Château-fort

Cet article a été écrit par Jean MARTIN dans la revue Wavriensia, bulletin du Cercle Historique et Archéologique de Wavre, revue bimestrielle, tome XXVI, 1977, pp. 1-5.

Dans le village de Chaumont se dresse un promontoire escarpé, bordé au nord-ouest par la rue de la Fontaine et la vallée du Ry du Pré Delcourt qu’il domine, au nord-est et au sud-est par la rue Lahaut et au sud-ouest par la voie de Messe. Ce promontoire aux pentes abruptes s’ouvre vers le plateau dans la direction du sud-est. L’église paroissiale de Saint-Bavon et la cure y attenante en occupent le sommet. C’est en cet endroit que s’élevait autrefois le château fort de Chaumont, centre politique de l’antique seigneurie, détruit lentement par le temps et la main des hommes et dont seuls les textes nous ont conservé le souvenir.

Le domaine de Chaumont était à l’origine un fiscus ou propriété des rois mérovingiens. L’un de ceux-ci le céda vers 640-650 à l’abbaye fondée par saint Amand sur les bords de l’Escaut, au lieu dit Ganda et qui prit par la suite le nom de Saint-Bavon. Profitant des malheurs de l’abbaye au cours des invasions normandes de la seconde moitié du IXe siècle, un évêque de Liège fit main basse sur le domaine abandonné de Chaumont et l’intégra à sa principauté. Cette spoliation s’inscrit dans la politique castrale des évêques de Liège, soutenus par les empereurs d’Allemagne pour s’opposer aux efforts d’émancipation des grandes familles lotharingiennes vis-à-vis du pouvoir royal.

Chaumont offrait un site stratégique favorable et fit partie ou fut incorporé au comté de Brunengeruz dont la possession fut confirmée à l’évêque Notger par l’empereur Otton III en 988. Notger y fit construire un castrum qui devint un bastion avancé de sa principauté planté au milieu des terres brabançonnes relevant des comtes de Louvain, descendants de Regnier III, comte de Hainaut. Il y installa un de ses fidèles qui devint le seigneur du domaine et en prit le nom. Un Lambert de Chaumont est déjà cité en 1031. Ce castrum est mentionné dans une charte de 1155 par laquelle l’empereur Frédéric Ier confirme les possessions de l’église Saint-Lambert de Liège.

Ce castrum devait occuper à l’origine tout le périmètre du promontoire et englobait dans son enceinte l’église paroissiale. En 1196, le seigneur Godefroid de Chaumont fit don de cette église à l’abbaye de Bonne-Espérance en Hainaut. Comme elle ne pouvait plus servir à son usager personnel, il fit construire une chapelle castrale pour lui-même et ses familiers. Il la dédia à saint Bavon et se réserva la nomination du chapelain.

Le seigneur de Chaumont résidait à l’époque dans son château non seulement avec sa famille mais aussi avec des chevaliers et leurs familles qui formaient sa curia (milites de ipso castro cum uxoribus suis), ayant à son service de nombreux servientes.

Le château fut occupé par les seigneurs de Chaumont d’une manière continue jusqu’au début du quatorzième siècle puis, d’une manière occasionnelle, quand la seigneurie passa dans les mains de familles étrangères comme les Lummen et les Oupeye.

En 1318, Arnold de Lummen donna en douaire à sa future épouse Alice de Hermalle « la terre et le manoir de Chaumont ». En 1366, Lambert d’Oupeye, seigneur de Chaumont, donna en garantie « toute la terre, hauteur et seigneurie de Chaumont avec toutes ses appartenances, forteresse… ». En 1421, dans un relief de la seigneurie de Chaumont, Jean, seigneur de Tilly et d’Opprebais, mentionna « la maison et forteresse de Chamont en Brabant ».

Le 18 janvier 1452, à l’issue d’un long procès, le prince-évêque de Liège adjugea définitivement à l’abbaye de Bonne-Espérance « la terre et forteresse de Chalmont ». Le 27 mars suivant, Arnoul de Coswarem, bailli de Hesbaye, se rendit à Chaumont et, au nom et par mandement du prince-évêque y transmit solennellement à l’abbaye de Bonne-Espérance la terre et la seigneurie de Chaumont. Comme il avait trouvé la forteresse close, il donna ordre que, dans un délai de quinze jours, elle soit ouverte, évacuée et les clés livrées au nouveau seigneur.

Le 9 octobre 1452, Antoine de Werissay reprenant à ferme pour 9 ans la cense seigneuriale à l’exclusion du grand cortil « devant le castiaul » et, le 21 mai 1453, devant la cour échevinale du lieu réunie « en la salle dou castiaul », il donnait ses biens en garantie. En 1455, le duc Philippe le Bon, après avoir évincé le prince-évêque Jean de Heinsberg, installait à sa place son neveu Louis de Bourbon. Ce dernier se heurta à une vive opposition des chanoines de Saint-Lambert et du peuple de Liège ; celle-ci dégénéra en révolte ouverte. En 1465, apprenant que la forteresse de Chaumont n’était plus occupée, Louis de Bourbon à l’instigation de son oncle résolut de s’assurer de cette position stratégique en Brabant et donna ordre à son vassal, l’abbé de Bonne-Espérance, d’assurer la garde du château. Il enjoignit aux détenteurs de fiefs relevant de la seigneurie de Chaumont de se transporter en armes au château et d’y monter la garde nuit et jour quand il sera nécessaire. En 1476, la forteresse est occupée par Jehan de Dyon, « castellain » et maïeur du lieu.

Au cours du XVIe siècle, le château fut abandonné et tomba lentement en ruines. En 1568-1569, ses pierres servirent à la réparation du moulin de Gistoux. Dans un dénombrement de la seigneurie effectué en 1576, l’abbé de Bonne-Espérance relata qu’il tenait le château avec la  pourprise et deux petits cortils et ramparts couvrant une superficie d’un journal et demi (+/- 51 ares). Le déclin était irréversible et, dans un relief de 1657, il est fait mention de la place vague du château. La forteresse du Moyan Age a disparu et son emplacement n’est plus qu’un lieu désert et abandonné.

Pour ne pas laisser cet endroit inoccupé, l’abbaye de Bonne-Espérance y fit construire entre 1657 et 1697 une nouvelle cure en remplacement de l’ancienne qui était située en contrebas dans la vallée et dont les bâtiments furent arrentés en 1697. La cure actuelle comporte encore un noyau du XVIIe siècle.

C’est ainsi que disparut cette forteresse liégeoise, implantée au cœur du Roman Pays de Brabant, vaincue par la négligence et l’abandon mais le site, classé depuis 1974, a gardé toute sa majesté et témoigne de son importance stratégique aux abords du plateau.

La cure de Chaumont