Le psychiatre, le politique et les normes

Vers la fin du siècle dernier, un volume collectif avait été projeté, sous la direction du Professeur Édouard Zarifian, sur le thème "Psychiatrie et régulation sociale". L'approche "philosophique" m'ayant été confiée, j'avais rédigé un texte que je retrouve aujourd'hui. Déjà, à l'époque, il était à amender, voire à reconstruire en fonction des autres contributions. Bien des choses, sinon toutes, ont changé depuis lors. C'est donc comme document historique que je le mets en ligne tel quel.



Les spécialistes de géopolitique usent d'une distinction conceptuelle fort simple, mais qui gagnerait à être méditée et étendue : la distinction entre "frontière territoriale" et "frontière de sécurité". Du temps, par exemple, du Rideau de Fer, on considérait que, si la frontière territoriale de la France se trouvait à Strasbourg, sa frontière de sécurité se trouvait plus à l'Est, vers la Thuringe, "à deux étapes du Tour de France", selon la formule fameuse du Général de Gaulle.

Cette vision réaliste conseille de ne pas attendre d'être frappé pour réagir : chaque pays peut légitimement considérer ses alentours immédiats comme une "dimension cachée", une officieuse zone-tampon à partir de laquelle ses intérêts vitaux sont suffisamment menacés pour justifier une action qui ne serait anticipée qu'en apparence. Mieux vaut ne pas attendre d'être mort pour se défendre.

Quel rapport, dira-t-on, avec la psychiatrie dans ses rapports avec la norme sociale ? Il semble que la transposition se fait sans peine. Depuis plusieurs décennies, la société tend à donner à l'individu une latitude de plus en plus grande ; justice et police se font plus discrètes, par respect pour les libertés individuelles. Un démocrate ne peut que s'en réjouir. Nombre de comportements naguère étiquetés comme déviants, qu'ils fussent sanctionnés par la loi ou par la simple réprobation sociale, sont progressivement acceptés en fonction d'un idéal implicite ou explicite de société ouverte. La société intervient peu, impose de moins en moins de normes. Chacun agit à sa guise, selon son humeur, pour autant que celle-ci ne lèse pas autrui.

Ou, du moins, ne le lèse pas gravement. Car, parallèlement, le "petit délit" tend à bénéficier d'une impunité de fait. Ainsi s'institue une sorte de zone "grise" où la loi demeure lettre morte. La nature humaine, comme l'autre, ayant horreur du vide, l'individu ne manque pas de profiter de cette indulgence à l'égard de ce que l'on pourrait appeler les "micro-déviances". On est prié de fermer les yeux. Ainsi passe-t-on, insensiblement, de l'acceptation de petits travers qui ne concernent, après tout, que l'intéressé, à une noble longanimité qui admet de bénins outrages. Puis, de moins bénins.

Cette réticence à sanctionner, à intervenir, part certes du meilleurs des sentiments. Il est plus beau d'encourager que de blâmer, d'espérer que de renoncer. En outre, il est dans l'air du temps que la sanction est chose du passé, alors que l'indulgence prouve une foi en l'homme qui ennoblit celui qui en fait preuve et encourage (en principe) celui qui en bénéficie. On s'insère ainsi dans un optimisme implicite : à l'obscurantisme doit se substituer un humanisme. Le pardon des offenses le plus sûr moyen de rééduquer le malfaiteur. Le bien engendre le bien, le pardon engendre la bonté, de même que, symétriquement, la punition avait pour seul effet certain d'endurcir le criminel et de faire bourgeonner le mal. Ce n'est pas parce que l'homme est méchant qu'il doit être puni. C'est parce qu'il est puni qu'il est devenu méchant. Qu'on cesse de le punir, et il reviendra de lui-même à sa bonté première. On reconnaît ici l'optimisme d'un Rousseau, celui d'un Fourier, et celui de toutes les théories anarchistes - ce dernier terme ne comportant nul jugement de valeur. C'est ainsi que se comporte l'évêque face à Jean Valjean qui vient de lui voler ses chandeliers. Cette attitude est de bonté : bonté de celui qui pardonne ; bonté qui se reconstitue, en écho, chez celui qui est pardonné.

