09 - La vie communautaire

La vie communautaire

Les débuts

- Un samedi avant l’emménagement, au cours d’une réunion mon mari a proposé de demander aux futurs locataires comment ils voyaient l’organisation de l’immeuble et c’est comme cela que tout a commencé.

- Le comité, c’était très sympathique, on s’est fait des amis, l’esprit était différent.

- Dire qu’on était tous parfaitement d’accord, non. C’était pas toujours drôle.

Dans les autres barres, c’est obligatoire que cela ne marche pas quand on met tous les gens qui ont les mêmes problèmes ensemble

- Mon mari était catholique pratiquant, nous avions des camarades, communistes militants, d’autres qui n’avaient pas de choix politiques très précis. Il y avait des gens qui au point de vue culturel avaient une bonne formation, d’autres qui n’en avaient quasi pas. Tout cela faisait très bon ménage.

- Quand on a emménagé c’était la joie. C’est comme cela qu’il y a eu un bon esprit dans cet immeuble, esprit qui d’ailleurs a demeuré assez longtemps.

- C’était bien ici on a eu une belle vie ici, chaleureuse, amicale, sociale

- Dans le quartier le père Thouvenin a fait ce que personne n’a jamais fait. Il a mis des gens en relation, il a créé un esprit.

- Plus tard j’ai compris que cela faisait partie du projet du Père Thouvenin de regrouper des familles de milieux sociaux différents dans cet immeuble. Après on a bien sympathisé avec eux. On s’est accepté mutuellement, c’était une bonne idée.

- Dans les autres barres, c’est obligatoire que cela ne marche pas quand on met tous les gens qui ont les mêmes problèmes ensemble. C’est là la force de l’équipe de base d’avoir réussi cette mayonnaise en mélangeant toutes les populations, des riches, des pauvres, des intellectuels, des communistes, des gens qui avaient différentes approches de la vie. Le travail en commun, ça soude les hommes. C’était une des grandes batailles du Père Thouvenin.

La gestion

- On a constitué le conseil syndical comme maintenant, c’était quelquefois houleux, mais en général cela finissait bien avec un pot. C’était plus facile qu’aujourd’hui avec un syndic.

- Il y a des immeubles qui sont mal tenus, où on a remplacé le gardien par une société. Nous on s’en est toujours occupé, c’est à dire que je ne connais pas quelque chose dans l’immeuble qui n’ait pas été voulu par nous, et par le conseil syndical.

- Avant c’était un peu différent il y avait des délégués d’escalier, on faisait des commissions et un conseil syndical qui à mon avis était trop restreint. Il n’y avait pas la même participation, les gens qui assistaient au conseil n’avaient pas le droit de prendre la parole s’ils n’étaient pas du conseil syndical. On a eu deux ou trois fois des écarts entre ce que les gens voulaient et ce qui a été fait. On demande l’avis de chacun mais si les gens ne répondent pas et qu’on le fait quand même, c’est la fin de la démocratie. On croit bien faire…

- Mon mari a fait partie du conseil syndical, les gens nous appelaient à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, il a fini par craquer. Les gens n’étaient vraiment pas respectueux.

Dans les années 1980-1990

- Au cours des assemblées générales, je me souviens des empoignades avant. Ce qui était du gros budget, [comme le] chauffage, cela augmentait d’une année sur l’autre mais c’était voté sans problème. Après pour des bricoles on discutait !

- Pour mettre la chaudière à gaz on a beaucoup discuté, certains craignaient que le gaz fasse tout sauter, dans une première A.G. cela a été refusé. Le conseil syndical a fait du porte à porte en expliquant tout, cela a été difficile mais la décision a été votée l’année suivante.

La moitié des gens qui ont voté n’était pourtant pas concernée

- Quand on est arrivé dans l’immeuble l’ascenseur ne s’arrêtait qu’à un étage sur deux, ceux qui habitaient aux étages impairs ont dû être ravis du changement. Cela a été une grosse affaire pour l’immeuble. On ne remerciera jamais assez Monsieur B. qui est arrivé à faire voter tout le monde pour ce projet de changement d’ascenseur et d’ouverture des portes à chaque étage. La moitié des gens qui ont voté n’était pourtant pas concernée. Les travaux ont duré plusieurs mois au printemps 91, c’est à dire un bon mois par cage d’escalier, et il fallait monter à pied !

- Ce sont les seuls travaux pour lesquels nous avons dû débourser de l’argent. On a payé en plusieurs fois. Tous les autres travaux ont été faits dans le cadre des provisions pour grosses réparations qui ont permis le ravalement et le changement de chaudière.

- Quand on est allés à la première assemblée générale, on nous a présentés et tout le monde a applaudi, maintenant cela ne se fait plus.

- En arrivant je me suis rapproché du conseil syndical, puisque rue Saint-Fargeau j’en étais déjà membre. Je savais comment ça fonctionnait et j’ai vu qu’ici c’était très structuré, avec toutes les commissions. Ailleurs ça n’existait pas.

-Le plus gros coup que j’ai fait c’est d’arriver à faire économiser à l’immeuble 13 000 m3 d’eau par an. J’ai eu l’idée de chercher notre compteur d’eau qui est dans la M.J.C. Je trouvais qu’on dépensait énormément d’eau. J’ai regardé le chiffre qui était de 26 000 m3 forfait annuel. La compagnie des eaux se faisait de l’or. C’était la période où les familles nombreuses commençaient à diminuer. J’ai eu la chance de trouver un vieux carnet de relevé tout pourri que la compagnie des eaux avait laissé, j’ai vu que sur sept ans on ne dépensait que 12 ou 13 000 m3 par an et on payait un forfait de 26 000 ! On avait un contrat qui coûtait cher. Dans le forfait on payait en plus le passage mensuel d’un employé des eaux, il sonnait dans chaque logement en demandant si nous avions une fuite et changeait éventuellement une rondelle à un robinet !

- Ils avaient fait les heures castor, c’était un peu à eux cet immeuble, mais ils avaient une façon de gérer... voulant une garantie totale pour les robinets, et autres.

