Le cours noyau de Mickaël Bertrand

Les savoirs et la méthode : le programme-noyau comme réponse aux défis organisationnels des pédagogies actives 

La proposition de Patrick Marques autour de l’idée de “programme-noyau” dans la revue Cabotage (volume 5, 2018) constitue une étape importante dans la réflexion pédagogique et didactique de nombreux enseignants d’histoire-géographie. Elle propose en effet une clef méthodologique qui permet de dépasser un certain nombre de difficultés inhérentes à l’enseignement de cette discipline face aux principes des pédagogies actives. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le cadre offre une structure intéressante pour dépasser les limites de la mise en œuvre d’un plan de travail dans le cadre d’un programme pensé d’abord dans une logique d’acquisition de connaissances chronologiques plutôt que d’apprentissages des compétences méthodologiques. 

Ce qui s’enseigne bien se programme clairement

D’un point de vue personnel, j’ai également vu dans cette proposition l’opportunité de réfléchir à une programmation annuelle plus rigoureuse et structurée avec pour objectif principal de terminer systématiquement le programme en prévoyant des activités pouvant être réalisées en autonomie par les élèves en cas d’absence ponctuelle de l’enseignant.

J’ai donc commencé ma démarche d’adaptation du “programme-noyau” en reprenant mes programmations annuelles et en proposant désormais non plus un découpage par chapitre, mais bien par séance, à l’heure près. Selon les principes généraux du “programme noyau”, j’ai planifié :

Cliquez sur l’image pour accéder à une proposition de programmation

Désormais, chaque séance est planifiée à une date précise, m’obligeant ainsi à respecter une construction beaucoup plus réaliste de mes préparations de cours en termes de gestion du temps. 

Par ailleurs, j’essaie de compléter ce tableau non plus seulement avec une progression des connaissances, mais aussi des compétences en m’assurant que chaque type d’exercice a été proposé au moins trois fois en classe avant une évaluation. 

Des activités préparatoires entre réactivation, exploration et consolidation

J’ai également profité de cette mise à jour pour repenser en partie la logique des activités préparatoires que je pratiquais depuis plus de dix ans dans le cadre de classes inversées. Pendant longtemps, ces activités préparatoires étaient organisées autour de supports textuels, audio ou vidéo accompagnés de QCM auto-corrigés permettant aux élèves d’acquérir des connaissances en autonomie (voir cet exemple).

Cette stratégie plutôt appréciée des élèves était cependant détournée par certains et certaines qui ne prenaient pas toujours connaissance de la trace de cours fournie en amont et se contentaient de répondre aux questions, puis d’apprendre les réponses dans la perspective de l’évaluation. Dans certains cas, j’avais aussi parfois l’impression d’une répétition inutile entre cette activité préparatoire et le cours qui était ensuite proposé en classe. 

Désormais, je propose des activités préparatoires organisées autour de trois objectifs : 


Ces activités préparatoires sont calibrées pour demander un investissement compris entre 30 minutes et 1 heure, avec au moins une semaine de délai pour les réaliser. Elles sont pensées pour ne jamais mettre en difficulté les élèves lorsqu’ils ne sont pas en présence de l’enseignant et donc pour éviter de renforcer les inégalités socio-scolaires. 

Les connaissances acquises avec ces activités font l’objet d’une rapide évaluation en classe afin de s’assurer que les élèves ont entrepris un travail sérieux de mémorisation des connaissances qui seront ensuite nécessaires aux activités menées en classe.

Cliquez sur l’image pour accéder à un exemple d’activité préparatoire

Le cours-noyau : une mise en récit au bon tempo 

L’un des fondements du “programme-noyau” consiste à mener une réflexion sur les différents niveaux d’approfondissement du cours. Dans ma pratique, cela s’est traduit par trois degrés d’approfondissement qui me permettent de classifier les connaissances au moment de la préparation de ma séquence  :

Puis, au moment de construire le cours, j’accorde désormais une importance particulière à la cohérence de la démonstration qui devra être mise en œuvre en cinquante minutes. Pour cela, je mobilise à la fois les stratégies classiques de la mise en récit (“storytelling”) mais aussi des pauses attentionnelles pour soutenir l’attention des élèves. Par exemple, j’essaie de commencer systématiquement mon cours par une accroche (en lien avec l’actualité, la pop culture, etc.) susceptible d’éveiller la curiosité des élèves et de les engager personnellement dans une réflexion qui soutiendra l’ensemble du cours. Ensuite, je propose ponctuellement une anecdote, une chanson, une devinette, une réflexion sur la concordance des temps, etc. qui constitue un moment de respiration dans la réflexion et la prise de notes. 

Exemple de pause attentionnelle proposée dans le cadre d’un cours l’empire romain

Les activités d’approfondissement pour mettre en œuvre de la différenciation, de la coopération, de la remédiation, etc.  

La séance qui suit le cours est consacrée à des activités dites d’approfondissement. Selon les principes du plan de travail, les élèves ont toujours le choix entre deux ou trois fiches d’activité qui permettent également de travailler soit individuellement, soit en équipe : 

Exemples d’activités proposées en classe 

(cliquez sur l’image pour accéder aux fiches en grand format)

L’une de mes priorités au moment d’imaginer ces séances d’approfondissement était de construire un cadre à la fois suffisamment souple pour proposer régulièrement aux élèves des situations d’enseignement fondées sur les principes des pédagogies actives (classes inversées, cogni’classes, classes renversées, classes coopératives, classes mutuelles, etc.), mais aussi particulièrement structuré en termes d’accompagnement et de posture de l’enseignant. 

Ainsi, la séance est organisée autour des étapes suivantes :


Lors de la mise en activité, les élèves ont des Tetra’Aides à leur disposition afin de se signaler en cas de question urgente. Ils savent cependant que j’alterne deux postures successives durant les trente minutes de l’activité : 


Par ailleurs, durant ces séances d’activité, certains élèves peuvent se porter volontaires pour une évaluation à la demande. Ils connaissent en effet les compétences qui seront travaillées en amont et ils peuvent souhaiter être évalués sur cette compétence :

Les séances méthodologiques 

Entre ces différentes séances s’intercalent régulièrement des séances de méthodologie au cours desquelles je fournis : 

La trame de ces séances méthodologiques a été construite à la suite de la lecture de l’excellent ouvrage de Daniel Gaonac’h sur Les élèves et la mémoire (Retz, 2022). Dans cette synthèse, le professeur en psychologie cognitive rappelle en effet que l’immense majorité des recherches conclut à la supériorité de l’exposition à des exemples de problèmes résolus, assortie de l’explication des principes de résolution pour acquérir des concepts et procédures. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’adopter une pédagogie résolument explicite dans ces séances qui sont balisées au sein de ma programmation. 

Conclusion

Cette adaptation du “programme-noyau” est évidemment totalement subjective. Elle est le résultat d’une interprétation personnelle de la proposition de Patrick Marques dans un contexte d’enseignement différent (lycée général). Chaque étape a d’abord été testée séparément avec différentes classes durant la fin de l’année scolaire 2022-2023, puis associée dans cette structure expérimentée durant toute l’année 2023-2024. Des adaptations seront probablement à envisager à l’issue d’un bilan à prévoir en fin d’année scolaire. 


Mickaël BERTRAND