Les classes inversées au lycée

Quels sont les bénéfices recherchés aux lycée avec les classes inversées?

La modalité "classes inversées" (terme que l'on utilisera systématiquement au pluriel), comme les autres formes pédagogiques, impose des choix à l'enseignant. Elle est pertinente si (et seulement si) elle répond à un besoin et s'inscrit dans une pluralité de pratiques. On peut dégager quelques invariants quant aux motivations des enseignant pour la pratiquer. Il s'agit par exemple de :

  • dégager du temps pour approfondir certains éléments choisis par le professeur.

  • travailler l'autonomie des élèves en leur offrant un véritable choix dans leur travail.

  • développer les interactions, l’enseignement entre pairs.

  • consolider les méthodes en "donnant du temps" aux élèves et les faire travailler à leur rythme.

  • différencier les apprentissages en n'imposant pas à tous les mêmes tâches et en s'adaptant aux besoins.

  • favoriser l'engagement et la motivation en donnant la possibilité aux élèves d'être des acteurs du cours.

Les compétences recherchées au collège et au lycée sont les mêmes sur le fond, c'est leur degré de maîtrise qui va différer. On tendra, pour un élève de Terminale, à ce qu'il soit autonome dans son travail, capable de faire des choix et d'évaluer ses propres atouts et difficultés, tout en ayant une maîtrise suffisante en rédaction et en analyse.

Dans cet article, nous proposons quelques exemples de mise en oeuvre concrète des classes inversées dans leur diversité. Nous proposerons aussi quelques retours des élèves eux-même sur ces pratiques.

Les classes Inversées en Seconde :

Dans ce premier exemple (Les Sociétés médiévales européennes, ancien programme de Seconde) , l'objectif est de dégager du temps pour faire travailler les élèves sur une tâche de rédaction en groupe (3 heures). Le but est que le travail soit réalisé en grande majorité en classe, avec l'aide et sous la supervision de l'enseignant.

Un second exemple en Géographie (Villes et développement durable, ancien programme) mise cette fois sur la réalisation de vidéos par les élèves à partir d'un ensemble documentaire

Les classes Inversées en Première :

Une proposition pour traiter le cours sur la Première Guerre mondiale (Ancien programme) avec un temps dédié à la méthodologie de l'étude de document. Ici 3 à 4 heures pour travailler sur le tableau "La Guerre" d'Otto Dix. On peut considérer que c'est un luxe de disposer d'autant de temps pour un seul et unique exercice!

Cette autre proposition insiste sur la confrontation des élèves et l'apprentissage par les pairs. Pour cela, trois temps sont organisés:

  • tout d'abord une rédaction est demandée sur le thème "la guerre d'anéantissement sur le front de l'est". Cette rédaction est ensuite corrigée de façon croisée par les élèves eux-même à partir d'une grille avec les attendus de l'exercice.

  • ensuite un travail sur les camps de concentrations et d'extermination est mené avec la méthodes des "tableaux tournants"(voir l'article sur la classe renversée). Les élèves rédigent collectivement la trace écrite à partir de différents documents.

  • enfin une carte sur la vie de Jean Moulin est demandée dans la troisième partie du cours. Ces cartes sont déposés sur un mur collaboratif et un vote a lieu à la maison sur "la meilleure carte". Au retour en classe, le professeur annonce le "vainqueur" , discute des critères de réussite d'une carte et choisit le cas échéant une production d'élève pour correction.

Ces trois temps offrent des moments particulièrement stimulants, le renforcement positif des interactions entre les élèves,un positionnement plus objectif des capacités de chacun et un travail approfondi des méthodes.

Les classes Inversées en Première HGGSP :

Trois exemples pour le thème "Etats et religions"

Les élèves de Première ayant choisi l'enseignement de spécialité Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques sont a priori des élèves curieux et friands de réflexion historique, politique ou géographique. Par ailleurs, les textes des nouveaux programmes nous incitent à favoriser chez eux l'autonomie dans les recherches documentaires et dans le raisonnement. Dans ce contexte, travailler en classe inversée permet à la fois de nourrir le besoin d'approfondissement, de raisonnement et d'argumentation de ces élèves et en même temps de privilégier du temps avec les élèves rencontrant des difficultés ponctuelles ou plus grandes.

Pour moi, la classe inversée consiste à un fichage de la leçon en amont de la séance. Elle est mise à disposition sur un Drive au minimum une semaine avant la séance. La leçon est souvent assez approfondie : on la reprend en cours à partir des questions des élèves, de manière progressive. Ensuite nous la mettons en oeuvre grâce aux activités. Les élèves ont avec eux un exemplaire papier (imprimé par leurs soins ou par moi) de la leçon pendant les cours afin qu'ils se l'approprient au mieux.