Dans les années 2000

L’habitat communautaire c’est la diversité

- Pour l’immeuble, pour ceux qui s’en occupent c’est formidable, l’immeuble est super bien géré. Depuis 10 ou 15 ans je n’ai vu aucune augmentation des charges. L’immeuble est très propre.

- Aujourd’hui, même s’il y a 17 personnes au conseil syndical, celles qui ont le plus de disponibilité ont tendance à faire sans concertation. Celles qui ne le supportaient pas ont démissionné.

Pourtant il faudrait que tout le monde soit équitablement représenté, quelque soit sa situation dans l’immeuble. L’habitat communautaire, c’est la diversité.

- La notion du durable est difficile à intégrer. Il y a un an, il a fallu changer les canalisations extérieures qui avaient presque 50 ans. C’était des très gros travaux et au lieu de remettre des canalisations en terre, on a mis du P.V.C. Combien de temps dureront-elles ? Pour les fenêtres, c’est pareil.

Les commissions

- Ce qui était génial, c’était les différentes commissions.

On a toujours participé à la vie de la maison

- J’étais à la commission information et pour se prévenir on avait un système, j’étais au septième étage et nous étions trois l’un au-dessous de l’autre. Quand il y avait réunion, on tapait dans les tuyaux du chauffage, et on se retrouvait pour préparer le journal. Une jeune fille de l’immeuble venait taper à la machine sur un stencil, on le tirait sur une ronéo, on assemblait et on ajoutait les couvertures imprimées.

- A une époque il y avait plus de monde qui participait aux travaux dans le jardin. Des samedis après-midi on allait nettoyer, on enlevait les mauvaises herbes.

- Je me souviens que deux messieurs aidaient le gardien à ramasser les feuilles mortes et les brûlaient, ils faisaient partie des mains vertes.

- Dans l’immeuble, je voyais les relations des adultes A l’époque on s’occupait des pelouses, on jardinait nous-mêmes. C’était les parents qui le faisaient, j’avais 10 ans et j’allais aider un petit peu. Cela permettait de se connaître

- Mon mari s’est occupé du groupement d’achat, toujours dans un esprit économique. On a toujours participé à la vie de la maison.

Il y avait une coopérative

- Il y avait une coopérative, Paris Ouest, qui livrait à des collectivités. Monsieur D. en était responsable. Chacun remplissait une liste de commandes et tout arrivait en bas une fois par mois. Il fallait tout ranger et nous étions plusieurs à assurer la distribution. Il y avait aussi un boucher tous les samedis après-midi. On faisait venir des cultivateurs de Pontchartrain qui vendaient volailles, beurre et crémerie. Mademoiselle M. faisait venir des fromages de Cantal entiers qu’elle vendait à la coupe. Comme le fromage avait séché entre temps il avait perdu du poids et elle y perdait toujours de l’argent !

- Il y avait les ventes de produits du terroir avec la venue des producteurs dans la grande salle.

- Il y avait aussi des ventes de produits d’entretien.

- La vente de champagne en fin d’année existe toujours.

- La coopérative, c’était le plaisir d’acheter des bons produits mais c’était surtout de les acheter moins chers. Il y avait quand même de gros problèmes économiques.

Tu as oublié de mettre ton manteau

- Le vestiaire : C’était l’hiver, il faisait très froid et pourtant une petite fille n’avait qu’un tricot. Je lui dis : «Tu as oublié de mettre ton manteau.» En baissant la tête, tout bas elle répondit : «Je n’en ai pas.» Heureusement Marie-Laure en avait deux ! Au cours de couture, une maman de quatre enfants expliquait en riant : «Voilà mon fils aîné a les pieds plus grands que ses chaussures - Echange des tailles avec un autre qui a une paire trop petites - Et voilà le deuxième échange entre nous suivi de tellement d’autres. Nous avons constitué un stock, d’abord dans une caisse, puis dans la pièce appelée vestiaire. D’autres sont venaient y puiser : un immeuble voisin, une habitante du 140[1] pour son groupe et même en province où nos voitures chargées de trésors étaient attendues.

- Aux débuts, le vestiaire, c’était des cartons empilés dans le vide ordure du palier. Après on a fermé un espace derrière les boîtes aux lettres. Il fonctionne toujours.

- Il y a eu beaucoup de choses de faites avec le vestiaire. Je travaillais dans une entreprise qui avait une usine dans le Nord. Ils manquaient de vêtements et de chaussures pour faire partir les enfants en colonies de vacances. On a envoyé aussi des affaires à une institutrice dans le Loiret et à des religieuses à Madagascar.

- Il y a eu les échanges de vêtements, les parents donnaient des affaires parce que leurs enfants grandissaient. Il y a eu aussi des échanges de meubles.

- Ces dernières années, le vestiaire était arrivé à fournir aussi jusqu’à deux pleins camions par an pour Emmaüs, plus des orphelinats au Cameroun et en Roumanie.

- Aujourd’hui les mamans se passent les vêtements, il y a une entraide.

- Il y a eu aussi une journée de troc chacun apportait quelque chose dont il voulait se débarrasser et l’échangeait. Je me souviens avoir pris une gamelle.

- Et moi, je me souviens avoir donné un chapeau de paille.

- Dans l’immeuble au début on a ouvert un local pour les jeunes en bas en face de la cuisine. Les jeunes qui faisaient du sport et les autres s’y sont retrouvés. Ils avaient fait un petit bar. Le local est resté ouvert trois ans, les plus calmes sont partis, les plus virulents sont restés et on a été obligé de fermer le local.

- L’atelier bricolage en bas : certains venaient prendre du matériel quand c’était ouvert et ne le rapportaient pas. Après on a fermé la porte, alors on ne pouvait plus venir facilement…

C’était toujours dans le même esprit, que les gens fassent des choses ensemble

- Etienne avait pensé aussi mettre en bas des machines à laver collectives, mais cela ne s’est pas fait. C’était toujours dans le même esprit, que les gens fassent des choses ensemble.

