogique qui mettent en place “différentes pistes d’application des sciences cognitives” de l’apprentissage dans différents domaines. Cinq domaines ont été définis: mémorisation, compréhension, attention, implication active et évaluation. Il existe de nombreuses pistes pédagogiques pour chaque domaine. Les enseignants de l’équipe pédagogique définissent donc les domaines et les pistes d’application qu’ils veulent mettre en place selon les problématiques définis en amont.

En parallèle des pistes d’application mises en place par les professeurs impliqués, le professeur “pilote” du dispositif fait découvrir aux élèves le fonctionnement du cerveau lors des apprentissages, les différents types de mémoire… .

(Pour plus de détails voir https://sciences-cognitives.fr/cogniclasses/.)

Présentation de quelques pistes d'application

Dans mon établissement, nous avons décidé d’expérimenter ce dispositif avec une classe de 4ème lors de l'année scolaire 2019-2020. L’équipe éducative investie dans le projet a fait le choix de travailler autour de deux domaines: l’attention et la mémorisation. Je vais vous présenter ici plus particulièrement le domaine de la mémorisation qui est un aspect important en histoire géographie.

En effet, quel professeur d’histoire-géographie n’a jamais entendu cette remarque d’un parent à son enfant lors d’une réunion parents-professeurs: “c’est facile l’histoire, il suffit d’apprendre”. Si cette vision de notre discipline est très réductrice, elle comporte une part de vérité avec par exemple la maîtrise de repères historiques et spatiaux. De plus, l’épreuve du DNB, fait la part belle aux connaissances avec notamment l’exercice du développement construit. Apprendre à apprendre est donc une compétence importante à développer chez nos collégiens car la mobilisation de connaissances sera encore centrale plus tard dans leurs études notamment dans les épreuves communes de contrôle continu du baccalauréat.

Quelques notions sur la mémorisation mises en lumière par les sciences cognitives.

Ce billet n’a pas vocation à être une formation complète sur les sciences cognitives et la mémorisation, loin de là. Néanmoins pour comprendre l’intérêt des pistes pédagogiques présentées ci-dessous, il faut avoir à l’esprit certains principes:

  • La mémorisation active: l’élève apprend quand il se pose des questions. Lire et relire, comme le fait la majorité des élèves n’est pas efficace à moyen ou long terme. (Vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=Y5XjZ-q9brI)

  • La courbe de l’oubli et la reprise à rythme expansé: l’oubli est un phénomène naturel. Pour “contrer” ce qu’Ebbinghaus a présenté comme la courbe de l’oubli, il faut revoir la même notion plusieurs fois à des rythmes de plus en plus espacés dans le temps afin de mémoriser sur le temps long. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Courbe_de_l'oubli)

  • L’empan mnésique et la surcharge cognitive: Notre mémoire de travail ne peut traiter qu’un nombre limité d’informations, 5 à 9 en moyenne quand il s’agit de notions conceptuelles, c’est ce qu’on appelle l’empan mnésique. Par contre, quand il s’agit d’images, elle peut en traiter de 9 à 11 en moyenne. Relier les concepts à des images peut donc être intéressant pour mieux mémoriser, c’est à dire que la notion passe de la mémoire de travail à la mémoire à long terme (surtout la mémoire sémantique).

  • Etre conscient des neuromythes: mémoire auditive/visuelle/kinesthésique, théorie des intelligences multiples… .

(Pour développer ces aspects et en découvrir d’autres voir la chaîne youtube d’apprendre et enseigner avec les sciences cognitives.)

Dans notre cogni’classe et donc en histoire-géographie j'ai mis en place quatre pistes d’application afin de travailler la mémorisation avec les élèves.

La fiche de mémorisation

Avec la fiche de mémorisation, il s’agit de repenser la trace écrite de son cours. Au lieu d’avoir des titres et des bilans de manière linéaire, il s’agit d’organiser dans un document sous la forme d’un tableau, des questions et les réponses qui constituent les notions importantes à maîtriser. On peut également rajouter une colonne avec des indices qui aideront à la “récupération”des connaissances. Libre à chaque professeur de compléter en amont ou avec les élèves la colonne avec les réponses.

Les flashcards

À la fin d’une séquence, on demande aux élèves de construire par eux-mêmes des flashcards. Elles sont très utiles pour la mémorisation du vocabulaire et des repères historiques. Au fur et à mesure de l’année, les élèves construisent ainsi un catalogue de flashcards. Les flashcards peuvent être utilisées individuellement ou à plusieurs de manière ludique en comptant les points des bonnes réponses par exemple.

Utilisation du numérique: Plickers et Quizlet

Ces outils numériques ont plusieurs avantages pour faciliter la mémorisation. Comme les précédentes pistes présentées, ils fonctionnent sur le principe de mémorisation active. Le principal avantage de ces outils est qu’ils permettent aux élèves d’avoir un feedback immédiat sur leurs erreurs. Quizlet, grâce à son algorithme, permet aux élèves de revenir plusieurs fois sur une notion pas ou mal maîtrisée.