Mais cette "bonté" peut aussi constituer le noble masque d'une commodité, d'une indolence, d'une incurie, voire d'une complaisance. Platon déjà, dans sa République, ironisait sur ces pères qui n'osaient blâmer leurs fils, sur ces maîtres qui n'osaient réprimander leurs élèves, de crainte de passer pour des vieillards moroses, des père-la-pudeur, des puritains d'un autre âge. Qui punit le méchant, en effet, présente toutes les apparences de la méchanceté. Et l'âme qui bénit, au contraire, disent les Psaumes, se bénit elle-même.

Ne pas punir, ne pas intervenir, ne pas reprocher, ne pas même faire remarquer, passe pour un signe de largeur de vues, d'une ouverture d'esprit, qui ne peuvent guère, vues de l'autre bord, ne pas être interprétées comme faiblesse, voire comme tacite approbation - si ce n'est comme une sorte d'invitation. Il est loisible à chacun d'agir en conformité avec sa nature, ses désirs, son idiosyncrasie. Un spinoziste dirait, selon son conatus personnel et nécessaire ; et ce libéralisme extrême verserait, comme de juste, dans un étrange totalitarisme de l'individualité.

On pourrait classer somairement les société selon le rôle qu'elles assignent à leurs normes.

1. totalitarisme : tout est interdit, y compris ce qui est autorisé.

2. autoritarisme : tout ce qui n'est pas autorisé est interdit

3. libéralisme : tout ce qui n'est pas interdit est autorisé

4. libéralisme extrême : tout ce qui est interdit n'est pas interdit

Dans ce libéralisme extrême, tout ce qui n'est pas absolument interdit est non seulement toléré, mais autorisé, voire loué comme expression de l'individu dans sa singularité. C'est donc sans prévenir que la limite sera franchie entre la déviance bénigne (ou le délit dit "mineur") et le crime absolument répréhensible.

La société tend à renoncer, du point de vue de ses normes, à l'idée d'une "frontière de sécurité". Seule demeure la "frontière territoriale", faute de cette catégorie intermédiaire que l'on pourrait baptiser "frontière de réprobation". La société, afin de ne pas paraître répressive, se refuse à être normative, et on peut dévier en toute impunité d'une norme de "bon comportement" qui demeure très théorique. L'idéal du bon père, bon époux, bon citoyen, qui porte une cravate, se découvre devant les convois funéraires, et ne fume pas là où c'est interdit, cet idéal un peu désuet fait sourire, et sent la salle de classe de la Troisième République. En ce temps-là, il ne suffisait pas de ne pas être déviant, il ne fallait l'être jamais en rien. La plus petite infraction, la moindre peccadille, même simplement envisagée, devait terroriser son homme et faire surgir à son esprit des idées de cachot et de guillotine. Qui volait un œuf volait un bœuf. Tout Pagnol est parsemé de ces terreurs de l'enfer laïque : une vétille vaut la réprobation, la mise au ban du corps social. Il y avait un "surmoi social" - un gendarme interne, dira-t-on.

Cet idéal de l'homme hyper-normal, hyper-normé est défunt ; c'est un souvenir de la société close. Aujourd'hui, la société tend à ne réagir et à sécréter de la normativité que lorsque la déviance a d'ores et déjà produit ses effets les plus graves. On néglige - c'est commode - les déviances mineures en les mettant sur le compte du ludique : il faut bien que jeunesse se passe ... il faut bien que les gens s'amusent ... on ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen ... certes, ce n'est pas bien, mais enfin il n'y a pas mort d'homme ... les assurances rembourseront ... voyez ses antécédents ... il faut lui laisser sa chance, etc.

Tout ceci est très moral. Mais, du moral au social, il y a peut-être une distance, et il n'est pas absolument sûr que l'on fasse une bonne société avec de bons sentiments. Car, agissant (ou non-agissant) ainsi, on ne se prémunit nullement contre les possibles, les probables dérives de ce comportement ludique qui, lorsqu'il en restait à de modestes proportions, n'était peut-être pas sans charme. Fumer sous la pancarte d'interdiction relève d'un bien modeste érotisme de la transgression. Marcher sur la pelouse interdite... Traverser hors des clous... Cet érotisme de la transgression fait de chacun un Georges Bataille à peu de frais ; un récalcitrant à la Georges Brassens ; il s'agit, pour reprendre le mot de Kundera, d'un 'kitsch' de la transgression, qui fournit un brevet d'audace pour pas cher. Toutefois ces infractions anodines qui se disent ludiques peuvent prendre des teintes plus sombres. Le Minitel rose, par exemple, se revêt parfois de cuir noir - entre adultes consentants bien sûr. Ainsi a-t-on pu voir fleurir des affiches disant, non point "Tape 3615", mais "3615 Tape". La société, débonnaire, continue de laisser les adultes consentants s'auto-réguler (ou s'entre-stranguler), tant que n'est pas franchie la ligne rouge.

