Mages

Matthieu 2, 1-12




Oeuvre de Ciro (Roberto Cipolone)

Dessin de J F Kieffer,

colorisé par Jacques



"Tu l'as dit, étrange et merveilleuse rencontre, dit Balthasar ! J'ai bien fait de déposer la myrrhe que j'avais apportée. En attendant qu'ils aient des gens à embaumer, ils pourront l'utiliser pour guérir tous les malades qui vont accourir sous peu. Tant de personnes sont sur de mauvais chemins, suivent des idoles trompeuses. Si Dieu lui-même vient habiter la terre, il en aura du travail !"

Étaient-ils trois, étaient-ils rois, les mages de l'Épiphanie ? Le texte de Matthieu ne le dit pas. Les traditions, se basant probablement sur les trois cadeaux mentionnés, "l'or, l'encens et la myrrhe", et sur la richesse de ceux-ci, ont dénombré ces mages, les ont traités de rois et leur ont même donné à chacun un nom et une couleur. Nous pouvons donc laisser travailler notre imagination.

J'ai un jour pensé qu'il y avait peut-être, du même voyage, un quatrième mage. Je vous raconte…

"Imaginez notre joie, après un si long et si hasardeux voyage, d'aboutir à la découverte qui avait motivé notre mise en route. Joie mêlée d'étonnements multiples.

Tout d'abord l'absence totale d'informations. Personne dans ce pays ne semblait au courant de la nouvelle. Aucun ne pouvait (ou peut-être ne voulait) nous guider. Heureusement, ils avaient un bon roi, Hérode qu'il s'appelait. C'est lui-même qui nous a "convoqués (pourquoi en secret ?)", pour écouter notre histoire. Lui aussi était mal renseigné, alors il nous a "demandé de l'avertir quand nous aurions trouvé". Étrange, non ?

En fait, nous ne savions pas nous-mêmes ce que nous cherchions. Jusqu'à présent, nous avions suivi notre bonne étoile. C'est elle encore qui, au sortir du palais du roi, nous guida. Pour nous amener "devant une maison." Enfin, nous allions savoir pour qui nous nous étions déplacés, quelle impression nous aurions devant "le roi des Juifs qui venait de naître".

Ce fut pour moi, et pour mes amis mages, une "très grande joie". Grandiose et toute simple à la fois. Un nouveau-né et ses parents, dans un environnement très dépouillé. Alors que nous, avec nos bagages et nos cadeaux, nous étions bien encombrés. "Nous sommes tombés à genoux !" Melchior a donné son or, cadeau royal, prémonitoire de la destinée de cet enfant. Gaspar a allumé son encens, pour remercier Dieu et répandre une agréable odeur. Balthasar a présenté sa myrrhe, pour parfumer l'enfant. Et moi, me demanderez-vous, qu'ai-je offert ? Mes mains, pour tenir l'enfant durant l'accueil des dons par les parents. Vous imaginez ma joie ?

Ah, nous avons bien dormi la nuit suivante, non seulement à cause de la fatigue du voyage, mais aussi des émotions vécues. Au matin, nous avions tous fait le même "songe" : "il ne fallait pas retourner chez Hérode". Nous nous sommes demandé pourquoi. C'est alors que nous avons deviné la jalousie qui habitait ce roi, si peu au courant de la vie de ses sujets. Et nous avons "pris un autre chemin" pour le retour.

A l'arrivée, chacun a rejoint les siens, mais notre vie avait changé ! J'avais fait la rencontre de ma vie ! Celle qui a tout orienté ! J'avais rencontré deux rois. L'un orgueilleux et intrigant. L'autre, fragile et accueillant, promesse de croissance et d'amitié, messager de paix et d'unité. Oui, c'était bien lui, l'envoyé de Dieu, le messager de l'Amour. Voilà, je vous ai à peu près tout dit !"

"Ils repartirent par un autre chemin". Ce n'était pas leur choix ! Mais ces mages étaient des sages. Ils savaient donc qu'ils ne savaient pas tout ! D'ailleurs, c'est pour cela qu'ils étaient partis : pour en savoir plus, pour découvrir, pour tenter de combler le vide de leur existence. S'étant laissé guider, pour venir, par l'étoile nouvellement apparue, ils se fient maintenant à "l'ange du Seigneur", celui qui communique à travers les songes.

"Je n'en reviens pas encore, dit Melchior, j'ai donné mon or à cet enfant ! De l'or, c'est un cadeau pour un roi ! Et ses parents n'ont pas réagi ! Oui, ils ont dit merci, un peu gênés. Ont-ils compris mon geste ? Je ne le regrette pas, car pour moi le vrai roi n'est pas un tout-puissant, mais celui qui est capable d'attirer à lui tous ses sujets. Son Royaume englobera le ciel et la terre. Sa loi sera celle des Béatitudes, celle de la fragilité et de la pauvreté au pouvoir !"

"Bien parlé, dit Gaspar, je ne regrette pas non plus mon cadeau. J'ai bien veillé à ne pas mettre le feu à toute cette paille en répandant mon encens. J'ai vu là bien plus que sur tous les autels où l'on a encensé toutes sortes de divinités ! Oui, cette famille est la plus sainte que j'ai jamais vue ! C'est vraiment Dieu venu sur terre qu'ils ont accueilli. Mais, c'est quand même bizarre que dans le pays même, peu de gens sont au courant !"