- Ici j’ai pris des cours de couture organisés par la Caisse d’allocations familiales et destinés aux jeunes femmes. C’était très adapté aux besoins des jeunes mères et nous avions les locaux pour cela. Madame F. a été élue Fée du Logis, concours organisé par la C.A.F. et destiné à inciter les femmes à tenir la maison. Elles passaient un petit concours et devaient réaliser un gâteau en peu de temps, repasser du linge, fabriquer un vêtement en couture. Elles étaient récompensées. C’était dans les années 60. La gagnante recevait des appareils électroménagers gratuitement.

- Les œuvres hospitalières des chevaliers de Malte sont venues un soir pour nous faire une démonstration sur les secours d’urgence, j’ai retrouvé ma carte.

- La télévision est venue une fois nous interroger sur nos émissions préférées. En fait ils faisaient les demandes et les réponses, on n’avait pas le temps de s’exprimer. Une dame a dit : « Ca ne valait pas la mise en plis ! »

Les heures castor

Si les militants donnaient leur temps en castor, ils ne pourraient plus s’occuper des syndicats

- Le Père Thouvenin a voulu organiser les heures castors. Mon mari n’était pas favorable parce que cela allait prendre du temps et si les militants donnaient leur temps en castor, ils ne pourraient plus s’occuper des syndicats !

- Au début autour de l’immeuble il n’y avait rien. On avait le choix entre faire les heures de travail ou payer, pour l’achat des matériaux. Cette possibilité de payer n’a pas plu à une partie des gens qui préféraient travailler.

- On a réalisé tous les extérieurs nous-mêmes en castors, ce qui a fait des économies. A un moment j’ai préféré payer parce que j’étais nul en jardinage. Certains étaient très bons, ils s’y connaissaient pour aménager le parc et les jardins. Moi, je trimbalais une brouette d’un côté à l’autre.

- Les relations avec les voisins se sont faites sur le terrain pendant les heures castor.

- Les gens ont été portés par tous ces travaux qui se sont fait en commun. C’est ça qui a beaucoup lié l’immeuble, ce principe des heures castor où les gens se sont impliqués personnellement.

- Tous ces gens se sont fréquentés grâce aux heures castor : Les hommes ont brouetté, les femmes ont fait la bouffe et les petits boulots de nettoyage, les enfants étaient partout.

- Les maris ont travaillé en heures castor pour les aménagements extérieurs, les femmes disaient : « Ce n’est pas nous ce sont nos maris qui font le trottoir ! »

- Je me rappelle des travaux faits par les castors et je me souviens des Jésuites remontant leur soutane pour travailler.

Ceux qui ne pouvaient pas faire les heures castor devaient les payer pour rester dans l’esprit

- On a fait la terrasse, on a déplacé la butte au moins quatre fois, cela ne convenait pas ! Nous avons fait le passage, tout le devant de l’immeuble et le passage vers la rue Haxo. Ceux qui ne pouvaient pas faire les heures castor devaient les payer pour rester dans l’esprit.

- Un jour on a décidé de planter des arbres pour faire un mur de verdure devant le cimetière. On a fait appel aux castors et chacun devait planter son arbre. Le jour où ils les ont plantés, mon mari est arrivé avec sa gamelle et son petit salé et il a dit : «Attendez les gars, on va casser la croûte avant de commencer à travailler !»

- Un samedi matin je suis descendu pour travailler. On m’a dit qu’on avait trouvé du terreau à Villejuif et qu’il fallait aller le chercher. J’avais un copain rue de Romainville, à qui j’ai demandé de me prêter son camion. On est parti à quatre. Arrivés là-bas une personne m’a montré où était le terreau qui était magnifique. On a chargé le camion. Alors le propriétaire du terrain est arrivé et nous a demandé ce que nous faisions là et j’ai vu les trois autres gars qui foutaient le camp ! En fait ce n’était pas ce terreau qu’il fallait prendre, il fallait aller dans un champ et creuser pour le prendre, celui que nous avions pris était en tas tout prêt mais pas pour nous. Je suis resté avec le camion et les deux paysans qui voulaient appeler la police. J’ai fait ni une ni deux, j’ai pris le camion et je me suis sauvé !

- L’Habitat communautaire a vécu samedi une de ses grandes journées. A l’assemblée générale, L. avait mobilisé l’opinion et les gens pour les persuader qu’il ne fallait compter que sur soi-même pour avancer. Et de proposer une urgence : un passage cimenté sur la petite route des Bérangères. Stylo en main, il avait pris les inscriptions de volontaires et fixé une date : le 11 mai. Jeudi, il adressait un imprimé à Madame, la conviant à envoyer son mari aux travaux. Et il ajoutait, à l’intention de la population non laborieuse, que casse-croûtes et boissons seraient les bienvenus. A vrai dire, son moral vendredi n’était pas des plus hauts. Il craignait de se retrouver avec trois ou quatre pelés et sa route sur les bras. Mais, dès vendredi soir, à la sortie des bureaux et des usines, quelques braves commençaient les travaux de préparation. Parmi eux, T., H.P., M.S., A. et L.C. (en pull gris perle et tennis blancs…). Samedi matin, on pouvait prévoir, dès la première heure, que ce serait un succès. La foule. Une trentaine de personnes environ dont quelques intellectuels (B., D., H.) et, surprise, pour la première fois depuis des années, D. pelle en main. Une ruche, une phalange, un kolkhoze. Et voilà qu’aux bras, s’ajoute le réconfort et le soutien des inactifs. Les bouteilles de vin (bouché), les sandwiches, les terrines de pâté. On passe… On dépose son petit présent… On félicite… On encourage… L. serre des mains, va, vient, ordonne, conseille, dirige. Il se fait amical, condescendant, paternel. Il y a de l’ambiance. B. prend des photos. Et il faut dire que le soir, le chemin est terminé. (Une bande de ciment au centre, sur un bon mètre de large). Les issues sont condamnées, les Bérangères parquées et les boulistes isolés. On leur prête une échelle pour rentrer sur le terrain. Et vous connaissez le physique d’acrobate de ces gentils pépères… Je ne sais pas ce que la chose donnera techniquement parlant mais, du point de vue de l’esprit communautaire, c’est un franc succès. Et le L. qu’on plaisantait depuis un mois avec « sa petite route Hébel » doit se sentir soulagé. Je ne l’ai pas revu car, tout barbouillé de ciment, il est monté dans son ID et il est parti pour Marines, en homme qui ne change rien à ses habitudes, en héros bon enfant. Je ne sais pas combien de temps ce ciment doit sécher mais je vous ferai part de mes impressions quand le passage sera de nouveau ouvert à la circulation.[2]

- Après quelques années les gens n’ont plus assuré le travail castor, alors on a arrêté et on a décidé de payer.