En revanche, lorsque la société se donne enfin le droit d'intervenir, c'est qu'elle en a la le plus impérieux devoir : il ne s'agit plus de simple déviance sociale, de manquement pardonnable aux convenances, mais bien de crime. L'ennemi a franchi la frontière, et l'intégrité du corps social est déjà ébréchée. On crie au feu quand l'incendie est déclaré.

Chacun sait l'histoire, citée par Freud, de ce paysan dont le cheval était si sobre qu'il lui diminuait quotidiennement ses rations jusqu'au jour où, on ne sait pourquoi, le cheval est mort... On voit de même, dans les petites gares, une ligne peinte sur le quai, assez loin de la voie, en deçà de laquelle on doit (on devrait) se tenir quand passe un rapide. Chacun sait bien qu'il n'y aurait nul danger à la dépasser de dix centimètres, ou de dix de plus, ou de dix de plus... Le préposé qui viendrait réprimander celui qui s'est trop avancé de dix centimètres apparaîtrait comme un triste névropathe. A fortiori, le simple citoyen qui oserait en faire la remarque à son libre voisin serait un psychorigide immédiatement flétri d'une unanime réprobation...

La méthode de l'avertissement sans frais est donc totalement abandonnée. Nul "filtrage" normatif préalable n'a été opéré. Et, curieuse chose, on voit se multiplier alors des cas de déviance que l'on qualifie d'incompréhensibles, d'inattendus, d'inexplicables. Le crime monstrueux surgit tout à coup dans le champ visuel médiatique, comme s'il procédait du néant. Monstrueux, il l'est. Surprenant, il l'est moins. Les journaux font leur "une" de ces horribles faits divers pour lesquels ils manquent de superlatifs. On recourt, faute de mieux, à des redondances pour exprimer l'inexprimable, pour qualifier l'inqualifiable : "l'épouvantable tragédie, incompréhensible et absurde, le crime odieux, la scandaleuse barbarie" etc. Les crimes sexuels sur des enfants sont l'occasion la plus évidente de cette saturation verbale.

Cette vindicte de la vox populi peut se résumer ainsi : de tels actes ne peuvent avoir été commis par des êtres "normaux". Et voilà tout à coup l'exigence de norme qui réapparaît en pleine force, suscitée par l'aveuglante évidence de ce que la norme a été gravement violée. La norme sociale ne réapparaît plus que par l'anormal, en négatif, en contretype, par les crimes "insensés". Le monstre rappelle à la norme, et l'insensé au sens. Seul le crime constitue ce "rappel à l'ordre" que nul pouvoir politique ou social n'ose plus assumer. Comme si tout le silence (l'omertá) fait sur les petites déviances s'était secrètement accumulé, et explosait soudain en un hurlement de tragédie.

On a fait fi de ce que les sociologues appellent la "théorie du carreau cassé" : l'impunité pour une vétille expose, de façon quasi mécanique, à l'ascension dans le degré de délinquance. On s'est refusé à contrôler, et on se retrouve face à l'incontrôlable absolu.

C'est quand les choses en sont là que le psychiatre est appelé en urgence, soit par les media, soit par l'institution judiciaire. Il n'est guère étonnant qu'il soit embarrassé. Mais il doit pouvoir se déculpabiliser en songeant que c'est, avant tout, la société elle-même qui ne sait ce qu'elle veut, qui joue sur les équivocités de la notion de norme et qui, lorsque la situation est inextricable, se défausse sur lui d'un problème à propos duquel, dès le début, elle s'est voilé la face ; un problème dont elle a laissé se mettre en place tous les ingrédients, et se serrer peu à peu tous les nœuds.

En un sens (je dis bien "en un sens"), la société normative, paternaliste, voire répressive de naguère, plaçait le psychiatre dans une situation difficile, mais qui présentait au moins la vertu de netteté : on exigeait de ce spécialiste une normalisation en fonction d'une norme bien claire, faisant de lui, non parfois sans quelque brutalité, un auxiliaire de police, un protecteur de la vie sociale paisible. La psychiatrie était annexée par une société sûre d'elle-même, exigeant la Loi et l'Ordre. Elle pouvait plier ou se rebiffer : au moins la situation était-elle claire. Pour le psychiatre comme pour tout citoyen, il y avait alternative entre obéir et désobéir, entre consentir et se cabrer.

