Le cours noyau de Vincent Ortiz
Enseignant au lycée depuis une quinzaine d'années, je n'arrivais pas à trouver la bonne formule dans l’organisation de mes cours : vouloir faire des points magistraux (parce que j’aime bien ça) mais aussi préparer au mieux les élèves aux différentes méthodes. Parfois j’avais l’impression de trop parler et de ne pas avoir assez de temps pour faire des activités et parfois c’était l’inverse j’avais l’impression de sacrifier les connaissances au profit de la méthode… Avec la réforme du lycée, le nouveau programme et les horaires alloués, l'inquiétude s’est fait plus présente. Alors comment continuer à se faire plaisir tout en apportant tout ce que je souhaite à mes élèves ?
J’ai découvert le cours noyau lors de la publication cabotage et j’ai tout de suite trouvé des réponses à des questions que je me posais depuis longtemps. Ce que j’en ai retenu/compris c’est une manière d’organiser différemment mes séquences.
Un modèle de séquence… que je peux moduler
Concrètement toutes mes séquences sont organisées de la même manière :
Une phase de découverte du cours en 2 temps :
En dehors du cours, les élèves lisent un cours noyau, comprenez une base commune compréhensible sans aide extérieure. Je donne un questionnaire autocorrectif à faire pour vérifier que les élèves ont lu le cours. Il faut avoir la moyenne, c’est la règle. Durée : 15 min.
Reprise en classe par le professeur : j’ajoute les exemples développés, des explications, je nuance, je fais les PPO… durée : 2h !
Je projette des documents pour soutenir mes propos. Là, déjà, je dispose d’un cours consistant : j’ai suffisamment de connaissances à mon goût ! Pendant cette phase je fais des pauses attentionnelles (Plickers, pense-paire-carré…) pour soulager la partie magistrale et laisser des temps d’appropriation aux élèves.
Ce que j’aime :
je gagne du temps sur la trace écrite déjà distribuée,
je peux approfondir certains points, beaucoup de points (historiographie…)
les élèves ont une prise de note individuelle/personnalisée
c’est bête mais après cette phase je ressens à chaque fois un soulagement ! J’ai fait le cours ! Je sais que ce n’est pas encore suffisant mais j’ai l’impression d’avoir fait une partie du job ! Je me sens libéré (délivré ?) de la pression des connaissances !
les élèves sont sécurisés aussi (oui j’ai demandé leur avis sur cette manière de faire). Le cours est fait, prêt, disponible.
Ce que je trouve difficile :
hiérarchiser entre ce que je donne à lire à la maison et ce que j’apporte en classe.
Une phase d’apprentissage
Maintenant que je suis débarrassé du cours (j’exagère parce que j’adore faire “cours”, mais je suis tellement soulagé…), Je peux me consacrer aux apprentissages, ce que j’appelle les activités tout simplement. Si je me réfère aux indications horaires des programmes du lycée, il me reste entre 2 et 3h ! Oui… entre 2… et… 3h… j’ai l’impression d’être le maître du temps ! Jamais, auparavant, je n’arrivais à dégager, systématiquement pour chaque chapitre, autant de temps pour les activités. Dans cette phase je peux me faire plaisir (c’est très important pour moi cette notion de plaisir) : méthode bac, plan de travail, marchés de connaissances, rédiger une partie d’un devoir, faire des entrainements, proposer aux élèves de choisir quelle double page du manuel ils veulent faire pour enrichir le cours…
Ce que j’aime :
j’ai du temps pour les activités
je peux diversifier et proposer tout plein de choses différentes
tout ce que les activités apportent peuvent enrichir un cours déjà largement dense (voir phase 1), concrètement, c’est du bonus par rapport à ce que je faisais avant.
Ce que je trouve difficile :
rien ! J’utilise les activités du manuel, ce que je trouve sur internet…
Une phase de révision
Je précise tout de suite que cette phase se fait à l’échelle du thème et non du chapitre pour des raisons de temps. Concrètement, je prends une heure au moins et jusqu’à 2h maximum pour réviser… en classe ! Les élèves sont libres de choisir en fonction de leurs besoins/envies : réviser le cours, faire des entraînements aux devoirs, faire des quiz, jouer à Time’s Up et autres jeux…
Repenser l'évaluation
Cette nouvelle organisation m’a amené à repenser la manière d’évaluer et de mieux l’organiser, sur le modèle que peux proposer Mickaël Bertrand. Concrètement, j’évalue tout le temps mais de manières différentes :
Tous les lundis c’est évaluation de cours, un QCM de 5 min sur 10 pts. Les élèves appellent ça l’éval’ du lundi, j’aime bien, ils revoient le cours de manière régulière. J’utilise un outil, Zipgrade, qui auto-corrige, oui je sais…
Lors de la phase 2, celle des activités, je relève à chaque cours des travaux d’élèves que je note (sur 5, sur 7, sur 9, sur 10…). Je ne relève pas tous les élèves en même temps (parfois si), mais j’alterne pour au final corriger tout le monde. Il m’arrive de ne relever que quelques introductions rédigées et parfois de relever tous les plans détaillés !
Précisions : toutes ces évaluations sont considérées comme des entraînements pour le devoir commun. Ce sont des formatives… et pour que les élèves les considèrent comme telles, c'est-à-dire qu’elles doivent servir à progresser et ne doivent pas les pénaliser pour avoir essayé, elles ne comptent que si elles augmentent la moyenne ! Ça me fait environ 15 notes par semestre pour mes élèves et comme c’est surtout sur des exercices courts je ne corrige pas plus qu’avant !
J’ai l’impression de ne plus décourager certains élèves qui, en voulant essayer, obtenait une (et même plusieurs) mauvaise note qui plombait leur moyenne…
Qui réussit du premier coup ? Certainement pas moi !
le devoir commun : la seule évaluation sommative ! Nous en avons deux par semestre.
Je vous vois venir...
C'est très “bienveillant” (avec tous les sous-entendus que l’on connaît quand une personne vous dit ça en salle des profs…). Beh non, parce que sur la quinzaine de notes… vu que ça ne compte que si ça augmente la moyenne… je peux me lâcher ! Si ça vaut 1/10, je mets 1/10…
“Ils ont doivent tous avoir de bonnes moyennes” : alors déjà ce n’est pas un problème d’avoir de bonnes moyennes selon moi mais ce n'est pas le sujet ici. Beh non, là encore, c’est rare qu’un élève qui ne révise rien, ne fasse aucun exercice pendant un semestre, arrive le jour du devoir commun et, au talent, remporte une superbe note ! Bien entendu, ça peut arriver, d’ailleurs ça arrivait avant avec le bac de juin. Mais si, vous savez cet élève qui n’aurait jamais son bac (selon certains profs) mais qui bachotait en mai et obtenait même parfois la mention AB ! Bref, de toute façon, je préfère un système qui aide la majorité (les élèves volontaires qui essaient durant tout le semestre, ceux en difficultés mais s’accrochent…) même si une minorité arrive à en profiter ! Et même pour ces rares cas, j’ai des garde-fous, je ne suis pas naïf à ce point.
Pour terminer, mon cours noyau évolue à la marge. J’apporte de petits changements autour de ma structure solide que j’ai constituée. Ces nouveautés proviennent principalement des discussions avec celles et ceux qui ont apporté leurs témoignages, qu’ils et qu’elles en soient remerciés !
Vincent Ortiz, Lycée français Jean Mermoz, Dakar