Les relations de voisinage

- On connaissait presque tout le monde, des gens de nos âges qui avaient des enfants du même âge que nos filles et d’autres personnes dans l’immeuble qui vivaient déjà dans le quartier. Mon frère puis ma sœur sont aussi venus s’installer dans l’immeuble.

- En arrivant, nous connaissions déjà beaucoup de gens dans l’immeuble qui vivaient très mal logés dans le quartier.

Il y avait ceux d’en haut, des Otages, et ceux d’en bas, du quartier de Ménil-montant

- On avait emménagé le premier mai. Mon frère a emménagé avant nous, on nous appelait la mafia ! Il y avait toute la famille, mon frère, ma sœur et, comme par hasard, dans le même escalier !

- Avant d’habiter ici je n’avais aucun contact avec mes voisins. Avec mes parents j’ai habité un H.B.M., ma mère disait : « Il ne faut pas se laisser envahir par les voisins. » Ici cela ne s’est pas produit et j’ai bien apprécié le voisinage.

- En arrivant je ne connaissais personne dans l’immeuble à part ma famille, mon oncle et ma tante et ma grand-tante qui sont aussi venus s’installer ici, cela faisait trois foyers de la même famille.

- On connaissait D. depuis notre jeunesse. Il venait ici pour jouer au basket avec l’A.S.V.O. En fait il y avait ceux d’en haut, des Otages, et ceux d’en bas, du quartier de Ménilmontant…

- Mon mari est très réservé, on a peu côtoyé les gens à part la petite copine des enfants. Mes beaux-parents sont arrivés en 58. Mon beau-père était encore plus renfermé que son fils. Ils ont fait les heures castor mais n’ont jamais vraiment participé à la vie de l’immeuble. La plupart des gens qui ont fait les heures castor ont été très présents et très impliqués.

- J’ai eu la chance d’avoir des enfants qui n’ont pas été trop coursés par le gardien, même s’ils faisaient partie de l’équipe qu’on appelait les Dalton. Du bruit dans l’immeuble on a eu, et aussi des gamins qui ont fait des bêtises. Moi en temps que parent, je n’étais pas très rassurée quand mes enfants étaient avec cette bande. Il y a plus d’un vélo dans le garage à vélo qui a été piqué et revendu aux Puces, sans compter les blousons… Je me souviens de deux frères qui ont fait plusieurs effractions à la M.J.C., après ils se sont mis serruriers, c’était de vrais spécialistes ! On n’a jamais rien dit à l’extérieur, mais on le savait, il y avait une espèce de petite protection interne.

- En fait, il y avait une certaine tranquillité dans l’immeuble mais elle existe toujours, moi je ne ferme pas ma porte. On vit bien, on vivait bien. Il n’y a jamais eu de gros problèmes mais il y en a eu quand même.

A l’hôpital ils n’avaient jamais vu cela, tout l’immeuble a défilé, il y avait la queue pour donner son sang.

- Je me rappelle qu’à cette époque la clef était toujours sur la porte à l’extérieur. Les enfants entraient et sortaient, les copains aussi. C’était très accueillant.

- J’ai toujours la clef de la cave de D., il vient la chercher chez moi.

- Les portes restaient souvent ouvertes et les enfants allaient d’un appartement à l’autre. Ils jouaient ensemble, c’était très agréable. Les enfants montaient et descendaient très souvent, et je laissais très couramment la clef sur la porte ou sous le paillasson ce que je ne ferais plus maintenant.

- Quand j’avais oublié ma clef, je demandais celle de ma voisine, c’était les mêmes !

- Quand il y avait un enterrement ou un événement important, chacun se sentait concerné. Monsieur R. avait une maladie du cœur et avait été opéré d’urgence. On avait demandé du sang pour son intervention en l’affichant dans l’immeuble. A l’hôpital ils n’avaient jamais vu cela, tout l’immeuble a défilé, il y avait la queue pour donner son sang.

Je n’avais ni livre ni dictionnaire à la maison.

- Si j’ai réussi à avoir le bac c’est grâce à M. Nous avions le même âge et je souffrais de n’avoir ni frère ni sœur. Je n’avais ni livre ni dictionnaire à la maison. Dès que j’avais besoin de faire un devoir sur tel ou tel sujet je lui demandais et elle me prêtait des livres. Elle m’a emmenée à la Comédie française ou elle avait des places à prix réduits. Une fois, la Comédie française nous a prêté des costumes pour jouer Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. J’étais Lisette.

- Quand ma correspondante anglaise est venue, quelqu’un dans l’immeuble nous a prêté sa chambre, sinon je n’aurais pas pu l’accueillir.

Les D, j’ai aidé leurs enfants à faire leurs devoirs. Je n’avais pas d’argent de poche. J’avais cinq francs quand je faisais la mise en plis de ma maman et ces voisins me donnaient une petite pièce quand j’aidais leurs enfants.

- Certains n’avaient rien en arrivant ici, des caisses leur servaient de meubles. Il y a eu une fraternité entre nous.

- Une dame faisait de la couture [pour les autres], ça n’était pas la richesse.

Avec mon mari on s’est bien entendus avec les familles ici.

