Fille étrangère

Matthieu 15, 21-28

Voici comment la dame cananéenne dont il est question dans l’évangile a raconté à son mari, qui lui-même me l’a raconté, a vécu cette rencontre hors du commun avec le prophète Jésus.

"Cette année-là, notre fille n’était plus elle-même. C’était comme si quelqu’un d’autre avait pris les commandes de son esprit. Nous nous demandions d’où pouvait venir cette influence néfaste.

Cette même année, est venu en visite dans notre région un prophète dont on parlait beaucoup. Un certain Jésus, qui annonçait la venue du Royaume de Dieu. Nous n’y connaissions rien au dieu des Hébreux. Ce prophète avait aussi des dons de guérisseur, d’après la rumeur. Et si on essayait de le rencontrer ? Comment l’appellent-ils, ses compatriotes ? Ah oui, "Fils de David", du nom d’un de leurs ancêtres, qui fut leur roi !

Quand nous l’avons enfin trouvé, nous lui avons adressé notre demande : "Aie pitié, Seigneur, fils de David, notre fille est tourmentée." Nous nous sommes permis d’insister. Mais il avait comme une garde rapprochée, qui veillait bien à ne pas le laisser déranger. Nous avons encore insisté, et ils étaient prêts à intercéder pour nous.

Comme nous l’avions redouté, une fois devant ce Seigneur, ce ne fut pas aussi simple. Il nous a d’abord parlé de "brebis perdues". C’est vrai, comme parents, nous étions un peu perdus, devant les troubles de notre fille. Qu’il nous compare à des brebis ? Pourquoi pas ! Mais il nous a quasi renvoyé en nous faisant remarquer que nous étions des étrangers. Alors que c’était lui-même l’étranger, venu se reposer sur la côte, chez nous.

Nous avons encore plaidé notre cause, en appelant "au secours". C’est alors qu’il nous a parlé "d’enfants et de petits chiens" ! "Prendre le pain des enfants," disait-il. Nous ne voulions rien prendre du tout. Nous nous serions contenté des "quelques miettes tombées de la table", nous n’en demandions pas plus ! Seulement la guérison de notre fille. Mais cela, nous le voulions par-dessus tout !

Il a dû se passer quelque chose en lui, le Seigneur, le fils de David. Il s’est laissé attendrir. Même plus, il a dû comprendre que son Royaume pouvait nous accueillir, nous aussi, étrangers à toute leur histoire. Vous savez ce qu’il nous a dit : "Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux !"

Ce furent les surprises de notre vie. Qu’un maître spirituel comme lui nous affirme que "notre foi est grande". Foi en quoi ou en qui ? Il ne l’a pas précisé. Notre espérance a été rencontrée. Notre amour pour notre fille reconnu. Notre confiance en lui aussi. Voilà sans doute ce qu’il a appelé "votre foi". Autre surprise : "que tout se passe comme tu le veux !" C’est notre volonté qui a été satisfaite. C’est nous qui avons eu gain de cause. Quelle rencontre providentielle ! Pour lui, pour nous et pour notre fille."