Le jeûne en France : des cures de bien-être pour personnes en bonne santé

En Russie ou en Allemagne, depuis des dizaines d’années, le jeûne thérapeutique fait partie intégrante des méthodes de soin. Aux États-Unis, une étude publiée le 8 février dernier montre que de courtes périodes de jeûne peuvent être aussi efficaces que la chimiothérapie dans le traitement de certains cancers chez les souris. En France en revanche, le regard est très différent. Généralement ignoré par la médecine, le jeûne connaît néanmoins de plus en plus d’adeptes qui veulent le faire connaître.

S’alimenter de simples tisanes pendant une semaine. C’est l’expérience que tentent chaque année plusieurs milliers de Français dans le cadre de stages « Jeûne et randonnées ». Une cure bien-être censée faire repartir le corps à zéro et éveiller l’esprit, sur un modèle importé d’Allemagne. Là-bas, des stages de ce type sont pratiqués depuis de nombreuses années dans différentes cliniques, notamment à Buchinger, au bord du lac de Constance. Des séjours sous surveillance médicale, pour patients aux pathologies diverses. Et c’est là toute la nuance : en France ils sont réservés à des personnes en bonne santé.

Hormis dans un cadre religieux (carême ou ramadan), le jeûne n’est pas pratiqué fréquemment en France. Alors qu’en Allemagne ou en Russie des médecins le proposent à leurs patients, dans l’Hexagone, le jeûne n’est pas considéré comme une méthode de soin. Claude Bronner, président du syndicat Union Généraliste, voit dans ce rejet un manque d’intérêt plutôt culturel. Résultat : les médecins ne sont pas formés... et le cercle vicieux continue. Le généraliste, installé en Alsace, s’y retrouve confronté à travers ses patients, et ne s’y oppose pas. Au contraire, la démarche l’intéresse : « comme il a été prouvé que finalement l’animal qu’on fait jeûner vit plus vieux, ça interpelle. Ça interpelle sur nos fonctionnements de citoyens bien nourris et parfois même trop nourris », explique-t-il.

Ce n’est pourtant pas l’avis de tous les médecins. Sophie Lacoste, rédactrice en chef de la revue Rebelle Santé, consacrée aux médecines douces, constate davantage de refus du jeûne de la part du monde médical. Derrière ce rejet, elle perçoit l’ombre des laboratoires pharmaceutiques. « Si demain on apprend que le jeûne peut guérir ou soigner des tas de maladies, c’est autant de médicaments qui ne seront pas prescrits. Cela va même à l’inverse des intérêts de l’agroalimentaire, puisque pour le jeûne, on ne mange pas », explique-t-elle.

Pas un gramme de nourriture solide, mais des aliments liquides. Dans les stages proposés par les établissements français labellisés jeûne et randonnée , on ne « jeûne pas à l’eau », mais on consomme quelques tisanes et bouillons. Le reste du temps, on randonne, on rencontre des naturopathes, on fait du yoga ou parle nutrition. Une parenthèse consacrée à son corps et son alimentation, conçue comme un séjour de vacances. Une vingtaine de centres, soumis à une charte stricte, proposent aujourd’hui cette formule en France. Soit environ 500 stages par an, d’une durée de quelques jours à une semaine.

Des stages qui ne sont pas conçus comme un traitement médical : ils sont réservés à des personnes en bonne santé, qui souhaitent « faire le vide ». « Le but c’est simplement de faire un décrassage, de façon à repartir en meilleure forme », explique Jean-Pascal David, naturopathe et gérant de La Maison du Jeûne, dans les Alpilles. Il insiste sur l’aspect « jeûne de confort » et non thérapeutique.

Daniel, retraité du nord de la France, a tenté l’expérience avec sa femme, après les fêtes de Noël. Passés les premiers jours où il se sentait mal, il a eu l’impression d’avoir « l’esprit beaucoup plus clair » et de libérer son corps de ses toxines. Pour lui, le bilan de l’expérience restera très bénéfique. Et il compte déjà y retourner l’an prochain.

Oriane Raffin

________________________________

Le jeûne, une nouvelle thérapie ?

Documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade

(France, 2011, 56mn)

Coproduction : ARTE France, Via Découvertes Production