Récit interactif avec TWINE

Twine est un outil permettant de concevoir des parcours interactifs en arborescence, des récits non linéaires. Il en existe une version application à installer sur l’ordinateur et une version en ligne.

https://twinery.org/

Twine : un outil de récit interactif

Un récit interactif est une histoire ou un scénario dans lequel un ou plusieurs choix s’offrent au lecteur à chaque étape. Cela peut très bien être un récit linéaire, un “pas à pas” qui découpe le récit en un schéma narratif apparent. Il est possible également de réaliser des récits en arborescence dans lesquels le scénario change en fonction des choix du lecteur. Twine est donc un outil qui facilite la conception de récits dont vous êtes le héros.


Notre groupe, que nous surnommons les “histwinautes” parce que nous enseignons l’histoire-géographie, a écrit deux histoires de ce genre. Nous avons choisi cette forme car l’histoire interactive nous a semblé offrir de nombreux leviers en terme de pédagogie.


D’abord, l’histoire dont vous êtes le héros (ou l’héroïne) présente des caractéristiques proches du jeu propres à favoriser les apprentissages. La liberté de choisir son parcours implique le lecteur / apprenant dans l’histoire et l’oblige à lire très attentivement et à réfléchir pour réussir. S’il perd, il recommence ou revient en arrière, relit pour comprendre les différentes options et leurs implications possibles. Twine offre également des options avancées qui ludifient le récit : un inventaire qui regroupe les objets trouvés, un compteur de temps, des cycles ou des saisons.


L’immersion dans l’histoire suscite l’empathie pour le personnage et améliore la compréhension des situations évoquées ainsi que la motivation. Dans notre premier scénario sur Berlin, le héros cherche à retrouver son père, qui a disparu lors de la construction du mur de Berlin. Dans le livre d’or, nombreux sont les joueurs qui disent avoir joué une heure entière, y compris après avoir gagné le jeu, pour comprendre les différents aspects de l’histoire des deux Berlin pendant la guerre froide. Dans le jeu Un procès à Athènes, les élèves sont motivés par l’idée de “retrouver celui qui m’a fait ça” ou “comprendre pourquoi ce mec m’en veut”. L’immersion est renforcée par la possibilité d’ajouter du contenu multimédia. On joue ainsi sur différents sens (ouïe, vue) de manière à susciter l’émotion et favoriser ainsi l’ancrage des apprentissages sur le long terme.


Bien sûr, les scénarios que nous avons conçus n’expliquent pas tout, évoquent parfois des situations sans les expliquer. Ces allusions suscitent des questions (“Pourquoi son père ne pouvait pas revenir à Berlin-Est ?”) qui permettent d’engager un dialogue propre à faire de nouveaux apprentissages. La diversité des parcours proposés questionne d’ailleurs beaucoup les élèves : pourquoi est-il possible de gagner en faisant des parcours différents ? L’enseignant abordera ainsi l’idée que l’histoire n’est pas dans un schéma déterministe, mais qu’un événement est le résultat de divers acteurs et de nombreux facteurs.


Pour terminer sur des atouts plus techniques, Twine fonctionne sur tous les supports (smartphone, tous les OS, tablettes) ce qui est un avantage non négligeable quand on connaît la diversité et la vétusté de certains équipements dans les établissements scolaires et dans les familles.

Quelle insertion dans une séquence pédagogique?

Tout est possible : cette année j’ai fait jouer Berlin 89 avant le début du chapitre. Les questions des élèves permettent de les accrocher au cours. On peut également faire jouer après : on vérifie après le jeu qu’ils ont compris à quoi chaque élément de scenario correspond dans le cours sur la guerre froide, on compare les éléments du récit aux documents historiques. Pour le jeu Athènes en revanche, j’ai fait jouer après la leçon car les notions sont difficiles pour des 6eme, et le jeu a été à la fois une mise en œuvre des connaissances et une évaluation de ce qui n’a pas été compris.


En tout cas, il faut laisser jouer pour le plaisir du jeu. Le jeu est une situation a-didactique. Si les objectifs d’apprentissage du jeu sont explicites, alors l’élève ne jouera pas, il essaiera de comprendre ce qu’il faut apprendre, ou pire, d’avoir une bonne note. Si le jeu est conçu pour apprendre, les mécaniques de jeu mènent à l’apprentissage lorsque le joueur joue pour gagner la partie. Pas de questionnaire pendant le jeu, donc. Pour nos histoires, nous avons conçu des fiches de jeu sur lesquelles noter quelques éléments (les personnages rencontrés, les objets trouvés…). Ces fiches sont utilisées comme support après le jeu, dans une phase de "débriefing" qui sert à décoder les mécaniques de jeu et à institutionnaliser les apprentissages.


Comme pour de nombreux outils, le plus intéressant sur le plan pédagogique serait de faire faire une histoire interactive par les élèves. Twine met en schéma le scénario, ce qui permet de rendre visible le schéma narratif et les différents parcours - à condition de ne pas trop compliquer le récit.

Quelques conseils techniques et limites de l'outil.

Twine est un outil très simple quand on veut juste du texte. Pour les liens et la mise en forme de base, une barre d’outil facilite le codage qui est très simple. Pour insérer des outils multimédia, on utilise le langage html. Les images, les vidéos, le son doivent être disponibles sur internet.


En revanche, insérer des éléments d’interaction plus complexes comme le comptage des pages visitées, l’inventaire, l’affichage conditionnel nécessite d’utiliser des macros. La version en ligne de Twine propose un menu déroulant des macros disponibles mais il faut encore les paramétrer, faire fonctionner l’ensemble. Ce n’est pas impossible puisque nous y sommes arrivés, mais c’est laborieux. Nous avons lu les différentes documentations existantes et nous avons partagé dans un fichier texte une liste des fonctionnalités utilisées, avec le code et des explications du paramétrage.


Il faut enfin trouver un hébergement pour l’histoire ainsi créée. En effet, Twine génère un fichier html (qui se lit dans un navigateur) qui ne sera visible que par vous s’il reste sur votre ordinateur. Il faudra donc déposer le fichier html et les images, sons et vidéos utilisés sur un serveur. Le réseau de votre établissement est une possibilité, vous y déposerez le dossier par un simple copier-coller et il sera disponible pour les utilisateurs du réseau. Pour qu’il soit visible par tous, il faut utiliser le protocole FTP pour transférer les fichiers sur un serveur connecté à internet.


Nous nous sommes beaucoup amusés à créer ces histoires et d’autres sont en gestation. Nous avons beaucoup tâtonné, nous avons subi quelques échecs et déconvenues. Mais l’entraide au sein du groupe nous a aidés à dépasser les difficultés du codage pour les néophytes que nous sommes en la matière. Nous sommes tout à fait disposés à aider les collègues qui souhaiteraient se lancer.


Nos élèves peuvent en témoigner : cela en vaut la peine !

Pour les Histwinautes, C. Jouneau-Sion