Ensuite,, c'est le psychiatre qui se trouve en situation intenable, enjoint qu'il est de ramener le déviant à une norme que nul n'ose plus définir. C'est le psychiatre qui est en position de subir un double-bind particulièrement pervers, que l'on pourrait rendre par une brève et absurde prosopopée :

La Société : - Cet homme est anormal, il en a donné de terribles preuves. Ramenez-le à la norme.

Le Psychiatre : - Quelle norme ?

La Société : - Je ne sais pas, et je ne veux surtout pas le savoir, car je ne suis pas normative. C'est votre affaire. En tout cas, qu'il ne recommence pas.

Le psychiatre hésite. Toute œuvre humaine, en effet, disait le vieil Aristote, qu'elle soit artisanale, artistique ou autre, est faite en considération du but à atteindre. C'est en fonction de cette fin que l'on peut organiser des moyens qui y tendent. Faute de cette idée de la fin, faute de cet idéal, de cette norme, on ne peut rien faire. L'allemand dispose d'un beau mot pour signifier "lucide" : "zielbewußt" (conscient du but). Il faut savoir où l'on va, savoir ce qu'on veut.

Or - cette distinction n'est pas du tout abstraite, mais tout à fait essentielle, elle touche à l'essence du problème - quand la société dit au psychiatre : "Qu'il ne recommence pas ! ", bien loin d'énoncer une norme, elle exige une garantie, ce qui est d'un tout autre ordre. La médecine (et a fortiori, la médecine des âmes) n'est pas une science, mais un art à l'égard duquel on peut avoir une exigence de moyens, mais certainement pas une exigence de résultats. Un contrat tacite et absurde est donc passé, qui demande l'impossible : une garantie dans un domaine où rien n'est jamais garanti. Bien fou sur l'avenir ma foi qui se fiera ; tel qui rit vendredi dimanche pleurera. Même les moins cyclothymiques, les moins dostoïevskiens d'entre nous ne sont pas garantis contre tout raptus. La parfaite et définitive équanimité ("égalité d'âme") est depuis bien longtemps l'Arlésienne de la philosophie. La société demande une chose toute simple et toute impossible : une thérapie garantissant, précisément pour les pathologies les plus lourdes, la récidive zéro. Mais, ce faisant, elle se construit du psychiatre une image parfaitement ad hoc qui lui permette de se dédouaner de ses responsabilités. Pour la société, il est très nécessaire que le psychiatre soit "supposé savoir." Cela seul permet d'ignorer, et de se laver les mains.

Tout ce que peut le psychiatre, c'est présumer d'une probabilité de non-récidive. Mais, la société étant ce qu'elle est (c'est-à-dire ne voulant connaître qu'une seule frontière) jusqu'à quel point d'intégration faudra-t-il ramener le déviant pour que sa non-dangerosité soit garantie ? À quelle distance de la frontière faut-il le placer, dans cet espace social qui présente, on l'a vu, une légère pente, une déclivité qui peut, si on se laisse simplement aller, faire rouler insensiblement jusqu'à la ligne fatale ? En toute logique, puisque le déviant est très dangereux, il faudrait proportionnellement le normaliser à outrance, pour écarter les risques. Étrange perspective.

Pour une pensée binaire, il y a crime ou non-crime. Les notions mêmes de potentialité, de virtualité (a fortiori de degrés de virtualité) sont exclues. L'ennemi peut être tout bonnement reconduit à la frontière : il est alors dans la norme ou, plutôt, il n'est pas "hors-norme", ce qui est sensiblement différent. En ce cas, la précaution est minimale... et la garantie de non-récidive l'est aussi.

La société est lisse, exempte, si l'ose ainsi dire, de tout "garde-fou" : le psychiatre est donc abandonné à lui-même face à une société obstinément muette quant à ses valeurs.

Au temps de nos ancêtres, on savait le moyen le plus simple pour empêcher la récidive : on tuait son homme. Les mœurs évoluant, on l'empêcha de recommencer en l'enfermant dans une prison. Puis dans un asile. Puis dans une camisole chimique. Les différences sont sensibles, mais, au fond, le principe est le même : on se garantit contre le fait de la récidive par le fait de l'irrépétabilité matérielle. Rustique, inhumain, mais efficace car cohérent : on empêche le fait par le fait, en excluant définitivement du tissu social.