Ils facilitent également une reprise des notions à rythme expansé. L’enseignant peut utiliser Plickers en début de séquence après le visionnage par les élèves d’une capsule vidéo en amont de la séance. Il reviendra sur les principales notions abordées avec le même quiz Plickers en fin de séquence afin de consolider les connaissances. On peut également l’utiliser à la fin d’une séance afin de revenir sur les notions vues durant l’heure et ainsi atténuer les effets de primauté et de récence.

Le cahier de réactivation

Le cahier de réactivation est un outil transdisciplinaire qui permet de revoir à rythme expansé les principales notions des différentes disciplines. Régulièrement (idéalement à la fin de chaque séance) le professeur note une ou des questions sur les essentiels vus durant l’heure. Au début d’un cours, le professeur pose une ou plusieurs questions, peut importe la discipline, mais en veillant à sélectionner des questions de différentes périodes.

Il permet donc une mémorisation plus efficace sur le long terme. Il peut être fait sous forme papier (problème du transport par les élèves) ou sous format numérique accessible à tous les professeurs de l’équipe pédagogique. Voici un fichier excel avec des macros développé par un collègue de mathématiques qui permet d’avoir un “tableur de réactivation” directement accessible sur le bureau de l’ordinateur de chaque enseignant de l’équipe pédagogique de la classe quand il est partagé sur un réseau.

Dans notre projet cogni’classe nous avons également décidé de travailler sur l’attention des élèves. Pour cela nous avons utilisé deux pistes d’application.

La mise au calme des esprits

En début d'heure, le professeur lit un texte qui donne des consignes de respiration et de recentrage. Ce temps dure 2-3 minutes. Il n’est pas systématique mais est utilisé si le professeur en perçoit le besoin (après une récréation agitée par exemple…).

La poutre de l’attention

Au début d’une activité, le professeur indique à l’aide d’aimants la difficulté, la durée et l’enjeu de celle-ci. Ainsi, les élèves peuvent quantifier la quantité d’attention qu’ils devront mobiliser. Ils apprennent ainsi, petit à petit, à gérer leurs pertes d’attention et la concentration.

Pour aller plus loin, voici une présentation très complète et très intéressante de Lydia Combeaud montrant une application concrète avec une classe de 5ème de ces principes et de certains de ces outils: https://spark.adobe.com/page/mdrVPDL8ciSyG/

Retour d’expérience

Malheureusement, à cause du confinement, le projet cogni’classe mené avec la classe de 4ème dans mon établissement n’a pas pu être mené à terme. Néanmoins, j’ai proposé aux élèves un questionnaire en fin d’année afin de connaître leur ressenti vis à vis des éléments mis en place jusqu’en mars 2020. Ce questionnaire n’a aucune prétention scientifique et je suis conscient des biais cognitifs induits possibles (envie de faire plaisir au professeur par exemple). Nous n’avons pas pu faire d’évaluation plus quantitative en comparant les résultats d’évaluations par exemple avec une classe témoin, à cause du caractère particulier de cette année. Les retours faits par les élèves sur le dispositif sont globalement positifs. 27 élèves sur 28 ont répondu au questionnaire. Voici un échantillon de réponses :

  • Bleu: cet outil m'a beaucoup aidé; Rouge: Cet outil m'a un peu aidé; Orange: Cet outil ne m'a pas aidé; Vert: Je ne connais pas cet outil.

Le bilan est également positif pour l’équipe pédagogique. En lançant l’idée d’une cogni’classe en juin 2019, je ne pensais pas qu’autant de mes collègues rejoignent le projet. En effet, sept professeurs de l’équipe pédagogique étaient investis. Tous ont voulu reconduire l’expérience cette année et ont trouvé des effets bénéfiques à une harmonisation et à une explicitation des pratiques pour les élèves. Evidemment, chacun a adapté les outils décrits plus haut en fonction des spécificités de sa discipline.

Me concernant, je suis également convaincu par les apports de ce dispositif. Je pense que le projet cogni’classe présente un aspect très concret et facilement applicable, ce qui a sûrement séduit mes collègues. Il n’y a ici rien de révolutionnaire, certains outils présentés plus haut peuvent être et étaient déjà utilisés par des collègues en dehors de ce dispositif. Néanmoins, la cogni’classe permet de donner du sens et d’uniformiser nos pratiques au sein d’une classe, et rares sont les dispositifs qui le permettent en collège. Je suis également conscient que les élèves ne sont pas que des cerveaux ni des “clés USB” et que d’autres variables entrent en compte quand on construit sa pédagogie en tant qu’enseignant. A ce niveau là, ce dispositif est intéressant car il encourage également à prendre en compte la diversité des élèves, à développer les pédagogies actives et une évaluation au service des progrès des élèves, qui sont d’autres axes présents dans le projet cogni’classe.


Matthieu Bourdin, académie Orléans-Tours.