Ouvrier de la 9e heure

Matthieu 20, 1-16

Aujourd'hui, je pourrai rapporter à la maison de quoi nourrir ma famille demain ! Inespéré !

Car ce matin, je n'ai pas pu être devant le domaine viticole à temps pour les premières embauches. Six heures du matin, c'est tôt pour moi qui n'habite pas à côté. Dès mon lever, j'ai tenu à aider au ménage ; puis un voisin est venu demander un service. Peut-être le maître sortirait-il encore au cours de la journée pour embaucher des ouvriers, me suis-je dit. Devant le domaine, beaucoup attendaient et espéraient malgré tout. J'ai pu être embauché à la neuvième heure, au milieu de l'après-midi. Je n'osais pas demander quel serait mon salaire. " C'est un homme juste ! ", m'a dit un de ceux embauchés avec moi.

Les trois dernières sont les heures les plus dures, car le soleil est alors très généreux. J'ai mis les bouchées doubles, voyant la fatigue de ceux qui trimaient depuis le matin. Vint enfin le soir et la remise des salaires.

Et voilà l'intendant, qui, sous le regard du maître, distribue les deniers.

Tout d'abord sont venus les derniers, ceux qui n'ont travaillé qu'une heure. Promesse tenue : un denier pour chacun. Moi aussi, pour trois heures de travail, j'ai reçu un denier. Et ainsi de suite. Que recevront ceux qui ont sué pendant toute la journée ? Un denier chacun, comme convenu à l'embauche. Drôle de justice ! Je ne m'en plains pas, bien sûr. Vous devinez la réaction des premiers recrutés.

Dessin de J F Kieffer,

colorisé par Jacques

Aujourd'hui, j'ai compris la justice de ce maître. Son idée est bien différente de celle que j'avais ce matin. Ce ne sont pas les " mérites ", les heures prestées, la peine endurée qui lui servent de critère.

La preuve ? A chaque ouvrier il a promis un denier, peu importe l'heure à laquelle il a été embauché !

Ce sont les besoins de chacun qu'il veut satisfaire.

A manger pour le lendemain.

Le pain quotidien, quoi !

Demain, à nouveau, il embauchera. Et ainsi de suite, je l'espère.

" Je suis bon envers tous", a-t-il dit aux rouspéteurs jaloux.

" Vous devriez vous réjouir.

Peut-être demain ne serez-vous embauchés que tard dans la journée ".

Comme il est heureux d'avoir un maître pareil. C'est peut-être comme cela, le royaume des Cieux.

Il y a place pour tous et chacun peut y vivre bien.