Philippe à la Dernière Cène

Jean 13, 1-15 et Matthieu 26, 26-30





















Je suis Philippe, un des 12 apôtres, et je me souviens comme si c'était hier du dernier repas que nous avons pris avec Jésus, juste avant qu'il ne soit arrêté.

Repas de fête que celui de la Pâque. A plusieurs nous avions préparé la salle haute du Cénacle, qui nous avait été prêtée. La tension était grande. Les opposants à l'enseignement et aux actes de Jésus s'étaient ligués et, à plusieurs complots, il avait échappé de justesse.

Nous sommes arrivés en ordre dispersé, pour ne pas éveiller de soupçons. Tiens, me disais-je, il n'y a personne à l'entrée pour nous accueillir avec de l'eau fraîche pour nous laver visage, mains et pieds ?

Comme au début de chaque repas, Jésus prit le pain et le partagea. Mais, surprise ! En fractionnant le pain, il ajouta : « Ceci est mon corps, livré pour vous ». Tous, nous nous regardions, sans comprendre. Avec la présentation de la coupe de vin, là aussi, nouvelle surprise : « Ceci est mon sang, versé pour vous ». En silence, chacun but une gorgée. Il y avait plein de questions sur nos lèvres, mais personne n'osa prendre la parole.

L'atmosphère se détendit et nous devisions par petits groupes. Tout à coup, Jésus se leva, se mit en tenue de serviteur et s'agenouilla derrière chacun avec l'intention visible de lui laver les pieds. Silence et stupéfaction. Lorsque Jésus arriva chez Pierre, celui-ci, comme il en avait l'habitude, réagit violemment : « C'est toi le Maître, ce n'est pas ton rôle ! » Jésus lui répondit : « Pierre ! Toujours aussi impétueux ! Laisse-toi faire, tu comprendras plus tard ! » Il nous regarda les uns après les autres, et accepta le geste de Jésus.

Quel repas surprenant ! Après un petit aparté avec Jésus, Judas se leva et nous quitta, le regard fuyant. Vraiment, malgré tous nos efforts, l'ambiance était très étrange et totalement inattendue. Nous sentions bien que ce qui venait de se passer était crucial, solennel, et deviendrait mémorable, mais nous n'y comprenions rien.

Enfin, Jésus se leva, prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, annonçant qu'ils allaient prier au Jardin des Oliviers.

Nous restâmes sur place et, après un moment, je posai mes questions à tous : « Qu'est-ce que Jésus a voulu nous communiquer ? » « Livré pour vous, versé pour vous », ça veut dire quoi ? Pourquoi le lavement des pieds en plein milieu du repas ?

Nous sommes restés sur notre faim et sommes partis à la recherche de Jésus vers Getsémani.

Il nous a fallu une longue période de confinement, au Cénacle, où nous nous étions enfermés, l'expérience de la présence parmi nous de Jésus vivant et donc ressuscité et le don de l'Esprit Saint à la Pentecôte pour enfin comprendre.

Par les gestes ordinaires sur le pain et le vin, augmentés des paroles « livré » et « versé », il nous annonçait déjà sa mort, mais aussi par les « pour vous » il précisait que sa vie offerte nous donnerait vie.

Autre question éclaircie. Ce qu'on fait ou dit au milieu d'un repas est ce qu'il y a de plus important : « Le plus grand est celui qui se met au service des autres ».