L'ermite de la tour

Ci-dessus une photo prise devant le Château de la Grange (pas de date connue), au centre le Père Ménard. L'homme le plus à gauche est le garde de chasse et pompier de Souzy. L'autre homme à la gauche du père Ménard et les deux femmes à droite ne sont pas identifiés

Les ruines du château de la Grange ont abritées au XXe siècle un personnage particulier et dernier habitant du château de la Grange, le "Père Ménard", dit l’ermite de la tour, de son vrais nom Léon Ménard.

Voici l'article qu'a réalisé Gérard Letellier (habitant de Villeconin) en Janvier 2012 dans le journal communal, Le Villeconinois.

Léon MÉNARD « L’ermite de la tour »

Selon un historien local, un homme vivait en 1938 dans les ruines du château de la Grange à Villeconin. Âgé, il se disait l’ancien seigneur du château, il habitait une salle voûtée ouverte aux quatre vents : il s’appelait Léon Ménard.

Au-dessus de cette salle, où il entretenait un pauvre feu, était une sorte de terrasse accessible où les amoureux du pays venaient roucouler à la belle saison. L’homme disait que cela lui rappelait son passé de viveur, lui qui avait dissipé le bien de ses parents, vendu les pierres du château et roulé en limousine à 25 kilomètres à l’heure !!! « Ça filochait » disait-il.

En hiver, il se glissait par les temps froids, dans un souterrain bien construit. Il avait résolu la crise du logement.

Ménard était un érudit, aussi les écoliers de Villeconin, voire même de Blancheface venaient le consulter lorsqu’ils étaient en difficulté avec leurs devoirs de classe.

Il était né le 3 février 1861 de parents riches, marchands de tissus à Dourdan, lui était séminariste.

On le trouva mort près des ruines du château de la Grange le 29 juillet 1940 ; il fut descendu de là-haut dans la voiture de Monsieur Favier François, maire de Villeconin et fut inhumé dans le caveau de famille du cimetière ; il était âgé de 79 ans.

Gérard Letellier s'est intéressé dès son arrivée dans la commune en 1973 à l’histoire de Villeconin et ayant entendu des versions différentes, il décidait d’enquêter auprès des habitants les plus anciens.

Madame Pierrette Branger lui raconta alors cette histoire : « Le père Ménard était un bonhomme assez grand, maigre, qui avait une certaine classe et à qui on ne pouvait donner d’âge. Il était instruit, ayant étudié plusieurs années au petit séminaire, mais il avait tout quitté pour vivre à sa façon en entière liberté ». Pierrette prit conscience qu’un tel personnage existait vers les années 1935-36 : « Je le revois toujours, coiffé d’un grand feutre, descendre le chemin de la tour avec sa musette sur l’épaule et sa chienne « Célestine », épagneul à grands poils qui gambadait à ses côtés. Il avait une grosse voix. L’hiver, il vivait dans un souterrain à 50 mètres de la tour jusqu'à ce que l’entrée s’écroule et qu’il ne puisse plus se glisser par l’ouverture. L’eau, dont il se servait pour boire et faire sa soupe, venait de la mare à côté de la tour.

L’été, il vivait dans la salle des gardes de la tour qui était déjà bien écroulée et laissait un trou à ciel ouvert par lequel mon amie Liliane et moi, nous lui portions des petites fleurs des champs. Nous regardions d’abord par le trou et lui demandions : « Tu es là, père Menard ? » et lorsqu’il nous répondait « oui » de sa grosse voix, nous descendions vers l’entrée avec toujours une certaine angoisse, car l’endroit était lugubre, avec les corbeaux qui nichaient dans les pierres et croassaient bruyamment ; ce qui donnait davantage de piment à notre aventure et nous grisait encore plus. Nous entrions par une brèche qui avait dû être une porte et trouvions le père Ménard devant un feu de bois. Il nous racontait des histoires et appelait les rats qu’il avait apprivoisés et qui venaient manger dans sa main.Un jour que nous faisions la même promenade pour lui rendre visite, nous n’avons eu aucune réponse à notre appel et en regardant par la brèche nous ne l’avons pas vu, or il nous fallait lui laisser notre petit bouquet afin de lui faire savoir que nous étions venues. Impressionnées, mais curieuses, nous sommes entrées doucement et alors, étonnement ! Le père Ménard était allongé sur sa paillasse, recouvert de vieux paletots jusque par-dessus la tête. Il ne bougeait plus, nous avons réalisé qu’il était mort. Nous avons jeté notre bouquet sur lui et sommes descendues comme deux folles au village pour annoncer la nouvelle. C’est un fermier, monsieur Favier, qui a descendu le corps dans sa carriole à cheval pour le porter au cimetière. Je crois bien me rappeler que c’était dans l’année 1940 ».