A - Présentation d'Eugène Dupont

l'auteur vu par Enguerrand Homps

Préface rédigée, en 1931, par Enguerrand Homps  (1884-1951), pour:

Le Jard

Eugène Dupont, qui, naguère, chanta les trieurs de laine, habiles à discerner la finesse des toisons, apporte, à juger les gens et les choses, un tact analogue au leur. Aussi, tous les lettrés accueillent avec joie les produits de sa plume féconde. Nous lui devons, en effet, outre une belle étude sur la laine de France, outre des écrits encore dispersés, des traductions de G.-H. Wells et de Gouverneur Morris, des biographies régionales, une pièce de théâtre représentée à Reims, et surtout les Échos et Visions du Passé et cette Vie Rémoise, œuvre capitale qui comporte actuellement, bien qu’inachevée, plusieurs tomes d’un texte dense.

Dense, mais non, certes, indigeste ! Alors que d’autres études, appliquées au même objet, auront nourri les souris et les mites, les Annales d’Eugène Dupont charmeront toujours nos arrière-neveux. Elles ne distillent point une liqueur soporifique, mais bien un breuvage du cru champenois prêt à casser les flacons.

Ces copieux bouquins, où, pourtant, selon le précepte de Verlaine, presque rien ne pèse, un statisticien professionnel les résumerait en vingt pages de chiffres, tableaux synoptiques et diagrammes, moyennant quoi les rares lecteurs non rebutés d’abord s'endormiraient avant d’en achever la moitié du quart, tandis que notre annaliste, plus alerte et juvénile que jamais, ne nous endort pas, lui ! Nous pouvons appliquer à ses livres le distique de Musset sur La Fontaine :

Ouvrez-le sur votre oreiller,

Vous verrez se lever l’aurore...

Suivons-le ; il connaît les tenants, les détours et les aboutissants ; il ne nous montrera pas seulement des places, des rues, des façades, car il possède les clefs des portes. Les plus lourds verrous, il les tire ; on ne rencontre demeure si bien close qu’il ne lise, au besoin, à travers les murs. Ses yeux aigus sondent les reins et les cœurs, transpercent les hypocrisies ; sa mémoire infaillible range en cases des documents par milliers. Tous ses compatriotes, depuis la cinquième génération, il va les faire comparaître, s’il lui plaît, avec leurs travers, leurs ridicules, leurs vertus aussi ; il va leur serrer la main, leur taper sur l’épaule, les appeler de leur surnom...

Nous écoutons notre cicérone, émerveillés par sa verve attendrie quelquefois, mais d’ordinaire un peu goguenarde ; par sa fantaisie caustique et légère ; émerveillés aussi par son respect scrupuleux pour la vérité ; le soin qu’il prend de puiser aux sources authentiques.

En outre, un sens exquis de la mesure garde Eugène Dupont, s’il élève le ton par hasard, de pousser la solennité jusqu’à la redondance et, d’autre part, en mainte occasion où s’escrime sa raillerie, le préserve de malice ou de trivialité.

Voici donc notre littérature locale enrichie d’un nouvel ouvrage fort agréablement présenté, abondant en illustrations, qui fait honneur à l’auteur et à l’éditeur.

Je n’entreprendrai pas de le résumer, de le déflorer. Eugène Dupont, enfant du Jard, a mis en ces pages, sans parler de son pétillant esprit, un peu de son cœur, discrètement. La pointe d’émotion qu’on y trouve en plusieurs passages touchera le Rémois avec l’accent d’une confidence.

Je me permettrai cependant une critique :

Un volume si considérable et composé avec tant de soin mériterait une meilleure préface. Celle qui fut écrite pour La Vie Rémoise ne mousse guère et ne casse rien. Elle ressemble à un gobelet de piquette assez fade, tandis que l’inimitable Eugène Dupont (a-t-il recherché le contraste, cet homme subtil ?) continue à nous verser du champagne de première cuvée.

Suivons-le ; il connaît les tenants, les détours et les aboutissants ; il ne nous montrera pas seulement des places, des rues, des façades, car il possède les clefs des portes. Les plus lourds verrous, il les tire ; on ne rencontre demeure si bien close qu’il ne lise, au besoin, à travers les murs. Ses yeux aigus sondent les reins et les cœurs, transpercent les hypocrisies ; sa mémoire infaillible range en cases des documents par milliers. Tous ses compatriotes, depuis la cinquième génération, il va les faire comparaître, s’il lui plaît, avec leurs travers, leurs ridicules, leurs vertus aussi ; il va leur serrer la main, leur taper sur l’épaule, les appeler de leur surnom... Nous écoutons notre cicérone, émerveillés par sa verve attendrie quelquefois, mais d’ordinaire un peu goguenarde ; par sa fantaisie caustique et légère ; émerveillés aussi par son respect scrupuleux pour la vérité ; le soin qu’il prend de puiser aux sources authentiques. En outre, un sens exquis de la mesure garde Eugène Dupont, s’il élève le ton par hasard, de pousser la solennité jusqu’à la redondance et, d’autre part, en mainte occasion où s’escrime sa raillerie, le préserve de malice ou de trivialité. Voici donc notre littérature locale enrichie d’un nouvel ouvrage fort agréablement présenté, abondant en illustrations, qui fait honneur à l’auteur et à l’éditeur. Je n’entreprendrai pas de le résumer, de le déflorer. Eugène Dupont, enfant du Jard, a mis en ces pages, sans parler de son pétillant esprit, un peu de son cœur, discrètement. La pointe d’émotion qu’on y trouve en plusieurs passages touchera le Rémois avec l’accent d’une confidence. Je me permettrai cependant une critique : Un volume si considérable et composé avec tant de soin mériterait une meilleure préface. Celle qui fut écrite pour La Vie Rémoise ne mousse guère et ne casse rien. Elle ressemble à un gobelet de piquette assez fade, tandis que l’inimitable Eugène Dupont (a-t-il recherché le contraste, cet homme subtil ?) continue à nous verser du champagne de première cuvée.

Enguerrand Homps.