Notices 1889 à 1898

12/04/2007

Décès de La Vie Rémoise, par Eugène Dupont, de 1889 à 1898.

1889

Les départs sont nombreux, trop ! à la vérité, lors même que le séjour des de cujus sur cette terre n’eût servi en rien au bonheur de la collectivité !

Peu de noms sonores ou ayant frôlé le tympan de leurs concitoyens vont surnager à la surface d’un magma d’insignifiances et de poussières d’humanité ! Le reste ? fretin, qui a plus ou moins frétillé, vécu dans le travail et la douleur, mitigés de réjouissances, plus ou moins frelatées, telles que notre civilisation en réserve à l’homme fait verbe !

Dégageons-en les fragments, comme on ferait devant les débris d’un dirigeable disloqué, incendié, fracassé, sous quoi frémiraient encore des cadavres humains à demi carbonisés.

En tête du bataillon, ce vétéran de la teinture et des apprêts, Jean-Baptiste Machuel, 66 ans, chez son fils Jules, faubourg Fléchambault, 2.

Eugène Bouché, 58 ans, directeur de l’usine Lhoste-Pérard, rue Jacquart.

Ferdinand Rohart, qui décède subitement à Paris, le 29 janvier : c’est sa dépouille funèbre qui inaugurera le four crématoire du Père-Lachaise.

Ursin Buchillot, 66 ans, rue des Capucins, 97, fourreur naturaliste, immigré de 1871.

Mme Jean-Baptiste Grandval-Pellieux, 80 ans, chez son fils Alexandre, au Laboratoire municipal, rue Féry, 14.

Félix Dajeans-Denizard, 52 ans, marchand de meubles et tapis, sous les loges, rue de l’Étape, 23.

Charles Loriquet-Lefèvre, 71 ans, rue de Vesle, 45, bibliothécaire de la Ville depuis 35 ans. Ex-instituteur à Épernay, il vient à Reims en 1853, et meurt à Chenay.

Il fut cet érudit ayant de qui tenir, qui rédigea les cinq volumes du Catalogue, avec le concours d’un latiniste, Pierre Dubois, prote d’imprimerie, dont on retrouve les annotations manuscrites sur ledit catalogue. La Ville avait accordé une prime de 2.000 fr. à Loriquet.

La belle et aimable buraliste de la rue des Tapissiers, 13, Mme Émilie Willemet-Vermonet.

Le cordonnier Pierre Cocâtre, 58 ans, rue du Jard, 52, qui ne s'était jamais rétabli d’un empoisonnement par vin fuchsiné du Midi.

Le gardien du passage Poterlet, Alphonse Devaux, de Soissons, 47 ans, neurasthénique appelé à finir ses jours au bout d’une corde, hélas !

Edmond Verrière-Nottelet, 48 ans, ex-associé de Charles Bourdonné (tissus), père d’un chef de service à la Compagnie du gaz.

Le fils unique de Jonathan Holden, Isaac, beau type de 30 ans, boulevard de la République, 33, le 18 avril.

Peu de temps auparavant, on avait eu à déplorer la mort atroce d’un jeune musicien, violoniste et professeur, Lucien Gautier, 19 ans, dont on relève le tronçon de cadavre, carbonisé, parmi les décombres de l’hôtel Alexandre de Bary, boulevard Lundy, à l’aube morne glacée du 13 février.

La soirée dansante donnée le 12 au soir dans cette riche demeure s'achevait, sous les accents entraînants d’un orchestre dirigé par François Gautier, et dont Lucien faisait partie, comme altiste à cordes, en compagnie de ses frères Gabriel et Arthur, violonistes.

Par le contact accidentel de la bougie allumée d’un pupitre avec les soirées ancestrales de tenture, encadrant la salle et l’estrade, le feu se communique à la ronde, instantanément, intense.

Affolement général, et fort excusable. Tous s’empressent vers une sortie. Seul, le jeune artiste, ayant vu son père quitter, peu d’instants avant, sa place à l’orchestre, et le croyant monté au buffet du 2e étage, s’élance dans cette direction, enjambe 4 à 4 les marches de l’escalier s'ouvrant derrière l’estrade, pour sa mission de sauvetage... Le brave et malheureux enfant ! En revenant sur ses pas, n’ayant rien vu, l’infortuné trouve le chemin barré, et une intense fumée qui l’étouffe et le terrasse ; les flammes font le reste !

D’autres victimes, il y en eut quatre, légèrement brûlées, des dames, – la panique du Bazar de la Charité s'étant renouvelée, avec des scènes aussi écœurantes ! – et des blessures insignifiantes, par bourrades ou chutes.

Lucien rachetait la vie d’autres êtres, pour le cas où celles-ci eussent été désignées pour l’holocauste. Les consolations allèrent vers les blessés, et surtout au richissime Holden, qui venait de perdre son fils ; non à François Gautier et les siens.

Le bruit ayant couru que le sinistré avait fait don de 30.000 fr. à la famille de la grande victime, il fallut s’en défendre : les bontés d’A. de Bary se bornèrent au versement de 1000 fr. à titre d’indemnité pour instrument et répertoire détruits, plus les frais d’inhumation, et le coût d’un terrain au Cimetière du Nord, canton 13.

L’histoire avait enregistré, jadis, l’accident identique qui faillit coûter la vie à Napoléon Ier, en un soir de bal donné en son honneur, en 1810, par les Schartzemberg, dans leur hôtel de la chaussée d’Antin, à Paris. Le toit de la salle est couvert en toile goudronnée, et les plafonds de papier verni. C’était tenter le Diable !

Au milieu, un lustre rutilant, et, contre les murailles tapissées d’étoffes soyeuses et légères, mille lumières vacillantes. Un zéphire du dehors envahit la salle, subitement : le Diable Asmodée faisant son petit tour par-là... et tout s’allume.

Le prince Eugène, qui s'aperçoit de la première lueur, prévient à voix basse l’Empereur qu’une draperie proche vient de s'enflammer. Napoléon se lève de son siège, sans hâte, prend le bras de Marie-Louise comme pour un tour dans la foule des invités, et, à la première issue, disparaît avec son épouse, plus morte que vive. L’instant d’après, tout est en feu !

L’officier de santé Prosper Poirrier, 45 ans, rue Gambetta, 16.

À Paris meurt le compositeur et chef d’orchestre Olivier Métra, né à Reims en 1830, rue Pavée-d’Andouilles.

Le restaurateur Remi Alcide Fauchat-Louveau, 43 ans, cour du Chapitre.

Édouard Peltier, 66 ans, photographe, chef d’accessoires au Théâtre, à l’Hôtel-Dieu.

Son atelier est rue Chanzy, 11, dans un immeuble dont la porte d’entrée gothique est ornée d’un bas-relief sculpté représentant une scène de la vénerie. Au rez-de-chaussée s'ouvre le café tenu par le peintre flûtiste Grassière. Démolie, cette maison a fait place à une construction moderne destinée au Dr Seuvre et à Mme veuve Théodore Hubert.

Sous Blandin, en 1869, et années suivantes, Peltier était 3e rôle comédie-drame. Il tenait en outre un magasin de costumes et accessoires de théâtre et bals masqués.

En 1870-71, Peltier prêta ses costumes au déguisement de prisonniers français à faire évader de Reims ; il fut médaillé par la Société de secours aux blessés militaires.

Un phalanstérien, disciple des Cabet, Saint-Simon, Père Enfantin, J. F. Mauroy, 67 ans, rue Savoye, 52, entrepreneur de bâtiments et frère du maçon-poète Arthur, publiciste rémois ; il est le père de Léon Mauroy-Deperthes.

Georges Oudin-Détré, 47 ans, filateur aux Longuaux.

À Nice disparaît Ad. Bourée, qui fut rédacteur au Courrier de la Champagne, en remplacement de Charles Martin.

Un sacristain à Saint-Jacques, deux fois veuf, Pierre Jumelet, 71 ans, décède à la Maison de Retraite, après une vie pleine de salamalecs et le coup de canne au pommeau argenté.

À l’Hôpital général, Mme veuve Rademacher-Grévisseaux, des plus infimes parmi les plus courageuses et honnêtes. Que le Ciel ouvre ses Parvis à ses âmes simples, bonnes, désintéressées !

Catherine Brié-Foutelet, 78 ans, mère des Brié de l’Embarcadère.

Un personnage bien oublié : le Rémois Auguste Rebilliat, qui fut journaliste sous l’Empire, à une heure difficile où tout hardi champion de la République récoltait plus de mois de prison que de décorations, prébendes et honneurs.

Ces ouvriers de la première heure labouraient et semaient pour ceux de la deuxième, prêts, ceux-là, à servir toute cause qui rapporte !

En 1870, Rebilliat était commandant du 202e de marche, puis, rallier à la Commune, chef d’état-major et directeur de la télégraphie militaire. Inventeur d’appareils d’émission électrique, il a été, pendant onze ans, vice-président de la Société des Arts industriels et Belles-lettres, à Paris.

Un de ces nombreux malchanceux de la loterie conjugale, l’architecte Henri Chevalier, 56 ans, rue de Talleyrand, 26, qu'une union malheureuse avec une Messaline de rez-de-chaussée ridiculisait par ses frasques scandaleuses ; cette passionnée s'attaquait de préférence aux soutanes ! Par amour des siens, le brave homme endurait en silence les conséquences de cette immoralité. Sa probité, sa droiture, et son honorabilité restaient intactes, quoique souillées de la sorte.

Le Point-du-Jour, cabaret à l’angle des rues de Cernay et de l’Écu, fut longtemps réputé pour sa restauration : cuisine exceptionnelle, et vins de pays remarquables. Cet établissement était tenu en 1889 par un maître maçon, Désiré Truchon, qui meurt des suites d’un exercice trop consciencieux de ce supplément de travail : tenir tête aux invitations des clients et lever, à tout bout de champ, le coude en leur honneur ! Il en meurt à 42 ans. Ainsi qu'en témoignait sagement son épouse, M. Léonie Joséphine Romagny : Moins dangereux à accomplir pour la femme que pour l’homme, ce métier où les occasions de trinquer sont si fréquentes ! – Combien de débitants dans Reims ont pu vérifier la justesse de cet apophtegme !

La veuve Jourdain-Sablain décède chez son gendre le marchand de bois Blondel, successeur de Auguste Colin, chaussée du Port.

Eugénie Boulangé, de Verzy, fille des Boulangé-Varlot, épouse de Gaston Hédin, laines et déchets, rue des Murs, 29. Elle était en parenté avec les Barancourt et mère de Robert Hédin, représentant en laines à Mulhouse depuis 1920. Hédin père, qui s'était remarié, mourut pendant la guerre à Neuilly-sur-Seine.

Un dentiste en retraite et qui eut longtemps son chevalet d’extraction boulevard des Promenades : Tournesol (!) Isaac Fontenelle, 55 ans, rue Cérès, 51, chez son successeur Robin.

Le brasseur Auguste Harth-Muzart, 58 ans, auquel succède Raton, Porte-Paris.

Un poète champenois, connu uniquement des lettrés, Adolphe Chevance, de Vitry-le-François, laissant deux volumes de poésies : En Italie ; le Livre de René.

Jeanne Sibire, veuve A. Gerbault, 80 ans, rue de Vesle, 27.

Le petit père Haimart (Eugène pour les dames), 60 ans à l’Hôtel-Dieu, trieur de laine.

À Gueux, et subitement, à l’heure du lever, le 22 août, Léon Lanson, 47 ans.

Une nièce du Baron Berge, Mme de Marcère à Montpellier, brûlée vive en se servant d’essence minérale.

Félix Cellier, 50 ans, trieur de laines, rue David, 26, dont l’épouse fut, toute sa vie conjugale, désireuse et se croyant sur le point d’être mère, sans jamais l’être ; elle avait fait, dans cet espoir et ce but, un pèlerinage à Lourdes : grave erreur, car c’est Notre-Dame de Liesse qui est le véritable recours en l’espèce.

Jean-Baptiste Moyen, veuf de Félicité Michel, 69 ans, courtier en chevaux, place du Parvis, 7, père du courtier en laines Alfred Michel, de la firme Wenz.

Francisca Johanna Maria Lüling, 65 ans, veuve de F. H. W. Walbaum, rue de Sedan, 7.

Veuve Louis-Napoléon Petizon-Prévoteau, 80 ans, rue de Pouilly, 5.

Félix Titeux, 59 ans, ex-notaire, rue de Thillois, 27.

À l’Hôtel-Dieu, Hortense Thérèse Briet, 44 ans, épouse Robillart, de l’Hôtel-de-Paris, rue du Barbâtre, 29. Bonne femme, pas discrète pour un sou ! mais cuisinière émérite, véritable cordon-bleu, grasse et dodue, dotée d’une peau blanche et satinée, dont elle était particulièrement fière, elle fit les délices des gourmets qui fréquentèrent ce lieu réputé, tenu à la perfection par un maître queue sévère, attentif, actif et à la roue.

Enfin, une épouse et mère adorée des siens : Marie Hortense Guillaume, 73 ans, épouse de Nicolas François Aubert, chaussée du Port, 33, mère de Raymond, Ephrem, Alfred et Léon Numa, ce dernier décédé à Cannes en 1931. Alfred fut le père de Georges Aubert, commandant des Sapeurs-pompiers de Reims, en 1935.

1890

Et maintenant, un coup d’épaule pour relever le sac, et, en route !

On dit, chez les hommes de loi : le mort saisit le vif.

Ici c’est le contraire : le vif va saisir le mort ! (Son tour viendra toujours assez tôt !).

L’influenza continue à répandre ses ravages, surtout dans le monde miséreux des faubourgs. Dès son début, en novembre, elle s’était montrée redoutable. Décembre fut désastreux ; elle attendit mars pour modérer ses coups.

Au 6 janvier, on enregistre, à partir de la Saint-Sylvestre, 78 décès. Fin janvier, le pourcentage des morts, pour 100.751 âmes, est 2 %, pour l’année précédente ; en 1890, il s’élève à 4.60, sur 101.167 habitants. Dès le 15 novembre 1889, on lui doit 186 décès. Aux premiers jours de décembre, l’épidémie s’étend. Pour ce seul mois, 238 morts.

Les classes riches et moyennes fournissent au contingent, mais en proportions moins élevées : comme du choléra, il est difficile de s’en garder !

En ces milieux, les premières victimes sont :

Jules Barbier-Degoix, 66 ans, marchand de laines rue de l’Avant-Garde, 9. Court sur jambes, bedonnant, tête vermillonne à la Louis-Philippe, les joues flasques et capitonnées de favoris, Barbier laisse deux fils, dont l’aîné, Georges, est avocat à Paris, et le cadet, Paul, élève à l’École centrale.

Un colosse du même gabarit, mais plus haut de taille, le fabricant Jules Hourlier, décède son hôtel, à l’angle des rues Sainte-Marguerite et de l’Hôpital.

Adèle de Bohan, de Fresne (Marne), 76 ans, supérieure de l’Enfant-Jésus. Sœur Adélaïde avait suivi la filière pédagogique en enseignant, à tour de rôle, dans chacune des écoles communales, avant d’être promue, par ses pairesses, au poste supérieur : elle y fut remplacée par sa nièce, Agnès de Bohan, décédée en 1923 à Maubert-Fontaine. Ses obsèques eurent lieu en l’église Saint-Maurice. Toutes deux sont inhumées à Fresne-lès-Reims dans le caveau de famille, où les ont rejointes, en 1928, Gustave de Bohan et son épouse, Pauline Pocquet.

La municipalité, sous le maire Henrot, crut devoir s’abstenir d’assister à l’enterrement de Sœur Adélaïde, évidemment par crainte du blâme électoral !

L’ex-préposé aux Octrois, Jean-Baptiste Coutier, à la fois terreur et icône de son personnel, demeurant rue Buirette, 32, meurt à Merfy, dont il est maire. Il a 85 ans, âge avancé promis en général à des fonctionnaires usant plus de fonds de culottes que de muscles et de fluide vital. Veuf de Mélanie Marteaux.

Ce juge de paix qui avait déserté son poste en septembre 1870, Abel Scohyers-Galenzy, 45 ans, à Nice. Élève au Lycée de Reims de 1850 à 1869, il avait fait son droit au Quartier Latin, pour aller ensuite occuper une étude d’avoué à Caen ; à Courville et Châteaudun, finalement à Châlons-sur-Marne. Reims, déjà hospitalier et accueillant aux retraités de tous ordres, lui avait aménagé le douillet capiton que peut devenir une Justice de paix.

Jeanne Alexandrine Mélin, veuve Pommery, 78 ans, le 18 mars, à 8 heures du soir, en sa propriété ou châtellenie de Chigny-les-Roses. Ces roses entourent sa maison d’un parterre odoriférant et sont un des attraits du touriste en ce gracieux village.

Baron de Sachs, 72 ans, à La Ville-aux-Bois.

Mme Pol Marguet, née de Tassigny, 26 ans, boulevard de la République, 27.

Paul Leseur-Thibout, ex-avoué rue de Talleyrand, administrateur de l’œuvre de Saint-Vincent-de-Paul.

Mme Isaac Holden aîné, 83 ans, à Bradford.

Eugène Gérard Rohart-Galopin, 75 ans, rue Hincmar, 52 ; il est représentant des charbonnages Boubier, de Charleroi. Son fils Gaston lui succède.

En juin, à Paris, Ernest Henriot-Bourgongne, 64 ans.

Le pain-d’épicier de l’Empereur, Jules Alphonse Petitjean, 62 ans, place Royale, 15.

Rousset, 47 ans, ex-élève du Lycée, dessinateur à la Voirie depuis 1863.

À Bagnères-de-Luchon, 66 ans, rue des Templiers, 20, Albert de Bary, des champagnes Mumm de Cologne, auxquels il avait rétrocédé sa marque avant 1870.

Au 16 août, la crise d’influenza s’offre un retour de bâton : ce jour-là, 21 décès, contre 7 naissances !

En meurent : le tailleur Barrachin, rue Colbert, et un Houlon de la quincaillerie, rue Bertin.

Plus sensibles, la mort de Henri Delacroix l’oculariste généreux, qui décède le 22 août chez son frère René, à Verzy. Il avait été le librettiste inspiré du Prieur de Saint-Basle, musique de Ernest Lefèvre. Sa clinique était rue Chanzy, 98, dans un immeuble appartenant à Firmin Charbonneaux, qu’il l’habita avant de louer, aux Sœurs de l’Espérance, dont le chapelain était, en 1914, l’abbé Henri Caye, futur dominicain en l’île de Wight.

Le Dr Luton perd sa compagne, Mlle Tonnelet, 45 ans, rue du Levant, 4.

Édouard Barillau, 60 ans, propriétaire des moulins de la rue de Vesle, et habitant rue de la Tannerie (alias Irénée-Lelièvre).

L’architecte Tuniot, 65 ans, rue de Tambour, 22, dont le fils Henry avait été l’un des plus remarquables et doués élèves du Frère Hector, à l’école du Jard.

Maurice Pujo, 32 ans, artiste peintre, époux d’Eugénie Gosset.

Esther Duquénelle, 82 ans, rue Chanzy, 74 : fille du médecin de ce nom, veuve de cet autre, Jean-Baptiste Louis Decès, mère du Dr Arthur Decès, chirurgien à l’Hôtel-Dieu.

Auguste Bauche, seigneur du coffre-fort, tuilier et maire à Champigny-lès-Reims, chef d’une lignée mâle qui fit honneur à notre ville, beau vieillard vert comme poireau qu’on vient d’arracher à sa terre nourricière. Céladon n’ayant point désarmé, malgré les sommations de l’âge, portant allègrement ses 84 ans sous perruque noire et impériale cosmétiquée, montés sur échasses, comme Victor Besnard.

L’influenza ça ne veut pas quitter Reims sans donner une chiquenaude à cet orgueilleux qui finissait par se croire immortel, et, d’un revers de sa casquette, le flanque par terre et dans... à jamais ! La belle malice ! quelle prouesse, hein ? Pour comble d’ironie, elle l’avait touché le premier jour de l’année, en sa bourgeoise demeure rue Brûlée, 22.

Derrière son cercueil empanaché et fleuri d’immortelles jaunes et violettes, son fidèle et reconnaissant personnel, pour lequel il fut bon, suit attristé les deux fils du défunt, d’allure aussi martiale qu’était celle de leur père et cet Arthur Dagot, qui fut aux origines du Coffre-fort Bauche, et, par la suite, devait lancer sa propre marque.

Qui de nos jours n’a pas son coffre, son auto, sa T.S.F., – pouilleux à part ? – Bauche était veuf d’Anne-Marie Ponsonby, sosie de Victoria.

Jules Stanislas Delécluse-Chaboureau, des champagnes, 46 ans, rue de la Tirelire, 5.

Joseph Salaire-Petit, 60 ans, fabricant rue de l’Université, 55, et père de Maurice. Salaire avait débuté dans la fabrique sous les auspices de Céleste Godbert, avec un capital initial de 9.000 fr. Il était un homme conciliant et accueillant aux petits, n’ayant pas oublié ses humbles origines. Haut en couleur et de taille, il bégayait légèrement. Son père, qui habitait rue du Jard, 21, fut son premier comptable, que remplaça un brave et honnête garçon, Flobert.

Jacques Goërg, de Châlons, ex-député au Corps législatif, et courtier en champagnes. Ses deux filles épousèrent : l’aînée, Charles Brunette ; la cadette Joseph Lagrange. Son fils de Frantz, une Larcher.

En fin d’année, le comte Bertrand de Beuvron, rue Marlot, 21.

Marie Félicie Lespagnol de Bezannes, épouse Jourdain de Muizon, 82 ans, rue du Petit-Four, 19.

Ainsi qu’on le voit la contribution mortuaire des grands n’avait pas été mince !

Dans les classes dites moyennes, et petites, le tableau n’est pas moins impressionnant.

Dans le nombre, quelques noms, glanés çà et là :

Léon Désiré Delhorbe, 44 ans, à Guignicourt, le 1er janvier. Frère de Delhorbe-Gannelon, restaurateur rue Trudaine, 10, et non moins reluisant de graisse que lui, car il était son cuisinier.

Cet établissement de modeste envergure, à l’humble l’enseigne, et au cœur de la cité, avait une réputation bien assise parmi ces messieurs et dames des halles, messagers et volaillers campagnards, courtiers en laines et godailleurs et fricoteurs de haulte et moyenne graisse, clients à la fois de Delhorbe et Barbelet l’écailleur voisin.

Comme disait le père Leloup, parlant de son équipe de trieurs, à l’usine Collet frères & Meunier : Ils en faisont un débit ! En effet, le rouge et le blanc de pays coulait à flots en ces sanctuaires bachiques !

Un ébéniste de la rue Brûlart, Jules Toussaint, bègue et sourd infortuné mais flûtiste émérite aux Pompiers et au théâtre des Variétés, perd son auteur Jean-Baptiste Toussaint, 73 ans, de Lançon (Ardennes), tourneur sur bois, rue Ponsardin, 152.

Le maître charpentier Paul Alexandre Reinneville, 73 ans, rue de Cernay, 46.

La grosse caisse aux Pompiers, l’édenté Pérard, au menton en galoche et aux joues rentrées, Frédéric Pérard-Grassier, 55 ans, mastroquet rue des Moulins, 31. Il était fondateur de la Société mutuelle des Teinturiers-apprêteurs.

L’ex-pharmacien Goubaux-Dépaquit, oncle par alliance de l’Empereur de Montmarte Jules Dépaquit le Sedanais, 67 ans, rue Lesage, 37.

467e mort de l’année : Pierre Hildebert Petit-Grêlé, de Romain, 78 ans, rue Coquebert, 67, frère aîné de Auguste Petit, constructeur de la rue Petit-Roland ; ex-tisseur à la main ayant renoncé au temple, au taquet, aux lames et rots et à cette navette en buis qu’un industrieux Rémois s’apprête à transformer en aluminium, 30 ans plus tard, il avait endossé la casquette en drap et le tablier bleu du cabaretier, en ouvrant comptoir et calant tables de bois et chaise cannelées rue de Bétheny, vis-à-vis la rue Savoye.

Remi Parizy, 33 ans, rue Gambetta, 94 ; ex-élève des Frères de la rue Perdue, intelligent et bien doué, chauve déjà à 20 ans.

Le Fouilleur de la Ville, Auguste Delangre. Était en 1875 au service du Bureau d’architecture quand il découvrit les vestiges d’un cimetière gallo-romain à Witry-lès-Reims. Peu avant sa mort, il déchiffrait le terrain d’une autre nécropole à l’extrémité du faubourg Cérès, derrière la rue de la Maladrerie.

Un Rémois de vieille souche et artiste de talent, Édouard Ponsin, 58 ans, professeur de musique, rue du Temple, 17. Pratiquait les jeux de cartes en s’occupant à en découvrir les secrets de tours comme en réussissent les bateleurs de foire ; il en écrivit une Méthode suivie d’exemples. Son fils Charles fut un flûtiste de premier ordre, et harpiste.

Le professeur au Lycée Charles Gabriel Marchand, décède à 65 ans, chez l’imprimeur Henri Matot, qui l’avait reçu en son propre foyer.

Marchand, de Nancy, entre à l’École Normale supérieure en 1846 ; en sort en 1849 pour aller à Clermont-Ferrand, professeur de 2e. Rétrogradé en 3e par les gens du Coup d’État de 1851, en raison de ses opinions politiques, il est à Berck. Il regrimpe en 2e à Reims, où il se crée de solides amitiés, et n’en bougera plus. Type curieux de nos rues, avec sa barbe fluviale et sa redingote plutôt élimée.

Félix Minard-Brochand, 65 ans, maître menuisier rue Gambetta, 27. Court sur jambes, rond comme une cosse de pois bien pleine, jovial, apoplectique et bourgeonnant, brave type s’il en fût, adoré de ses coteries travaillant surtout pour les ruraux.

Les bombes allemandes devaient, un quart de siècle plus tard, détruire et incendier le pâté de maisons sordides et l’atelier encombré de matériaux où il exerçait sa lucrative profession. Meubles et copeaux de bois fraternisaient là dans une promiscuité redoutable pour la sécurité du quartier, car une allumette non étreinte tombée sur cet amas de matières inflammables eût mis la bicoque en feu, et ses voisines !

Des dommages de guerre vraiment copieux ont permis de restituer à cet endroit son aspect laborieux, en un style plus incombustible qu’élégant : l’architecte qui a donné le jour à cette bâtisse n’y a pas attrapé de méningite !

Ernest Foisy, 35 ans, de Villers-Allerand, charcutier rue du Jard, 32, époux de Maria Dupont. Ex-sous-officier d’infanterie de marine à Cherbourg, il était un tireur au fusil de première force. Il meurt victime des fièvres martiniquaises, qui l’avaient rendu presque exsangue.

Frère du boucher Foisy-Delahaye, dont la femme, issue d’une famille d’horticulteurs du Jard, tint un éventaire de fleurs naturelles sous le péristyle du Théâtre. Tous deux en pension à la Maison de Retraite, après guerre, Armand le mari, y décède en 1932.

Eugène Alfred Pommelet, 47 ans, banquier place du Chapitre, 10.

Jeanne Adèle Boulogne-Grandjean, rue Hincmar, 7, épouse de l’apprêteur Boulogne aîné, dont le buste post- mortem en bronze arrête le visiteur, dès son entrée au Cimetière du Sud, où gît la moelle de ce qui fut l’os de Par-en-Haut !

Et la liste s’allonge, justes cieux ! En voici encore une tripotée de ces tout-petits :

Antoine Dufayet, 53 ans, marchand de parapluies rue Gambetta, 15, dont l’aimable fille achalandait par sa courtoisie et ses prévenances la clientèle si marchandeuse et éplucheuse d’avant-guerre, travers inconnu de la folle jeunesse de nos jours, habituée aux tarifs de vie chère, et, jusqu’à ces derniers temps, aux salaires astronomiques issus du franc à 2 sous de 1926 !