- La mixité ? Dans la maison il y avait une famille d’origine italienne, les O. d’origine algérienne, Monsieur. Y chinois, une dame russe, une autre famille polonaise… Mais tous étaient Français.

- Les gens se fréquentaient surtout à l’intérieur d’une cage d’escalier. Chacune avait sa réputation. Le A, aujourd’hui dit 47 avait la réputation de bourgeois, les habitants de l’escalier D étaient qualifiés de prolos !

- C’était agréable pour nous d’avoir un environnement amical. Nous avons surtout fréquenté des familles nombreuses habitant le même escalier.

- Les C. étaient deux étages au-dessus, nos enfants avaient toujours des choses à se dire, ils s’écrivaient des petits papiers qu’ils faisaient circuler d’une fenêtre à l’autre à l’aide d’une ficelle. Les jeunes sont partis sac au dos ; nos fils ont fait de grands voyages.

- Il y avait des gens de mon escalier que je connaissais et avec qui je m’entendais très bien.

- Entre adultes il y a eu de très bonnes amitiés dans la maison, mais on avait chacun notre vie.

J’ai dit : « Mais il y a des gens riches ici ? »

- Dans les relations avec les voisins, il fallait faire attention, respecter des limites, mais je n’en ai pas souffert. On pouvait laisser ouvert sans problème, on n’était pas envahis.

- Un jour j’ai vu devant le 47 des beaux frigidaires tout neufs, de belles gazinières et des machines à laver posés sur le terrain, j’ai dit : « Mais il y a des gens riches qui viennent ici ? » J’avais entendu dire que cet immeuble était pour les gens mal logés ?

En fait j’ai eu peu de contacts avec les gens de l’immeuble, je partais le matin et je rentrais le soir, j’apprenais les nouvelles de l’immeuble souvent avec du retard.

- Mes voisins je ne les connais presque pas, sauf ceux que j’ai connus quand j’avais leurs enfants au sport. Quand on était jeunes on se connaissait mieux. Quand je travaillais, je commençais tous les matins à six heures. Je finissais à quatre ou cinq heures de l’après-midi et après j’allais au basket. En rentrant je n’avais plus envie de voir les gens. On disait de moi : « C’est un sauvage ! »

- Petit à petit, on arrivait à se rendre service les uns les autres. Un esprit de sympathie de solidarité s’est créé.

- La solidarité entre voisins, cela se fait tout seul !

Dans les années 1980

- Quand on était là on participait à la fête de l’immeuble. J’aime mon immeuble. Ici c’est spécial. Rue Pelleport où j’ai vécu avec mes parents, on ne connaissait pratiquement personne. On disait bonjour, bonsoir et encore !

- On se connaît mieux que dans d’autres immeubles. En arrivant on a connu assez rapidement les gens. On ne se fréquentait pas mais les gens allaient aux réunions.

- J’ai tout de suite pensé que les gens étaient aimables, ils sont venus nous voir, se présenter, ce n’était pas anonyme comme là où nous étions avant, mais il n’y avait pas de réel contact.

Dans les années 2000

- En arrivant, j’avais un peu peur de ce côté communautaire, j’ai toujours vécu dans des grandes villes, j’avais l’habitude de l’anonymat. Quand les gens disent bonjour, dans le bonjour il y a aussi : « Mais vous êtes qui ? Vous vivez là ? Vous êtes arrivés quand ? » Au début cela me gênait un peu. Pour mon fils c’est bien cette communauté d’enfants et de voisins mais pour moi je n’étais pas sûre de pouvoir y arriver et finalement cela se passe très bien. Pour moi c’est plutôt de la courtoisie de dire bonjour. Je ne connais pas tout le monde, avec ceux qu’on voit le plus souvent on établit tout doucement un contact. Ensuite ça m’a plu ce côté tout le monde se connaît et s’entraide.

Ca m’a plu ce côté tout le monde se connaît et s’entraide

- La vie communautaire a ses perversions ; c’est que quand on rentre dedans on peut être pris dans un tourbillon, c’est pas évident de prendre ses distances. Inévitablement il y a des gens avec qui on a moins d’affinités, du coup il y a des gens qu’on côtoie avec qui on ne se sent pas à l’aise. Le fait que tout se sache au bout d’un moment c’est très sympathique mais ça peut être un peu gênant. Les informations circulent très vite et comme tout le monde au fond de soi est un peu curieux. Il faut mettre un pied dedans et aussi garder ses distances et sa vie privée.

- Après mon installation, la première chose que j’ai faite c’était d’inviter mes voisins et les gens qui m’avaient si bien accueilli. Nous le faisions dans mon ancien immeuble et cela me semblait normal de me présenter et de leur offrir un apéritif.

- On connaît relativement peu de monde dans l’immeuble, mais les rapports sont très courtois. Ce qui est agréable c’est que les gens se disent vraiment bonjour, cela n’arrive pas partout. On connaît de vue cinq ou six voisins. A côté c’est un grand mystère, je pense qu’il n’y a personne. On connaît nos voisins d’en face, un grand monsieur du neuvième étage qui est adorable, le petit garçon qui habite au-dessus et quémande son bout de pain quand je rentre le soir, et ses parents, et un petit voisin au-dessus... On se croise dans l’ascenseur, on échange deux ou trois mots mais c’est très convivial.

- Plus on utilisera le jardin, plus on verra des gens. Les choses vont se faire petit à petit.

- Ce que je ressens c’est que si j’ai un grand problème, je peux taper à une porte, on ne me dira pas non. Même avec les nouveaux je sens quelque chose. On a de bons rapports sans être envahis. C’est bien le fonctionnement d’origine. Ailleurs c’est différent. Mais ici il y a eu des activités communes : les bals anniversaires, les heures castor pour les hommes, les dames ont fait les rideaux …

Les fêtes

- L’inauguration c’était sensationnel. On a défilé partout. C’était les étudiants des Beaux-Arts.

- Pour l’inauguration de cet immeuble, il y avait la fanfare du quai Malaquais.

