Les fromages au lait cru constituent un écosystème complexe, où coexistent flore bénéfique et agents indésirables. En l'absence de barrière thermique (comme la pasteurisation), l'élimination des bactéries pathogènes repose exclusivement sur l’hygiène, le contrôle de la chaîne du froid et les qualités antimicrobiennes naturelles de certains ferments. Toutefois, plusieurs micro-organismes pathogènes parviennent encore à se maintenir :
Listeria monocytogenes
Au-delà de sa capacité à se multiplier à basse température, Listeria monocytogenes présente un tropisme particulier pour les tissus nerveux et le placenta, ce qui explique sa gravité chez les femmes enceintes et les sujets immunodéprimés.
Les cas de listériose d'origine fromagère sont régulièrement documentés dans les bulletins épidémiologiques européens, avec une létalité estimée à 20-30 % chez les patients à risque.
De plus, la bactérie peut résister aux environnements salés et acides, ce qui complique sa maîtrise dans les produits affinés.
Salmonella spp.
Bien que souvent associée aux viandes ou aux œufs, la salmonelle peut aussi coloniser les élevages laitiers.
Des contaminations croisées lors de la traite ou de l’affinage sur des planches de bois insuffisamment nettoyées ont été documentées.
Les souches responsables peuvent appartenir à divers sérotypes (Typhimurium, Enteritidis…), dont certains sont multirésistants aux antibiotiques, rendant les traitements plus difficiles en cas d'infection.
Escherichia coli entérohémorragique (EHEC)
Contrairement à la flore intestinale inoffensive d’E. coli, certaines souches pathogènes produisent des vérotoxines (Shiga toxines) responsables de lésions vasculaires systémiques.
Une contamination initiale, même faible, peut suffire à provoquer une maladie grave, car la dose infectieuse est extrêmement basse (quelques dizaines de bactéries).
Le lien épidémiologique entre fromages au lait cru et SHU (Syndrome hémolytique et urémique) a été établi dans plusieurs cas d’épidémies, notamment en France et au Canada.
Brucella spp.
Bien que contrôlée dans de nombreux pays via la vaccination animale, Brucella melitensis reste endémique dans certaines régions méditerranéennes, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
L’importation ou la consommation de produits artisanaux non contrôlés (par exemple sur les marchés transfrontaliers) peut exposer à des risques de brucellose.
Cette maladie présente une évolution insidieuse, souvent mal diagnostiquée, avec des rechutes fréquentes si le traitement n’est pas prolongé.
Autres agents potentiels
Il ne faut pas négliger non plus la possibilité de contamination par des virus (comme le norovirus) ou des parasites (Cryptosporidium), bien que ces cas soient plus rares et souvent liés à des défauts d’hygiène dans la chaîne de production.