Alexandre Huet, 75 ans, rue Chanzy, 18, employé des tissus, salué par ses confrères du surnom de Coq gaulois, symbole de ses vertus raciques. Célibataire et misanthrope par surcroît, il lègue à sa bonne ville natale le reliquat de ses économies de citoyen sobre et peu dépensier, soit un joli denier de 160.000 fr. dont nos répartisseurs de manne municipale trouveront sans peine un judicieux placement.

Une personnalité populaire du 3e canton, le Barnum des Ombres de cette rue Pasteur qui récupèrera en 1924 son nom ancillaire : le Cerf, en souvenir de cet animal à cornouillers dont l’image en bois ornait le fronton de la maison où cet estimable défunt exploitait un théâtre de marionnettes, le père Barbier, Pierre Nicolas, rue du Cerf, 33. Saluons ces bonshommes en bois : Golo, Saint Antoine et son cochon, Geneviève de Brabant, le Malade imaginaire (C’est trop chaud !!!) et autres funambules dont Charles Sarazin à retracé l’histoire et reproduit les faits, gestes et paroles qui enthousiasmèrent nos méninges enfantines, mais qui ont perdu tout attrait et considération auprès des moutards scientistes de nos couches récentes !

L’Alsacien Jean Wiernsberger-Lorentz, 57 ans, rue Chabaud, 58, si connu des Rémois et des musiciens.

Le trieur de laines Isidore Louis Joseph Étienne, 73 ans, rue de la Belle-Image, 15. Courtaud, pesant, hirsute, vermillonné est boursouflé, il était un déçu du commerce, n’y ayant récolté que des mécomptes alors que de plus malins ou moins scrupuleux y font leur pelote !

Il y eut une époque des plus favorables, vers 1860, où les traités de commerce favorisèrent l’éclosion de gens doués du sens des affaires. Reims vit champignonner maints débrouillards en laines et tissus, œuvrant avec peu de capitaux, est venus des vallées environnantes. Le gain était facile, à condition de mener sa barque avec prudence et le zèle qui font les bonnes maisons.

Cette ère dura 20 ans ; de grandes fortunes en surgirent, et de moyennes. Il fallut la grève de 1880 pour dévaster ces champs prospères : le petit négoce s’effondra pour faire place à des firmes d’importance mondiale. Tout indiquait un retour, lent mais sûr, et regrettable, vers le salariat : Étienne se vit obligé de réatteler en reprenant le joug de la claie du trieur, qui nourrit son homme !

Ayez toujours un métier en main, comme il faut avoir du papier dans la poche !

Mme Victor Bigelot-Hayon, pâtissière place d’Erlon, 4, près le cul-de-sac Saint-Jacques, belle-mère du coiffeur Jamard, de la rue Chanzy, 94.

Il nous souvient que cette commère à bonnet tuyauté ayant à faire avec un client qui ironisait sur la dose de rhum baptisé dont elle ondoyait ses babas, répond acrimonieusement, quoique justement : Croyez-vous, par hasard, que je vais verser 4 sous de rhum sur un « baba » que je vends 2 sous !

Gustave Henri Hertz, 19 ans, rue Marlot, 18. Ce jeune mâle avait cette particularité d’être le fils d’un frère des Écoles chrétiennes du Jard qui avait jeté la robe de bure aux orties, en même temps qu’un de ses collègues, Camus, dit Frère Aphrate, chargé, lui, des destinées de la musique enfantine de cette congrégation, dirigée par le père Mennesson, violoneux et clarinettiste quinteux et tousseux, disciple d’il Signor Bacchus.

Ce Camus, au sortir de la docte Compagnie, était entré, en qualité de comptable à la graineterie Josoland, où déjà s’était réfugié son collègue et futur beau-frère Hertz, dit Frère Bobélius.

Un habitué de réunions publiques et républicain de haute roche, Clovis Mouny, 52 ans, tisseur, rue du Barbâtre, 101. Fit partie des comités électoraux qui achevèrent la déroute à Reims des tenants de l’Empire.

Son fils Jules, caviste, agréable baryton et monologuiste sans monotonie, à ses loisirs, a suivi ses traces ; il fut vice-président de l’Amicale des anciens élèves de l’école du Jard laïcisée, sous Jules Wibrotte. Devenu sourd comme un pot à miel, il a depuis renoncé à Satan, à ses pompes et à ses Loges, et, en 1930, rentré dans sa coque, objective silencieusement tout en subjectivant copieusement, ne craint pas les chutes de bicyclette, malgré le poids d’une cinquantaine bien tassée.

De Clovis, on se rappellera son intervention un soir de réunion électorale au Bal-Français, quand, ayant posé une colle au candidat Lasserre : Vous plairait-il de nous expliquer pour quels motifs graves vous acceptâtes (il s’adressait à un homme du Midi), vous, soi-disant républicain radical, un poste de maire sous l’Empire ? Et la salle, goguenarde et palpitante, se réjouissait sournoisement de la bonne blague de Mouny. La réponse ! Pensera-t-on une seconde qu’en fut embarrassé ce joyeux et sarcastique Méridional et Aquitain de premier jus ! Dédaigneux, moqueur, l’index droit fiché entre le cou et le faux-col droit, Lasserre laisse tomber son pruneau : Pour mieux combattre le tyran ! Qui fut quinaud ?

Et voici le père Génin, qui s’en va sonner les cloches au Paradis ! Il a 90 ans, bel âge pour avoir droit à une place de faveur dans la barque à Caron.

Ah ! ce qu’il les a gravis, ces escaliers en pierre dure de la cathédrale, vers les tours jumelles ! Les gamins lui avaient fait bien des misères !

Le conseil de fabrique paroissial avait jadis autorisé le prélèvement d’une dîme légère sur les touristes désireux de visiter les combles et l’intérieur des tours, et prendre une vue cavalière du paysage rémois, vu du haut du balcon qui domine la place du Parvis.

Dans les escaliers mêmes, des embrasures permettent de jeter ses regards vers les points cardinaux, sauf sur l’Est, qui tourne le dos au vaisseau gothique.

À hauteur des étages supérieurs de la Prison, côté Trésor, on peut jeter un coup d’œil sur le grillage qui clôturait alors la cellule des condamnés à mort (il nous revient d’avoir ainsi aperçu le visage et le crâne rasé de Garel, assassin de Sidonie Cauchy, en 1873).

Or, les jeudis, il arrivait à des écoliers en vacances de se donner rendez-vous au balcon du grand portail. Comme on était démuni du décime exigible à l’entrée, il fallait imaginer et exécuter une série de tours de cache-cache pour échapper à l’œil du cerbère, et le vieux était malin et patient. On l’était davantage, et la minute sonnait enfin quand une volée de moineaux à deux pattes et sous képi à visière grimpait 4 à 4 et sur la pointe des pieds, dans la tour en colimaçon. Cinq minutes à peine, avec les arrêts de rigueur aux embrasures, on était à destination. Mais ce bougre de père Génin, encore svelte et agile, avait commencé le pourchas ; dès lors, c’était des courses échevelées sous les combles, depuis le portail jusqu’au clocher à l’Ange !

On parle beaucoup du besoin de sports pour les sédentaires qui redoutent la fistule à l’anus ? Eh bien ! Çà ne paie pas ! Aurait dit ces grands intrépides coureurs sous les toits de la cathédrale. Non ! çà ne paierait pas !... Jacques Génin, dut un jour abandonner son gîte aimé de la rue Tronsson-Ducoudray et la boutique de fruits et légumes tenue par sa 2e femme, la mère Germont ; il alla habiter rue du Clou-dans-le-Fer, 11.

Il avait eu deux enfants de son premier mariage : l’aîné épousa une Vallet, dont le frère, menuisier dans le Jard, avait obtenu le privilège de façonner les cercueils destinés aux congréganistes rémois, et une fille, Louise.

Le cadet des fils, Léon, assez étourdi pour fréquenter les clubs à une époque dangereuse, fut victime du Coup d’État de décembre : les tribunaux mixtes l’envoyèrent à Lambessa, d’où le bon cardinal Gousset eu une peine infinie à le faire revenir !

Ernest Victor Jacquinet, 31 ans, chez son frère l’apprêteur rue des Moulins, 71. Agile et musclé, noir comme un corbeau, mais amusard en diable il fut victime de ses fredaines. En 1879, il avait échoué à l’examen pour le volontariat, et dû tirer ses trois ans ; le papa Ogée n’avait su lui enseigner les matières imposées pour cet examen. Tête trop dure ? ou faiblesse du maître ?

Paul Mabon, 30 ans, ex-charcutier passé trieur de laines, par suite d’insuccès dans la carrière du boudin, trop porté hélas ! sur l’opale de la fée verte, qui réduit ses amants aux pires déchéances ! Il avait acquit ce fâcheux penchant par l’exemple de son professeur de charcuterie, mort en 1877 d’une crise de delirium tremens, à la façon de Coupeau.

Installé rue des Capucins, à l’angle de la rue Hincmar, il céda son fonds au fils Bisset de la rue Gambetta. Après ce fut un débit de boissons inauguré par Gauthier, secrétaire du Comice agricole.

Mabon meurt rue Gambetta, 51, dans une courée qui précède les Bains Boulogne ; il était fils d’un charcutier dont la veuve entra au service du Dr Arthur Decès, en même temps que le cocher Brabant.

Enfin, ce long nécrologe va s’orner du souvenir d’un des meilleurs hommes que la terre rémoise ait portés, le père Cazé.

Vincent Cazé était une de ces vieilles barbes de 48 qui révèrent toute leur vie au bonheur du peuple, par la politique ! Or, qui ne sait que la politique fait surtout le bonheur des politiciens ?

Pendant quelques heures, il fut à l’honneur : membre, en février 1848, de la Commission municipale qui siégea à l’Hôtel de Ville en attendant l’établissement d’un pouvoir issu de plus haut. Il fut le marieur de quelques-uns de ses concitoyens, aussi bien mariés que par l’une quelconque des personnalités qu’on revêt de cette fonction !

L’orage éloigné, Cazé, qui exploitait une salle de danse rue des Telliers, reprit l’archet et le violon en lâchant l’écharpe, et consacra sa vie à l’enseignement musical, au dressage d’acrobates de la corde à boyaux pour usage domestique ou social. Il fut trombone aux Pompiers et au Théâtre, professeur d’une douceur et d’une patience angéliques, maître-sauteur de bastringues et de noces dans le menu peuple, qu’il chérissait.

Devenu veuf d’une épouse dévouée, il eut la chance de tomber sur une coquette, spirituelle et pimpante brunette nommée Baligeon, qui, vieillissant, s’était ridée comme une pomme des Rameaux. Elle aussi dut se laisser emporter par la grande semeuse de deuils, et se mit en colle avec certaine divorcée, quarantenaire et mère de famille, fille d’un marchand de tissus du centre. L’idylle avait à peine eu le temps de s’ébaucher, que la Dulcinée de ce Don Quichotte en cheveux blancs et à l’œil inspiré, était internée à Châlons, en asile spécial.

Le doux vieillard, aux allures de prophète biblique, à longue barbe, aux yeux bleus voilés sous des verres teintés et plongés plus que de raison dans l’azur des cieux, à la recherche de l’étoile d’Amour universel ! dut vivre désormais seul, aidé des subsides d’un ami bienfaisant, le maître plombier Amédée Houlon, qui assura le pain de ses vieux jours et l’abri sous le toit d’autres braves gens, les Thibault-Lanser, fumistes rue Chanzy, 58 : c’est là que s’éteignit cette âme généreuse, et modeste entre toutes.

Cette revue préliminaire des troupes en marche vers une Vallée de Josaphat idéale s’interrompt, ayant laissé en arrière une foule désordonnée de Rémois venus au monde sans bruit ni éclat, et disparus dans la pitoyable rumeur des plaintes et sanglots des mères, des épouses, des pères et des fils, des veuves et des orphelins. Ceux qu’ils ont aimés, dont ils ont partagé l’existence les voici engloutis dans un néant millénaire, infini, éternel ; on ignorera qu’ils naquirent, vécurent, prirent fin, au cours de générations vouées au même destin, devant rester elles-mêmes ignorées de celles qui auront à leur succéder.

Et, pour beaucoup, tous peut-être ! on est en droit de se demander : Pourquoi, à défaut d’un Au-delà récupérateur, traverser tant d’épreuves, subir tant de misères, éprouver si peu de joies, puisque l’on doit en arriver là ?

1891

Principaux défunts de l’année.

Cet obituaire se recrutement toutes les classes de la société qui constituent le magma de la famille rémoise, et les plus petits n’en sont pas, pour leur petitesse, les moins dignes de fixer un souvenir ému et cordial des survivants !

Nicolas Basilide Caye, 64 ans, de Metz (12 juin 1826), négociant en bonneterie, rue du Jard, 8, associé à Noblot, de Nancy (laines pour bonneterie), et père du bénédictin actuel, abbé Henri Caye, de Metz également, à Quarr-Abbey (île de Wight), demeurant rue Libergier, 72. Époux de Marie-Amélie Aubert ; il meurt le 9 mars, à 5 heures du soir. Fils de Pierre Caye et de Marie-Thérèse Thomas. Un autre fils, Maurice Caye, sous-lieutenant au 94e R.I. à Bar-le-Duc, fut tué pendant la Grande guerre. L’épouse veuve habite depuis à Chambéry. Ils avaient un fils qui, à 24 ans, fut écrasé par un autobus, place de la Concorde, en 1922.

Mme Bourguignon, née Marie Nicolle Éléonore Guillemand, 75 ans, rue de Talleyrand, 49. Charitable et bienfaisante, elle avait inventé une eau salutaire pour les yeux, délivrée gratuitement.

Ulysse Niverd, de Reims, 46 ans, rue de Pouilly, dans une petite maison en angle obtus, à mi-chemin entre la communauté de la Compassion et de l’Hôtel de Ville, abattue depuis pour les bâtiments des Galeries Rémoises.

Le sous-chef de la Musique municipale, Yundt, habitait rue des Consuls, et était grand ami d’Ulysse. Celui-ci, fils du professeur bien connu, avait été saxophoniste à la Garde républicaine, et professa ici cet instrument. Sorti du Conservatoire de Paris, il fut organiste à Alençon, où il dirigeait une Philharmonique. Un temps, court, ce mémorialiste-ci fut son élève ; mais, les leçons n’étaient guère, et s’écoulaient principalement autour d’une table où moussait, dans des moss géants, la bière blonde des Tassigny, que Niverd, au bec salé, renforçait d’alcool pour en faire du faro. Il mourut d’ailleurs de ce penchant.

Ce brave homme à tous égards, citoyen rémois de premier jus, enfant du peuple, en ayant gardé la modestie et les mœurs, bon, généreux, dévoué à ses clients et à la communauté rémoise, musicien consommé, en un mot : Jean Nicolas Antoine Desprez, médecin, rue des Capucins, 54, 84 ans, époux de Joséphine Carlier (sa maison fut achetée vers 1920-24, par un journaliste, rédacteur à l’Éclaireur de l’Est et, la veille encore de cette acquisition, agent administratif aux Dommages de guerre, le citoyen Paul Marchandeau, de Gaillac, maire de Reims, député, ministre, peut-être président de la République ; à défaut, vu son éclectisme, chambellan d’empereur ou de roi).

Nicolas Desprez avait aidé à sortir du sein de sa mère, Victoire Aumont, rue du Jard, 23, le 7 février 1859, celui qui tape ces lignes, et qui le vénéra comme il le méritait.

Jusqu’à sa mort, il fut le médecin confident, consolateur, réconforteur, donateur d’espoir et de confiance de nombre de familles du peuple ouvrier, de ceux auxquels on ne rend pas suffisamment d’honneurs publics, parce qu’ils ne furent jamais des flagorneurs de puissances ni des profiteurs de régimes !

Dès 1850, il faisait partie, en qualité de violoncelliste, du Quatuor sacré – non point, du Quintette sacré ! Avec Sibire, Mülbach, Kasparek, Abel Maurice. On biographie un tas de Rémois de valeur diverse et relative : celui-ci mériterait une page d’adoration !

Alfred Valser, professeur de chimie à la Faculté de médecine, violoniste à la Philharmonique, etc. 55 ans, époux de Clotilde Brisset. Né à Châlons, en 1837. Veuf en 1868, il vient à Reims et entre Hôtel-Dieu en 1879.

L’ex-restaurateur Henry Lallement, du Gros-Raisin, rue des Deux-Anges, époux de Anne-Marie Maris, en re-traite rue du Trésor, 3, 71 ans.

Un grand de la terre, Félix Boisseau, des champagnes, 82 ans, le 17 février. En justice, les thuriféraires ne lui manqueront pas. – Il a bien mérité de tous, comme tous combien l’ont bien servi !

Le père Fontaine, chiffonnier habitant cabane de bois au faubourg de Paris. Ex-ménétrier ambulant, il descendait, les dimanches, sur la place d’Erlon ; en habit rouge et tricorne, avec ses chiens, pour y jouer du violon en vendant des chansons à 2 sous. Il meurt admirablement protégé des dieux, subitement, sans doute des suites de la fâcheuse impression que lui ont causée, six mois auparavant, des cam-brioleurs sans vergogne et peu exigeants, qui le dépouillent d’une sacoche maigrement soufflée.

Ernest Croutelle, courtier en laines, 38 ans, époux de Louise Jouette ; il meurt du croup ! rue du Cadran-Saint-Pierre, 14.

Une heimatlos, Pauline Wilhelmine Moerické, veuve du baron de Sachs, 72 ans, à La Ville-aux-Bois.

Théophile Senart, ex-marchand de laines, 86 ans, rue du Faubourg-Cérès, 106.

Augustin Baratte, meurt à 74 ans, rue Hincmar, 4, chez Lecreux. Né à Douai, il était l’époux d’une Beauvillain. Venu à Reims en 1838. Il est à la Compagnie de l’Est en 1866, et dirigera les Messageries nationales, place du Parvis. Fondateur des Établissements Économiques et président des sociétés de secours mutuels. Sa fille est professeur de piano rue du Jard, 37.

Augustin Louis Baratte, 52 ans, pianiste à Paris, rue Rochechouart, 35, est témoin, avec le fabricant de cercueil, Léon Lecreux. Témoins : L. Napoléon Saint-Laurent, 24 ans, avenue de Paris, 90 ; Eugène Delasalle, horloger successeur de Détrée, rue Chanzy, 50, et époux d’Eugénie Jou-bert, fille du relieur, rue Chanzy, 61 ; Gabard, 28 ans, horloger, que des Rémois à déjeuner à Concevreux, hôtel de la Marine, écoutèrent avec ravissement, alors qu’il leur chantait : Le Temps des Cerises, de Antoine Renard. Et Jean Glad, de Metz, 36 ans, plombier, rue de Mars, 57.

Édouard Lallemand, 44 ans, des tissus, rue Jeanne-d’Arc, 19.

Le général Appert, né en 1817, meurt à Saint-Rémy-sur-Bussy.

Eugène Delasalle, 51 ans, horloger bijoutier rue Chanzy, 50, successeur de Détrée. Courtaud en jaquette, à barbiche brune.

Eugène Béry-Gueudet, 61 ans, de Gagny, opticien sous les loges, vis-à-vis le comte d’Erlon, longtemps seul spécialiste à Reims, avec toutefois Lalouette, 62 ans, place d’Erlon. On allait là s’approvisionner d’alliances de mariage. Pourtant, Choisy lui était un rude concurrent. Veuf remarié à une demoiselle Gueudet. Son beau-frère Arthur Gueudet est entrepreneur de bâtiments à Anzin.

Paul Saussier, vétérinaire, 33 ans, qui avait épousé la jolie brunette, fille d’un boucher de la rue Chanzy, Célestine Bouton.

La mère de l’organiste Grison, Marie Pélagie Fichelet, 84 ans, rue de Bétheny, 21.

L’adjoint au maire Lagrive, né à Reims dans le 3e canton, le 6 mars 1814, au bruit du canon : il en deviendra artilleur, officier après 12 ans de service, ayant été ouvrier tisseur à la main. Capitaine à 35 ans. Lieutenant-colonel de Mobiles en 1870. Adjoint au maire en 1878. On lui doit notamment la disparition des pavés pointus du Barbâtre, qu’il habitait en 1872. Il décède le 27 avril, à 78 ans.

Mme Hippolyte Andrès, 87 ans. Témoins : le baron Berge et son fils, le commandant Albert Delpit, Édouard de Marcère.

Jules Fassin-Sautret, fabricant, à Bétheniville, 59 ans .

Constant Labitte, marchand de laines, 67 ans, rue Saint-André, 19. Gros, apoplectique, bon vivant, courte et bonne. Ayant eu magasins rue des Telliers, où on triait, sous le chef trieur Denis Lantenois, ses toisons de France, lavées à dos. Né à Pernes (Pas-de-Calais), époux de Catherine Esther Victoire Fricotelle, 64 ans, et fils de Labitte-Flajollet. Témoins : le beau Jules Person, 44 ans, des tissus, place du Chapitre, 6, voisin de l’abbé Charles Divoir, ami de la famille, et Auguste Collet, 65 ans, placier en vins, nommément du fameux vin rouge dit de Vidal.

Mort du vieux chef des Régates rémoises, le musicien Aloyse Antoni 75 ans, de Strasbourg, place d’Erlon, 33, époux de Caroline Busz, 73 ans. Fils d’Antoni-Weibel. Il fut des voltigeurs de la Garde impériale. Venu à Reims en 1872, il décède chez ses neveux les Marmiesse, du manège d’équitation. Témoins : René Marmiesse, directeur de l’école d’équitation, au manège du Cirque, et J. Prosper Eckermans, 55 ans, chef de musique au 132e R.I., rue de la Clef, 4.

Le trieur de laines L. J. Templie, de Château-Porcien, 70 ans, rue Brûlée, 18. Père des trois plus belles Rémoises de notre temps, et de deux fils de beauté égale. De la race des bons et honnêtes ouvriers de la laine.

Pierre Cornu, 51 ans, excellent trombone aux Pompiers, rue des Moulins, 84.

Alphonse Guérard-Devraine, 69 ans, marchand de rouennerie rue Gambetta, 21.

Eugène Baudart, trieur de laines, originaire de Manre (Ardennes), 52 ans, rue Croix-Saint-Marc, 78.

Pierre Auguste Génicot, 70 ans, d’Isles-sur-Suippe, chef du Bureau des écoles à la mairie, rue Bacquenois, 21. Il fut gardien du Musée et ex-employé à la Bibliothèque, venu à Reims en 1848, et partageant les idées de Cabet.

À la Ville, il tint le bureau des Écoles, en qualité de bibliophile, prosateur et rimeur, mineur bien entendu, comme ceux qui ne purent sucer le lait de l’Alma mater, et ne répugna pas au petit commerce en boutique et sur les foires et marchés, où il débitait ces coupons de la fabrique. Ces Cabétiens revenaient de loin !

Il habitait avenue de Paris, et fit partie de la chapelle libre-penseuse : il lui fallait un guidon !

Pierre Auguste Génicot, a laissé des œuvres poétiques, socialo-humanitaires, mémorialistes, qui témoignent d’une belle élévation de pensée et d’un vigoureux effort pour s’élever dans la stratosphère intellectuelle. Son nom ne sera pas oublié.

Il était fils de Génicot-Tourte. Sont témoins, ses collègues à l’Hôtel de Ville : Théodore Eugène Baudoin, 26 ans, de la Caisse d’Épargne ; Georges Hippolyte Gustave Rousset, son successeur.

À la cousine Jeanne, il en fallait également. La sainte et humble fille du Bon-Pasteur Marie Théophile Péchenet, 71 ans, était sœur-laie du couvent des rues Neuve et du Jard. Née à Manre (Ardennes) elle était de la parenté des Dupont-Aumont, et, en cette qualité, elle fut de la tablée de Première communion, en 1869, d’un des garçons de cette maisonnée de la rue du Jard, 26 .

Mme Laplanche-Deforge, Jeanne Clémence, épouse du luthier de la rue Chanzy, 2, 66 ans.

Chez son gendre Maurice Noirot, boulevard de la République, 39, Antoine Philogène Simon Hennegrave, 68 ans, ex-fabricant à Bétheniville, époux d’Irma Rogelet, fils de Hennegrave-Prévot. Paul Simon, menuisier, rue du Cloître, 6, fournit la bière.

Charles Hureaux-Saingery, 54 ans, avoué, rue de l’Échauderie, 14, d’un accident de chasse. D’un teint bilieux de malade du foie, caractère atrabilaire, peu facile à affronter à la barre du Tribunal de commerce, où il se montrait combatif.

Eugénie Bastogne, 23 ans, épouse d’Alfred Colmart, le boulanger aux darioles, place Saint-Timothée, 11.

Rencontré ce matin, 17 avril 1935, Colmart affirme que le camp d’aviation de Bétheny-Courcy serait, en cas d’alerte, évacué au loin en 12 minutes. Comme précisément, la maman d’Adrien Sénéchal vient de nous annoncer que sa nièce, dactylo au Ministère de la guerre à Paris est évacuée à l’intérieur, avec 1.500 dossiers, l’affirmation de Colmart nous rassure, en même temps qu’elle confirme nos justes alarmes. On conclut donc : Si les Boches sont refaits en survolant le camp, leur rage s’aplatira sur Reims, et, ma foi ! on reverra de jolies prouesses ! En se couchant le soir, on se demande : Sera-ce pour cette nuit ? Et voilà les succulents fruits d’une victoire salopée !

Ernest Gadiot, 58 ans, marchand de laines, rue Legendre, décède à Chigny.

Curieuse silhouette rémoise, cigare aux lèvres du matin au soir, barbe blanche et mal fourragée, rabrouant facilement ses interlocuteurs, et d’une rare compétence en sa profession. Ses principaux collaborateurs furent Félix Pilton et Charles Hickel.

Pierre Dervin-Sarazin, 88 ans, ex-fabricant, rue Saint-Pierre-les-Dames, 7, beau-père de Sichard, des tissus.

26 décembre, Gérard Quentin-Lacambre, 74 ans, épicier faubourg Cérès en 1871, où un incendie au pétrole fit de nombreuses victimes, rue de Neufchâtel, 145.

Hyacinthe Paté, fabricant à Neuflize (Ardennes), 55 ans, à Paris.

Le menuisier rampiste Jean Theiss (on disait : Théis), époux de Marguerite Peschong, 74 ans, rue de Courlancy, 90. Son fils cadet, Albert, était dessinateur en tissus chez les Benoist des Capucins, et, époux d’une demoiselle Bourguignon, – buraliste et ténor de lutrin, – il est mort après guerre rue de l’Esplanade.

Mme veuve Bonnaire, Lydie Philippine Crapez, de Landrecies, belle-mère du maire H. Henrot, rue Gambetta, 73.

Le Dr Gaillet, au chapeau à larges ailes et bords plats, décède à Cannes, à 65 ans. Interne chez Nélaton, il vint à Reims en 1853, et fut professeur d’anatomie, poste occupé, en 1935, par Lefèvre, époux de Lucienne Ercole, écrivain satirique, divorcée Amoretti (voir Œuvres libres, 1931 : Les Augures en veston).

Henriette Delalain, 78 ans, ex-maîtresse à la pension Carlier & Delalain, rue du Bourg-Saint-Denis, 15, chez Mme veuve Pinon, rue de Talleyrand, 48.

1892

Enregistrons la prophétie de Franz Goërg, concernant son ami Hablot : Il est capable, ce gaillard-là, d’épouser nos femmes quand nous serons morts !

Décès de l’année.

Le susdit Guillemart (Élie Jean-Baptiste), 67 ans, propriétaire et bouquiniste, rue de Vesle, 105. Déclarants : J. Henri Marniquet, 49 ans, négociant (en peaux de lapins) à Voncq (Ardennes), cousin germain maternel, et Léopold Gérard, 59 ans, dégraisseur de laine, rue de Vesle, 105.