- C’était sympa, on en a fait des fêtes…

- Dans les charges de l’immeuble il y avait un budget pour les activités, les fêtes et pour les enfants.

- Tous les ans au mois de mars c’était le bal anniversaire de l’entrée dans l’immeuble, il y avait un repas et le bal durait jusqu’à cinq heures du matin.

- C’était bien, ils déplaçaient un orchestre, il y a eu aussi deux chanteuses qui sont venues.

- Je revois mon papa qui jouait de la batterie. C’était sympa. Le bal se terminait par une soupe à l’oignon.

Une fois des enfants sont arrivés en groupe, ils avaient compté leurs sous et ont demandé : « Une soupe avec huit cuillers ».

- Le coût de ces soirées était prévu dans nos charges, mais à un moment on payait la soupe à l’oignon, Une fois des enfants sont arrivés en groupe, ils avaient compté leurs sous et ont demandé : « Une soupe avec huit cuillers ». Je crois qu’on leur a donné deux soupes !

- Moi un an ou deux après mon arrivée, j’ai été à la commission loisirs. On faisait un bal tous les ans, avec orchestre et soupe à l’oignon, grosse cuisine, choucroute pour 100 personnes …

- On a fait beaucoup de fêtes costumées pour les enfants, avec des défilés. Les costumes étaient faits par Madame E aidée par les mamans. On donnait des prix.

-Sur une photo on nous voit déguisées en Bretonnes, on faisait aussi des courses en patinette.

- Je pouvais faire des booms dans la salle. C‘est par ici que j’ai eu mes premiers flirts.

- On faisait aussi les goûters de Noël.

- L’année où on est arrivés il y a eu un feu de Saint-Jean, nous étions spectateurs. C’était l’été 79 ou 80. Après cela a été interdit. Cela faisait très fête de village.

- Il y a eu aussi d’autres soirées. Quand Monsieur C. est revenu de son voyage en Chine, il a organisé une soirée pour nous parler de son voyage. Le fils B. nous a aussi présenté un film au retour d’un grand voyage et d’autres encore.

- A l’occasion d’une rencontre on a projeté le film de Monsieur B. sur l’immeuble, plus tard on a eu la cassette.

- Il y a eu les réunions Tupperware en 1960-1962. Plus tard on a vendu comme cela les produits de beauté Auriège. Je me souviens de réunions chez Madame B.

Dans les années 1990

- Il y a eu jusqu’à 150 personnes à ces soirées qui comptaient beaucoup. Il y a dix ans au maximum que ce bal a été supprimé, il y avait de moins en moins d’anciens.

- On a fêté le quantième anniversaire en 98 avec un très bon repas. C’était une belle fête.

- Madame M. descendait toujours bien pimpante et la dernière fois elle a gagné le gros lot : un louis d’or, on l’a filmée.

- Une fois il y a eu une fête en l’honneur du Père Thouvenin. Il y avait deux musiciens.

- En bas on faisait de belles vaisselles. On était contre les assiettes en carton, l’évier est bas et j’ai lavé des centaines d’assiettes, je ne savais pourquoi j’avais mal au dos le soir ! Après il n’y avait plus d’eau chaude, ni de torchon…

Les gardiens, le jardin et les enfants

- Depuis 50 ans, il n’y a eu que trois couples de gardiens.

Les premiers gardiens, ce sont des gens que le Père Thouvenin avait amenés dans sa charrette

- Les premiers gardiens, ce sont des gens que le Père Thouvenin avait amenés dans sa charrette. Ils venaient de Nabas.

- J’ai connu le premier gardien, un petit bonhomme très impulsif et criard après les enfants, nous on n’était pas trop concernés.

- Le pauvre homme a eu bien du mal, c’était pas la chaufferie électrique et au gaz mais au charbon. Il fallait qu’il surveille cela. J’étais encore au rez-de-chaussée. Je me souviens qu’une nuit, il faisait une chaleur épouvantable. J’ai cru que tout allait claquer. Je suis allée le trouver heureusement. Il était deux ou trois heures du matin. Il s’est levé et est allé voir, il y avait un problème à la chaudière.

- Ils n’avaient que les deux pièces avec le couloir que tout le monde traversait.

- Les gardiens à l’époque avaient un boulot fou. Ils surveillaient aussi les enfants !

- L’idée du jardin derrière était géniale. Tous les enfants ont joué ensemble au sable puis au vélo, se sont caché dans les caves, ont fait des bêtises, pas des grosses, enfin comme tous les jeunes.

Ils ont grandi ensemble allant aux mêmes écoles. C’était cela l’idée merveilleuse, c’est que chacun d’où qu’il vienne était respecté, reconnu.

- Le premier souvenir qui me revient ? C’est quand nous jouions tous « en bas » et qu’à sept heures Monsieur L., le gardien, sifflait depuis la fenêtre de la loge pour nous faire remonter.

- [Au rez-de-chaussée], mon beau-père restait à la fenêtre et faisait les marionnettes aux enfants qui étaient sur le bac à sable dans le jardin.

- Il y en avait des familles nombreuses, il y avait beaucoup d’enfants dans la maison. Quand ils jouaient dehors et que ce pauvre Monsieur L. essayait de les faire rentrer…

- Tous les soirs il sifflait à sept heures pour les faire remonter. Les parents les appelaient leurs enfants.

A partir de huit heures trente ou neuf heures, les parents descendaient. La plupart avaient autour de 25 ans ils étaient tous jeunes. Tous les soirs 30 adultes jouaient au volley derrière l’immeuble.

- En fin de journée il y avait comme une passation de l’espace de la cour des enfants aux adultes.

Ce qui était formidable c’était l’aspect de liberté

- On se retrouvait tous en bas pour faire des jeux pour les enfants.

- On faisait des tournois de boules tous les ans.

- On ne peut pas dire qu’on ne jouait pas dans la cour qu’il n’y avait pas de bruit quand on jouait au basket ou pendant les parties de boules, mais je ne me rappelle pas qu’on ait pique-niqué à titre individuel dans la cour.

