Bon larron

Luc 23, 35-43

Je n'ai pas eu de chance dans ma vie. Je suis devenu un malfaiteur. Certains me qualifient de larron. Cela ne change rien. Et me voilà condamné à la "crucifixion". Heureusement, si je peux parler ainsi, je ne suis pas seul. Nous sommes trois sur le Mont Golgotha. L'autre malfaiteur, je le connais. Il ne vaut pas mieux que moi. Nous avons fait plusieurs coups ensemble.

Le troisième n'est pas comme nous. C'est un homme très doux. Il respire la bonté. Comment se fait-il qu'il soit crucifié entre nous deux ? A quoi peut-il bien avoir été condamné ?

Comme d'habitude, nous sommes donnés en spectacle. Voyez tout ce "peuple, qui reste là à regarder", passivement. Certains d'entre eux crient même. Que disent-ils ? "Il en a sauvé d'autres, qu'il se sauve lui-même !" C'est ridicule, il est impossible qu'il se sauve. Les clous ont été bien plantés dans le bois de la croix. "Il est le Messie de Dieu !", disent d'autres. Incroyable ! Ce jeune homme, sur la croix à côté de moi, serait un envoyé de Dieu ? Quoi encore ? "Il est le roi des Juifs". Pour qu'un roi finisse comme ça, ou bien c'est un imposteur, ou alors il pousse le service de ses sujets vraiment très loin. Est-ce qu'une fois dans ma vie j'aurais de la chance ?

"N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même et nous avec !" Il s'y met, lui aussi, du haut de sa croix. Vous avez entendu sur quel ton il s'est adressé à mon voisin de roi ? On dirait un chien qui aboie. Et intéressé avec ça ! Il n'a jamais pensé qu'à lui ! Il va m'entendre. "Tu n'as donc aucune crainte de Dieu ? Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c'est juste… Mais lui, il n'a rien fait de mal."

Qu'est-ce qui m'arrive ? Serais-je en train de vouloir passer dans l'autre camp ? Il est trop tard. Tout le mal que j'ai fait pèse sur mes épaules. Je ne peux pas revenir en arrière. C'est la première fois que je sens monter en moi des sentiments nouveaux : le regret de tous mes méfaits, la compassion pour cet innocent à côté de moi, le respect pour son attitude digne et pacifique. Il souffre comme nous, physiquement. Mais il y a en lui un mystère : d'une part il m'apparaît très fragile et en même temps se dégage de lui une force profonde, une espérance qui grandit. Que ne l'ai-je rencontré plus tôt !

Si je ne lui parle pas maintenant, il sera trop tard. Va-t-il m'écouter, me comprendre ? Le regard qu'il a posé sur chacun de nous dès qu'il nous a vus me laisse un espoir. "Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne." Je ne sais pas bien ce que j'ai dit, c'est venu tout seul.

Je me souviens maintenant qu'il y a un an, j'avais déjà entendu parler de Jésus. "On peut tout lui demander", m'avait dit quelqu'un. Moi, je n'avais évidemment rien à demander à personne. Je me servais, c'est tout. C'est la première fois de ma vie, là sur la croix, que j'ai adressé à quelqu'un une demande. Et pas à n'importe qui !

Et sa réponse : "Aujourd'hui, avec moi, tu seras au Paradis." A peine a-t-il dit cette parole qu'elle s'est réalisée. Moi, malfaiteur, le premier à accompagner Jésus au Paradis ! C'est d'ailleurs pour cela que je peux vous en parler aujourd'hui.

Jésus est vraiment le Christ-Roi !