Élie était né à Reims le 23 décembre 1824, à 10 heures du soir, rue de la Poissonnerie, 6, de Jean-Baptiste Étienne, 42 ans, bouquiniste, et de Françoise Marniquet. Témoins : J.-B. Jadart, 63 ans, propriétaire à Berru, grand-oncle paternel, et Antoine P. Dominique Guillemart, 42 ans, tailleur d’habits, rue Saint-Pierre-les-Dames, son oncle.

Le 3 janvier, Mme Jonathan Holden, boulevard de la République.

Le 9, Claude Goïot, rue Chanzy, 16, à la Maison de santé de Châlons. 85 ans. Il avait été conseillé municipal de 1880 à 1888.

J.-B. Lefèvre-Klein-Lefranc, 52 ans, marbrier, illettré, car il était obligé de faire tenir ses comptes par un tiers, lequel un jour, était un élève des Frères du Jard, heureux de gagner là quelques sous pendant les vacances. Rue de Mars, 62 (quartier des marbriers).

Gustave Maireau, qui avait repris en 1852 l’étude notariale de son beau-père Duplessis, et auquel succéda Alfred Lefort.

Un vieil ami d’Eugène Courmeaux, Nicolas Gœbel, 82 ans, à la Charité.

Louis Boyer, 53 ans, peintre-décorateur, rue Libergier, 47, précédemment rue du Couchant, 3. Il eut un fils, Louis, qui, s'il avait vécu, aurait pu être un compositeur de musique, après avoir été à l’École professionnelle, avec Émile Deveaux, Ernest Dupont, etc. Mort phtisique à Paris, élève aux Beaux-arts.

Le vieux boulanger aux darioles de la place d’Erlon, Victor Magloire Destable-Lepage, de Saint-Quentin-le-Petit (Ardennes), 72 ans, rue Buirette, 7, ex-boulanger à l’angle de cette rue et de la place d’Erlon. Célèbre pour la confection de ses darioles à 0.10, surtout à l’époque traditionnelle de la Quasimodo, où l’on faisait queue en attendant que les friands gâteaux sortissent du four, pour les manger brûlantes (Café du Lion de Belfort, actuellement). Un témoin, Léon Templie, 30 ans, trieur et clarinettiste aux Pompiers, rue Saint-Maurice, 18.

Alexandre de Montigny, 55 ans, époux de Léonie Aubriot de Noifontaine, à leur château de Montigny même, près Jonchery-sur-Vesle. Une fille de Gerdret de Laprairie avait épousé un Montigny.

Catherine Schmit, 76 ans, voisine de Hédouin de Pons-Ludon, rue Saint-Hilaire, 9, épouse du menuisier Sibenaler, et belle-mère de Raymond Aubert.

Mme Gabrielle Chemin, veuve Brouet, mère du bou-langer de la rue Gambetta, 152, angle Ruisselet, qui, ayant épousé Mlle Godin, fille de Casimir, boulanger rue Chanzy, alla reprendre à Pantin le pétrin fort achalandé de Philippot, ex-boulanger à Reims, sous les loges de l’Étape, dont il fut obligé de s'éloigner pour laisser place à la Brasserie de Strasbourg et au Casino.

La bâtisse était en fort mauvais état. Les fours et le cabaret populaire ou Popu allait en foule, au temps de Pâques et Quasimodo, manger des darioles et des gâteaux ronds en couronne, se trouvaient au fond de l’immeuble, et on y arrivait par un long couloir. Il y avait comptoir de boissons et tables avec bancs de bois au 1er étage.

Charles Givelet, veuf d’Apolline Irma Corneille, 74 ans, rue des Telliers, 18, fils de J. Nicolas Givelet-Clicquot. Vif, pétulant, gai et érudit causeur, Rémois pur sang, archéologue, personnalité rémoise bien connue et appréciée de tous. Mort le 19 février, témoignent de son décès : F. Amigues, son gendre, 53 ans, tissus, rue de Mâcon, et Jules Buirette, 38 ans, rue Petit-Roland, des tissus.

On n’a pas remué suffisamment la bouillie cérébrale de nos concitoyens en son honneur, et beaucoup trop d’entre eux ignoreront toujours ce que Reims doit de renom à ce savant, comme tant d’autres, d’ailleurs. Il semble que d’évoquer seulement le nom de certains hommes de haute valeur serait faire injure à la majorité des médiocres qui occupent les champs du pouvoir dans notre ville !

Barthélemy Fouque, veuf de M. Michelle Le Roy, peaussier à Courlancy et La Haubette, 60 ans. En ces années, Fouque exploitait une machine à scier les peaux de lapins pour en détacher le poil à feutre.

Esther Noël, 55 ans, veuve Mennesson, professeur d’anglais rue Clovis, 63.

Subitement, Estelle Victoire Leclerc, 44 ans, épouse Kalas, rue Jean de La Fontaine, 41.

Jules Clément Fourmon, dit Chanapas, des tissus, rue de l’Université, 27, natif de Pernes (Vaucluse), 62 ans, époux de Louise Peyre, 33 ans, fils de P. Éloi et de Marie Anne Barthélémy, – à 10 heures du soir, le 10 mars. Témoins : L. M. Gustave Petit, comptable, boulevard de la République, 123 ; Numa Léon Aubert, fondé de pouvoirs, 35 ans, place du Parvis-Notre-Dame, 26.

Cet important magasin de tissus était situé à l’angle des Cordeliers et mitoyen à la Sous-Préfecture.

Adrienne M. V. d’Aigneaux, de l’Ile-Marie-Picauville (Manche), boulevard Gerbert, 1, épouse du comte de Gigault de Bellefont, 55 ans, et fille de d’Aigneaux-Berthelot de la Villeurnay. Rien n’explique ou justifie la présence dans nos foyers rémois de ce débris de l’armorial du Cotentin.

André Lux, de Hossingen (Luxembourg), camion-neur, 59 ans, rue des Salines, 1, époux de M. Amélie Francine Dufourneaux, et père de François Lux, comptable.

Le violoniste Isidore Porgeon, de Boult-sur-Suippe, 57 ans, gros poussif rougeaud et court d’encolure, débitant Faubourg-Cérès, 16, fils de Porgeon-Goulin. Son fils Edmond est au 132e R.I.

Joseph Jacob Goërg, de Kaiserslautern (Bavière), 65 ans, rue du Marc, 1, époux de M. Adeline Sergent, 53 ans, père de Franz, 32 ans, rue Thiers, 49, et Gustave, 31 ans, beau-père de Philippe Lagrange, capitaine d’artillerie, rue Werlé, 13.

J. M. Brié, de l’Embarco ou Embarcadère, boulevard Roederer, 40, père de Pierre Brié, lequel a 48 ans. Veuf de Catherine Houtelet, il était fils de Brié-Panneaux, et, ancien musicien et chef de son orchestre de bal, il avait 83 ans, ayant succédé aux Chemin.

Fritz Haënlé, 53 ans, de Francfort-sur-le-Mein, rue Saint-Crépin, 10, célibataire, comptable, boulevard Fléchambault, 69, fils de Haënlé-Déaud, et sans doute en parenté avec ce fabricant de feutre en l’impasse Fléchambault, qui, colonel autrichien, fut placé en camp de concentration à Angers, en 1914.

Henri Herbé-Bombaron, 79 ans, rue des Capucins, 201.

Prosper Jourdain de Muizon, 88 ans, rue du Petit-Four, 19. On disait déjà : Le Vieux Reims s’en va !

Papa Bailly, 60 ans, comptable aux Établissements économiques, rue de Vesle, 241. Brave homme à la lippe pendante, et une face rose allongée et glabre, peu chevelu, au rire un peu bébête, ce qui lui donnait une surface sénile. Altiste à cordes à la Philharmonique, un de ces amateurs si peu sûrs de leur archet, qu'il avait toujours à graisser ses crins à la colophane au passage des traits difficiles.

François Adolphe Patin-Dauphinot, 83 ans, rue du Temple, 18.

Nicolas Anselme Defforge, du Bureau de bienfaisance, 74 ans, rue des Fusiliers, 4. Grand et courbé, maigre, toujours en redingote, le cou cerclé d’un col blanc à la Louis XVIII. Rares cheveux bouclés.

Clémentine Duchêne, veuve Flament, marchande de papiers peints, 62 ans, rue des Tapissiers (Carnot), 13. Papillottes et lunettes dorées, genre veuve Paillard.

Marie Marcelle Houpin, veuve Lefeuvre, 75 ans, rue de Contrai, 20. Mère du Vengeur, surnom donné un ex-élève du Jard, où il battait la grosse caisse aux côtés de son cymbalier Jules Machuel-Houpin.

Clovis Savin, rentier, rue Petit-Roland, 17, 76 ans.

Jeanne Mahut, veuve Modaine, 81 ans, rue des Murs, 6. Ex-habitante du Jard, au n° 14, ex-marchande à la toilette, mère d’une nombreuse lignée, dont 2 demoiselles aussi bel-les qu’avait dû l’être elle-même.

C’est le 2 mai 1892 qu’à dix heures du soir meurt, rue Rogier, 14, un débitant de vins de pays au caboulot fré-quenté par les gens de la laine, courtiers et placiers, assurés de trouver là certain rouge de Cauroy-lès-Hermonville qui n’était pas dans une musette ! Eugène Alfred Rolin, 54 ans, natif d’Auménancourt-le-Grand, époux de Marie Aline Garitan, 52 ans, et fils de Rolin-Herbé. Son fils Edgar, 27 ans, rue David, 6, est au peignage J. Holden depuis 1880. Un neveu maternel, H. C. Guiot, 35 ans, est débitant rue Montlaurent, 13. Les trieurs du chantier voisin des Marteau, y faisaient leur petit déjeuner du matin, à 8 heures et leur goûter de l’après-midi, à 4 heures. On y coudoyait, aux mêmes heures et à tout moment, des courtiers qui, entre deux courses, venaient y blaguer en sifflant quelque verre de blanc ou rouge : Jules Dupont, Charlier père, Van Cramphant, Strohl, Dessailly, Le Dieu de Ville, Clausse, roi des pêcheurs et 20 autres, amis de la dive bouteille. Dans le voi-sinage, deux hétaïres aux puissantes mamelles, dont certaine Pauline, –coqueluche de tous –, recueillaient les hommages et le tribut de ces amis de Bacchus, désireux de sacrifier, à temps perdu, entre deux chopines et un petit déjeuner à la fourchette, – jambon chapeluré ou jambonneau en gelée –, à la déesse Vénus. Tous sont disparus, fauchés par celle qui n’oublie personne. De nos jours, ces dégustateurs émérites seraient bien privés de cette joie de la vie que procure le vin naturel de nos coteaux de la Petite Champagne : transformé en mousseux, ce nectar abreuve des sauvages dont la gueule simiesque est indigne de ce jus. Les milliards du monde entier assèchent le bassin de Reims et de la petite Montagne, Et les Rémois sont réduits à boire du pinard des Corbières ou d’Algérie. Plaignons ceux qui vont nous survivre. Toutefois, comme ils n’auront rien connu de nos petits bonheurs, ils n’auront pas de point de comparaison pour aviver des regrets à hauteur des nôtres ! Pour notre part personnelle, bénissons le ciel de nous avoir accordé de vivre en des temps où la vigne rémoise nous récompensait de la peine prise à vivre ! De 1923 à 1930, Edgar Rolin, directeur de ce peignage reconstitué, a eu bien du coton et du mal à satisfaire toute sa clientèle, obligé, malgré son vouloir, de pren-dre en considération particulière les exigences des gros pourvoyeurs de l’usine, ceux d’Alsace notamment.

Alfred Rolin, débitant rue Rogier, 14, 54 ans, père d’Edgar Rolin, alors employé au peignage J. Holden, dont il sera directeur après comme avant-guerre, et sera remplacé par l’ingénieur Fandre, après 43 ans de services, sans plus !

Rolin père était un homme fort, joyeux compère, visage coloré sous de rares cheveux bouclés, buvant chopine avec sa fidèle et permanente clientèle de courtiers en laines, attirés d’autant plus chez lui que de belles et mamelues hétaïres habitaient dans le voisinage. Là, ces messieurs de la laine venaient faire de fins déjeuners à la fourchette, arrosés d’un vin rouge de Cauroy-lès-Hermonville, pour lequel on se serait fait fabriquer une gargoulette de renfort.

Mme veuve Hubert-Naviaux, 59 ans, rue Anquetil, 40. D’une dynastie de charbonniers bien connue.

Victoire Coutier, de Bourcq (Ardennes), 86 ans, fille de Coutier-Bonnefoy, veuve de Jean Lantiome et mère du célèbre avocat, rue du Clou-dans-le-Fer, 27, mitoyen au Vieux-Théâtre et à la sortie banale du Café Courtois, tenu par Richard, de Verzy, où Jules Liantiome coquetait autour du comptoir tenu par la belle Mme Richard, au rire de dinde. L’avocat a 57 ans, et le petit-fils, Léon Paris, ingénieur à Paris, 33.

Marie Liesse Félicité Géresme, 71 ans, logeuse rue Bacquenois, 1, née à Nogent-lès-Sermiers de Géresme-Mauregny, et veuve de J. P. Dagot. Elle est la mère de Arthur Dagot, ce dur pilier de la résistance de Reims aux coups de la Camarde, la bravant encore à 82 ans, d’un air sûr de soi. Il y a un autre fils : Louis Edmond. Arthur est, en 1892, chef d’atelier aux coffres-forts Bauche, rue Boulard, 20, et habite rue des Augustins, 12, dans une vieille maison appartenant à Quentin, jardinier, et où logèrent également, dans une chambre sur rue au 1er, J. F. Dupont, trieur, de Liry (Ardennes), et, de 1880 à 1900, sa fille Sophie.

Lucie Joséphine Andrée Dombry, de Paris, 34 ans, fille de Charles Dombry-Perseval, épouse de Charles Rodolphe Plattner, des champagnes Saint-Marceaux, rue de Sillery, 28.

Léon Guérin, débitant rue Bacquenois, 23, décède le 26 mai, à 53 ans. Époux de Emma Pierrot, qui, jusqu'en 1935 et habita même rue, 29, et s’est ensuite confiée aux soins, décriés par certains, des officiels et service de la Maison de retraite.

S’étant amusée des proses du Flâneur des Ruines, l’aimable octogénaire lui réserva longtemps, en témoignage du plaisir reçu, les premières fleurs de son jardin, sans compter la sollicitude et les visites fréquentes. Puisse-t-elle allonger ses jours dans cette calme thébaïde où son auteur favori aimerait, lui aussi, à finir ses jours déjà avancés ! Le sort, et une compagne qui ne partage pas les mêmes désirs s’y opposeront sans doute jusqu'à la fin des temps !

Mme Guérin se désolait récemment que fût cessée l’impression des Vie rémoise restées en manuscrit, faute de pécune à y sacrifier : elle les a lues en manuscrits et, une Underwood est consacrée à taper ce qu'il en reste d’inédit (de 1881 à... 1908, si possible !).

Charles Missa-Satabin, ex-laveur de laine sur la rivière Brûlée, 78 ans, rue Buirette, 29. Grand et fort gaillard, devenu quelque peu podagre par rhumatisme, goutte, etc. Nez Rosé en plus, comme il est de règle pour tout amateur de jus de treille champenoise !

J.-B. Germinet, 83 ans, rue du Carrouge, 29. Ex-afficheur public, éditeur des annuaires portant son nom, et si utiles aux mémorialistes rémois.

Mme veuve Minard, M. Aglaé Brochard, 66 ans, rue Gambetta, 26. Ses deux fils avaient repris l’atelier de menuiserie qui a la spécialité de fournir, notamment le mobilier aux gens de la campagne rémoise et aux établissements religieux.

Mme Goulet-Leclercq de Ernest Kalas (La Vie rémoise à travers les âges), 74 ans, rue des Capucins, 52. Son gendre, Alexandre Mareschal, notaire, rue Petit-Roland, 26, mourra en 1908, à 73 ans. Son petit-fils Charles Maurice Mareschal est né en 1860, et fut victime d’une bombe allemande qui tua, en 1914, le capitaine de Pompiers Salaire : il habite rue des Capucins, 52, comme l’aïeule.

Henri Lamarthée, veuf de Virginie Baudart, 83 ans, rue de Thillois, 13.

Le musicien, ce bon Béaslas, 54 ans, originaire de Paris, meurt de congestion cérébrale le 9 juillet, rue des Capucins, 35.

Stanislas François Lundy-Petizon, courtier en charbons, 69 ans, place du Chapitre. Court, râblé, menton barbu et grisonnant, cousin des Benoist du Mont-Dieu.

Le trieur Auguste Roussel, dit Domino en raison de la rectitude et de la blancheur de ses dents, épicier d’occasion rue du Barbâtre, 12, s’est glissé à tort dans le tableau des défunts : il ne fait que liquider son commerce, où, à l’instar de son prédécesseur Henri Pothier, contrebassiste au lutrin de Notre-Dame, il vendait à 2 sous des boulettes en hachis de viande qui lui coûtaient 3 sous.

Louis Lysandre (!) Lagache, instituteur au Jard, perd Mlle Lebrun sa femme, qui a 54 ans.

Fould, Israélite et Messin d’origine, immigré en 1871, boucher rue Chanzy, 11, perd sa femme, sœur de son confrère Léon David, rue Chanzy, 61, dont la première installation à Reims se trouvait rue Sainte-Catherine, angle Tronsson.

Résibois, que nous avons vu s’établir gérant d’un four à chaux, au Pré-des-Moines, y perd la vie, à 46 ans, en séjour à Justine (Ardennes).

Léon Foucher-Lacombe, 54 ans, maître bouchonnier, rue Gambetta, 3 : il a pour successeurs Hablot-Sergent.

Mathieu Bernheim, brave et honnête entre ceux de sa tribu, 41 ans, veuf de Marie Marin, père de deux fils, Jacques et Gaston, jumeaux, et d’une fille, mariée à un Blumenthal, puis divorcée, meurt en sa maison de laines, rue de Mâcon, 2 (ancien couvent des Cordeliers).

Aimé Alexis Parent-Gérard, 70 ans, libraire rue Cérès, près la rue Ponsardin. Retiré rue Saint-Pierre-les-Dames, 2. Maigre, pâle, verbe incolore, vrai rat de librairie, – inoubliable pour le tout frais auteur de Thomas Schreid, publié dans Le Voleur, revue hebdomadaire illustrée à 2 sous, le 31 juillet 1881, et affiché chez Parent, où le jeune écrivain, dont le Roi, à cet instant unique, n’aurait osé se dire le cousin ! – quittant l’atelier de triage de la firme Marteau, tout près de là, pour aller faire son déjeuner de midi, rue Chanzy, 79, aperçut son nom et son œuvre imprimés entre ceux d’Alphonse Daudet et Chincholle ! Ah ! bone Deus ! quel moment ! quelle sensation ! quel trouble charmant ! Oublier cette minute ? allons donc !

Clémence Louise de Montfort, 91 ans, à Ville-en-Tardenois, veuve de Gérard N. F. Polliart.

Albert Brocart-Gavet, 44 ans, fabricant de cirages, place des marchés, 48.

Louise Lorrillière, épouse Josserand (Arthur) comptable, mère du violoniste, 46 ans, rue Hincmar, 65.

Valéry Lefèvre, ténor à Notre-Dame, père du compositeur Ernest Lefèvre, chez son gendre Henri Flamant, rue du Barbâtre, 14. Il avait été au lutrin pendant 40 ans, et le professeur des chanteurs de l’Opéra, Menu et Richard. Messe à Saint-Maurice lundi 14 novembre.

Paul Saintin Picard-Goulet, de la laine, 80 ans, rue du Barbâtre, 28. Père de Hippolyte Picard-Baudet. Allié aux familles Colliez, Thiérard, Ibry. Homme très bon, modeste, travailleur, commerçant loyal et scrupuleux, de taille moyenne, replet, portant barbe pleine soigneusement entretenue.

Adolphe Berthélemy-Gaide, des locations d’immeubles. Veuf de Ludine Gaide, rue Bertin, 6. Né le 2 décembre 1859. Pesant, marqué de petite vérole, barbu, bègue. Lui succéda, pour location d’immeubles, son gendre Borgoltz.

Jacques Caillet, trieur de laines, à la Charité. Auteur de la Carte de la Toison éditée par Matot-Braine. À ce titre, méritait que le négoce où la municipalité le recueillissent à la Maison de retraite. Hélas !

Léon Niclot, doreur, fils de Gustave, rue de Talleyrand, angle Cadran-Saint-Pierre. Écrivain et poète délicieux, peintre amateur, auteur notamment de : La petite Fafa, publié dans l’Écho de Givet. 30 ans, blond, fin d’allures, un peu noceur, talent fin ; ses poésies sont d’un styliste imaginatif et sentimental, ailées, d’une rime éblouissante, dignes de l’honneur de la publication, qui reste du rêve ! L’Écho de Givet eut la chance de recevoir en ses colonnes la prose et les vers de ce véritable Chéri des muses.

Charles Hanniquenne-Petit, ex-élève du Jard, perd sa mère, Louise Grigaut, 63 ans, cabaretière rue du Barbâtre, 25, angle Gerbert (actuellement hôtel de la Pastille !).

Louis Sébastien Favre, de Grenoble, 55 ans, ex-relieur, rue Chanzy, 101, époux de Claudine Valtat, rue de Cernay, 34. Il avait un fils, devenu facteur rural, qui lisait tous les romans à relier à lui confier, en négligeant la couture et la dorure !

Victor Daumouche, ex-cabaretier au Café des Ardennes, sous les loges de l’Étape, où on vit boire de jolis et pertinents 1/2 de bière brune mousseuse à 0.20 c. tels co-pains de l’anarchie policière de l’époque : Aristide Briand, avocat du Pioupiou de l’Yonne, journal de Hervé recommandant de jeter le drapeau tricolore sur le fumier ; Urbain Dégoulet, dit Gohier, et notre excellent farceur Charles Foulon. Autres temps, autres bobards ! dirait le pamphlétaire Léon Daudet, lequel a dans le nez le nez l’homme au violoncelle ! Daumouche a 71 ans, ce qui paraît être un âge sortable pour la sortie de ce vain monde : il s’était logé non loin du Cimetière du Nord, rue du Château-de-Porte-Mars, pour se rapprocher de son lieu de sépulture.

Joseph Narcisse Greno, 81 ans, de Neuve-Maison, retiré du champagne à Landouzy-la-Ville (Aisne) ; il décède à l’hôtel du Lion d’Or le 21 octobre.

1893

Marianne Ridremont, épouse de Jacques Hubert Adolphe Landragin, trieur, que ses collègues et surnommaient Sans-Viande à raison de sa maigreur. Elle a 61 ans, et habite rue de Cernay, 4. Leur fils Aimé, trieur aussi, a 36 ans, et fut tué, en 1914, par une bombe allemande, rue David, 42 ; il avait été courtier en charbons pour Véroudart.

Octave Cochinard le Rouquin, 51 ans, d’une vive intelligence, ex-élève aux Arts-et-métiers à Châlons, contremaître de peignage au Mont-Dieu, rue Pierret, 20, époux de l’ancienne bonne de ses parents, Élisabeth Nathalie Mazingant, 43 ans, et fils de Isidore Prétextat, directeur à ce même peignage et de Anne Jeanne Vitry, rue de Châtivesle, 15. – Son beau-père était cantonnier à Gueux.

Octave avait un caractère indomptable, de tempérament exubérant, la lame usant le fourreau, et se livrant à l’abus de son personnel féminin, – par droit de jambage.

Émilie Marceline Gambier, 34 ans, rue de Vesle, Café Huhardeaux, angle rue Chanzy.

Denis Henri Aubert, 66 ans, de Bar-le-Duc, rue Petit- Roland, 6, époux de Louise Victorine Ursule Michel.

Théodore L. Barotteaux-Demain, 70 ans, de Serzy-et-Prin, ex-charcutier, place du Parvis, époux de Olympe Françoise. Témoins : son gendre, Ch. Janin, 40 ans, marchand de bois, rue de Venise, 91 (en 1935, rue Chanzy) et Arthur Remi Louis Colmart, rue Fléchambault, 292.

L’ex-pharmacien Alfred Croisier, 67 ans, d’Aubiguémont (Seine-Inférieure), rue Jacquart, 7, époux de L. Joséphine Soyez, 63 ans. Sosie du maréchal Lebœuf, il officiait rue Neuve, 5. Un neveu de sa femme, Alfred Pépin, qui fut voyageur en chapellerie, était jadis élève au Jard ; c’est lui qui s'approvisionnait, chez son oncle, d’ « assa fetida » pour empoisonner les abords du pupitre de notre cher Frère Aphrodise, de la première classe.

Rose Alexandrine Prophétie, 68 ans, femme de bien, boulevard de la République, 3 bis, veuve de Pierre François Rivart, fille de Prophétie-Lasogne. Assistée de Arthur Brissart, avocat, 44 ans, rue des Telliers, 45, et Paul Douce, notaire, 48 ans, rue de l’Université, 24.

Le trieur Paul Fresson, dit le Riche, en opposition à son frère Edmond, dit le Pauvre, 49 ans, rue des Créneaux, veuf d’une Cuiller, époux de Marie Vernet. Il avait été mastroquet à l’angle des rues de Venise et Équerre, dans les turnes du père Levieux, et fut l’un des premiers à se fournir d’un comptoir en zinc, dont les blagueurs d’atelier disaient qu'il était en argent.

La mère des Fresson était une vieille sorcière, tireuse de cartes, cafioteuse de marcs, ne voulant pas absorber de corée (poumons) de bétail, sous prétexte que c’est du manger de chats.

Nicolas Gaignière, 61 ans, de Jonchery, plafonneur, rue de Contrai, 16, – ayant habité rue du Jard, 60, voisin de Chauvry le père, violoniste. Ses gamins allaient à l’école du Jard, 22, l’un d’eux, typo, son petit-fils, fit le tirage de La Laine de France (1907) à l’Hôtel de la cloche, transformé en imprimerie par un frère des Écoles chrétiennes sécularisé, H. Leroy, pour le compte des Aula, de Lille.

Henri Robert Louis Habert de Romance, 30 ans, greffier de justice de paix à Épernay, né à Écordal, et demeurant rue de Châtivesle, 65, célibataire, fils de Charles Alexandre, mort en 1870 au château d’Écordal (Ardennes).

Charles Heidsieck, 70 ans, boulevard Lundy, 52, époux d’Amélie Henriot, fils de Charles Henri.

Félix Croutelle, 88 ans, – le Croutelle de 1848 –, ex-filateur à Sainte-Anne, rue Ponsardin, 66, veuf de M. Augustine Camille Géruzet, fils de Croutelle-Gangan.

Marie Alexandrine Croutelle, 76 ans, veuve Henri Lachappelle, rue Payen, 7, sœur du précédent.

Charles Beauvois, 70 ans, magasinier, rue Marlot, 37, fils de Beauvois-Chausson, de Saint-Brice. Fut toute sa vie au service de J.-B. Thuillier, marchand de laines place Godinot, qui le tutoyât, et avec réciproque. Inventeur par goût et ingénieux, il avait fabriqué le premier briquet à allumettes qu'on ait jamais vu : les bouts de bois jaillissaient flambants à la pression d’un ressort à boudin. Il avait eu, ce brave homme, devenu veuf de bonne heure, des déboires moraux par ses deux filles, gourgandines qui flirtèrent, en 1870-71 avec les Allemands envahisseurs, d’où le surnom de filles Thaller, bien acquis. Son fils Jules mourut à 40 ans.

