La réalité virtuelle en classe

Comment j’en suis arrivé à intégrer de la réalité virtuelle en classe…

C’est par hasard que j’ai découvert la réalité virtuelle, au détour d’une promotion dans un grand magasin. J’ai alors acheté un simple casque dit « cardboard » dans lequel on pose son smartphone pour visionner des vidéos 360° (facilement disponible sur You Tube). Passées les quelques vidéos de Grand 8 d’usage, j’ai assez vite vu qu’il y avait des contenus potentiellement intéressants pour mes cours. Il ne m’a fallu quelques semaines pour oser apporter non plus un mais 5 casques en classe et proposer à mes élèves un travail intégrant cette technologie.

Un intérêt croissant des industries numériques pour le « marché de l’éducation »

Pour intégrer un nouvel outil, il est toujours utile se former et se renseigner sur les retours d’expériences. Dans ce cas de la réalité virtuelle, mes recherches m’ont rapidement convaincu que le « marché de l’éducation » est une sorte d’Eldorado pour les industries du numérique qui cherchent de plus en plus à produire des applications et des outils en direction du monde de l’éducation. Par exemple depuis 2018 au Etats-Unis, à Taiwan et au Japon la firme américaine Oculus détenue par Facebook lance une campagne d’expérimentation de ses casques de RV dans les établissements scolaires afin de conquérir le marché potentiellement gigantesque de la pédagogie « immersive »[1]. Nul doute que ces technologies seront proposées également en Europe à court terme. Se posera alors la question du contenu pédagogique, de sa pertinence à notre contexte, nos attentes, etc. C’est donc un enjeu pour nous de mener une réflexion sur ce sujet afin d’anticiper ces futures propositions et d’évaluer la plus-value pédagogique que peut présenter la réalité virtuelle.

Que disent les études sur l’apport de la réalité virtuelle sur les apprentissages ?

Vous ne trouvez pas ici un point de vue tranché et absolument optimiste sur la réalité virtuelle. Pour le moment, sorti des promesses des producteurs de contenus et sites commerciaux, peu d’éléments nous permettent de nous prononcer sur la plus-value pédagogique de la RV. Quelques études semblent montrer un effet positif[2], d’autres sont en cours[3] mais restons prudents.

Nous pouvons ici évoquer une étude britannique menée en 2018 [4] à partir d'un commentaire des résultats ci-dessous. Si la performance au tests de rappel et de compréhension ne montre pas de plus-value de la VR par rapport à un texte (à gauche) , les "émotions" et "l'engagement" des sujets dans les tâches cognitives sont bien meilleurs dans la condition VR (à droite). Soulignons cependant que la méthodologie de cette étude est critiquée par les auteurs eux-mêmes, du fait de la nouveauté technique introduite par la VR et par la condition "vidéo" peu pertinente (simple retranscription de l'expérience du casque).

La performance au test ne montre pas de différence significative entre les conditions "VR" et la condition "texte", que ce soit dans le "rappel"ou la compréhension.
La réponse émotionnelle (positive ou négative) change de manière significative selon les conditions. Les sujets en VR relatant des émotions positive en augmentation et négatives en baisse.

Concrètement, pour l’enseignant « de base » on en est encore au stade les potentialités[5] offertes par l’outil et à nos intuitions des effets dans nos salles de classes. Cela n’empêche pas de tenter des choses.

Pourquoi, en tant que prof, vouloir tenter d’intégrer la réalité virtuelle dans ses cours ?

S’amuser avec de nouveaux jouets, assouvir son côté « geek » n’est pas une bonne raison pour se lancer, même si cela peut s’avérer utile lors de problèmes techniques. Pour ma part, géographe de formation, j’ai toujours tenté de rendre le plus concret possible mes cours de géographie, ce « voyage immobile » en faisant « voyager » mes élèves. J’utilise depuis longtemps Google Earth (voir la rubrique « enseigner avec Google Earth ») et la réalité virtuelle me semble avoir un beau potentiel dans cette dimension « sensible » de notre discipline.

Quelques conseils et mises en garde :

  • Veiller à la simplicité et l’ergonomie des expériences proposées aux élèves. les expériences, surtout au départ, doivent être courtes et ponctuelle, intégrées à une séance et articulée avec d’autres documents.

  • Etre vigilant au temps d’exposition des élèves. Certains élèves peuvent mal supporter l’immersion. Vous-même constaterez au début une sorte de mal de me qui a tendance à s’atténuer avec l’habitude.

  • Privilégier le caractère facultatif des premières expériences. J’ai constaté que de nombreux élèves ne sont pas spontanément attirés par la RV. Certains refusent même d’essayer. Il faut donc être prudent et éviter de l’imposer (un élève par groupe de travail par exemple).

  • Penser l’expérience RV comme non exclusive mais comme un élément parmi d’autres dans une séance de cours, à partir de « plans de travail » par exemple. Veiller à l’articulation entre l’expérience RV et les autres documents en se posant la question de l’apport du « document RV ». On peut imaginer des travaux coopératifs avec certains éléments à trouver dans le document RV.

  • Penser le rapport entre l’individuel et le collectif, entre l’élève en immersion et ses camarades. En effet, l’expérience RV souvent très personnelle et individuelle. Une solution pour partager l’expérience passe par la projection sur grand écran de l’expérience RV (une mise en miroir sur le casque OCULUS par exemple).

  • Ne pas vouloir faire de la RV dans une configuration frontale/simultanée.

  • Ne pas avoir peur de se lancer, il existe des outils très simples (voir article sur les "outils de la RV en classe")

  • Ne pas avoir peur de renoncer et de reculer. Faire l’évaluation régulière de la pratique et garder en tête que la RV n’a d’intérêt que si elle apporte une plus-value pédagogique et suscite l'intérêt des élèves.

Bonne balade à vous dans ces retours d'expériences et ces conseils sur la réalité virtuelle. Nous vous proposons également un espace de partage de ressources et des pistes pour des projets participatifs!

Jordi COLOMER (@dijpro)

[1] JULIEN BERGOUNHOUX (2018). Usine Digitale: https://www.usine-digitale.fr/article/oculus-lance-un-programme-pilote-d-utilisation-de-la-realite-virtuelle-pour-l-education.N734839

[2] Nathalie COUZON (2019). Réseau d’information pour la réussite éducative. http://rire.ctreq.qc.ca/2019/04/apprendre-avec-la-realite-virtuelle/utm_medium=email&utm_campaign=Infolettre%20du%2018%20avril%202019&utm_content=Infolettre%20du%2018%20avril%202019+CID_7a88a933cc3b7425658b3e493183290e&utm_source=InfoCTREQ&utm_term=Apprendre%20avec%20la%20ralit%20virtuelle

[3] Natacha DUROISIN, Laurent DEBAILLEUX, Geoffrey HISMANS. https://sharepoint1.umons.ac.be/FR/universite/facultes/fpse/serviceseetr/methodo/recherches/recherches_en_cours/Pages/Utilisationet%C3%A9valuationdelar%C3%A9alit%C3%A9virtuelle.aspx

[4] Devon ALLCOAT et Adrian VON MUHLENEN (Department of Psychology, University of Warwick, Coventry, UK) https://journal.alt.ac.uk/index.php/rlt/article/view/2140/pdf_1

[5] Pour les potentialités notamment, lire l’article plus complet sur le site : https://ecolebranchee.com/dossier-realite-virtuelle-possibilites-pedagogiques/