Dans le cadre du thème 5 "Analyser les relations entre Etats et religions", j'ai proposé une activité aux élèves assez complexe mais très riche sur la naissance des monothéismes, qui combine classe inversée (travail de la leçon en amont de la séance, autonomie sur l'activité) et classe renversée (les groupes travaillant sur un thème transmettent ensuite leurs nouvelles connaissances aux autres groupes).

Plus simplement, je laisse les élèves travailler en autonomie à partir d'une consigne et d'une leçon étudiée avant la séance, comme par exemple avec cette étude comparée des pouvoirs du basileus et du calife.

Enfin, on peut également imaginer inverser l'évaluation. Dans cet exemple, ce sont les élèves qui créent leur exercice type bac sur l'abolition du califat.

Dans ces trois exemples, la ligne directrice est de favoriser l'autonomie des élèves, tant sur la découverte et l'étude de la leçon que sur l'étude des documents, leur analyse ou encore la structuration de la pensée pour démontrer. Le travail en groupe renforce l'acquisition de la méthodologie et des notions, par la discussion qui permet de consolider pour chaque élève ses apprentissages. Les questionnements qui naissent des échanges entre pairs permettent quant à eux d'approfondir leur raisonnement : ils vont ainsi plus loin dans l'analyse. Enfin, l'aspect ludique est toujours plus engageant pour eux : interroger et corriger l'enseignant est un défi qu'ils aiment tous relever !


Les classes Inversées en Terminale :

Dans cette proposition, les élèves disposent d'un temps conséquent en amont du cours pour visionner et prendre en note le cours disponible sous forme de vidéos réalisées par l'enseignant. Puis ils sont invités à compléter une fiche de "positionnement" sur leurs capacités et leurs besoins, puis à choisir des activités en lien avec ceux-ci. Trois modules sont proposés :

  • Apprentissage : le but est de faire travailler le cours par l'élaboration de test de connaissances (à faire passer aux autres élèves), de vidéos de synthèse du cours à la manière des "Bons Profs", des cartes mentales, etc.

  • Méthodologique : travailler des points de méthode précis. Ici la présentation et la confrontation des documents.

  • Approfondissement : des ressources complémentaires sont proposées pour compléter les éléments du cours. Les élèves peuvent proposer des exposés à présenter à la classe ou en groupe ou des vidéos sur des points précis.

Cette formule laisse une grande liberté aux élèves et permet de travailler en profondeur avec les élèves ayant le plus besoin d'un accompagnement individuel.

La proposition qui suit pourrait être qualifiée de classe "post-inversée" dans le sens où les "capsules" vidéos sont fournies aux élèves APRES une phase de découverte des éléments du cours, de travaux sur documents, etc. Elle a rencontré un grand succès auprès des élèves pour lesquels cette formule très ritualisée et guidée et plus rassurante que les propositions précédentes.

Remarque : un article "principe de diversité" propose une comparaison et une articulation des différentes formules de classes inversées.

Une approche réflexive, évolutive et critique de nos pratiques

Les classes inversées font souvent peur car elles bouleversent assez profondément le rapport maître-élève, mais aussi l'espace et le temps habituels de la classe. Beaucoup de collègues craignent le temps important de préparation à fournir pour des résultats incertains. Inverser, c'est aussi se remettre en permanence à l'ouvrage pour améliorer son travail, tenir compte des échecs, des critiques. C'est accepter de renoncer à certaines pratiques ou de d'en modifier certaines.

Voici exemple concret d'évolution d'une pratique concernant les vidéos proposées aux élèves : les propositions faites plus haut comprennent des vidéos "maison". Or pour qu'elles soient efficaces, l'élève doit avoir une action sur elles ; c'est pourquoi certaines vidéos peuvent contenir à présent des éléments d'interaction (voir exemple ci-dessous)



Qu'en disent les élèves?

Nous proposons ici de partager quelques questionnaires et enquêtes menées auprès d'élèves. Elles n'ont bien sûr aucune valeur scientifique mais questionner les élèves est une étape importante dans le nouveau contrat pédagogique imposé par les classes inversées. Elle mettent en lumière certains bénéfices perçus par les élèves.

  • un questionnaire réalisé auprès de Première et Seconde dans un lycée de Châtellerault

  • une vidéo recueillant l'avis de trois élèves dans ce même lycée

Juliette BENELLI, Jordi COLOMER