Adrien Duchénoy, 57 ans, de Haudrecy (Ardennes), sous-bibliothécaire à la Ville, avenue de Bétheny, 2, époux de J. F. Esther Pauline Paris. Ils auront un fils, l’abbé Duchénoy. Homme doux et serviable, l’un des plus utiles serviteurs de notre Bibliothèque municipale et de ses conservateurs, a laissé un souvenir reconnaissant de ceux qui ont eu affaire avec lui. Il avait un neveu, Jules Duchénoy, trieur, mort en 1916 accidentellement à Paris, noyé en Seine, à la traversée en bac de Clichy à Courbevoie, où il travaillait en usine de guerre. Beau-frère, lui, d’un autre trieur, Henri Dallier, bouquiniste d’occasion et descendant des Dallier-Bonnette, et qui mourut écrasé à Soissons, en 1917.

Louise Adèle Tourneur, 73 ans, rue du Barbâtre, 27, veuve de Nicolas Saingery, fille de Tourneur-Choisy, sœur de l’abbé Tourneur, vicaire général, mère de Louis, qui était employé en 1874 chez son cousin Edmond Givelet, et plus tard, courtier en laines. Imberbe, teint bilieux, peau bistrée, sosie de sa mère et de son oncle, il était affligé d’une forte myopie, laquelle fut cause d’un grave accident de chasse, et il eut le malheur de crever un oeil à son cousin Henri Givelet ! – Buveur d’eau, très gai et lettré.

Louis Allain, 70 ans, de Paris, épicier-bistrot avenue de Paris, 92. Avait originairement exploité le café du 55 rue Chanzy, qui s'ouvrait sur un passage menant à la rue des Fusiliers, et appelé, par la suite, passage Marlier. Son fils Félix, 37 ans, est tapissier rue Chabaud, 1, et fut élève au Jard.

Jules Louis Déroche, 45 ans, marchand des quatre-saisons, faubourg d’Épernay, 4, époux de Olive Rose, et fils naturel de Catherine Déroche, reine des halles.

André (Nicolle), 73 ans, ex-blanchisseuse à l’Hôpital-général, veuve de J. M. Bouchy, et aïeul de Georges Hodin, adjoint au maire en 1935.

Le sauveteur professionnel Warzée (André), 76 ans, de Givet, ex-cordonnier, veuf de Catherine Wahart, décède à l’Hôpital-général, retraite des crafouillats sans-le-sou. Fut célèbre dans Reims par le chiffre impressionnant de ses sauvetages.

Constant Madosse, 66 ans, débitant rue de Bétheny, 148, et enfant de Lavannes. Son ami Émile Lécuyer, 33 ans, courtier en laines, qui a repris l’an d’avant le logement de Eugène Dupont rue Ponsardin, 60, est sont témoin.

Martin Théodore Canelle de Lalobbe, 49 ans, trieur, de Singly (Ardennes), époux de M. Cassel, couturière, boulevard Carteret, 47, meurt à l’Hôtel-Dieu.

Paul Destable, 48 ans, boulanger rue Buirette, 2, époux de Delphine Barbier, fils de Destable-Démoulin. Adieu, paniers, darioles sont faites !

Le délicat poète Camille Schwingrouber, perd une fillette. Il habite alors rue Savoye, 10.

Arnould Jaspart, de Tagnon, 65 ans, ex-bistrot, rue Dorigny, 17. Témoins : son frère Justin, 70 ans, trieur, place Saint-Nicaise, 11, et Léon Leclère.

Anatole Jouglet, 48 ans, ingénieur civil, né à Craonne le 5 juillet 1844, rue Petit-Roland, 9, époux de Honorine Léopoldine Godat, fils de Jouglet-Bablet. Décède le 15 juin. Courriériste agricole et scientifique, fit longtemps les délices des lecteurs rémois. Gros bonhomme à la Monselet, réjoui.

Armand Dugras, 42 ans, ex-mesureur de tissus, rue Landouzy, 49, époux de Valentine Esteulle, 44 ans, et fils de Dugras-Alavoine. Gros homme bedonnant et blême, faisant de la mauvaise graisse, foie malade.

Ernest Ludinart, de Sorbon, 56 ans, rue de Neufchâtel, 38, époux de L. Adeline Palle, chef du Bureau militaire à la mairie.

Le grand Louis Linotte, de Sommepy, 65 ans, trieur, époux de M. Aurore Boquet, sœur du trieur dit le gros Boquet, priseur et schniqueur, une futaille pleine de vin !

Linotte tenait un meublé rue Saint-Sixte, 17.

Pierre Alexandre Théodore Limasset, 66 ans, rue des Moulins, 17, ex-directeur du Petit-Lycée, époux de Anne Séraphine Theurel. À un fils, Charles Louis, ingénieur à Châlons. Son gendre Désiré Monimart est marchand de tissus esplanade Cérès, 13.

Eugène Verdelet, d’Annelles (Ardennes), 62 ans, bimbelotier sous les loges, angle rue de Talleyrand, et rue de l’Étape, 2. Avait constamment ses grosses branches de lunettes sur le front. Témoins : son aimable fils, le bel et frisé Adolphe, et Charles Peifer, cafetier au n° 8.

Édouard Schüller, 15 ans, fils de Schüller (Édouard) le trieur, dit le Pignon, Alsacien de Mutzig, dont l’accent donnait à sa voix le son d’un pignon d’axe qui grince.

Paul Périn, de Roucy, 52 ans, marchand de tissus, rue Sainte-Marguerite, 30, époux de Gabrielle Laignier.

Jean Whitaker, de Cottingley, directeur de peignage, rue des Moissons, 35, époux de Sarah Foster.

Marie Delphine Godefroy, 48 ans, de Saint-Juvin, sœur de l’ami Amédée, épouse du cocher Larrieu (Jean), rue de Vesle, 51. Larrieu est à la Compagnie des Petites Voitures. Tête de Morvandiau, sous chapeau de toile noire cirée.

Édouard Leget, d’Issoudun, 58 ans, marchand de laines rue du Levant, 17, veuf de Claire Belseur. Surnommé Sa Hautesse pour sa façon de porter la tête en se rengorgeant comme un paon, avec un cou plutôt court et engoncé, un ventre proéminent, une marche à la regarde-moi ! c’est le président du Tribunal de commerce qui passe. Cette suffisance inoffensive n’enlevait rien à ses qualités d’homme poli et de saine honnêteté. Il avait dépensé 800.000 fr. pour la construction de ce vaste et bel immeuble succédant à la vieille bâtisse où son prédécesseur, Desprez, avait su élever et consolider une vraie et solide fortune, tandis que lui finirait par déposer son bilan. La maison fut rachetée aux prix de 80.000 fr. par Henri Picard, des Goulet, qui y installa ses bureaux et magasins de laines, précédemment aux rue Cérès, 61, et rue du Barbâtre, 36.

Les Leget avaient eu une servante originaire de Lançon (Ardennes), Prudente Vautard, de 18 ans, belle et intelligente brune aux yeux étincelants. À la mort de Mme Leget, Prudente retourna à Lançon pour s'y marier et y mourir d’accident : montée sur un char de moisson haut chargé de gerbes, elle n’eut pas le temps de baisser la tête au moment où le chariot pénétrait sous grange : elle eut le crâne fracassé. Les Dupont-Aumont l’avait présentée aux Leget, qui la traitaient en perle domestique. Sa sœur cadette, Eulalie, en service à Reims aussi, s’est mariée à Lançon avec Hanin, cultivateur et distillateur d’eaux-de-vie de prunes et de kirsch ; ils ont eu une nombreuse famille, et vivent encore en 1935.

Jules Antoine Bureau, 82 ans, veuf d’Ernestine Aimée Forest, à la Maison de retraite.

Pierre Hormille (Paul), 52 ans, trieur, époux de Anne Vitter et fils du musicien Hormille-Drouet. Devenu aveugle, il meurt au dépôt de mendicité à Châlons.

François-Joseph Pertenne, de Mercy-le-Bas (Moselle), 65 ans, veuf en 2èmes noces d’une Pertenne.

Alfred Venain, de Pontavert, 65 ans, ex-peintre, rue des Fusiliers, 14, chez son fils Camille, rue Chanzy, 34, où il avait succédé à Merlin.

Claude Henri Defrançois, de la Croix-Rousse, à Lyon, 67 ans, rue de Contrai, 1, précédemment n° 8, presque en face. Veuf de Louise Grosset. Meurt le 26 décembre. Témoins : Léon Rendeux, 26 ans, menuisier, même rue, 7, successeur de Poitaux, et le serrurier André, de Metz, place du Chapitre. On appela : le père de la gymnastique.

Vincent Paul Budker, imprimeur lithographe, successeur de Maillet-Valser, rue de Talleyrand, 17, né à Mâcon en 1850, époux de Victoire Élise Roger, fils de Budker-Hanry, architecte.

Veuve Mennesson-Tonnelier, 90 ans, rue du Marc, 5.

Suzanne Clouet, 66 ans, femme de l’architecte Thiérot, rue Libergier, 57.

Veuve Vincent Philippe-Coulon, 79 ans, rue des Créneaux, à l’auberge du Lapin-Gras, chez son fils Philippe-Assy.

Le trieur Victor Jésus, 43 ans, rue de Belfort, 1. Faisait partie de ces émigrants de Fourmies venus à Reims vers 1884, faute d’ouvrage sur place : ils ne quittèrent plus Reims. Ils étaient d’excellents spécialistes du triage ; parmi eux, Bleuze, Pollet, Batteux, Pollion, reçus à bras ouverts au triage Picard-Goulet, rue du Barbâtre, 36, sous les chefs trieurs Désiré et Eugène Dupont.

Mme veuve Hertenberger-Liance, 56 ans, rue des Poissonniers, 15, mère de l’artiste peintre chargé, avant-guerre, des peintures allégoriques du Palais de Justice de Reims, où un spécialiste, Eugène Dupont, devait représenter un trieur à sa claie.

Antoine Louette, 71 ans, balayeur public, rue d’Alsace-Lorraine, 51. Il avait été dégraisseur de laine au Mont-Dieu ; déjà à demi chauve, et blanchi et usé par le travail, décharné faute de nourriture réconfortante, il aimait sa petite goutte du matin, rêche et poivrée, sirotée sur le comptoir de Collet-Roger, à l’assommoir, angle rue Neuve et Orphelins. Il préférait cet âcre poison à la douce eau-de-vie d’Armagnac que lui offrait assez souvent, au Mont-Dieu, le chef trieur, depuis 45 ans, de cette usine, Dupont-Aumont. Ça ne gratte pas assez !

On aurait tort de passer sous silence le décès de celui que le Tout-Reims bien embouché appelait le Merdouilleux, Claude Leconte aîné, 66 ans, veuf de Caroline Brocvelle, ex-pharmacien des Hospices et du Conseil municipal, dont l’usine de poudrette et l’habitation se trouvaient chemin de Cormontreuil, en allant à la Verrerie Charbonneaux. Propriété B. de Mun, de nos jours.

Mme J. B. Chemin-Defawes, 74 ans, rue de Saint-Brice, à l’Embarcadère, contre le Jardin-École, en attendant une percée pour rejoindre le tronçon de l’autre côté de la voie ferrée (1930). Elle était l’aïeule du poète rémois Enguerrand Homps.

Maximilien Bayen, des tissus, 69 ans, qui n’a pu survivre à sa ruine. On voit des portraits de Rossini, à 50 ans, pouvant donner l’idée de la silhouette de ce gros homme jovial, mais sans profondeur.

François Petit, 76 ans, brigadier des gardes-champêtres et successeur du père Caillette à la garde du Square et des Promenades, rue des Capucins, 114. Tout blanc, grand, barbiche de zouave, en képi aux bords argentés, et, comme Méphisto, l’épée au côté, sans l’escarcelle pleine.

Gosset, 71 ans, rue Pluche.

Albert Méhaut, 27 ans, employé de commerce, fils du coiffeur Méhaut-Soulier, rue de la Grosse-Écritoire, 2.

À Paris, le Général de La Hayrie, 76 ans, rue de Richelieu, inhumé à Redon.

Auguste Biébuyck, 31 ans, rue Pluche, 30, époux de Lucie Barbelet.

Paul Morlot-Lamy, épicier rue Chanzy, 30, 41 ans, marié en 2èmes noces à sa cousine Hélène Morlot. Exsangue et phtisique, ainsi que sa femme.

Joseph Kauffer, 56 ans, trieur, de Mutzig (Alsace), rue de Berru, 12. Sa petite-fille, une Péter, a épousé un trieur, Julien Radière, de Moncheutin. Toute cette famille des Kauffer et Péter est disparue, en partie ravagée par l’alcool sauf Mme veuve Radière, demeurant rue des Fusiliers, 37.

Jules Belloy, 27 ans, trieur, rue Favart-d’Herbigny, 46.

L’architecte Dautreville, de Châlons, 51 ans, adjoint au maire ; il avait appris le métier chez Godfrin. Mort à Bois-le-Roi, on le ramène chez sa mère, rue du Barbâtre. Conseiller en 1884.

Le trieur Soibinet, 50 ans, rue de la Belle-Image.

Lucien Guénet-Grévin, ancien minotier, 64 ans, rue Brûlée, 9, propriété de son beau-frère Casimir Grévin.

Grand et squelettique, dyspeptique, avait été associé à Henri Lefèvre, d’Évergnicourt, minoterie dont il tenait les bureaux et magasins rue Brûlée, 1.

Les Guénet eurent deux fils, tous deux morts avant-guerre.

Le cadet, Maurice, surnommé Gigoffin par les irrespectueuses fillettes du quartier, en raison de la finesse de ses jambes, fut frappé d’amnésie dans le train qui le ramenait de Lille à Reims, et, transporté dans un hôtel meublé à Lille, il y divague et on le ramène mourant à Reims.

L’aîné des frères Guénet était un peu lourdaud d’allure, dans le genre de son oncle Grévin ; tous deux fréquentaient le Café Courtois escortés de leur ami Auguste Müller, des champagnes, qui leur survit à ce jour.

Alphonse Ferrari, 26 ans, marchand de marrons, qui eut sont fourneau dans l’impasse du Comte-d’Artois, rue Chanzy, et s'installait, aux soirs d’hiver, près du Théâtre, à l’entrée de rue de Vesle, à gauche.

Barbe Catherine Joly, de Metz, 47 ans, épouse du tailleur Brulfer (Isidore) et mère de Camille et de Lucie. Brulfer, immigré de Metz en 1871, habita d’abord rue Chanzy, 58, à l’étage au-dessus de l’horloger Détrée.

Élisabeth Tessier, veuve Rondu, 84 ans, belle-mère de Ninet aîné, directeur de la Société des Déchets, et tante de Eugène Ninet, capitaine des Pompiers, et de Léon Ninet-Couten, lieutenant et gendre du général gouverneur de Verdun.

Aline Louise Pommery, 34 ans, épouse du vitrailleur Albert Vermonet, décède à Thenelles.

Mme Georges Délius, de l’Union des femmes de France, infirmière des mobiles de la Marne, à Lille, en 1870-71. – Elle est une Heidsieck, Émilie Augustine, a 66 ans, rue du Marc, 8.

Octavie Caru, 58 ans, épouse de Louis Labrousse, fabricant de canots, rue Folle-Peine, 16, et mère de Pol et Albert, musiciens aux Pompiers.

J.-B. Choisy, veuf de Marie Romand, 75 ans, ex-horloger rue Chanzy, angle Hincmar, où lui succéda son fils Gaston, lequel fit placer un cadran à carillon à l’enseigne de sa boutique : la Grosse Horloge, disparue depuis, hélas ! comme tous nos chers souvenirs d’antan !

Choisy, grand et fort, au teint poisseux, avait assez l’air d’un cordonnier-savetier, ceinturé de son tablier bleu. Sa femme était une figure des plus mutines et spirituelles, vouée à la création d’un fils malin et futé comme leur petit bosco Gaston, mort à Paris (Choisy-Venain).

Marie Jeanne Jamme, veuve en 1ères noces du libraire Frédéric Michaud, et en 2des, de J.-B. Guy, rue du Cadran-Saint-Pierre, 19 : elle a 77 ans.

Antoine Guérin, 79 ans, ex-débitant, rue Bacquenois, 31, beau-père de Mme G. Emma Pierrot, qui, en 1935, veuve depuis des années, quitte cette maison familiale pour vivre à la Maison de retraite. Mme Guérin, férue de ces Vie rémoise en a lu les manuscrits de 1880 à 1900.

Jean-Louis Bihéry, 43 ans, employé, rue de Sébastopol, 5. Un type extraordinaire, de ce nom, est le chanoine Bihéry, directeur d’œuvres catholiques sociales au Waridon, près Charleville.

Charles Guillaume, 73 ans, rue d’Anjou, 14, qui termine ses jours en qualité de balayeur de nos rues, – sort qui attendait jadis tant d’ouvriers rémois !

1894

Charles Antoine Dufourny, 58 ans, de Laval-Morancy (Ardennes), secrétaire de police, rue Chanzy, 65, puis rue de Tambour, 33, époux d’Adeline Brosse.

Ah ! n’est-ce pas le lieu et l’heure de la minute de silence et de recueillement ? Car, des profondeurs de l’abîme, des voix angoissées s’évertuent à percer les parois de leur tombe pour clamer, aux confins verdoyants des terres vivantes, leur désir affamé de survivance et leur crainte d’oubli immédiat !

Reprenons la suite du cortège lugubre !

Marie Henriette Charlotte Marguerite de Patouillet de Deservilliers (ouf !), 52 ans, née au château de Meslay, près Vendôme, épouse du général Chauveau de Bourdon, 59 ans, au château de Lunéville, où il commande la 6e brigade de cuirassiers, chevalier de l’Ordre norvégien de Saint-Olaf. Fille du comte de Patouillet et de Félcicité de Lavau, décédée à 73 ans, rentière rue du faubourg-Cérès, 73 (maison Lantein). La défunte y décède le 6 janvier.

H. Filleux d’Arrentières, de Glannes (Marne), 66 ans, rue du Jard, 82.

Charles Rogelet, 83 ans, rue Ponsardin, 9, fils de Rogelet-Tinant. Ses fils sont Edmond et Henri Louis. Il était veuf d’Adèle Contreau. Leur immeuble a fait place au couvent et à la chapelle des Dames réparatrices. Beau-frère d’Aimé Grandjean.

Adjoint au maire, on cite de lui ce trait : en 1870, des soudards allemands fouillent, dans le tas de fusils déposés par ordre à l’Hôtel de Ville, les armes de luxe qui pourraient leur convenir. Rogelet intervient avec autorité et les force à remettre ces objets sur le tas ! Ceux de 1914 l’auraient révolvérisé !

Directeur de l’usine de Bühl, il refusa, après l’annexion, d’être nommé comte du nouvel Empire germanique. Il a fait don de 100.000 fr. à la Ville.

Du 60, rue Ponsardin, on pouvait voir ce beau vieillard à barbe blanche prendre l’air sur le perron de son magnifique hôtel que, et, ô pudeur ! parfois faire, du haut de ces degrés de marbre, son petit Mannekenpiss !

L’équipage à 2 chevaux (cocher Lardy) du cardinal Langénieux franchit souvent le seuil de cette demeure presque princière, accotée d’un superbe jardin.

Drouin, rue Chanzy, 65, agent d’affaires et ex-agent de recouvrement de la société des A. D., meurt subitement au sortir du bureau de tabac voisin. Il avait 27 ans, et avait épousé une fille de Louis Vincent l’antiquaire. Leur fils exerce cette profession de nos jours ; il avait été un temps à la tête d’une société d’amateurs jouant du théâtre.

Léonard Gribaumont, 84 ans, marchand de parapluies rue de Contrai, 6.

À Paris, le général Herbé, originaire de Villers-Allerand.

Pierre Machaux, ex-bottier, 91 ans, veuf de Marguerite Warnesson, à la Maison de retraite.

Lepesqueur, directeur actuel de cet hospice, aux récriminations des grincheux, répond : De quoi et de qui ont-ils à se plaindre ; je les fais tous vivre très vieux ! C’est de règle depuis longtemps, semblerait-il, par ce vieux Machaux, dont les fils Hippolyte et Charles furent élèves aux Frères du Jard, et employés des Postes.

Félicie Lalbatry, 62 ans, épouse de Bonhomme le suisse de Saint-Maurice.

Clarisse Duclos, veuve Éléonor Morizet, 78 ans, mère de Charles, boulevard Louis-Rœderer, 58.

Victoire Petit, 88 ans, veuve François Lhotte, rue Hincmar, 61.

Mme Paul Naudin-Henriet, 50 ans, dont le mari est marchand de laines rue Legendre, 10.

Joséphine Anastasie Verrier, 33 ans, novice au Bon-Pasteur. Fille d’un ex-boulanger, et sœur du chef trieur chez Thuillier, Félix Verrier. Superbe créature, d’une plastique antique, au teint d’albâtre, cheveux abondants d’un noir profond, des yeux admirables cillés long, qui n’eût volontiers associé sa vie à cette fille de Vénus !

Un trieur sous son frère avait rêvé d’elle. Mais, allez donc ! un ouvrier en sarrau et salopette de toile bleue, et sans dot ! Pourtant, en 1886, quand il se maria avec une Messine à son goût, son père lui en avait constitué une ! deux bouteilles de vieille eau-de-vie de Montpellier, et son ménage prit la route avec 50 fr. en poche ! Ah ! les gens sont bien difficiles !

Félix Clogne, 41 ans, boulanger rue Gambetta, 100, successeur de Bouge-Callais, dont la veuve avait épousé, en 1879, Jules Dupont, de la laine.

Louis Duval, 48 ans, rue des Augustins, 14.

Adrienne Bourguet, veuve Leclerc, rue de Monsieur, 36. Leclerc avait été contremaître de filature aux Longuaux, puis marchand de laine. On embrassait volontiers cette profession, en ces temps ; aujourd’hui, il y faut autrement de capitaux et de science commerciale et de relations mondiales ! Mme Leclerc avait 72 ans ; sa fille et son gendre Boullaire existent encore en 1935, rue Nicolas-Perseval.

Jean Franquin, de Metz, ancien soldat, décoré et retraité, à la Maison de la rue Simon, 26. Il avait été garde-champêtre.

Le père de l’huissier Noblesse, Louis Alphonse, décède à Saint-Mandé chez son fils Paul, chef de bureau au ministère du Commerce.

Jules Loche-Lanson, 34 ans, sous-lieutenant de Pompiers, décède à Rilly-la-Montagne.

Marguerite Zoé Jaunet, de Suippes, 75 ans, place Drouet-d’Erlon, 92, veuve de J.-B. Hourblin et mère d’Alfred Hourblin, fabricant rue Cazier, 47 ans, beau-père de Paul Leroy-Beaulieu.

Le directeur du tissage Hourblin, Eugène Fortin, 56 ans, et gendre de Laplanche le luthier défunt, dont les petits-enfants sont, depuis la guerre, à Saint-Germain-en-Laye.

Gustave Paufiette, 41 ans, cordonnier, rue des Cordeliers, 32.

L’ex-boulanger poète Jacquemin-Molez, 75 ans, rue des Capucins, 113, devenu aveugle. Il signait : le Sphinx, les rébus versifiés de l’Indépendant rémois. On lui doit notamment une monographie en vers du Café Saint-Denis.

Le maître verrier Bigault du Granrut, au château des Fontaines, à Loivre.

Henri Flamant, 53 ans, peintre en voitures, rue du Barbâtre, 14, gendre du ténor Valéry Lefèvre, et beau-frère du musicien Ernest Lefèvre.

Au passage, et pour donner une minute d’apaisement à nos cœurs, signalons le mariage, en juin, de Louis Arthur Rix, cuisinier rue de l’Université, 72, au Lycée, et sa cousine Élisabeth Rix, dame de compagnie du cabaretier Louis Rix, au Pont-de-Muire. Ces Rix sont, sans doute, alliés à celle qui a été la comtesse de Loynes ?

Arthur Salle, courtier en laines, rue Hincmar, 11, et Henriette Renée Villain, fille du maire de Sedan.

François Maupinot-Faille, 88 ans, rue du Carrouge, 12, ex-fabricant.

Clémentine Clément, la mère Clément qui tenait classe enfantine rue Libergier, 8, après être passée, rue de l’Arbalète, proche l’imprimerie Régnier, et où Henri Loriquet et Albert Dubois furent ses pupilles en jupon ; elle a 74 ans.

Son école de la rue Libergier se tenait dans une toute petite et sordide maison à jardin et cour pour les ébats des moutards. Sur rue, un mur prêt à s’effondrer et une porte étroite, comme d’un couvent, contre le Café Saint-Denis.

Le jardin et la cour de l’Arbalète donnaient sur l’impasse de la Croix-d’Or, avec porte sur une impasse aboutissant à la place des Marchés. La mère Clément y mouvait un théâtre de marionnettes.

Adolphe Lacambre, 74 ans, rue Ponsardin, 14, des Verdelet, Mille et Pol Quentin, Lapie et Clovis Hézette.

Virginie Le Roy, 70 ans, à Ludes, veuve de Émile Dérodé, avocat et député de Reims en 1848.

Charles Hubert Collin-Millet, de Sommepy, 70 ans, rue de l’Écu, 16.

Son frère Julien était son associé. Trapu, barbu, ce dernier, et chopinard, illettré, comme la majeure partie de ces essayistes de la laine, que les circonstances favorables enrichirent sans difficulté. Hormis cela, bons enfants et la main tendue, – pour donner comme pour recevoir.

Hubert Collin, ébloui par les gros bénéfices réalisés aussitôt finie la guerre de 1870-1871, crut qu’il verrait point le fonds de sa gougette, et fit construire, à Cernay-lès-Reims, une maison de campagne avec grand jardin, qu’il alimentait d’eau au moyen d’une pompe élévatoire, mue comme un moulin, par le zéphyr champenois : on appela cette propriété : la Folie-Collin.

Charles Debruyères-Bureau, commissionnaire du Mont-de-Piété, rue Vauthier-le-Noir, 10, à 66 ans. Attaché à cette fonction depuis 45 ans ! Sa femme continua l’affaire, avec son fils, un beau garçon au teint de lait, qui finit dans les bureaux hospitaliers de la Compagnie de l’Est, port de salut des ratés !

Paul Stéphane Blanchin-Malissart, 91 ans, rue Caqué, 6, père de Charles, de la laine, en parenté avec les Faupin et Blocteur.

Adolphe Masson-Raison, 71 ans, ex-juge de paix, rue de Venise, 8.

Charles Thomas Mailfait, 56 ans, à la Charité, place Saint-Maurice.

Raoul Lafforgue, 34 ans, peintre en voitures, rue d’Anjou, 14. Sa femme, Louise Stengel, était fille du maître sonneur à Notre-Dame. Auguste Stengel fut victime, en 1914, de la bombe dite des Loges-Coquault. Leur petite-fille jeune Lafforgue a épousé Gruy, comptable chez les Rohart.

Jules Houlon-Pasquier, 63 ans, rue de Vesle, 154, décédé à Château-Thierry.

Mme Godfrin-Camuzet, 64 ans, rue Clovis, 46.

M. L. Assy, de Challerange (Ardennes), 72 ans, veuve de Basélide Henry, receveur d’octroi, décédée chez sa fille Octavie, débitante au passage Marlier, rue Chanzy, 55.

Alexandre Godbert-Fléau, 79 ans, rue de Thillois, 32.

Adolphe Ventadour-Batta, artiste sculpteur à Notre-Dame, 58 ans, rue Chanzy, 49.

Marguerite Pérotin, 71 ans, rue Simon, 45. Elle ne laisse rien de ses biens aux neveux de son défunt mari, Templie, de Château-Porcien.

Le médecin de santé Thierrard, dit le beau Pâris, en l’honneur de sa gouvernante, la pythonisse Hélène, tireuse d’horoscopes et liseuse et propageant les prédictions les plus sûres d’elles-mêmes, surtout tous faits accomplis !

