Crises

L’encodage des informations retrouvées dans les registres paroissiaux de l’Ancien Régime et des actes établis à l'État-Civil à partir de 1789 permet de déterminer quelques périodes de crises traversées par la population locale. Les chiffres doivent être pondérés en tenant compte des périodes de sous-enregistrements et de la manière dont les curés et les secrétaires communaux tenaient leurs registres mais ils donnent quand même des indications précieuses.

Trois périodes ont été étudiées en fonction des sources disponibles car les registres paroissiaux des décès, par exemple, ont été détruits ou perdus de 1702 à 1728.

Tableau 1 de 1606 à 1647.

Elle chevauche en fait deux phases historiques de notre histoire nationale

De 1606 à 1647 on relève trois grandes périodes de crise. En 1616 tout d’abord avec 17 décès pour 12 naissances. Rien dans l’histoire locale ne permet de trouver une cause précise à cette constatation. En fait, cette période de crise ne concerne pas spécifiquement la région et peut être mise en relation avec les conditions climatiques de l'époque. C'est ce que démontre Emmanuel Le ROY LADURIE, professeur émérite au Collège de France, dans deux importants ouvrages qui ont pour titres «Histoire humaine et comparée du climat. Canicules et glaciers du 13è au 18è siècles» (Fayard, mai 2004) et «Histoire humaine et comparée du climat. Disettes et révolutions de 1740 à 1860» (Fayard, septembre 2006). La crise de 1616 trouve ainsi une explication dans la succession depuis 1601 de cinq hivers particulièrement pluvieux et neigeux qui ont été observés dans les Pays-Bas espagnols et le nord de la France. Le blé qui constitue la base de l'alimentation s'accommode d'hivers froids et d'étés chauds mais l'humidité persistante lui est fatale ce qui engendre disette, famine et une augmentation du taux de mortalité.

La seconde crise se situe en 1624 avec 25 décès pour 24 naissances et là une explication se trouve dans les registres paroissiaux car le curé de l’époque, sans doute sensible au phénomène, a pris la peine de noter la cause de certains décès en marge des actes. C’est ainsi que sur les 25 décès on trouve un mort à la guerre (il ne précise pas laquelle), un noyé et surtout six cas de peste.

La troisième période critique est l’année 1635 avec 40 décès pour 12 naissances seulement. Là aussi une explication existe puisque le curé renseigne un assassinat et surtout 17 cas de dysenterie.

Deux porteurs du patronyme FLEMAL sont décédés pendant cette période

Tableau 2 de 1689 à 1702.

Pendant cette période nous sommes en plein dans le «Siècle des Malheurs». Les hostilités entre la France, les Pays-Bas espagnols et leurs alliés reprennent après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Trois fronts sont ouverts contre la France et la région est soumise à une incessante guerre de mouvements, catastrophique pour les populations locales. La crise se situe en 1693 avec 22 décès pour 19 naissances mais on constate aussi une recrudescence des décès en 1700.

Les passages de troupes n'expliquent sans doute pas cette mortalité. Emmanuel Le ROY LADURIE précise que dans le nord de la France les semis de blé ont mis du temps à lever au printemps 1692 et que les moissons ont été à demi ratées suite aux pluies diluviennes pendant tout l'été. Il ajoute que les soldats français de la guerre des Flandres, furieux, brûlent la statue de Saint-Médard, patron des agriculteurs et faiseur de pluies, qui les a «douchés» à l'excès. Début 1693 les mêmes ennuis climatiques se représentent mais étant donné qu'il y avait déjà moins de grains à semer, c'est la catastrophe et une grande famine s'ensuit. Toutes les régions du nord de la France vont être touchées. La région de Chaumont n'a certainement pas échappé à ces conditions climatiques défavorables.

Trois porteurs du patronyme FLEMAL sont décédés pendant cette période :

Tableau 3 de 1789 à 1830

A partir de 1795 la Révolution française gagne nos régions et nous basculons dans le «Régime Français». La loi du 25 septembre 1792 votée en France n'est appliquée chez nous qu'en 1796. Elle instaure l'État-Civil qui organise les registres de «Naissances, Mariages Décès» (N.M.D.) qui vont progressivement prendre le pas sur les registres de «Baptêmes Mariages Sépultures » (B.M.S.) tenus depuis le Concile de Trente dans les paroisses. Après la défaite de Waterloo, nous retournons dans le «Régime Hollandais», pas pour très longtemps d’ailleurs. Ce troisième tableau couvre ces deux régimes.

La période de l’occupation française est connue pour être une période troublée et on pourrait légitimement penser qu’elle a eu une forte incidence sur l’évolution de la population dans la commune qui à l’époque faisait partie du département de La Dyle. A la lecture de ce tableau on constate qu’il n’en est rien et que les naissances, globalement, sont restées largement excédentaires par rapport aux décès. Il semble y avoir eu un problème de registre en 1797 car cette année-là un seul décès a été enregistré ce qui semble peu probable.

Deux périodes de crise sont cependant à relever. En 1801 tout d’abord avec un excédent de sept décès par rapport aux naissances. Le curé de l’époque ne signale rien de particulier si ce n’est le décès de 9 enfants de moins de trois ans. Une explication pourrait aussi être trouvée dans des conditions climatiques difficiles sur le nord de l’Europe. Les récoltes ont été fortement compromises par un printemps 1800 pourri, suivi d’un été froid avec d’énormes pluies. S’ensuit une période de disette qui se traduit à Chaumont et ailleurs par une baisse du nombre des naissances et des mariages et une hausse du nombre de morts.

En 1810, 56 décès sont enregistrés pour 36 naissances seulement. Ici aussi on trouve une explication dans les annotations du curé puisque parmi ces décès on relève 17 cas de dysenterie et 13 décès d’enfants de moins de trois ans.

Aucune période de crise n’est relevée sous le régime hollandais même si on constate une forte recrudescence des décès l’année qui a précédé la déclaration d’indépendance de ce qui allait devenir la Belgique. Emmanuel Le ROY LADURIE relève que l’hiver 1829-1830 correspond à un des plus grands hivers qu’ait connu l’Europe depuis 1500. Il cite Paris en exemple où on dénombre, de novembre 1829 à mars 1930, pas moins de 77 jours de gel, dont 32 consécutifs. Ce drame météorologique aura d’ailleurs des conséquences sur les approvisionnements et le prix des denrées de base dans les années qui l’ont suivi.

Trente-quatre porteurs du patronyme FLEMAL sont décédés pendant cette période.

Les trois tableaux peuvent être téléchargés ci-dessous.