- Les gens restent sur une vision positive du passé et occultent complètement le reste.

- J’ai été comblée par le jardin pour les enfants, j’ai un peu grogné quand on a voulu mettre des barrières partout. Cela ne me plaisait pas. Ce qui était formidable c’était l’aspect de liberté à l’intérieur de l’immeuble. A l’époque, qu’il pleuve, neige ou vente on était toujours dehors avec les gamins. C’est surtout cela qui était agréable.

- Mes parents étaient en pavillon avec un grenier et un sous-sol, je n’ai pas souffert de m’installer en appartement compte tenu de l’espace extérieur.

Les bébés, ça s’attrape sur les bancs

- Il y a eu beaucoup de naissances les premières années, on disait : « Les bébés, ça s’attrape sur les bancs dans le jardin! »

- J’appréciais beaucoup que les enfants puissent descendre au jardin. Quand on est arrivés ils avaient six et trois ans, je descendais avec le petit. Au fur et à mesure qu’ils ont grandi, j’y allais moins et j’appréciais cette liberté, et le fait que les enfants puissent descendre au jardin en toute sécurité. Je descendais de temps en temps, je les regardais par la fenêtre, mais je n’étais pas obligée d’y être tout le temps avec eux.

- Les enfants faisaient quelquefois des expéditions dans le cimetière et dans les usines à côté. Une fois ils avaient rapporté un os peut-être un crâne. Ils se racontaient des histoires pour se faire peur. Après le personnel du cimetière a installé une clôture et un toit pour qu’on ne voit plus de nos fenêtres quand ils relevaient une tombe. Une fois certains sont allés se promener dans les caves de l’immeuble situé à l’angle de la rue Haxo qui n’était pas encore habité. La police est venue et les enfants ont été emmenés dans le panier à salade !

Dans les années 1980

- Quand on est arrivé, les premiers jours il faisait froid et il y avait peu d’enfants dehors. Mon fils avait sept ans et demi, il descendait et faisait le tour de l’immeuble en vélo. Les gens devaient se demander qui était ce gosse ! Il tournait, il se défoulait, c’était un bonheur. Ce n’était pas fermé mais il ne faisait pas de bêtises. Je regardais par la fenêtre et je tapais dans les mains et il savait que c’était moi qui tapais. On ne ferait pas cela aujourd’hui. Après il a connu des copains et a fait d’autres jeux.

- Quand il y avait de la neige, les enfants faisaient des traîneaux avec des cartons.

- Nos deux enfants jouaient dehors, faisant des parties de billes, de foot, de tennis. Il y avait déjà une certaine entraide, une ambiance.

- Nos fils se sont toujours bien entendus, ils jouaient ensemble. Ils se sont même lancé des boules de pétanque !

- C’était des années creuses pour les enfants Ceux qui étaient nés dans l’immeuble étaient déjà grands. Ils faisaient des parties de tennis en bas et des Monopoly à la maison.

- Quand on est fils unique c’est un bonheur d’habiter cet immeuble, si on est un peu sociable.

- Avant de quitter l’immeuble, nos fils ont eu à cœur de repeindre les lignes du tennis. Ils ont eu beaucoup de mal car ça se décollait avec le vent, mais ça a été fait et ils l’ont fait avec bonheur.

- On a dû refaire le terrain de tennis plusieurs fois à cause des racines de peupliers.

- Il y a des gens qui ont bossé dur. C’était une bonne époque, les gens se connaissaient.

Dans les années 1990

- Il y avait des fêtes dans le jardin ; nous n’y participions pas au début parce qu’on ne connaissait personne, mais on trouvait cela sympa, on voyait que des gens se fréquentaient. Je me souviens qu’ils jouaient à la pétanque quand je corrigeais mes copies le dimanche après-midi.

L’intérêt d’avoir du monde autour c’est de partager quelque chose.

- Il s’était tissé des liens et là, qu’on soit locataire ou propriétaire, le nœud ce sont les enfants.

- L’intérêt d’avoir du monde autour c’est de partager quelque chose.

- Le plaisir c’était de se retrouver dans le jardin, de faire des petits apéros, alors on a commencé à s’inviter en week-end. Après on est même partis en vacances avec quelques-uns uns, en invitant d’autres enfants. Il se trouve que cela s’est superposé avec ce qu’avaient vécu les gens 30 ans avant. C’était un peu le même genre. Après quand on a commencé à discuter on me racontait que les enfants se parlaient de salle de bains à salle de bains dans la douche et c’est ce que nos enfants font aussi. Ce sont des choses qui se sont passées de la même manière même si le contexte historique n’est pas le même.

- Mon fils est né tout de suite après notre arrivée et je suis descendue avec lui au jardin. C’était très sympa. Il y avait Madame C. avec les enfants qu’elle gardait, elle m’a donné beaucoup de conseils.

Dans les années 2000

- Le tennis on compte bien en profiter. J’ai déjà fait un tennis avec un ami.

La diversité des âges c’est très bien aussi.

- Le fils P. qui joue de sacrés matches avec son fils. Il y a aussi un jeune couple qui joue longuement tous les week-ends.

- Je ne sais si cela fait partie de l’histoire de l’immeuble le fait que dans le jardin on est souvent plusieurs parents avec beaucoup d’enfants. C’est très sympa, moi j’ai toujours vécu dans des maisons avec jardin, chacun jouait dans son propre jardin, il n’y avait pas cette idée de communauté avec des voisins. On est là depuis presque un an et on a déjà été voir des gens, lié connaissance avec notre voisine. On s’est aussi fait des amis. La diversité des âges c’est très bien aussi.

- Notre fils est trop petit pour aller sur les jeux. Tout l’été le soir quand je le prenais à la crèche, je restais une heure au jardin, je lui donnais le goûter. J’en ai bien profité. On voit que certains y ont leurs habitudes et viennent lire leur journal à heure fixe sur le même banc.

- Quand la famille vient déjeuner à la maison le dimanche les cousines sont pressées d’aller faire du toboggan.