Marie Catherine Queutelot née Raulin, de Manre (Ardennes), épouse de Remi, lequel fut parmi les premiers constructeurs de la rue des Capucins prolongée, entre Libergier et Jard. Leur fils Prudent, élève du dessin au Jard, est au bureau d’architecture à la Mairie. Morte le 15 décembre, rue Landouzy, 52, on l’inhume le 18.

Tous les jeudis, la maman Queutelot façonnait une délicieuse soupe aux choux qu’était appelé à déguster le camarade d’enfance et de classe au Jard, le petit Eugène, ce sacré gamin qu’on rencontre partout dans ces pages, même à un âge des plus canoniques. Ce qu’il y en a, de ces gaillards qui aiment à parler d’eux-mêmes !

Nicolas Goulet-Leclercq aîné, 86 ans, rue des Capucins, 52, chez son gendre Mareschal. Personnalité rémoise de haute valeur, ayant prêté matière à Ernest Kalas pour quelques pages ravissantes de sa Vie rémoise à travers les âges.

Henri Gaillet, marchand de laines, associé à Louis Ponsard, comme lui de Sommepy, époux de Claire Machet, 51 ans, rue des Templiers, 17. Sa veuve, rue Ponsardin, 78, après-guerre, y décède en 1932. Fin tragique ! À la suite de la dégringolade continue des prix de la laine : il ne méritait certes pas un tel sort.

Alphonse de Linage, de Voreppe (Isère), 79 ans, ex-receveur d’enregistrement rue Croix-Saint-Marc, 82, époux de Félicie de Barrin, et fils de Rosier de Linage et Laure Ceindre de la Tivolière.

Quand on allonge tous ces vocables recouvrant d’antiques et solennelles bicoques, on a bien mérité un instant de repos. Alors, recouvrons l’Underwood de sa housse en moleskine.

6 juin 1935, 6 heures du soir, après une journée fort remplie. Vraiment, il y a des vieux qui sont sans pitié pour leur cerveau et le malheureux œil qui leur reste ! Tout cela se paiera, c’est sûr !

Alfred Rendeux, 55 ans, menuisier, rue de Contrai, 8, époux de Joséphine Chevillot, 53 ans, et fils de Rendeux-Brocart.

Successeur de Poitaux, il fut le constructeur de cette maison où vint habiter, de 1907 à 1927, le mémorialiste de ces pages. Celui-ci n’en quitta qu’en raison des difficultés cardiaques suscitées par l’ascension répétée de 2 étages, non compris ceux de la cave et du grenier ; il alla habiter rue des Murs, 36, dont les propriétaires, les Rousselle-Poissinger, étaient de ses relations. De là, probablement, il s’acheminera, au pas ralenti des noirs coursiers de nos Caron en habit et bicorne noir. À force d’enterrer les autres, les autres l’enterreront, et ce sera pain bénit !

Mme Rendeux est décédée en 1923.

Auguste Édouard Drouet-Gaillot, 79 ans, marchand de bois, boulevard de la République, 57, fils de Drouet-Rousseaux.

Raphaël Venain, de Ville-en-Tardenois, frère de Camille et peintre et cabaretier à La Haubette, avenue de Paris, 30 : il a 37 ans.

Berthe Randoulet, 25 ans, rue Gambetta, 83, épouse de Léopold Robin, clerc d’huissier versé dans le contentieux, fille de feu honoré Randoulet de Warmeriville, et de Lucienne Victoire Potier, 59 ans, habitant à Roubaix, avec son concubin Denis Lantenois, trieur.

Jolie personne, à la peau très occidentale ou nordique, cheveux d’un noir d’aile de corbeau, lisses, rieuse, pimpante. Son frère Georges habite, de nos jours, rue Gambetta, 120.

Édouard Ernest Gaudefroy, dit le Petit Bossu, 35 ans, célibataire, fils de Gaudefroy-Gâtinois, du Café de l’Université, angle de cette rue et des Murs. Ex-élève du Jard, très doué et spirituel comme tout bossu doit décemment l’être.

Papa Lartilleux-Bienfait, le plus ancien facteur des Postes de Reims, suivant de ses pas tranquilles et assurés, le chemin de sa traditionnelle tournée dans le centre des laines, un peu poussif en ses derniers jours, la face rubiconde entre des favoris grisonnants et piquetée de verrues : il a 77 ans, et habite rue du Barbâtre, 175.

Témoins : Clogne le boulanger, dont la veuve encaisse, après-guerre, presqu’un million de dommages ! et Hannesse-Gaillot, 74 ans, de Rethel, marchand de vins, rue du Barbâtre, 44.

Émilien Riballier des Îles, de Dijon, 58 ans, rue Dieu-Lumière, 32, capitaine en retraite, percepteur.

Hyacinthe Lheureux, 43 ans, commissionnaire du Mont-de-Piété, rue des Fusiliers, 39, épouse de Olive Gavroy, mort à la Charité en 1923. Elle était fille de Parfait Aimé Lheureux-Lefebvre, gérant du dépôt de la Compagnie du gaz, rue Chanzy, 68.

Très laide, Hyacinthe n’en donna pas moins le jour à 2 fort jolies filles. Olive, à cette date, fait le courtage d’assurances ; il était clarinettiste aux Pompiers.

Alexandre Jérôme Édouard Forest, 74 ans, boulevard de la République, 63, fils de Forest-Fourneaux. Chef de pupitre aux 1ers violons de la Philharmonique, et courtier en champagnes.

Le bassoniste Théodore Troëger, 46 ans, rue Gambetta, 8, et son chef d’orchestre Duyssens font enregistrer le décès d’un petit Troëger, 5 ans, né à Spa.

Jules Pauporté, 41 ans, marchand de laines, rue David, 25, magasins rue de Cernay, 19, fils de Pauporté-Lundy, époux de Berthe Leclerc, 39 ans, sœur d’Alexandre, Léon et Charles, de la laine.

Louis Victor Jourdain, 57 ans, de Pontfaverger, rue de Berru, trieur de laines, loup-cervier lancé par le destin dans les jambes de la corporation, pour y développer le marchandage dans des proportions désastreuses pour l’ouvrier, et aussi le renom professionnel. Il était l’époux Nathalie Malhanche, 55 ans, du même village, et fils de Jourdain-Pérard.

M. Nicolle Dupont, 77 ans, esplanade Cérès, veuve de Jules Mennesson, mère d’une nombreuse lignée, et fille de Dupont-Deligny.

John Hollings-Harley , 67 ans, contremaître de peignage aux Vieux-Anglais, boulevard Saint-Marceaux, 82. Originaire de Bradford, et frères de Josué Edmond Hollings, ajusteur. À l’état civil signe : Ernest Alby-Adrian, employé à ce service.

Alexis Habran, qui fut longtemps coiffeur rue du Bourg-Saint-Denis, 94, 50 ans, rue du Barbâtre, 81.

Charles Lhotelain, 86 ans, ex-cultivateur, rue du Faubourg-Cérès, 37, et fils de Lhotelain-Clavelle.

Émile Maurice Ocquident, 62 ans, trieur, d’Aubenton (Aisne).

Constant Lohier, de Troissy, 60 ans, ex-maçon devenu troquet à Sainte-Anne, puis rue Neuve, 17, enfin boulevard Pommery.

On a conté ailleurs l’installation de son bal populaire à Sainte-Anne, en face la Chaussée des Bains.

Estelle Tronquart, de Perthes-les-Hurlus, 45 ans, rue Chanzy, 82, où son mari, J. Nicolas Albaut, tenait commerce rouennerie et lingerie, 52 ans.

Albaut si petit de taille que, pour jouer au billard, il était obligé, chez Wendel, du passage Marlier, de monter sur une feuille de papier à cigarettes (d’après une suggestion heureuse de son partenaire le peintre Camille Venain), était tisseur au début de sa carrière.

Convaincu de bonne heure que le travail manuel n’enrichit jamais son homme, il adopta le sage parti de tenir boutique. Il finit ses jours en prospérité, faisant de la bédide gommerze à terme, parmi la classe des petites gens qui achètent a crédit. Sa boutique florissante du début s’ouvrait rue du Bourg-Saint-Denis, 107, tout contre l’épicerie-buvette de Cérac.

Mme Albaut était fille de Tronquart-Brûlon, rue des Fusiliers, 22, en parenté avec la femme cantinière Brûlon, qui avait revêtu le costume des grenadiers de la Garde.

Emmanuel Lajeunesse, de Metz, 66 ans, boucher rue des Carmélites, 18, époux de Catherine Lévy, fille de Nathan Lévy-Fould, et lui-même fils de ce chevillard que les blagueurs surnommaient Ali-Baba. Les peuples manquent parfois de sérieux ! – témoins : Léon Bloch, 54 ans, ex-marchand de bestiaux, et Lucien Lajeunesse, 33 ans, boucher rue de Cernay, 84.

Louis Delemme, 37 ans, représentant de commerce rue du Champ-de-Courcy, 13, époux de M. Anne Clémence Lecomte, de Bazeilles, 40 ans, sœur d’Émile et Charles Lecomte ; Delemme est fils de Noël Célestin Delemme, boulanger rue Dieu-Lumière, angle rue Anot, et de sa veuve Amélie Lesieur, rue Fléchambault, 64.

Delemme et son frère de mère Eugène Compagne, allaient en classe rue Perdue, chez les Frères, puis à l’école d’honneur rue du Jard.

Clémence était on a l’a vu, sœur de Charles Lecomte-Lerzy, comptable chez Gaston Hédin, de la laine, et habitant alors rue des Murs, 32.

Une autre sœur avait épousé Alfred Froment, tonnelier chez Louis Rœderer, 37 ans, rue Coquebert, 5.

En septembre 1914, Charles Lecomte et sa femme quittèrent leur maison de la rue du Bastion, 48, pour se réfugier dans les caves Rœderer du boulevard Lundy, dont Froment était concierge. Ils en quittèrent en octobre pour fuir à Paris, mais Lecomte y avait perdu la santé et mourut à Aix-en-Provence, en 1915, chez un gendre de Maupinot, du Bureau de bienfaisance, professeur au Lycée, dont la femme était institutrice. Il a été inhumé au Cimetière du Sud.

Enfin, pour clore cette longue liste funèbre, Auguste Pradet, de Lésignan (Haute-Garonne), époux de Antoinette Durand, 39 ans, rue de Soissons, 18.

Les Pradet avaient eu atelier et boutique de chapellerie rue du Bourg-Saint-Denis, 54, puis rue Neuve, 42. Auguste a 43 ans.

1895

Plantons-nous çà et là au bord des trottoirs, et, le chef découvert, silencieux, et, au besoin, marmottant une imploration aux puissances célestes qui ont tout pouvoir sur les âmes détachées de la vie terrestre, assistons, recueillis, au passage des cortèges funèbres, qu’on regrette parfois de voir si peu respectueux de la mort, – car, de cette file d’invités mâles monte, dans la rue, le bruit de conversations qui n’ont rien de matériel !

On déplorera longtemps ces coutumes, mais en vain !

1895 a fourni un gros contingent à la table de l’affamée Dévorante !

En tête, Jules Andrieu, 64 ans, courtier en laines, rue Chanzy, 24, époux de Célinie Appert, dite la Gazette du Bourg-Saint-Denis, sœur d’Appert-Tatat, de Suippes. Andrieu décède le 16 mars. Les époux avaient habité jusqu’en 1869 au nº 79 de cette rue, acheté alors par Dupont-Aumont, qu’il occupe, avec les siens, le 24 juin de cette même année. Andrieu était un fort gaillard, barbu à côtelettes, le nez rosé, au parler lent. Madame était une personne d’esprit vif et à la langue acérée, spirituelle et moqueuse, et, avec ces petits défauts, des qualités de cœur, servie par sa jolie figure de brune pimpante et un rire sonore et fusant. Ils eurent un fils, Edmond, au service du marchand de laines H. Picard, et qui mourut avant-guerre à Neufchâtel-sur-Aisne, après avoir vécu quelques années à Bahia Blanca (Argentine). Marié à une Laviarde, de Suippes, il en eut plusieurs enfants, dont deux fils sur quatre périrent au service de la France, tous nés à Bahia. Edmond Andrieu était affligé de claudication, par coxalgie : charmant garçon, d’une humeur agréable, et ayant de nombreux amis. En 1880, le cours de l’or étant à Buenos-Aires à 330 fr., il fut chargé, par les Goulet, d’un fardeau de 1 million en or, pour achat de laines et remplit sa mission avec succès.

Suivent le deuil, sans l’avoir autrement désiré, d’abord le Messin Claude Brulfer, 55 ans, né Baroville (Moselle), réfugié à Reims en 1872, époux de Barbe (prénom messin) Joly, fils de Nicolas et Marguerite Picart, père de Camille, qui fut directeur du Théâtre de Reims. Bon gros type, jovial, tailleur de son métier rue Chanzy, 44.

Adélaïde J. de Vroïl, 76 ans, rue Buirette, 19, veuve de Louis Perrier de Savigny, fille de Henri et de Marie Ruinart de Brimont. Témoins : Tirant de Bury, maire de Savigny-sur-Ardres et Alban Hériot de Vroïl, au château de Rocquincourt.

Thomas Gedhill, d’Halifax, 50 ans, contremaître de peignage rue Houzeau-Muiron, 24, époux de Rachel, sœur de Jean Bentley. Leur fils Jean Robert est mécanicien.

Henri Quinquet de Monjour, en religion frère François Maria Paul, à la Mission de Mrogoro, où il décède. Né à Châlons en 1869 de Quinquet de Monjour-Gallice. Sa demeure rue Werlé, 28. Les pères Oberlé, supérieur, et Kœnig.

Delphin Antoine Guffroy de Rosemont, de Lure, 65 ans, époux de Eugénie Hermann, 67 ans, rue Nicolas-Perseval, 31.

Victor Ducancel, d’Amiens, 60 ans, marchand droguiste et fabricant rue de Thillois, 27, époux de Louise Dieppe.

Sa fille, après-guerre, est supérieure de l’Enfant-Jésus. Il avait comme associés son fils Pierre et son frère Stéphane, rue de Vesle, 66. Auguste Givelet de Verdière, fabricant rue de la Peirière, 3, vers 1875, l’appelait : duc à cheval.

Hippolyte Bulteau, de Dottignies (Belgique), 67 ans, sculpteur monumentiste avenue de Laon, 260, époux d’une Jupin, puis de Valentine Durand. A pour successeur son gendre Flajollet, père d’Hippolyte, dernier preneur.

Octave Doyen, né à Reims le 5 mai 1831, docteur médecin, rue de Courcelles, 13. Fut maire de Reims et père du célèbre chirurgien, né, lui, en 1859, rue Cotta, 5. Veuf de Amélie Doublié et fils de Doyen-Perseval. Meurt le 10 juillet. Ces noms font partie du nobiliaire rémois. Le Dr Roussel est directeur de la clinique Doyen, rue de la Tirelire, 24.

Une Forain, d’Écueil (Victoire Athanasie), veuve Mabillotte, 80 ans, rue Saint-Julien, à l’Hôpital.

Alfred Eugène Favre d’Ane, 37 ans, garde frein, rue de Châtivesle, 32.

François Anselme Concé, d’Auménancourt, 65 ans, maître apprêteur, rue des Moulins, veuf de Anne Remiette Sophronie Liébert, puis de Reine Jacqueminet, 57 ans ; fils de Concé-Patin. Louis Paul, son fils, et son gendre, Paul Simon, rue du Cloître, 6.

Rosine Francine Éléonore Équey de Villariard, de Vervins, 73 ans, rue Ruinart, chez ses fils Prosper et Abel, veuve de J.-B. Lajoye, ex-marchand de laines, fille de Dominique et de Rose Éléonore Tilorier.

Élisa, 84 ans, veuve de Jaunet-Ficatier, marchand de laines, rue de Vesle, 63, fille de Ficatier-Barbara.

Le trieur et ménétrier Lagrappart, d’Attigny, 80 ans, décède à la Charité, auprès de sa vieille, Rose Huguenin, hospitalisée comme lui. Taille plutôt petite, maigre, cheveux rares bouclés, barbichette et moustache à la gauloise cassant les grands en deux et mettant les petits dans sa poche. Faisait les fêtes villageoises, grinçant de son violon, juché sur un tonneau. Type à la Bombonnel !

Adonis Bocquillon, de Saulces-Monclin, 43 ans, maître tailleur, rue Chanzy, 1.

Grand et bel homme, noir de poil et de peau, tiré à 4 épingles, précédemment installé rue Chanzy, 14, où le chemisier Camus le remplaça. Il avait un fils, installé tailleur chemisier à Cannes, après-guerre.

Charles Barrois, de Sommepy, 77 ans, ex-fabricant, décède à la Maison de retraite, à laquelle il laisse un lit pour anciens serviteurs de la laine ; en 1926, ce lit est occupé par la veuve d’un directeur de la maison, Puig, décédé !

C’est ainsi qu’on respecte les vœux des donateurs !

Il est fils de Jacques Barrois-Delacroix.

Charles Ducrot, 63 ans, célibataire, trieur de laines, fils de Ducrot-Mothé, meurt à l’Hôtel-Dieu. Porté sur le bec, il faisait coup double à table, quand, avec ses collègues, on mangeait l’argent des ficelles (liens de la toison abandonnés aux ouvriers) et sortait, à l’occasion, de table pour creuser le trou normand, – non point avec du calva, mais en se fourrant le doigt dans la bouche pour provoquer l’évacuation du trop plein. Goinfre !

Théodore Poursain, de Liry (Ardennes), dit Dodore, trieur de laines, rue des Moissons, 69 ans. Frère de Poursain, ex-chef de musique militaire et aux Pompiers. Fils de J.-B. Poursain-Lépinois, sa mère avait un fils naturel, Louis Lépinois, qui fut le premier à être incinéré au Cimetière de l’Est, et qui, étant Lyriat, fut aussi trieur.

La veuve, Joséphine Belloy, de Liry, meurt peu après.

Narcisse Brunette, de Breuvery-sur-Coole, né le 15 août 1808, architecte municipal, place Royale, 2, chez son fils Ernest, architecte.

Sur des photos de 1912, on voit encore le mur clôturant leur villa intérieure, orné de lierres extérieurs.

Fils de Jacques Joseph Brunette et de Madeleine Savine Delacroix, époux de Rosalie Ponsin, 75 ans.

Antoine François de Moërs, de Francfort, 77 ans, courtier en champagnes, époux de Clémentine Wiechert, rue des Templiers, 23.

Louis Victor Perseval, 67 ans, ex-huissier, époux de Célestine Beuvart, rue des Fusiliers, 60, fils de J. Remi Perseval-Pignolet. Son gendre Louis Routhier, architecte, 40 ans, rue Marlot, 39. Le menuisier Léger-Leclère, rue des Telliers, 24.

Eugène Léon Pillon, de Dizy-le-Gros, 63 ans, ex-notaire, rue Linguet, 6, époux de Cécile Laurence Guyot, fils de André Pillon-Guérin de La Combe.

Georges Délius, de la laine, 74 ans, rue du Marc, 8, fils de Frédéric Délius-Legrand, veuf de Émilie Heidsieck. Son fils Paul, 48 ans, rue Piper, 2 bis ; et Marie Léon dit Charles Morizet, rue de la Belle-Image, 8.

Samuel Moch, de Bischeim (Alsace), 59 ans, marchand de blousses de laine, rue Chanzy, 71, époux de Adèle Schühl, 58 ans, veuve Baumann, mère de Fernand, dit Moch. Petit, barbe pleine en pointe, nez sémitique prononcé, honnête en affaires, républicain gambettiste, immigré de Strasbourg en 1871. Oncle de Benjamin David le lainier musicien, qui, aveugle, habite, en 1935, rue Caqué, 17, il le déshérite, en raison d’un mariage avec une catholique, Mlle Lefebvre, couturière rue Courmeaux, au bénéfice de l’enfant mâle de son épouse, qu’il avait adopté légalement. Il décède le 28 octobre, à dix heures du matin.

M. Antoinette Désirée Noullet, 67 ans, fille d’un instituteur à Pontfaverger, et veuve de Édouard Cousinard, marchand de laines, rue des Cordeliers, où Margotin eut son usine d’apprêts. Certains fils de trieur, occupé régulièrement chez Cousinard, se rappellera toujours qu’alors enfant, allant le matin, à 8 heures porter à son père le café au lait dans une marmite de fer-blanc à anse, la très belle et bonne Mme Cousinard, – de toute fraîcheur et beauté, privée de maternité, le comblait des fruits de son jardin, en le dévorant de caresses ! Ah ! que le ciel lui soit ouvert pour l’éternité !

Aurèle Térence Ivan (classicisme et slavisme) Ragot, des tissus, 46 ans, rue de Monsieur, 27, veuf d’Arsène Stéphanie Barretti, époux de Esther Constance Hennequin, et fils de Ragot-Spément.

Nicolas Regrény, 59 ans, marchand de toiles et tissus, place Royale, 9, époux de Hortense Coffin, fils de Regrény-Dechaume.

Édouard Grandbarbe, de Metz, y avait été employé à ses débuts. Débuts dans la galanterie d’une des sœurs Brochard, de la rue des Telliers, sous les ailes de ce vieil archange.

Victor Jobin, d’Arcis-le-Ponsart, 53 ans, instituteur, rue Simon, 24, époux de Adeline Léonard. Son fils, Henri, 25 ans, est, après-guerre, filateur en chambre rue de Venise, 12, où il décédera vers 1930, après le mariage d’une de ses filles avec un fils de Henri Senot, grainetier, rue de Vesle.

Eugène Menu, de Bazancourt, 58 ans, trieur, rue Croix-Saint-Marc, 99.

Sébastien Serurié, 81 ans, rue des Murs, 4. Gros, lourd, impotent, mais esprit fin et lettré, associé à Auguste Gillet, déchets, époux de Jacqueline Virginie Gousset, nièce du cardinal Thomas Gousset.

Prosper Soullié, 79 ans, ex-professeur au Lycée, rue de Thillois, 23, veuf de Henriette Boutron, fils de Pierre et de Marthe Folliet. Ses neveux, Louis Henri, à Châlons, et Alexandre, des tissus, rue de l’Université, 11.

Alexandre Soullié, petit, blond, claudicant, meurt à Paris en novembre 1924.

Louise Rondu, 59 ans, rue Gerbert, 26, veuve de Jean-Baptiste Ninet, fille de la veuve Rondu-Tessier, rue Chanzy, 83.

M. Stéphanie Nolin, de Bazancourt, 67 ans, lessiveuse (buresse), rue Brûlée, 40, veuve de J.-B. Parizet : elle eut un fils dans les ordres, qui regiba avant vocation, au scandale des bonnes gens du Jard, vers 1867. Les Nolin habitèrent, avant percée, à cet endroit de la rue où Auguste Petit allait construire sa rue ; il y avait là ces Nolin, les Carré, Bonenfant le boucher, et Lorin-Roland, jardinier. La mère Parizet, une grande désossée, amaigrie par le travail et la maternité, était fille de Denis Nolin-François. Quelques anciens de l’époque accompagnent cette squelettique dépouille au cimetière, où, enfin, elle va prendre du repos !

Louis Moraine, de Saint-Lambert (Ardennes), 43 ans, encolleur de tissus, époux de Marguerite Lucie Vigreux, ex-institutrice libre, ayant vécu en Grèce, très lettrée, poétesse inspirée, mais totalement inconnue. Elle fit, en 1890, les honneurs d’une lecture de ses œuvres inédites à l’expert en laines du Syndicat agricole du Sud des Ardennes, qui, à cette date, était accompagné dans ses expertises par son mari, gros réjoui toujours prêt à la blague, fort priseur de tabac, et non moins porté sur les boissons fortes. C’est ce Moraine qui, un matin, vers les 6 heures, gobait, en 5 secs, avec le vieux curé de Neuville-Day, un verre à vin plein de rhum ! Sur la propriété des Moraine, à Saint-Lambert, près Attigny, il y avait un cerisier Montmorency, dont les fruits, cueillis dans l’arbre même et croqués sur branches, furent appréciés par l’expert en question et son épouse. Nulle aubaine semblable ne se retrouvera pour eux !

Auguste Émile Berton, ex-chef magasinier au peignage J. Holden, et trieur... d’occasion, 61 ans, rue de Cernay, 34, père du sculpteur Paul Henri, ornemaniste réputé, décédé subitement rue Marie-Stuart, 3, en 1933. Témoins : Victor Auguste Herbé 36 ans, inspecteur de la Salubrité publique, rue Ruinart, 41.

J. Marius Amédée Lhuire, 28 ans, ingénieur des arts et métiers, époux de M. Joséphine Metzger, fils de Jacques Lhuire-Houbart, rouennerie, faubourg Cérès, 11. Son frère Jacques fut un délicat poète, dont les productions essaimèrent dans les gazettes théâtrales ou littéraires ou journalistiques, sans avoir, à notre connaissance, étaient réunies en livre. L’auteur du Fils de la Galiléenne avait compté un jour sur le talent de ce fin lettré pour rimer un drame lyrique sur cette œuvre prosée. L’heure passa, et survint la guerre !

Claudius Sordet, de Chalon-sur-Saône, 50 ans, nouveautés, Au Grand N° 14, rue de l’Arbalète, et habitant rue Werlé, 19, époux de Élise Gauthier. Son neveu Claudius, boulevard Gerbert, 10, est associé à Mazoyer (Marius). Deux de leurs employés, les frères Rebeyrolle, furent tués sur le front de France.

Isidore Émile Ponchon, de Rancourt (Somme), 49 ans, marchand de faïence rue de Vesle, 28, époux de Virginie Joséphine Pétel.

Florentin Beaujard, 60 ans, commissaire de surveillance à la Gare, avant Mittelhauser, né à Rambercout-aux-Pots (Meuse), célibataire, rue de la Grosse-Écritoire.

Le docteur Henri Charles Jolicœur, 55 ans, boulevard de la République, 13, fils de Ferdinand Jolicœur-Richard.

Charles Célestin Vuibert, 61 ans, carrossier à l’ancienne carcannerie, à La Haubette, époux de Marie Dissiry, famille des Carré et Dissiry, de Gueux, dont une fille, Mme Leseur-Dissiry est poétesse de talent, voire d’inspiration.

Veuve Leclaire-Delagloye, 85 ans, de Saint-Hilaire-le-Petit, décédée aux Petites-Sœurs des Pauvres. Son neveu Louis Delagloye sera fabricant à Hauviné avec les Guillemin, puis à Saint-Hilaire, où il amassera fortune.

Louise Goda, 42 ans, rue de Talleyrand, 5 bis, veuve Durant-Desaulnois, fille de Goda- Lambert.

Jules Désiré Quéant, 69 ans, beau-père de Édouard Dupont, assureur, membre de la loge La Sincérité, et de Marcellin Gillet, receveur des contributions à Rethel.

Auguste Godefroy, de Saint-Juvin (Ardennes), 52 ans, contremaître de peignage, rue d’Alsace-Lorraine, 92, oncle de Amédée Godefroy, ce dernier mort volontaire vers 1900 dans le bois de Berru.

Jean-François Barbry, de Witry-lès-Reims, 78 ans, père du garde-mines de la rue Ponsardin, 60, et victime du Coup d’État de 1851.

Félix Malinet, sous-directeur des contributions en retraite à Charleville, beau-père du docteur Seuvre.

Un Jacques Verlaine, 80 ans, meurt aux Petites-Sœurs.

François Cicile-Larbre, 84 ans, rue Sainte-Marguerite, 34. Avait exploité, avec ses filles, une boutique d’ornements religieux rue du Préau, angle intérieur cour du Chapitre.

Léon Véroux, 52 ans, rue Hincmar, 58, dont un fils Léon, des laines, fut tué en 1914, en guerre, sous-officier d’artillerie.

