Pierre à feu

"Tout surgirait-il donc de la terre ?

C'est en partie ce que laisse à entendre et voir les œuvres exposées par Brigitte LONG à la galerie Alter-Art. « Tout » est de trop. Ce qui s'offre à nos yeux c'est une multitude de formes, issues certes d'une substance pétrie et malaxée, cuite de manière appropriée, auxquelles d'autres matériaux s'ajoutent.

Cela nécessite à l'évidence l'eau, l'air et le feu, pour que ces créatures trouvent sous le nom de céramiques, une relative stabilité. Il est nombre de registres auxquels ces formes appartiennent, les rassemblant et les distinguant à la fois : verticalité et horizontalité, hauteur et bassesse, blancheur ou couleur. L'énumération reste infinie.

En réalité nous sommes toujours ramenés à cette sempiternelle question : l'artiste a-t-il réellement décidé ce qui se présentera ici-bas, ou a-t-il abandonné une part de lui à l'aléa ?

Ceci relève à l'évidence de l'indécidable. Une pratique assurée d'un matériau donne évidemment lieu à une réussite. Ce qui nous séduit toutefois c'est ce brin d'imperfection né du hasard.

Aussi cette exposition réunit-elle nombre de suffrages. Nous y sommes en effet confrontés à des objets d'une inhabituelle, voire inquiétante étrangeté. Pourtant chacun y reconnaît une part de soi, de ce rudimentaire qui nous habite.

Sans doute est-ce le pouvoir de l'art d'élever certaines métamorphoses naturelles au rang d’œuvres, sans qu'elles perdent pour autant leur caractère rustique.

Dès lors, chacun peut à son gré, laisser vagabonder son imaginaire.

D'abord, les couleurs. Il y a ce noir,suggérant un bloc pur d'anthracite, issu de la mine, des profondeurs nocturnes. Que dire du bleu, procuré par on ne sait quel oxyde, qu'on nommerait volontiers pétrole ?

Cette libre faculté d'interpréter à notre guise, nous ouvre dès lors l'immense champ des possibles. Là ou l'on voit une hache, l'autre discernera une tour. Tout devient réalisable.

Là réside certainement le privilège de l’artiste, qui s'efforçant à un labeur continu, en vient à le dissimuler, pour ne laisser apparaître que le monde dans une relative nudité, ce qui persiste à nous enchanter."

Laurent Henrichs 1/02/2016