- Il y a aussi une activité désherbage, on y participera dès que notre enfant marchera.

- Plusieurs dames gardaient des enfants, de l’immeuble ou du quartier (alors que le règlement interdit les activités professionnelles). Elles les amenaient jouer et goûter dans le parc, ce qui est bien normal, et les parents venaient les chercher. Mais aujourd’hui, ce sont souvent les mêmes qui refusent que des «étrangers» entrent dans la villa ou que les habitants profitent du jardin pour prendre un verre dehors.

Le bruit, les désagréments

Dans les années 1958-1960

Ne pas talonner

- J’ai très mal supporté le bruit du rez-de-chaussée, les salles du bas n’étaient pas terminées et tout était ouvert. Les enfants couraient partout, Je râlais, on avait mis une affichette « Ne pas talonner » pour que les gens fassent moins de bruit avec leurs chaussures, les talons aiguilles et les fers aux chaussures.

- Les enfants libérés jouaient et criaient dehors. Il y avait aussi le bruit des poubelles en métal quand le gardien Monsieur L. les sortait le matin.

- Il y a eu une histoire fantastique qu’on racontait dans l’immeuble. Un monsieur, L’Exhibitionniste à la cape noire, venait hanter l’immeuble. Il circulait autour de la maison, sur le mur du cimetière. C’était le fantôme de l’immeuble. Une des filles l’avait coursé. Les hommes ont organisé des tours de garde, et puis un jour il a disparu.

Dans les années 1990

- Je n’étais pas habituée à vivre dans des grands immeubles. Je venais des Antilles et j’étais habituée à vivre dans le bruit. Ici il y a beaucoup de problèmes d’insonorisation, au début on entendait tout. Je me rappelle qu’au-dessus il y avait un monsieur malade qui toussait toutes les nuits, comme asphyxié, et cela était très angoissant pour moi. Je rêvais presque tous les soirs que je marchais nue dans la rue. J’entendais quand les gens faisaient pipi, quand ils toussaient, quand ils marchaient. En fait je me sentais très exposée ; je me disais que tout le monde m’entendait et savait ce que je faisais, c’était très gênant pour moi. Au bout d’un moment on ne l’entend plus, ou on intègre ces bruits.

On entend davantage les oiseaux que les voisins

- Le bruit dans les immeubles ne m’a jamais dérangé. Des bruits de gens qui vivent, surtout si c’est des enfants, je ne comprends même pas que cela puisse déranger. Les enfants qui jouent dans une cour d’école, pour moi ce n’est pas du bruit. Par contre une perceuse le dimanche matin c’est pénible, surtout quand c’est tous les dimanches matins.

- Il y a quelqu’un dans l’escalier qui met de temps en temps la musique assez fort le matin, notre voisine est plus dérangée que nous qui ne sommes pas là dans la journée. Nous on entend davantage les oiseaux que les voisins.

- Avant de visiter, une dame nous a dit c’est bien ici avec le jardin pour votre fils, elle nous a dit aussi que les appartements étaient mal insonorisés, mais nous n’avons aucun problème de bruit et nos voisins comprennent bien qu’un enfant fait toujours un peu de bruit.

- C’est très sympa de faire un apéro avec ses voisins mais c’est dommage qu’il y ait une si grande salle qui soit si peu utilisée. C’est un peu dommage qu’il y ait là des petits problèmes liés au bruit.

- Dans cet immeuble on sent que certains ont une intolérance aux nuisances quand les enfants font du bruit, alors que personne ne s’est plaint quand on a construit l’immeuble en face, personne n’a rien dit. Là c’était énorme, inéluctable.

- Les bruits de vie autour de moi cela ne me dérange pas, même les bruits de fête, cela ne m’empêche pas de m’endormir. Certains ne supportent pas les bruits. Les voisins qui s’étaient plaints pour les pas des enfants, quand je les préviens que nous allons recevoir du monde, ils disent après que cela ne les a pas dérangés.

- J’aime bien entendre les pas des enfants à l’étage au-dessus.

- Le dimanche matin on entend le bruit des quilles de huit dans le square. C’est un joli son chaud qui résonne contre l’immeuble. J’ai mis un certain temps à comprendre ce que c’était. Ça a quelque chose d’irréel, de magique.

- Tous les dimanches matins, on se croirait à la campagne, on entend les oiseaux et quand le curé a sonné, j’attends ce moment et je me dis « Maintenant je peux passer l’aspirateur. » Pour d’autres c’est le moment de se lever !

- Le son des cloches il y a des gens que cela gêne. Au début, le dimanche matin, j’avais l’impression d’être transportée à la campagne. Moi, je suis ravie !

- La différence par rapport à cette époque c’est qu’on entend toujours les oiseaux à cinq heures du matin mais qu’on entend maintenant aussi les voitures, à l’époque on ne les entendait pas ou peu.

- L’immeuble est très bien isolé vers l’extérieur mais pas entre les appartements.

- Le premier soir on a eu un petit coup de stress. On était venus trois ou quatre fois visiter l’appartement, on n’avait jamais entendu de bruit des voisins. Le premier soir, on se couche, et on entend une conversation téléphonique très forte juste derrière le mur, et on s’est dit : ça ne va pas être possible. La personne hurlait au téléphone. Ce n’est arrivé qu’une seule fois, sinon on n’entend rien, juste le parquet qui grince comme chez nous. On voit que les gens font attention. On a demandé aux voisins de nous prévenir si notre fils faisait trop de bruit.

- On entend tous nos voisins, heureusement chacun fait très attention. A côté, il y a une dame âgée qui écoute la télévision jusqu’à 11 heures. Comme moi je n’en ai pas, je suis au courant des infos. Et je suis rassurée, je sais qu’elle va bien. Quant elle part quelques jours, elle me prévient pour que je ne m’inquiète pas.

[1] La fameuse cité du 140, rue de Ménilmontant.

[2] Ce témoignage est celui d’un castor et a été livré en 1962.