Mme Jules Houbart-Oudart, 46 ans, mère de Henri Houbart, rue de l’Université, 46.

Victoire Célinie Tellier, veuve de Claude Muiron et épouse de Anatole Chardonnet, des tissus, rue Hincmar, 22. Elle avait élevé ce Véroux ci-dessus. Les Chardonnet, sans enfants, s’étaient dévoués à cette œuvre d’adoption d’enfants orphelins, dont ils s’occupèrent du sort social. Chardonnet, vendeur chez Jules Poullot, était franc-maçon.

Louis Chappe-Demolon, boursicotier, 84 ans, rue d’Anjou, 24.

Anastasie Clémentine Montmarthe, 57 ans, veuve du cordonnier Cocâtre, rue du Jard, 66.

Hubert Despicq, 60 ans, époux de Clémence Wiart, cuirs et crépins, rue Chanzy, 36. Gros courtaud sentant la poix, bon homme et honnête entre tous. Il avait une fille, Églantine, que la voisine d’en face, la Gazette du Bourg-Saint-Denis, voulait absolument faire épouser à un jeune coquebin bien connu des lecteurs de ces souvenirs, mais il la trouva trop maigre et elle s’en fut à Verzy chercher et trouver chaussure à son petit pied.

Julitte Florentine Meusnier, 70 ans, épouse Ernest Druart, chaussée du Port, 19, mère de Émile et aïeul de René et Henri Druart.

Charles Auguste Muller, 70 ans, chef de caves, époux de Eugénie Prudhomme, rue des Anglais, 3, père de Auguste et Anna, tous deux restés célibataires, et actuellement rue des Capucins.

À Rome, Alexandre Georget, rédacteur à l’Écho de Paris, rue Blanche, 67, – frère de Victor et Edmond.

Albert Derungs, 34 ans, chez sa mère, rue Dieu-Lumière, 22. Avait fait partie de la troupe d’amateurs au théâtre des Variétés.

Alexandre Louis Têtart, 35 ans, des Assurances Rémoises, ex-élève des Frères rue du Jard.

Jules Savy, 45 ans, magasinier puis trieur, rue Haute-Saint-André, 7. Son père était contremaître au peignage I. Holden, et son frère, manitou aux arrivages. Fit partie d’une équipe de consommateurs à petite bourse au Café du Théâtre, avec Nancy, Louis Aubry, Numa Aubert, Léon Divoir, Albert Théis, Albert Dubois, Eugène Dupont et autre banquiers à 0.05 la fiche, jouant serré en songeant au porte-monnaie plutôt plat. Lui, célibataire, pingre et rapiat. Tout ce petit monde-là connaissait la valeur d’un sou ! Protestant et rigoriste, baissait les yeux sous le regard volontaire et provocateur des Vénus de trottoir, et, comme beaucoup, craignant les coups de pied de la déesse, il résistait à l’appel des sirènes ; en vain, ses camarades s’essayèrent-ils à faire vaciller sa vertu, dans la chambrette d’une hétaïre sans coiffe de la rue de Courcelles, véritable démone qui s’acharnait après lui comme Proserpine sur la vertu de saint Antoine : il sortit vainqueur de la lutte. Freud en eût recueilli un touchant exemple pour sa théorie du refoulement !

Léon Petitfils, 41 ans, époux de Eugénie Cochet, conseiller municipal et prote à l’imprimerie Matot, rue Gambetta, 21. Son fils fut élève de Wibrotte au Jard.

Louis Stanislas Théron, rue des Moulins, 43 ans, époux de Louise Declerc, et administrateur des Docks rémois.

Charles Barrotteaux, 75 ans, ayant tué deux femmes sous lui : une Granvalet et une Georget, puis épousant une pièce plus résistante, Blanche Adnet, ex-choriste de théâtre, douée d’une superbe voix de contralto, dont elle se servait aux soirées musicales des Dazy, rue des Fusiliers, 8, après la partie de bésigue à 4 jeux. Paul Dazy s’exerçait alors au piano, en se faisant accompagner par un violoniste ami, pour l’exécution du Concerto de Bériot. Soirées mémorables conclues par le thé des familles, et la dissertation du père Dazy sur les miracles de la foi. Jusqu’où voltigeaient alors les pensers du violoniste ? Barrotteaux était un homme pesant, à favoris poivre et sel, tenant boutique d’épicerie et comptoir de zinc pour alcools frelatés à l’usage des croque-morts et des balayeurs de rue, type parfait de cet empoisonneur du peuple dont Marat n’eût fait qu’une monstrueuse charretée ! Cette boutique à l’angle des Fusiliers et du Parvis, au coin faisant vis-à-vis à Barrotteaux-Demain le charcutier, avait été exploitée un temps par la veuve David-Cerlet, mère de Nicolas David, qui fut le créateur de la collection de petits bouquins à 5 sous : La petite Bibliothèque nationale.

Le père du sculpteur Chavalliaud meurt à Amiens, à 82 ans. Un buste par son fils le représente avec une calotte de drap sur la tête.

Mort subite d’un cocher de fiacre, sur son siège et sous son haut-de-cale en cuir : Béglot, 76 ans, rue Landouzy, 55, père du typo Béglot, imprimeur de billets de mort en 1935, rue Chanzy, 93.

Le marchand de tisane de Champagne Tuot, 53 ans, rue de Mars, époux d’une Albeaux.

Henri Alexandre Thomassin, 60 ans, ex-tonnelier, rue de la Salle, 12.

Marie Palette de Caloën, 42 ans, épouse de Gustave Bauche, à Divonne-les-Bains.

Eugène Quirin Hettich-Gannelon, 64 ans, ex-horloger rue de Vesle, 47. Un exemplaire des pendules que ce garçon-là vendait aux braves gens existe rue de Venise, 9, chez Ernest Dupont, qui a reçu cette partie du mince héritage de sa mère, Victoire Aumont. Le cadran doré dans un marbre blanc anémique, un sujet d’après l’antique de Raphaël : la Vierge à l’Enfant-Jésus, « tout en dor », comme disaient les moutards d’alors.

Louis Honoré Hannequin, 69 ans, époux de M. Thérèse Schaal, rue du Jard, 148. Père d’Hippolyte, Mathilde, Fanny, Marie.

Didier Fortelle-Loillier, 90 ans, rue Chanzy, 63, ex-charcutier à l’angle des rues Saint-Jacques et Thillois, veuf d’Élise Chaurey.

Eugène Meunier-Godart, 82 ans, rue de Vesle, 20, père du fabricant de mérinos Ludovic Meunier.

M. Eugénie Neveux-Vasson, 51 ans, rue Gambetta, 95, épouse du fameux trombone des Pompiers et mère de Jules, de la firme Wenz.

Édouard Menu, 56 ans, entrepreneur de maçonnerie, rue Bonhomme, 9, époux de Jeanne Clémentine Édart, et frère du bibliophile et mémorialiste Henri Menu, qui lui donna à construire la maison au n° 36 rue des Murs, occupée par Eugène Dupont depuis 1927. Henri se maria avec sa belle-soeur, et veuf, eut une gouvernante du nom de Mertens, Luxembourgeoise, sœur de Catherine, épouse Ferdinand Thibaut, et mère de l’abbé Jean Thibaut, curé de Cormontreuil. De la succession Henri Menu, Jean possède un reliquat de notes manuscrites de valeur au point de vue histoire locale.

Eugène Surply, 48 ans, camionneur chez H. Walbaum, rue du Jard, 122.

Marie Pérette Mercier, 82 ans, veuve Franchecour, rue Montoison, 47, ex-cabaretière rue Chanzy, 111.

Mme Camille Amsler-Yundt, 56 ans, épouse du papetier rue de Taissy, 10.

Jean-Baptiste Clovis Gouvernal, représentant de commerce, 53 ans, époux de Marie Rouyer, rue Saint-Jacques, 25, et fils de Gouvernal-Legros.

Mme Ventouroux, 26 ans, mariée le 13 mars 1893 à Ventouroux, sous-chef de musique aux 132e, belle grande blonde, rieuse et sympathique.

L’épicier du Jard, aux boules de liqueur, Closse, rentier au n° 9, auquel avait succédé les Lhermitte, 85 ans.

Un grand coup de chapeau à cette silhouette de notre enfance et un De Profundis pour ces prédécesseurs dans la vallée de Josaphat.

Quelques défunts oubliés : Geoffroy, 75 ans, trieur, rue de Bétheny, 11, dont la fille a épousé cet autre trieur, originaire de Mazerny (Ardennes), Lesieur, rue des Murs, 24.

Gaspard Havart, chantre à Saint-Remi, et limonadier rue de Fléchambault, À la Grosse Écritoire, 57 ans, mort subite en descendant de tramway, devant sa porte.

À l’an prochain, s’il plaît à Dieu !

1896

Le grand Voyage dans l’Au-Delà, où tant de nos contemporains ont concentré leurs derniers espoirs d’une vie immortelle, où les douleurs et les sacrifices supportés en l’An-Deçà s’estomperont pour disparaître finalement dans les délices incommensurables de la présence divine, reçoit ses inscriptions sans cesse renouvelées, au milieu des gémissements des familles éplorées : 1896 est largement représenté. Parmi ceux qui vont quitter cette Vallée de larmes, citons des vies qui, à leurs égards respectifs, auront frappé la mémoire de leurs contemporains. Que de méconnus ou de modestes en seront exclus !

Guillaume de Truchsess, de Guémar (Alsace-Lorraine), 61 ans, rue Jacquart, 73, veuf de Anna Seib.

François Roland-Rossignol, 74 ans, pensionnaire à la Maison de retraite.

Auguste Émile Pavillon, de Bellême (Orne), rue de Bétheny, 62, veuf d’Euphrasie Élise Petit, fils de Pavillon-Aunet. Fut chef de bureau à la Mairie, aux contributions et élections. Haut en couleur et en taille, pesant, les mains branlantes d’un apoplectique, il avait un fils, Émile Jules, employé au Bureau de bienfaisance, sous le secrétariat de Henri Rêve, de la rue des Moulins, 3.

Edmond Givelet, 70 ans, boulevard Cérès, 12, fabricant place Belle-Tour, fils de Charles Givelet-Assy. Maigre, barbu, yeux vifs, patriarche familial. Sa maison de briques, sur la place, avait été occupée en 1874. Y entait le 1er janvier de cette année-là le personnel qu’il amenait avec lui à l’heure de la dissociation de la firme Givelet Frères. Au bureau : l’aîné de ses fils, Henri ; le cadet, Marc, qui plus tard fut missionnaire et évêque ; Louis Tourneur, cousin ; Léon Hécart, neveu par alliance de Lhote-Pérard ; et fils de l’artiste peintre ; Raphaël Mouton-Hubert, caissier, tous imprégnés de l’esprit catholique de la maison. En outre, un petits commis aux écritures, sortant des Frères de la rue du Jard, qui n’y restera que 6 mois, pour se mettre à l’apprentissage du métier de trieur, exercé par son père, Dupont-Aumont, à l’usine du Mont-Dieu. Ce dernier avait remplacé le pétillant Ernest Mottelet, lequel restait au service de Auguste Givelet. On lit ceci dans la 69e Tablette rémoise : « Les pièces de mérinos, fabriquées à Rethel (usine dite Cayenne), étaient emmagasinées pour la vente place Belle-Tour, amenées par le messager Petitfils. Les bureaux s’ouvraient à 7 heures et fermaient, le soir, à 7 heures. À midi, arrêt : 1 heure ½. L’hiver on n’entrait qu’à 8 heures. La concierge était Mme Soulié, bec de corneille chevauché de lunettes ; femme de Fanfan Soulié, de Liry, ex-enfant de chœur à l’église Saint-Sulpice de ce village ardennais qui donna tant d’enfants adoptifs à notre Reims, par qui de bon Rémois issirent, pour la prospérité et l’honneur communs. Ils avaient un gendre, Méhaut, coiffeur rue Colbert. Fanfan était contremaître au « cardé », ayant à distribuer le travail aux ourdisseuses du premier étage, et aux rentrayeuses du rez-de-chaussée, place Belle-Tour. Sur le boulevard Cérès, derrière l’habitation, s’alignaient les cuves à dégraissage et teinture d’échées. Marc, le cadet des fils, tripotait et pataugeait là-dedans, pour obéir aux volontés du patriarche, lequel rêvait d’en faire un fabricant comme lui. Henri, l’aîné, qui désirait étudier la médecine, avait dû y renoncer, par ordre paternel. Marc, de caractère plutôt jovial, rieur, envisageait peut-être déjà, et en secret, l’envol vers ces lointaines contrées où il a des âmes à évangéliser et conquérir à la civilisation chrétienne : il y était préparé par un précepteur ardent, le Basque abbé Camech, Jésuite. André, le plus jeune, entra dans les « champagnes » et fut de la firme Saint-Marceaux, avec Charles Arnould le libre-penseur. Paul Givelet-Barbey seul fut et resta de la « fabrique ». Quand la Maison Edmond Givelet ferma ses portes, il s’exerça seul, sans succès, et finalement, il est mort en 1933 intéressé à l’usine du Mont-Dieu. L’aînée des filles, Marie, épousa le juge-suppléant Henri Jadart, futur bibliothécaire, mort dans la poussière des livres, après-guerre, en 1923. D’autres demoiselles épousèrent : le lieutenant-colonel Caruel, du Génie, rue du Couchant, 11, où Jadart habitait en 1914 ; le docteur oculiste Bagnéris, rue de la Grue, 12, demeure de Charles Givelet.

Alfred Luton, docteur médecin, 66 ans, rue des Augustins, 1, veuf de Louise Olympe Angéline Tonnelet, qui décède ; il était fils de Victor Luton-Barbier, imprimeur libraire.

Guillaume Frédéric Birk, 62 ans, époux de Antoinette Olympe Guérin, cabaretier rue Sainte-Catherine, 7. Bavarois d’origine, il avait fui son pays à la suite des troubles de 1848. Il a la clientèle du lutrin de Notre-Dame et de quelques « licheurs » qui apprécient ses « rouges » de pays. Lui succède Fernand Martin, petit-fils du « père Mellier », de Chenay, dit le « père Pé ». Martin était un temps « donneur de trame » à l’usine Collet, puis trieur. Bistrot, il était par lui-même, l’un des plus gros clients du cabaret. Mort après-guerre. Il conservait traces de 17 éclats de shrapnells incrustés en sa peau pendant les premiers jours du bombardement de Reims.

Le « Grand-Polichinelle », autrement dit le « père Olin », bimbelotier rue de l’Étape, 9, qui s’était retiré des affaires après avoir épousé deux viragos, dont il eut raison, puisqu’il n’en meurt qu’à 78 ans. Un ange de plus au Ciel. Ses patrons sont saint Pierre et saint Adolphe, bien en cour.

Charles Remy, notaire, baron du Saint-Sépulcre (?), membre de l’Académie nationale de Reims. Né à Vernancourt (Marne), veuf de Marie Herminie Desaux, rue du Faubourg-Cérès, 31. – Son neveu Charles Victor Remy est pharmacien à Épernay, et l’avoué Lapique signe à l’état civil.

Louis Disant, ex-patron du « Lion d’Or », 58 ans, amateur d’art, rue des Consuls, 12, veuf de Lucie Caroline Verron, époux d’Alice Gauchet.

Eugène Chézel, 67 ans, apprêteur, originaire de Saint-Menges (Ardennes), rue des Salines, 11, veuf de Marie Hélène Gaignière. Meurt à l’Hôtel-Dieu. Son fils Clovis est, de nos jours, adjoint au maire, et on le considère comme un « Warvick » de député, car c’est bien à lui, en gros, que Marchandeau doit d’avoir pu gravir le premier échelon à la députation : le poste de conseiller général du 3e canton, dont Clovis est l’empereur, comme il est le général des Pompiers, honneur des « Crafouillats », – crapouillats, suivant une variante de Lucienne Ercole.

L’avocat Jules Lantiome meurt le 1er juillet, à 10 heures du matin. Adieu ! cercle littéraire, triomphes du barreau, Palais de Justice, Café Courtois, et la belle Mme Richard, et 100 amis et bons-Enfants à ses trousses ! Bâtonnier, conseiller général, né à Reims le 19 mars 1835, époux de Françoise Louise Henriette Vauthier, rue Noël, 3. Proches cousins : Eugène et Paul Gosset, de la laine.

Jules Grison, organiste à Notre-Dame, né à Château-Porcien en 1843, il avait épousé en premières noces une fille au « père » Thuillard, basse au lutrin, et se remaria en prenant Marie Azénaïde Griffon ; il était fils de Charles Remi Grison-Fichelet. Son frère Henri Arthur Gustave est instituteur à Ambly-Fleury (Aisne). Obèse et louchinat.

Charles Audry, de Rethel, 36 ans, rue Lecointre, 25, frère de Léon, chef-trieur chez Poullot, trieur lui-même, Zoé Lina, sœur d’un autre trieur : çà sentira le suint de moutons dans le « tingzan », dirait le « planquet ».

Ernest Irroy, 66 ans, des « champagnes », boulevard Lundy, 46, époux de Aline Sophie Sergent, fils de François Benjamin Irroy et d’Anna Almodie Lenormand.

Louis Dervin (Théodulphe), 55 ans, directeur de teinturerie, place Godinot, 1, fils de Théodulphe Dervin-Barbara, époux de Claire Martin.

Le « père Hédin », au nez en tubercule à verrues, Adolphe, 86 ans, ratatiné comme une tortue, toujours en redingote et haut-de-forme délustré, lèvres lippues, yeux porcins, face rougeoyante et bourgeonnante, une horreur humaine, en un mot ! chaussé de souliers plats, moulant ses pieds ; par-dessus le marché, ayant exercé une profession antipathique, celle d’huissier et agent d’affaires. Veuf de Barbe Éléonore Baudart, et originaire de Verzy. Son père Edme avait épousé une Homo, souche répandue dans cette région viticole. À Trépail, on pouvait, en ces temps, déguster chez un Homo de Trépail un « blanc de blanc » à 1 franc la bouteille. – On ira chercher çà de nos jours ! tu peux toujours courir, dit la coterie bois-debout ! Dieux impitoyables ! que faisons-nous donc sur cette terre et dans un pareil « patelin », où personne ne peut se flatter d’avoir vécu une vie normale sans avoir subi les horreurs de l’invasion, et où on nous suce et ressuce comme nous le faisions jadis d’une « boule de liqueur » !

Louis Charles Aubertin, de Suippes, 54 ans, ex-fabricant, rue Ponsardin, neveu par alliance du père Godbert (Rose-Croix). Son fils, Jules Charles, 24 ans, rue Vauthier-le-Noir, et son gendre Georges Henri Lenôtre, notaire à Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle). De petite taille, cheveux déjà argentés, affable et courtois, brave homme entre tous.

Armide Laurence Julie Haueur, de Vic-sur-Aisne, 70 ans, rue du Bastion, 22, veuve de Pierre Dallier, antiquaire-revendeur, dont le père Dallier-Bonnette, tenait une friperie au « Rang-Sacré ». Elle vivait chez son fils le trieur, et antiquaire d’occasion, Armand Dallier ; mort d’un accident de voiture à Soissons, pendant la guerre.

Édouard Langlet, de Beaumont-sur-Vesle, 58 ans, rue Hincmar, 31, époux de Élise Lafolez. Chef de bureau chez Walbaum & Desmarest, rue des Marmouzets, ayant en sous-ordres Désiré Delcour, Albert Dubois, Desmons, Félix Chantraine, Breteaudeau, caissier, originaire d’Oran, ex-sous-officier de chasseurs d’Afrique. Type à la Daumier, un Joseph Prud’homme de la flanelle de santé, à maximes pesantes et lieux communs remâchés depuis des siècles par nos grand-mères et les almanachs, éminemment crédule, et les collègues s’en divertissant en tapinois ; barbe pleine, gros ventre, largement pattu, bonhomme parfait quant au reste. Son gendre, Robert Georges Tabourin, est directeur de à l’usine à gaz.

Joseph Nicolas Poissinger, d’origine belge, ex-auneur de tissus rue Cérès, angle rue de l’Hôpital, 70 ans, chez son gendre Alexis Baudet, courtier en tissus et excellent violoniste, ayant de qui tenir, car il est neveu du Dr Desprez, lequel habitait rue des Capucins, 54, maison achetée par l’ex-agent administratif aux dommages de guerre Paul Marchandeau, aux destins si prospères.

Eugénie de Mauduit, de Moëlan (Finistère), 77 ans, rue Petit-Roland, 41, veuve de Gaston Michel de Tharon, et fille de Thomas Casimir et d’Anne Eugénie Cabon de Haudrahon. De quoi s’y perdre !

Gustave Haënlé, Allemand, intéressé de commerce chez les Olry-Rœderer, fils de Carl Philippe Haënlé-Bernt, époux de Julie Blanche Dreux. Un Haënlé, fabricant de feutre à Reims, est, en 1914, envoyé à Angers, dans un camp de concentration.

Louis Jaillard, 46 ans, rue de l’Université, 57, maison appartenant à Charles Richard, adjoint au maire, avec tabac-comptoir, tenu par la grosse Marie Idalie Grigaut, sa femme, et où fréquente le médecin Gaillard, célibataire, un vaste phénomène en hauteur, exsangue, courbé sur sa canne, malgré sa jeunesse relative, et qui ne tardera pas à imiter son client. Fils de Jaillard-Daneau, Jaillard avait été élève des Frères du Jard, et comptable libre. Il a comme répondants à l’état civil, ces priseurs : Joseph Koob, cordonnier rue de Contrai, 6, en 1914 ; Alfred Reinot, coiffeur rue du Barbâtre, 5, qui est chauve comme un kangourou, à 33 ans, mais porte un toupet blond si bien fait que le commun des mortels ne saurait s’apercevoir de cette supercherie de la coquetterie masculine. La « Tablette Rémoise » n° 69 développe des commentaires oiseux sur ce toupet de coiffeur. Un jour, chez Wendel, cabaretier rue Chanzy, 55 (passage Marlier), Reinot, voulant faire apprécier ses talents de posticheur, enlève son toupet et montre à ses clients ahuris la plus belle boule d’ivoire qu’on puisse souhaiter à une rampe d’escalier. Ébahissement, éblouissement ! L’un des présents, dont le crâne commence à se dépouiller, en est impressionné au point que, un mois plus tard, il s’était fait raser à la mode des rois mérovingiens découronnés, et depuis se sert de cet appendice si utile contre les courants d’air, et qui donne à son porteur un regain de jeunesse fort appréciable.

Marie Joséphine Bulteau, de Wazemme-lez-Lille, 42 ans, boulevard Lundy, 76, veuve de Flajollet, fille de Bulteau-Jupin, mère de Hippolyte Flajollet-Dazy, son successeur.

Hubert Baudet, 49 ans, comptable, rue Cérès, 31, veuf de Louise Leclère, fils de Antoine Baudet-Paquis, de rue Chanzy.

Léon Pauvret, de Courmelois, 37 ans, des tissus, firme Henry Mennesson ; demeurant rue du Faubourg-Cérès, 22. Obèse et réjoui, avait fait son volontariat en 1879-1880 à Nancy, au 26e R.I. avec Poincaré et ces Rémois : Émile Petit, Paul Givelet, Paul Millet, Léon Jaunet et Ulysse Leriche, ce fantoche devenu consul au Maroc, après le Tonkin, peut-être sous les auspices de l’ancien camarade de régiment Poincaré !

Élisa de Montigny, 60 ans, rue du Jard, 19, épouse du Dr Alphonse Panis, fille des Montigny-Canelle.

Toussaint Mailfait, d’Aiglemont (Meuse), 68 ans, ex-libraire, veuf de Marie Émélie Louis, fils de Mailfait-Pérote, rue de l’Équerre, 10. Il est père du musicien Louis Mailfait, 41 ans, rue Petit-Roland, 8, organiste après-guerre, à Saint-Louis-en-l’Île, à Paris. Louis avait tenu l’orgue à Saint-Remi, sera chef à la « Municipale ». Talent moyen, mais sûr, amoindri par une réelle modestie et une confraternité musicale exemplaire.

Constant Bellavoine, du « Bal-Français », 71 ans, époux de Victoire Vignot, fils de Charles Bellavoine-Wagnier. – Son neveu Edmond Bellavoine est tonnelier rue Fléchambault, 50.

Adolphe Dauphinot, 74 ans, rue Libergier, 27, veuf de Anna Marguerite Jourdain. Frère de Simon Dauphinot et aïeul de Malet de Coupigny, officier de cavalerie à Saint-Omer. À la tête de tous les encouragements à l’Art, bon serviteur de sa ville.

Aristide Alvin, dit Alby, de Charleville, 60 ans, trieur de laines, rue Gambetta, 160, fils de Remi Albi, dit « À la minute », et de Anna Lesieur, époux de Zélie Lecompère (voir « Le Jard »). Edmond Alvin, l’Alvin-Beaumont des peintres de « La Petite Fafa » (voir Almanach Matot), l’homme au Rubens, antiquaire à Paris, boulevard Saint-Germain, 32 ans, encore à Reims en 1896, rue Clovis, 12, est fils d’Aristide. Un jour, dans une « beuverie » entre trieurs, au Café du Commerce, Faubourg-Cérès, passé l’Esplanade, Aristide accepta le pari qu’un de ses collègues, Larquet, lui proposait : contre quatre bouteilles de vin de pays, Aristide était mis au défit de se laisser couper la gorge. Imperturbable, Larquet prend son couteau de table, et, devant l’aréopage gouailleur, se met en devoir de scier le cou qu’on lui tendait ! Heureusement... !!! – Le père « À la minute » avait quatre fils, qu’on appela les Quatre frères Aymon : Aristide, Gaspard, Alfred et Joseph, tous dans la laine, et nés à Albi ou à Reims.

Le dernier « de cujus » de l’année, le 2547e, et non l’un des moindres, s’appelait Frédéric Auguste Walbaum Homme, fabricant, l’homme parfaitement bon, bon comme le pain de France d’avant-guerre, 77 ans, rue Cérès, 28. Époux de Marie Blanche Bègue, 69 ans, fils de Louis Henri et de Élisabeth Caroline Fredericke Heidsieck. Un large salut au passage à sa dépouille !

Il est d’autres défunts à la mémoire desquels nous ne ferons pas défaut, tout modeste qu’ait été leur passage dans nos murs : alors dans, comme petits et grands, regrettent de pouvoir décider tous, ses compagnons de notre vie rémoise !

Voici une Catherine Dumoulin, 59 ans, veuve Treiber, rue d’Alsace-Lorraine, 35, mère de la petite pauvrette assassinée chemin de la Procession, et de la jolie Thérèse, Manon rémoise.

Dominique Girard-Mercier, 67 ans, débitant Faubourg-Fléchambault, au « Vieux Sergent », angle de la chaussée des Bains Guinot, ou, plus exactement, du chemin de Cormontreuil. Visage et allure de gendarme ou douanier en retraite, apoplectique. Faisait là la partie de « piquet », François Gautier.

Rue de l’Arquebuse, 7, veuve Hutteau-Fayet, 75 ans. Le faire-part est signé par son locataire Ernest Denoncin ; Chambry-Hézette, boulanger, rue des Poissonniers.

À Paris décèdent J. Simon et Charles Floquet.

Le gros Pavillon avait été soldat à Reims en 1848, caserné à l’hospice Bethléem. Entré à la mairie en décembre 1851.

Eugène Jamas, peintre, 55 ans, rue des Moulins, 96.

Florence Chanoine, veuve Renard, 84 ans, place d’Erlon, 79.

Albert Périn-Legras, des tissus, 47 ans, rue Thiers, 17, inhumé à Roucy (Aisne).

Marie Justine Brocks, veuve Béaslas, 59 ans, rue des Murs, 2.

Mme Eugène Becker, Léonie Chemin, 60 ans, deux mois après son mari.

Marie Dupanloup-Mollet, 59 ans, avenue Sainte-Geneviève.

Eugénie Hennegrave, veuve Barré, 72 ans, chez son fils Ernest Barré, rue des Capucins, 69. Ex-banquier cour du Chapitre, Barré fréquentait le « Louis XV », avec son cousin Eugène Hennegrave, ex-fabricant devenu pain-d’épicier.

Pierre Bret-Maréchal, Hôtel du Nord, place d’Erlon, 63.

Eugène Picart, 53 ans, débitant, Faubourg-Cérès, 236. Ex-pâtissier rue Chanzy, 100. – Son fils Eugène, après avoir servi comme magasinier chez les Lartilleux, ayant pour employés Édouard Poursain, acheteur de laines à Londres, et Émile Sistel, comptable, devint magasinier au Peignage de Reims, après-guerre. Il eut un fils tué en guerre. En 1934, la situation du textile étant exécrable et les peignages manquant d’alimentation, on réduit le personnel, et depuis, Eugène Picart est « sur le pavé » !

Le sous-préfet de Reims Eugène Poiffaut, 47 ans (combien il faut être un homme quelconque pour en être à cet étiage dans la hiérarchie des fonctionnaires !) est inhumé à Dôle, son pays. Il est remplacé par une autre nullité du nom quelconque de Gilbert (Ambroise) que Rouen couvait pour nous.

Albert Marzet, métreur, rue du Jard originaire, où son père était maître maçon, et ex-élève des Frères, sous le Frère Hector à la classe de dessin, habitant rue Brûlart, 6.

Auguste Collet-Fricotel, 71 ans, des tissus, représentant en vins pour la Maison Vidal, de Nîmes, place du Palais-de-Justice, 6. Aïeul de Jeanne Zhendre, et beau-frère de la veuve Labitte. Ce Vidal a planté son nom dans la mémoire des Rémois qui, grâce à ce Collet, burent de son vin rouge 9°, savoureux et fortifiant, exempt de toute fraude.

Eugène Henri Guéry, 81 ans, courtier en « champagnes », rue des Moulins, 23 ans, père de l’artiste peintre.

Lambertine Adélaïde Bouché, veuve Fert, 81 ans, à l’Hôpital civil. Par son mari défunt, Prosper Fer, libraire, elle était en parenté avec la famille Dupont-Aumont.

Le Dr Alfred Luton avait un frère fabricant rue du Barbâtre. Étudiant à Paris, il était revenu à Reims en février 1859.

Laurent-Déramez, épicier, Faubourg-Cérès, 60, meurt le 4 mai à 57 ans. Il était un des piliers actifs du radicalisme à Reims, et, à ce titre considérable, il a sa rue à Reims. On n’est pas ingrat, mais c’est Reims qui se met en frais. Au surplus, ça ne coûte pas grand-chose ! – Toutefois, combien de réelles valeurs sociales ou autres sont maintenues dans l’oubli auprès des générations nouvelles, ignorantes du passé comme du présent le plus proche de la Cité qui les abrite ; elles se voient ainsi écartées au profit de ces émouchets de la politicaille, unités creuses de la République des Camarades, gras à lard, à qui vont les honneurs avec les ristournes ! Laurent, Vernouillet et cent autres de la même cuvée, furent cependant, au point de vue strict de l’honorabilité, des gens sans reproche, et, à vrai dire, possesseurs de convictions autrement fortes et sincères que celles de leurs héritiers !

Adèle Génot, épouse de Charles Petit, 31 ans, rue Colbert, 35. – Charles Petit épousera une demoiselle Colin, rue Saint-Yon, 7.

Maurice Édouard Poix, fils des Poix-Hancart, marchands de papiers peints rue de Contrai, 3, décède à 20 ans, rue de l’Espérance, 14, à La Haubette. Ses parents lui ont fait ériger, au Cimetière du Sud, un monument funéraire... couleur et genre papier-peint. À Rethel, il y en a un du même genre et procédant de la même mentalité ; celui du fils d’Hippolyte Noiret, en plus riche évidemment.

Wendling, sculpteur la Cathédrale, – l’un des rats de ce gigantesque fromage, – meurt à 82 ans. Élève des Beaux-Arts, il est à Notre-Dame de Reims depuis 1852 ; son fils reprend sa place dans la motte en 1894. On lui doit la réfection du clocher Sud à Saint-Remi.

Paul Pierrard-Duboc, de Villemmes (Seine-et-Oise), 60 ans, courtier-vendeur de laines à Londres ; son neveu Duboc était acheteur en Australie pour Eugène Gosset, de Reims.

Le lutteur Achille, qui partageait avec Bazin de Cernay la faveur populaire sur le champ de foire, meurt d’une hernie à Nancy, à 41 ans. Ses redoutés prédécesseurs furent les fameux Marseille et Bouteille, qui mirent tout le peuple rémois à leurs pieds.

Mme Lucie Vaudin, veuve Alexandre Rochet, charcutière à La Haubette, mère de Mme Blanche Hanol.

Labey-Huet, 66 ans, rue Ponsardin, ex-directeur de l’école du Jard, 82 ans. A pour gendre Raphaël Thierrard.

Eugène Desteuque, époux d’une Palloteau, ex-fabricant, et adjoint au maire, meurt à Villers-Allerand, à 80 ans.

Paul Legros-Laignier, 56 ans, rue de Tambour, 10.

Marie Goedert, 53 ans, journalière, veuve Couty, rue Chabaud, 12. Un Goedert est fabricant à Sedan ; un Couty est architecte à Rethel, et construira la maison des Dupont-Macé à Sedan, avenue Philippoteaux : il fera mieux encore, à un tout autre titre : il « fera » le mariage de Marthe Dupont et de René Martin, dont issira une Françoise Martin, devenue par mariage vicomtesse Gérard de Courcelles. Ainsi s’agencent les choses de ce monde, pour que Louis Joseph Dupont-Aumont soit l’arrière-grand-père d’une vicomtesse bon teint. Ce que les ossements de tous les Dupont de Liry, qui datent des Gaulois, et dont Léon Lacroix, enfant de ce village ardennais, vient de retourner les « nobles » restes ! ce que ces Gaulois doivent en tressaillir au pays des Ombres !

Veuve Clovis Gavet-Dibel, 69 ans, ex-charcutière rue Neuve-Gambetta, angle Orphelins, et belle-mère de Jean Gentgès, lequel est mort en 1934. Jean était belge, et fut limonadier au Café de Paris, rue Chanzy, 8.

André Eugène Sarazin, 83 ans, rue Werlé, 11, décède à Gueux. Il est l’aïeul de Charles Sarazin, annaliste rémois, de l’Académie nationale de Reims.

Létrilliart-Machet, 69 ans, charron, rue Ruinart, 4.

Émile Payard, 48 ans, veuf de Marie Richelberger, époux de Louise Aline Guyotin, directeur de la Cristallerie de Baccarat, fils de feu Payard-Poterlot, rue du Jard, 19.

Antoine Philippe, époux de Zoé Niclosse et beau-père du banquier Chapuis, ex-épicier à comptoir de zinc, et buraliste, rue du Jard, 30. Habitait au n° 41, même rue.

Étienne Robert, le musicien remarquable, dont Reims était fier, ex-maître de chapelle à Notre-Dame, meurt d’apoplexie le 29 septembre, à 81 ans ; place Clovis, 1. Sa maison faisait angle aux Capucins et se trouvait ornée d’un jardinet sur façade, avec grille sur bas-côtés. Il était légèrement bossu, avec une tête barbue profusément, rentrée dans les épaules et coiffée d’une toque en velours noir.

Louis Créton, serrurier rue de l’Université, face à la Sous-Préfecture. Sa maison était ornée d’une ogive sculptée, en pierre, au chevet de la porte.

Émile Gosset, 58 ans, rue des Templiers, 12, ex-pharmacien rue Cérès, 5, père de Pol et Henri.

Edmond Pérot, 64 ans, marchand de laines, rue de la Clef, 4, ancienne demeure des Lespagnol de Bezannes. Court et trapu, gros yeux ronds, face rase à moustache épaisse. Avec comme comptable Pierre Clésen, ancien scribe chez Luzzani. Il y avait à Reims, de son temps, une aimable péripatéticienne, Louise Olivier, de la race des Comtesse de Loynes, mais moins ambitieuse, qui tenait chambrée d’hommes galants et diserts où son esprit personnel se donnait carrière : Pérot fut, avec Théodore Hubert, un des piliers de ce salon bi-littéraire bi-potinier. Louise se retira de la partie pour habiter la petite maison des Dupont-Aumont, rue du Boug-Saint-Denis, 79, d’où il fallut que la propriétaire l’évinçât pour satisfaire aux scrupules d’une pieuse voisine que ces réunions mondaines, autour de cette Ninon de Lenclos, offusquait et blessait dans ses principes ! Pourtant Louise était d’une tenue et d’une discrétion de femme du monde ! De ce juge sévère en jupons et chaussons fourrés, un homme d’esprit du quartier disait : « J’accepte la part de Paradis que je me crois due, mais à condition de ne pas m’y rencontrer avec cette chipie à cabas ! » Son vœu sera peut-être exaucé, ô Camille du Pinceau !

Le peintre Émile Barau, rue Caqué, 13, perd sa mère, âgée de 77 ans.

Louis Froissart, 66 ans, boulanger et débitant, chez lequel on pouvait déguster du rouge de Villedommange à 1 fr.25 la bouteille. Accompagné d’un plat de tripes fournies par Menu, boyaudier du voisinage, ce vin aurait ranimé un mort. Dans les chantiers de trieurs, il est d’usage que les liens de paille entourant la toison de laine de France, restassent la propriété des ouvriers. Le tripier Menu en était le bon acheteur, et il réglait la fourniture en pots de tripes préparées et chaudes qu’il apportait lui-même à ses vendeurs : cette « delicatessen » se dégustait chez le cabaretier voisin, souvent Mme Aubert-Delahaye, à l’angle des rues Houzeau et des Moissons. Cette « vivandière », originaire de Branscourt, était un « cordon-bleu », et avait conquis le doux et flatteur surnom de « Mère des Trieurs » par l’abondance et l’impulsivité de ses soins. Son « branscourt », blanc ou rouge, faisait les délices de ses clients. Au petit « casse-croûte » de huit heures on n’avait que l’embarras du choix devant l’étalage des « petits plats » étalés sur son comptoir de zinc, propre comme un sou neuf ; cervelas chauds, fournis par le charcutier Debliquy, place Godinot ; tranches de jambon fumé qu’elle passait à la poêle en les arrosant de vin blanc ; œufs au miroir ; arlequins divers, et sur commande, canards rôtis ou lapins de garenne sauté chasseur, parfois quelque rôdeur de toits égaré sur cette terre félonne et pincé au sortir de sa chambre à coucher – la sauce faisant alors passer le matou.

Marie Henriette Goulet, veuve Paul Picard, mère du lainier Henri, 81 ans, à Coulommiers, où, pendant guerre, se réfugièrent ses petits-enfants.

Jean Parizot, 72 ans, rue de Belfort, 16, ex-gendarme promu surveillant à la Bibliothèque municipale, sous Henri Jadart, qui s’en déclara satisfait. Grand, roux de poil, teint coloré agrémenté de « brun de Judas », illettré comme il convient, avec des initiatives parfois cocasses. Certain jour qu’un jeune lecteur de 16 ans avait demandé les « Contes de Dorat », il se refusait à le lui livrer, pour cause de respect de l’enfance ! Henri Menu l’en rabroua à sa façon, qui n’était pas toujours évangélique !

Jean-Baptiste Blaise, dit Destable, ex-débitant au « Café Saint-Roch », dans le Barbâtre, rendez-vous de Émile Bazières, ministre de la Marine de Achille 1er d’Araucanie (voir Almanach Matot, 1935), Henri Rochet, le « père Blan-Blan » et quelques chopinards du quartier. À 81 ans, ayant ainsi abreuvé des générations de Rémois de Part-en-Haut, il meurt content de lui et des autres, rue Jacquart, 50. Il était père du violoncelliste Charles Blaise, élève d’Abel Lajoye, et membre de la Philharmonique.

1897

Épinglons donc ici ces éphémères sans lesquels l’air de Reims eût manqué de saveur et de piment, – véritables anneaux de chair et d’os de la chaîne rémoise, qui font partie désormais du passé de notre ville.

Marie Félicie Dagot, 48 ans, épouse du gros Pierron, serrurier rue des Fusiliers, 58, dont le soufflet de forge, à l’angle de la Fleur-de-Lys, était une attraction pour les écoliers d’alentour. Combien de fois, ces « petits » s’attardèrent à admirer la lueur chantante du large foyer et écouter le ronron de l’énorme soufflet qui excitait la flamme chargée de fondre l’étain ou le plomb du rétameur Fanfan, lequel avait précédé Pierron dans cet antre enfumé digne des sorcières de Macbeth ! Vingt ans après guerre, tout ce coin de rue se trouve englobé dans les constructions nouvelles vouées à l’agrandissement du Lycée, dont il faut écarteler les flancs trop étroits pour recevoir les générations sapientes dont la France ne saura peut-être que faire ? La pharmacie Breton a changé d’emplacement ; la petite maison de poupée habitée par le père Maire n’a laissé de traces que dans les « Échos et Visions du Passé » et demain, cette face de la rue Chanzy va changer d’aspect. Vite ! les photographes, afin de conserver quelques vues de ces derniers vestiges d’une époque finie !

Aubert-Loche, beau-père du Dr Habran, 84 ans, rue de Cernay, 36.

Pierre Dominique Toussaint, maçon à Auménancourt-le-Grand où l’un de ses fils est matelassier en 1930.

Ernest Huet, 29 ans, tapissier, rue de Venise, 4, appelé à remplacer son beau-père, le sonneur de Saint-Remi, Nicart, qui, près de prendre sa retraite, meurt subitement dans son clocher, deux jours après la perte de son gendre. Les émotifs sont ainsi menacés de mort aux moindres et aux violents coups du sort !

Mme Eugène Rœderer-Boisseau, rue Andrieux, 10, meurt le 6 février ; elle était la mère de la vicomtesse de Gouvion-Saint-Cyr et de Mme Jacques Olry.

Marie Armandine Paul, 13 ans, rue des Fusiliers, 48, fille de Paul-Noiret, contremaître de plomberie chez Amédée Houlon. Victor Paul perdit 4 filles dans ce sordide immeuble infesté où le logeait son patron, et qu’une officine d’hygiène municipale eût dû faire abattre par mesure d’intérêt public. La tuberculose régnait en maîtresse en ce lieu maudit ; le chat même en serait mort. Il fallut le bombardement de Reims pour raser ce foyer d’infection. – Victor Paul est décédé en 1934, à l’Hospice Museux, âgé de 90 ans.

Donc, le père Nicart est défunt. Ce maître-sonneur habitait rue Féry, 8, cordonnier de son état, âgé de 62 ans.

Théodore Philippoteaux-Georgin, 86 ans, propriétaire rue Clovis, 10 ; il laisse, comme sa femme, une réputation de grigou, coupeur de liards.

Auguste Poincelet, 59 ans, trieur, avenue de Paris, 40, surnommé « Par l’sabord » ! » son exclamation indignée quand, surpris par les fumées de l’ivresse et une envie féroce de ne pas travailler, il trouvait fermée la passerelle du pont de Vesle, pour le passage d’un bateau. Alors, il faisait demi-tour et on ne le revoyait au chantier que le lendemain. D’une vive intelligence, et doté d’une instruction mieux que primaire, par des parents ayant connu la fortune, il avait une tête à la Verlaine, et sa boîte crânienne, développée et chauve, avec une couronne de cheveux blonds bouclés, il en imposait parfois à ses camarades moins instruits par ses, réparties et ses réflexions pleines de sens et d’à-propos. Victime surtout de la fée verte, comme son immortel sosie !

On apprend la mort, au Texas, à Galveston, du Rémois Eugène Lefèvre, entrepreneur de charpente rue du Pont-Neuf, lequel, en 1881, avait émigré au Nouveau-Continent pour faire l’élevage du bétail. – Il avait acquis la spécialité de construire des baraquements déplaçables d’une seule pièce. Son fils, Henri Lefèvre-Marson, est électricien et photographe d’art.

Jules Houbart-Oudart, 55 ans, marchand de toiles d’emballage, rue de l’Université, 46. Bon vivant, épicurien, le geste accueillant et généreux. Son fils Henri lui succéda, et à ses magasins et bureaux rue Boulard, 20. Certain chef- trieur, en 1884, chez Picard-Goulet, se rappelle d’un déjeuner offert par Houbart au personnel magasinier de la rue du Barbâtre, 36, au restaurant Charles Barbelet, place Royale, à l’occasion d’une fournitures de 10.000 serpillières à laine (1.15 l’une). Au menu : huîtres, escargots, filet madère, et « tisane » de Champagne. On l’avait bien gagné !

Marie Antoinette Thiérot, 34 ans, épouse de Hubert Davenne, des tissus, rue Gambetta, 35 (voir « Rue Neuve »).

Edmond Collet, de Sommepy, courtier en laines pour le compte de Mathieu Bernheim, se tranche la gorge chez son coiffeur Champeaux, Faubourg-Cérès, 25.

Albert Bouché, rue des Murs, 16, des Ventes publiques, brave type, vivant mais de tempérament sanguin et apoplectique, aimant un peu le « champagne » Touraine que fabriquait son beau-frère Lallement, dans les celliers Luzzani.

À Paris, subitement, Dr Lemoine-Maldan, spécialiste des sciences naturelles, enfant de Reims. Titulaire, dès 1868, à la Faculté de médecine et l’Académie nationale de Reims. Part à Paris en 1889.

Narcisse Franquet, des laines, 77 ans, rue de Bétheny, 25 ans, veuf de Amélie Benoist.

Théodore Hubert-Philbert, des tissus, père du joyeux et spirituel Albert, 86 ans, rue Thiers, 12. Galant barbon, titulaire, avec Edmond Pérot, des grâces et faveurs de la belle Louise Ollivier. Cette dernière, on le sait déjà, faisait partie de cette équipe de péripatéticiennes rémoises, à la mode De Tourbay, femmes futées, intelligentes, aux goûts artistiques dont fut Aglaé Gogez, de la rue de Contrai, 8, au temps où elle était la « bonne amie » du capitaine Rey, du 132e, et dont la conversation et les fines manières reposaient nos hommes de travail des occupations de la journée. Après Aglaé, qui allait habiter rue du Pont-Neuf, en 1907, son appartement au 2e rue de Contrai, fut occupé, de cette date à 1927, par le « plumitif » des « Vie rémoise ». – Théodore, grand et beau vieillard, bien « propre et crachant jaune » avait une barbe grise en pointe, à la Navarraise, toujours bien brossée, le cheveu rare, le dos en forme de 7, mais les yeux vifs et la langue « bien pendue ». Très « gobé » dans Reims, il était en parenté avec les Luzzani, Chauffert, Delagloye, Violart. Sa bru, à la mort d’Albert Hubert, habita rue Chanzy, 11, chez le Dr Seuvre.

Une marchande de volailles au Barbâtre, 183, de la dynastie des Fléron, ayant tir à la Foire, veuve Fléron-Décarreaux (Élisabeth), mère Angot de 70 ans.

Stéphanie de Saint-Marceaux, 82 ans, veuve Auguste de Muizon, rue Hincmar, 32, à l’angle des Capucins, qu’habita le fabricant Godet.

Pierre Feller, menuisier, rue du Jard, 86.

Jules Gentilhomme, 30 ans, rue Thiers, 53, à Villers-en-Prayères.

Des familles Liance et Chemin, Hertenberger, 25 ans, à Cambo (Basses-Pyrénées), voisin des Rostand.

Veuve Defforge-Aubry, 73 ans, rue des Fusiliers, 4.

Veuve Dombry-Perseval, 76 ans, rue de Sillery, 8.

Louis Javet, 77 ans, capitaine de douanes en retraite, rue des Augustins, 14. Assistait, comme oncle de la mariée, en 1873, à Sedan, aux noces de Jules Dupont, des laines, et Angélique Renault, fille de la veuve Renault dont le mari était mort d’épidémie, à la suite du désastre de Sedan, alors qu’il tenait un estaminet rue des Francs-Bourgeois et rue Saint-Michel. C’est à ses noces qu’un de ses neveux, Jules Trioche, de Douzy, entonna la fameuse « Marseillaise » belge : « Vive Popol et la Belgique, les « coumères » et pi l’café ! » si populaires en Ardennes franco-gallo-belges.

Adèle Routhier, veuve du Dr Eugène Canart, belle-mère du marchand de laine Alfred Gosme, rue du Levant, 3 bis.

Jean-Baptiste Houpin, 85 ans, de Bacouel (Somme), Faubourg-Fléchambault, 2, veuf d’Éliacine Mongrenier. A pour neveux Jules Machuel et Edmond Leleu.

Élise Martine Lartilleux, 59 ans, fille de Lartilleux-Binard, épouse de Pierre Marcelin Goulet, épicier avenue de Laon, 124. La nouvelle noblesse rémoise !!!

Eugène Ninet, 62 ans, fils de Pierre Ninet-Martin, des Déchets, époux de Marie Clémentine Mergen, à la Maison de santé de Châlons. Teint rose, belle barbe blonde, compagnon d’Ambroise Petit, son comptable.

Alexandre Duquesnel, 56 ans, tissus et rouenneries, rue du Cadran-Saint-Pierre, 10, veuf de Clémence Marie Gabrielle Laignier, – né à Méry (Oise) de Félix Duquesnel-Hallot.

Paul Esteva, 71 ans, de Palafrugell (Espagne), rue du Barbâtre, 93, fils de P. E. Esteva-Delofeu, veuf de Madeleine Meuret.

Charles Louis de Beffroy, 81 ans, rue du Marc, 7, veuf de Caroline Philippine de Maillart de Landre, fils de Ferdinand et de Sophie de Prévost de Vaudigny. A pour neveux Charles Givelet et Michault de Larquelay.

Alice Sophie Sergent, 62 ans, du Havre, veuve d’Ernest Irroy, fille de Gustave et d’Ursule Goërg. Son neveu Gustave Goërg, « champagnes » à Londres, a repris la succession de son frère Franz Goërg.

Jean-Baptiste Sibenaler, 82 ans, menuisier, d’Arlon, chez son gendre Raymond Aubert, chaussée du Port, veuf de Catherine Schmidt ; décède le 24 août. Ex-voisin de Hédouin de Pons-Ludon, rue Saint-Hilaire, 5, il en hérita des livres précieux devenus propriété de sa fille Joséphine, mère de René Aubert, auteur du « Bois Sacré ».

Pierre Nicolas Delozanne, de Blanzy (Ardennes), 61 ans, époux de Louise Amélie Matra, rue de Cernay, sœur de Mme Renard-Matra, de Luthernay, près Hermonville et de Louis Matra, journaliste, rue Chabaud, 56.

Isidore Ernest Delagloye, 52 ans, de Saint-Hilaire-le-Petit, veuf de Artémise Gangand, et de Euphrasie Olympe Colin, épouse en troisièmes noces, avait été immédiatement précédée de Anna Féodora Chartran. Décédé à l’Hôpital-général le 22 décembre, il était fils de Léonard Delagloye-Platelet, et père de Louis, fabricant à Saint-Hilaire, après l’avoir été à Hauviné, en association avec Guillemin, père du filateur de Rethel, et qui en fut le maire après-guerre. L’usine d’Hauviné avait été construite sur l’emplacement de l’auberge tenue à l’extrême pointe du village, en direction de Machault, par Achille Breton-Baudson, bourrelier.

Docteur Jules Bienfait, le « Parfait » de « Thierry Seneuse » (Pol Neveux), 78 ans, boulevard de la République, 37, veuf d’Aimée Tassin, époux de Cécile Ragot. A pour neveux : Georges Félix Didier, à La Neuville-aux-Larris, et Maurice Martin, vins, rue Rogier, 1.

Alphonse Souris, 43 ans, peintre, de Souain, rue de l’Avant-Garde, 12, fils d’un Sompinat. Sa veuve, habite en 1935 chez son gendre Guyot, des tissus, rue de Contrai, 8.

Hippolyte Octave Poitaux, 31 ans, né rue de Contrai, 2, habitant place d’Erlon, 6, époux de Marie-Louise Carpentier, fils de Poitaux-Meunier, ex-menuisier, 76 ans, rue des Poissonniers, 13.

Jean-Baptiste Jalabert, 65 ans, cordonnier, rue des Fusiliers, 46. Époux d’Adèle Martin, du même âge, vieille « soquette » médisante, curieuse, « ourse » mal léchée ; lui ; ratatiné, empestant le cuir et la poix, en casquette à visière de cuir, bardé d’un tablier de toile noire à crochets de cuivre, yeux gris fureteurs derrière des lunettes rondes teintées. Leur tanière se cachait derrière un jardinet fortifié d’un mur sur rue, à porte étroite, suffisamment large pour y passer un nez pointu et bourré de tabac. Locataires du pharmacien Amand Bertin, logé derrière eux, sur rue Chanzy. Comme leur voisine d’en face, au 41 des Fusiliers, n’avait pas d’enfants, cette taupe susurrait qu’elle les « faisait passer ». Si noirs et crasseux que le quartier s’en amusait follement : il est ainsi des petits coins de province où la comédie côtoie le burlesque, à défaut du drame !

Victoire Vignot, 68 ans, épouse de Constant Bellavoine, du « Bal-Français », à Fléchambault ; c’est elle qui se tenait au guichet pour recevoir le prix des entrées : 0.25 les danseurs ; 0.10 les dames, en cheveux plus souvent que chapeautées. Vers 1882, la jeune frimousse d’un chef d’orchestre d’ « extra » lui était sympathique, non point tant par sa jeunesse débordante que par l’entrain avec lequel il brisait ses archets sur le bois de son pupitre et le choix de ses ritournelles, trop peu renouvelées jusque-là par le titulaire, le « père Dubois ». Il y avait aussi de cette tendresse quasi maternelle de ces vieilles gens (– d’alors !) pour les jeunes qui se montrent à leur égard affables et respectueux, vertus plus que rares au XXe siècle.

À Paris, où il résidait depuis 1890, le comte de Mareuil, 83 ans, ex-propriétaire du château de Mareuil-sur-Ay, cédé aux Ayala.

Camille Amsler-Yundt, 64 ans, fabricant de papiers, rue de Taissy, au Château-d’Eau. Frédéric Amsler, né à Yverdun (Suisse), entra au collège de Bouxville, puis à l’École des arts et métiers à Châlons ; en 1863, dessinateur aux ateliers de Grafesnstaden ; à Strasbourg ensuite, aux Papeteries Yundt. Opta pour la France en 1871, pour venir à Reims.

Laure Détrez, 85 ans, ex-directrice d’institution privée, rue Buirette, 26, où elle professa depuis 1840.

Élisa Martine Lartilleux, déjà nommée.

Marie Françoise Motte, épouse Jacques Géry, directeur de l’usine Lelarge, boulevard Saint-Marceaux, 11, présidente des Dames de la Miséricorde.

Aline Roch, épouse de Delvallée, professeur de danse, rue du Barbâtre, 16.

Lametz, trieur, 67 ans, rue du Barbâtre, 73, professionnel médiocre, venu du « ch’Nord » et point nourri de la moelle classique. – Reims aura toujours été le centre perfectionné du triage.

Paul Demaison-Blanchard, 59 ans, rue des Templiers, 1, père de Maurice de Mme Paul Rosez.

Hourblin-Jaunet, fabricant de cachemire et « compteur de jaunets », rue Legendre, père d’Alfred et aïeul de la jeune Mme P. Leroy-Beaulieu, devenue par ses économies propriétaire de presque toute la ruche ouvrière de la rue Saint-Nicaise, en partage avec Henri Bonjean, maître tisseur à la main. Gros vieillard à tête en poire et à favoris, genre Louis-Philippe, surpris souvent dans son bureau manipulant des papiers coloriés cotés en Bourse, en vrai bourgeois industriel du temps. Le courtier en tissus Albert Hubert, goguenard et « rosse », colportait dans les magasins ce propos plutôt scatologique : « Mon cher Albert Hubert, je disais à mon médecin : « Je suis fort couvert, etc. (Voilons-nous la face !) Savez-vous ce qu’il me répondit ? – Pardi ! lavez-vous ! – Tout juste, Auguste ! » Et de rire à boutons déracinés.

Maurice Rigaut, 16 ans, élève architecte chez Tuniot, fils du pharmacien Faubourg-Cérès 94, angle rue Ruinart. Rigaut père avait été remplacé rue Chanzy par Mouflier après Fleury ; c’était un bonhomme court sur jambes, large comme une taque de cheminée, tête chevaline à barbe claire et cheveux roux, yeux de coq injectés de fibrilles rouges, loquace, avec une estafilade sur la joue gauche, – en un mot rien de l’Appolon du Belvédère, mais bon comme pain et serviable.

Jeanne Clémentine Édart, 58 ans, veuve de Édouard Menu, entrepreneur de bâtiments, épouse de Henri Menu, rue du Grenier-à-Sel, 4, sous-bibliothécaire à la Ville. Édouard Menu était le constructeur des maisons en brique nº 32-34-36, rue des Murs, cette dernière habitée un temps par son frère Henri.

Charles Folliart, 34 ans, des « champagnes », rue de Châtivesle, 27, neveu de Victor Diancourt.

Disons que le chef de famille des Esteva était mort subitement pendant la cérémonie de première communion d’un petit-fils.

Julien Collin, de la laine, 70 ans, rue de l’Avant-Garde, 26, inhumé à La Croix-aux-Bois. Un malin de la rue de la Plume, chopinard et bon vivant, à l’instar de ses collègues courtiers, et beau-père de l’officier Bléger.

Adolphine Briffoteaux, rue Gambetta, 54, épouse de Niverd aîné, le musicien.

Isaac Holden, pair d’Angleterre et maître-peigneur à Reims et Croix du Nord, 90 ans, à Oak Worthouse. Né à Hialet près Glasgow, il était à 10 ans apprenti fileur en coton. Plus tard, il professa dans une école primaire. En 1830, il est comptable en filature à Collingworth, puis directeur l’an d’après. Pendant la guerre de 1870-1871, il fit distribuer deux repas par jour aux ouvriers de son peignage de Reims : il avait en outre créé une « cantine » à bon marché où qui voulait pouvait déguster d’excellentes soupes aux choux, à 0.10 centimes la portion.

Décède à 75 ans, rue du Jard, 70, le grand-père de l’architecte Henri Deneux.

Louise Josserand, 29 ans, épouse Edmond Alvin, chez Arthur Josserand, rue Caqué, 15.

Mlle Esther Joséphine Benoît, 85 ans, rue Chanzy, 14, ex-maîtresse de pension pédagogique

Le décès à Paris du marchand de tissus Henri Harant-Valser affecte les Grévin, Clignet, Harant, Habert, Guénet, Brisset-Flot, Châtelain, Maillet, et son associé E. Lefèvre.

Jacques Geismar, 56 ans, marchand de parapluies rue Carnot, 36, comme il aurait pu y vendre des lunettes, et ex-consul d’Amérique, au temps où elle était à court de représentants.

L’artiste peintre Bin, 73 ans, ex-maire de Montmartre, et auteur de la décoration picturale du foyer de notre théâtre, en 1873 : 12 panneaux pour les 11 muses et Appolon.

Marie Maréchal, veuve Breit, de l’hôtel du Nord, place d’Erlon, 75.

Le graveur Adolphe Varin, de Châlons, 77 ans, à Crouttes (Aisne).

Théophile Colin, 79 ans, trieur, à la Maison de retraite. Son fils Théophile, ex-trieur, est à l’usine Walbaum, collaborateur du « p’tit père Flamand » pour l’achat des matières premières, laine et coton, voir effiloches, laine Renaissance. Colin habitait en 1914 rue Saint-Hilaire. Réfugié d’abord à Mazamet, il vint à Paris relevant à peine d’une grave maladie : il espérait vivre assez pour voir la Terre promise, mais la mort intervint, et ce fut « les pieds devant » qu’il rentra dans Reims. Combien d’autres comme lui, hélas !

Maurice Barrois-Bienaimé, ex-marchand de laines, 74 ans, rue Legendre. Sa sœur avait poussé Henri Millet, trieur et débitant rue Henri-IV, dont elle eut deux fils, Paul et Armand.

À l’hôpital, un Pazat de 78 ans, qui doit être le père des demoiselles Pazat, fameuses cabotines, et il tenait un « Bazar » au camp de Mourmelon et un café-chantant, appelé l’Alcazar (?).

Hippolyte Thiémé-Deperthes, 83 ans, rue du Petit-Four, 20. Conseiller municipal, on le « blagua » à tort pour son continuel souci de la propreté de nos rues, la vicinalité, les jardins publics, et son zèle constant pour tout ce qui concernait l’intérêt de tous.

Mlle Renauld, épouse Henri Goulet, décédé, 77 ans, mère de Gaston Adrien-Renauld, un fort gaillard, roux comme de la rouille, rentier des plus oisifs, un de ces arbres qui ne produisent aucun fruit.

Rose-Croix Godbert-Deverly, fabricant rue de l’Écu, demeurant esplanade Cérès, 78 ans, l’un des meilleurs hommes qui fussent. Né à Reims en 1819, le 16 janvier, il est, à 12 ans, apprenti tisseur chez Vellard dont il devient contremaître. S’établit à son compte en 1849.

Auguste Ponsinet-Potron, 76 ans, rue du Carrouge, 9. Eut Lecomte pour successeur, lequel est l’encadreur du tableau de V. Charlier : « Moutons aux Trois-Fontaines » que possède Ernest Dupont. Après-guerre, c’est Golinveaux qui reprend la clientèle, rue Ponsardin, angle rue de Mâcon.

Denise Henriette Rosé, 68 ans, rue du Barbâtre, 44, chez son beau-frère Hannesse-Bertrand. Veuve du filateur Bertrand, de la rue du Jard.

Enfin, le dernier de ces mortels déchus en 1897, et qui sans doute, ne s’était jamais demandé, à l’heure où on se met au lit, en se souhaitant mutuellement, entre parents, une bonne nuit, si la véritable bonne nuit n’est pas celle qui n'a pas de fin !

À propos de Godbert Jeune, on sait que le brave type avait fait préparer pour son épouse un monument funéraire, au Cimetière du Nord, avec buste en marbre, comme tout l’œuvre d’ailleurs, – monument qui pourrait presque rivaliser, dans l’esprit comme dans la lettre, avec celui du ménage Pigeon, de la « lampe-Pigeon », à Montparnasse. Godbert était gros actionnaire de la Compagnie du Gaz, et donnait ce tuyau à certain curieux qui l’interrogeait à ce sujet : « Quand on dit que le gaz est à 0.25 centimes le mètre cube, cela signifie bénéfice net de 0.25 centimes pour les actionnaires ». Inutile d’ajouter que ses fameux titres, – véritables poules aux œufs d’or –, n’entraient pas dans l’« ormoire » de Popu ! En revanche, nos administrateurs municipaux en étaient amplement fournis, ce qui entraînait la critique permanente à des conclusions peu à l’honneur de ces dévoués comptables des deniers publics ! Au surplus, à cela près ! N’en a-t-il pas été toujours ainsi, et n’est-ce pas la vraie règle du jeu ?

Rattachons-nous vivement à la vie par la vie même, et entrons dans la farandole des adeptes d’un conjugo où tout le monde s’engage à l’amour éternel et à une confraternité exemplaire. Dieu seul sait ce qu’il adviendra de ces beaux projet. Toutefois, l’optimisme nous est permis ! Non sans toutefois avoir tiré de la boîte aux « oublis » ces trois noms :

Alfred Masson, 59 ans, trieur, rue de Beine, 75, époux de la Bavaroise Eva Magdalena Karmann, 53 ans, institutrice protestante à Kaiserslautern, au temps où lui-même était au service des Wenz de Leipzig. Intelligence vive, plutôt mise au service d’un esprit sarcastique et farceur. Fils de Nicolas Masson, marchand de lames et rots failli et devenu trieur, vivant encore, à Roubaix, âgé de 91 ans, et de feue Adélaïde Joséphine Monvoisin. Père de Georges Masson, employé chez les Wenz, en Australie, qui lui a fait dresser au Cimetière de l’Est, à Reims, un monument digne d’un homme de bien ! De retour d’Amérique, où il avait été « gardian » de moutons. À l’époque de leur mariage, les Masson vinrent habiter à Reims rue du Jard, 23, dans le voisinage des Dupont-Aumont, au 26, mais auparavant en ce même 23, où demeurait également Marie-Anne Detourbay, qui fut la mère de la comtesse de Loynes. Mme Masson donnait des leçons d’allemand : belle et vaillante, mère modèle, épouse fidèle, elle n’eut pas tous agréments sous la tutelle de cet époux irascible et jaloux. Tirons un voile sur des turpitudes qui sont fréquentes en ce monde si peu aisé à bonifier !

Edmond Eugène Wiet, 69 ans, rue des Moulins, veuf d’Élisabeth Bouquet, fils de Célestin Wiet-Foyard. Ex-pédagogue entré dans la politique locale et devenu l’un des bonzes de la Foire électorale, et l’un des chefs du radicalisme à Reims. Son fils fut médecin des Hospices, et à la suite de polémiques sur cette administration, quitta Reims pour être consul en Annam ou Tonkin. Ces gens-là appartiennent à la petite histoire locale, et firent du bruit, sans plus !

Enfin, pour nous remettre de ces contacts, un brave parmi les braves, mais un éphémère des mieux réussis : Louis Aimable Marcelin Bâton, relieur, rue de Contrai, 30, d’Estrées-Saint-Denis, 75 ans, époux d’Alexise Ambroisine Gaillot, âgée de 69 ans, fils de Bâton-Thian. Ce couple assez vilain au physique avait un fils et une fille aussi peu favorisés sous ce rapport qu’eux-mêmes, mais, comme eux de braves types dont la race s’éteint, et au souvenir desquels on n’attachera jamais trop de considération, humbles et courageux travailleurs lancés imprudemment dans la vie par des parents imprudents et dépourvus de tout esprit de restrictions ou de prévoyance !

Et voici qu’en feuilletant le tome 69 des « Tablettes » surgissent de nouveaux morts, dont les noms ne sauraient passer inaperçus !

Alexandre Boulogne, 79 ans, ex-teinturier, de Sacy, conseiller municipal, rue Hincmar, 7, veuf de Marie Adèle Grandjean, fils de Charles et de Marie Ursule X. Son buste domine la pierre tombale au Cimetière du Sud.

Félix Causandier-Barbelot, 45 ans, rue Anquetil, 30, du Chemin de fer de l’Est.

Erminie Cerf, de Sierck (Moselle), 56 ans, fille de Jacob et de Sarah Rachel Bloch. Le concierge de la synagogue est Auguste Sinaÿ.

Antoine Habran, 44 ans, tailleur rue Chanzy, 28, veuf de Dlle Bougie. Ses frères : Jean-Baptiste, architecte, même maison, et Eugène, caissier de banque, rue des Capucins, 105.

Gustave Delautel, de Montbard, 64 ans, des tissus, rue du Levant, 12. Ce grand immeuble était occupé en 1914 par Benjamin Mennesson & Harmel fils. Delautel était associé à Isidore Charbonneaux et V. Diancourt. Il a pour gendre Joseph Rémond, de la laine. Son fils Pierre fut directeur de la Banque Chapuis.

Charles Rivart, 69 ans, ex-notaire, consul de Belgique, rue des Templiers, 21.

Marie Alphonsine Trischler, 51 ans, rue Ponsardin, 128, épouse Eugène Roussel, qui, en 1895, âgé de 87 ans, est pensionnaire de la Maison de retraite.

Camille Pauporté, de la laine, de Moustier (Nord), 86 ans, rue de Cernay, 11, époux de Antoinette Lundy, 74 ans.

Maximilienne de Paul de Saint-Marceaux, 81 ans, rue Hincmar, 32, veuve d’Auguste Jourdain de Muizon, fille de Guillaume et de Félicité Charlotte de Moy de Sons. Témoins : son fils 58 ans, rue Libergier, 27, et son petit-gendre le vicomte de Malet de Coupigny, 35 ans, capitaine de cavalerie.

Guillaume Édouard Hanesse, de Metz, 76 ans, rue Chanzy, 64, veuf de Julie Bernard, époux d’Eugénie Ranquetat. Témoins : Jules Hanesse, de Fismes, et Nicolas Cochet, 67 ans, rue de l’Arquebuse, 3.

Jean Adolphe Maupinot, de Pomacle, 70 ans, rue du Barbâtre, 89, veuf d’Élisa Gavet, fils de Maupinot-Thomassin.

Jules Triouleyre, de Soissons, 48 ans, comptable, du Clairmarais, 14, veuf de Mathilde Génin, époux de Aline Gœbel, sœur du sculpteur, 53 ans, rue de Courcelles, 19. Grand, bel homme, aux cheveux frisés, abords sympathiques.

Louis Frédéric Bécret, 73 ans, de Chermizy (Aisne), à Asfeld, veuf de Maxellance Gimonet ; époux d’Eudoxie Diancourt. Témoins : Victor Georget, 45 ans, ex-commis-voyageur en épices, négociant rue Werlé, 26 ; son gendre. Son fils, Auguste Frédéric Bécret, négociant à Rouen.

Thomas Becquet de Cantorbéry, 12 ans, élève des Pères Jésuites, rue de l’Écu, 22, fils de Thomas Becquet, associé de Paul Barbe, blousses de laine, rue du Levant, 3, à Reims. L’enfant meurt en pleine connaissance les yeux au ciel, consolant ses parents en leur disant qu’il est heureux de mourir, pour aller au Paradis !

Remi Valentin Delvincourt, 70 ans, chef de musique à Pontfaverger, originaire de Lavannes, issu des Delvincourt-Philipponnat.

Eugène Devédeix, 69 ans, adjoint au maire, boulevard de la République, 33, veuf d’Aimée Eulalie Lecouteux. Que penserait-il de la « javellisation » de ses eaux pures de source du chemin de Cormontreuil, par le « Singe-Amoureux » ?

1998

Marie Catherine Mauër, 84 ans, veuve Culloteau, rue de Bétheny, 32, décède en 1898, laissant un orphelin, Élie, qui est clerc de notaire chez Mandron, se réfugia en Belgique en 1914 (quelle idée !), – comme Melchissédec d’ailleurs, et, de nos jours, promène ses 84 ans dans nos rues, tourmenté fortement par une inflammation de la prostate depuis des années, forçant à des sondages quotidiens. Las ! mes frères, que le ciel écarte cette épreuve de notre vie in extremis !

D’autres Rémois la suivirent dans la tombe, qui d’un petit effleurement sur notre front accablé de tristesse, se rappellent à la postérité ! Allons-y !

La source est inépuisable, et s’accroît d’année en année. Quelle entreprises, et qui, outre les intéressés, m’en saura gré !

Henri Béry, 25 ans, fils de l’opticien feu Béry-Gueudet, place d’Erlon, 68.

Alexandre Sichard-Dervin, 71 ans, tissus, rue Cérès, 19. Son gendre Gaudefroy, qui a déposé ces derniers mois son bilan, rôde dans Reims, plutôt désœuvré.

Pierre Hérisson, rue Folle-Peine, héros d’une récente aventure d’escroquerie au gage, 69 ans.

François Jean-Baptiste Adrien, 77 ans, rue Marlot, 11, époux de Francine Justine. Il neige abondamment à ses obsèques, et l’épidémie de suicides étend ses ravages dans notre ville butineuse et bien malheureuse en certaines de ses parties habitées ! On en arrive à se demander à quoi bon temps d’œuvres philanthropiques dans un centre civilisé où respirent des millionnaire en nombre imposant !

Féry-Simonet, 52 ans, charcutier-restaurateur place d’Erlon, renommé pour ses côtelettes sur le gril.

À Paris meurt un homme aimé des Rémois, auxquels il a distribué abondamment la manne des plaisirs scéniques : Blandin, ex-directeur du Théâtre, devenu à Paris directeur des Folies-Dramatiques et du « Pôle Nord ».

Une veuve de musiciens, Drouet, 87 ans, à la Maison de retraite, épouse du violoniste Hormille.

À la Charité, s’éteint Marie Félicité Bridoux, 80 ans, veuve de Louis Lépinois, trieur, le premier des « incinérés » au four Goïot. Les époux avait dû se séparer, en raison de l’excessive tendresse qu’éprouvait le mari pour un pseudo-neveu que madame avait crut être le fruit d’œuvres incestueuses. Ce neveu, au surplus, était enfant naturel, sans nom paternel. Quand Lépinois fut incinéré, il n’y eut qu’un témoin, et l’opération dura une heure. Que ne peut-on faire entrer dans les mœurs cette sage coutume de brûler les morts ! Cela ne devrait pas, évidemment, priver le défunt des obsèques religieuses, qui précèderaient le « brûlement ». En effet, si l’on estime justement la haute valeur de l’âme, émanations du Divin !, il n’en résulte pas moins que son enveloppe de chair est digne de tous égards, et notre corps, en qualité de tabernacle de l’esprit, a droit à échapper à la pourriture immonde de la fosse, et à la corruption physique. Et cette âme se doit de conserver au corps une reconnaissances éternelle de l’hospitalité qu’elle en a reçue !

Pierre Auguste Billard-Corneille, fabricant de « mérinos » à Pontfaverger, 72 ans, beau-père de Georges Bugg. Ce Bugg était un joyeux drille, plein d’entrain et d’humour, farceur et comédien-né, chanteur d’opérette, qu’on trouvait chaque fois qu’on avait besoin de numéros joyeux de concerts. Devenu fabricant, on eut quelque peine à croire à une telle possibilité de transfusion de valeurs. Il est vrai que la fabrication de ce « mérinos », simple affaire de « duitage », ne nécessite pas de connaissances polytechniques : le tout est d’établir un prix de revient inférieur au prix de réalisation. Georges, aussi apte à l’arithmétique qu’à l’ascension des réverbères pour les éteindre ou y allumer un cigare, avait su capter le suffrage de la mère Billard, et il en récolta un la « Belle » et les écus. Petit, replet, blond et le visage rond comme une pleine lune, fine moustache et binocle aux branches d’or ; donc, irrésistible. Avec lui, la « petite » ne devait pas s’ennuyer. Son frère Ernest était gravement malade à l’époque. Sa sœur Geneviève avait épousé un bon gros type, ex-élève des Frères de la rue Large, Vasseur, ex-comptable et vendeur chez les Hourblin de la rue Legendre, fut intéressé à la filature Blondel, rue de l’Écu, anciennement Fassin. En 1914, il était associé avec Gabriel Lefèvre, qui avait exploité la filature des Venteaux, près Fismes, et la grande Guerre fit leur fortune.

Au couvent de la rue de Pouilly, 5, Marguerite Gérardi, 74 ans, mère du Dr Colanéri, médecin de l’Archevêché, et de Langénieux, vicaire-général à Omaha.

Louise Désirée Manchon, veuve Deneux, rue du Jard, 70, grand-mère de Henri Deneux.

Marcelin Dajeans-Teulière, 57 ans, marchand de parapluies sous les loges.

Le « père Nono », Pierre Clovis Noël, 67 ans, trieur, rue de Mars, 28. Il avait épousé une sœur du patriarche Denis Lantenois, à la barbe rousse. C’était un petit bonhomme râblé, aux yeux narquois, riant volontiers des travers des autres, lançant parfois des boutades pleines de bon sens, ou arrachant le morceau ; trieur à « l’arrache », qui, pour égarer l’œil et la critique du « repasseur », menuisait la laine en fragments, dans l’amas desquels le petit malin n’aurait su retirer la moindre pitance.

Stéphanie Marquet, 82 ans, veuve Jean-Baptiste Motte, laquelle décède chez son gendre Jacques Géry et son petit-fils Gustave Géry, dessinateur humoristique du « Rire » et autre feuilles satiriques.

À la suite de couches, Marthe Nouvion, 20 ans, rue Saint-Symphorien, 29, fille de Nouvion-Jacquet, sœur d’Edmond, épouse récente du sieur Eugène Dupont, avocat d’importation nouvelle, dont on ignorait tenants et aboutissants, et qui a fait son chemin parmi nous.

Édouard Deperthes, 65 ans, rue Savoye, 41. Architecte diocésain, et de l’Hôtel de Ville de Paris, veuf d’Eugénie Godard, puis époux d’Alix Anne Decourcelle. Les Mauroy-Deperthes, Deperthes-Vanny, Eugène Deperthes, lieutenant du Génie. Né à Houdilcourt (Ardennes) en 1833, élève de Narcisse Brunette. Inspecteur à Reims et Brest. A construit l’église catholique de Berne (1857-62) ; reconstruit la basilique Notre-Dame d’Auray (1865-76) ; l’église Saint-Martin à Brest ; avec Ballu, à Paris (1873-86). On lui doit le socle de la statue de Jean-Baptiste de La Salle à Rouen, par Falguière (1874-75) ; le Château-d’Eau à Rouen ; l’église paroissiale de Sené, près Vannes ; la restauration du prieuré de Saint-Urbain, à Binson (1876-84). Le Saint-Urbain du statuaire Rouzaud, l’Hospice Auban-Moët, à Épernay (1890-92), et le monument commémoratif à Pontivy, avec son fils Jules et Chavalliaud.

Charles Bourge-Druart, marchand d’articles de caves rue de Monsieur, 22.

À Villers-Allerand, Victorine Couten (des Moulins deVerdun), 32 ans, épouse Léon Ninet.

Lucienne Grand’Barbe, 11 ans, chez son père et son grand-père Hannier, des charbons.

Henri Arthur Walfard, 41 ans, époux de Blanche Truchon, boulevard Jamin, 42.

Bugg était né le 29 août 1853 et avait débuté dans l’imprimerie chez Lagarde. Sa mère était une Scribot ; son père instituteur villageois. Ernest alla à l’école chez le père Homo, passa à la Maîtrise de Notre-Dame et plus tard, après son stage à l’imprimerie, devint administrateur du « Courrier de la Champagne » et rédacteur en chef, à la mort de Charles Martin. Son comptable est Eugène Claude Ciret, 64 ans, rue du Jard, 29.

Ambroise Varlet-Lacuisse, 62 ans, ex-fabricant rue de Talleyrand, 4.

Arthur Scohyers, 56 ans, rue Savoye, 9, fils de Scohyers-Dorlodot des Essarts.

Ernest Louis Victor Walbaum, 45 ans, chez sa mère, rue Pluche, 24, lieutenant-colonel au 2e artillerie à Avranches.

Auguste Guinot était mort chez sa sœur Eugénie, rue de Cernay, 61. Sa cousine Léontine Guinot, Sœur Séraphine, est « économe » à la Congrégation ; il a une tante, Victoire Roland.

Émile Coze, qui avait cédé la direction de l’Usine à Gaz à son fils, en 1882, décède à Vauxbuin, près Soissons, à 72 ans. Il fut de ceux qui construisirent le chemin de fer de Beyrouth à Damas.

Georges Appert-Daisay, 37 ans, boulevard Jamin, 31. Deuxième fils du fabricant Appert-Tatat. Violoniste à la Philharmonique, il possédait un stradivarius authentique, du prix de 2.000 fr. Excellent camarade, sociable, foncièrement bon.

Le « père Major » (François Ernest), 84 ans, aux Petites-Sœurs des pauvres, alors rue de Bétheny, 84. Toute une génération de Rémois et de Rémoises avait pris des leçons de danse à son cours de la rue de Mars, et, si tous ceux qui lui durent l’agrément de ce savoir s’étaient cotisés, sa tombe eût été couverte de fleurs. Tant de zèle ne l’avait pas assuré du pain de ses vieux jours, puisqu’il termina en hospice ! L’abonnement mensuel était de 30 fr.

Jules Vigier, dit Fanfan, 54 ans, étameur, rue Pasteur, 27, après avoir été longtemps rue Neuve, et, un temps, rue de la Fleur-de-Lys, où le remplaça les Pierron.

Ismaélie Clotilde Debry, 14 ans, chez son aïeul Grégoire, directeur de la Maison de retraite.

Pierre Rose Laurent, veuf d’Ismérie Floquet, époux d’Élise Louise Potier, 85 ans, rue du Barbâtre, 21. Il avait été l’un des fondateurs des Établissements Économiques.

Marie-Louise David, 23 ans, épouse Lluhi, rue Brûlée, 50. Son mari, Espagnol, était graveur chez Maillet-Valser : on lui doit la gravure sur pierre à autographier des 2 cartes du mouton dans : « La Laine de France » (1907).

Noël Constant Pronier, 50 ans, qui tint jadis le « Café des Arcades ».

Ernest Jacquinet, ex-apprêteur, 61 ans, rue des Poissonniers, 30. A. Milon, receveur des rentes et de l’harmonie le 3ème canton, en 1935, y débuta comme apprenti.

Thomas Desson, 77 ans, maître maçon, rue des Capucins, 95. Collabora à la construction de la rue Petit-Roland. Grand et fort, le menton orné d’une barbe fluviale, il a été l’une des silhouettes des plus vivantes du monde évoqué dans : « Le Jard ».

À la Maison de retraite, l’aïeul des Grandremy de la laine et des tissus, Louis François, 87 ans.

Hermann Kohlbacher, 44 ans, rue Linguet, 8, fondé de pouvoirs des Mumm.

Gaston Détraigne, 42 ans, rue de Vesle, 56. Ex-enfant du Jard, où son père habitait au n° 28. Celui-ci, tête chaude quoique presque chauve, entourée de boucles soyeuses, rêveur et humanitaire convaincu, membre agité des comités républicains qui combattaient l’Empire, il fut toujours tenu à l’écart de la bonne assiette au beurre, en qualité d’homme sincère, qui eût « empêché les copains de danser en rond ».

L’abbé Martincourt, 62 ans, décède au presbytère de Saint-Maurice, rue du Barbâtre, 122, dont il était curé.

Au début de l’année, on avait enterré : Marie Catherine Lerat-Roger, 65 ans, rue du Chalet, 11 ; et Eugénie Ponsart, 37 ans, épouse du « barbouillat » Louis Coutier, place Suzanne, 3. Louis avait été élève du Jard au temps où ses parents habitaient rue Neuve, vis-à-vis l’Équerre, et même maison que celle ou demeurait le jardinier Moutier. Maigre, « jaunion », et affligé de strabisme, – vraiment pas beau ! –, il fut outrageusement cocufié. En 1882, il était tambour au Bal-Français, et aux Pompiers. Poor Lewis !

Mention spéciale en mémoire d’un brave garçon que de soi-disant déboires conjugaux, mais bien plutôt une neurasthénie invincible poussèrent au suicide, Amédée Godefroy, scribe chez le liquidateur Véron. On le retrouve, le 13 mai, mort de pendaison dans le bois de Berru, près La Sabotterie. Il fut inhumé le dimanche 15 au Cimetière de l’Est, à 43 ans. Ses meilleurs et fidèles amis : Albert Dubois, Achille Mignot et Eugène Dupont étaient présents. Il était en réalité affligé d’anémie cérébrale, par excès de travail. La levée du corps avait eu lieu à Witry-lès-Reims, et son cercueil partit au cimetière, au sortir de la demeure de son beau-frère, le cocher de fiacre Larrieu, rue de Vesle, 29. Pauvre et cher Amédée, ta mémoire est vénérée dans nos cœurs !