Mais le nœud gordien de notre époque réside dans la superposition de deux effets discordants du souci des libertés individuelles.

D'une part, on considère que le fou criminel est victime de sa folie, et ne peut être condamné par principe à une exclusion irrémédiable. Il doit, autant qu'on peut, être soigné, guéri, rééduqué, et harmonieusement réinséré (il est préférable que le contribuable, victime potentielle, ne sache pas trop le coût de cette compassion).

Mais, d'autre part, on confie aux soins du psychiatre une proportion croissante de pathologies lourdes qui ont trouvé dans les libertés individuelles un terreau où s'enraciner assez solidement. Car il s'agit là, presque toujours, de délinquants qui ont déjà une longue habitude de l'autothérapie par la déviance, autothérapie sauvage que la société ne les a pas dissuadés d'adopter. Ce n'est pas souvent par pur accident que la première vitre a été brisée. Outre l'accès que le geste permettait à quelque objet convoité, il est bien possible que ce geste serve, "quelque part", à se défendre de quelque affect mal géré, de quelque conflit mal digéré. L'agression gratuite n'est telle qu'en apparence ; elle ne saurait être sans bénéfices, fussent-ils très obscurs, pour l'agresseur. On remarque d'ailleurs souvent que les conduites d'agression sont souvent, en même temps, d'auto-agression, voire d'auto-mutilation. Alors qu'on pourrait user d'un marteau, on brise la vitre d'un coup de poing, et on saigne ; par de grands excès de vitesse dangereux pour autrui, on met sa propre vie en danger, et on en vibre. L'autothérapie spontanée par la déviance, traitement inefficace car immédiat, se caractérise par la constante augmentation des doses. La toxicomanie peut alors être envisagée elle aussi comme autothérapie, avec les effets d'interférence ou de gémellité entre ces déviances destructrices et autodestructrices.

Le terrain étant depuis longtemps miné, les racines du mal poussant fort loin, le psychiatre peut être tenté de reprendre, en les adaptant, les anciennes méthodes, et d'assommer chimiquement le problème psychopathologique pour résoudre sans peine celui de la récidive. Cela, paraît-il, ne se fait plus. Mais, à l'inverse, plus on amincit la laisse chimique, plus on encourt le risque de la récidive.

La société ne fournissant nulle pitance spirituelle, nulle aide normative et structurante, le psychiatre doit tout faire. Il doit ou bien médicamenter lourdement, ou bien payer de sa personne et de son temps : prescrire peu et, en rançon, écouter beaucoup, parler, suivre pas à pas, instaurer la confiance, subir éventuellement quelque mauvais traitement verbal ou autre, traiter le déviant comme une personne pour lui permettre, à long terme de (re)devenir cette personne.

Mais aussi, plus ce psychiatre humain fait confiance à son patient, plus il amincit la laisse chimique, plus il prend de risques en laissant son frère humain malheureux s'aventurer dans un milieu dépourvu de ces barrières qui sont empêchement certes, mais aussi protection ; qui sont interdiction bien sûr, mais aussi limite. Kant disait qu'on ne peut devenir libre que par l'exercice de la liberté. Ce qui suppose qu'il faut commencer par exercer une liberté dont on n'est pas encore digne. Les premiers essais, ajoute-t-il, seront sans doute grossiers. Pour le psychiatre, c'est bien là le problème : il faut essayer, pour savoir si on a eu raison d'essayer. Mais, quand on a affaire à des pathologies lourdement déviantes, la binarité est impitoyable : si on n'a pas eu tout à fait raison d'amincir la laisse, on a eu très gravement tort. Le médecin vit alors dans la crainte et le tremblement.

Il est si aisé en revanche, de traiter le déviant en mineur ! De l'endormir, et de dormir sur ses deux oreilles en songeant que les braves gens peuvent eux aussi dormir tranquilles. Nul n'ignore la boutade selon laquelle la morphine est un excellent moyen pour permettre aux médecins de dormir. Peut-être faut-il la transposer aux psychotropes : ceux qui sont administrés au déviant épargnent au psychiatre de recourir pour lui-même aux anxiolytiques.


Cette étrange évaporation des normes sociales, telle que nous la connaissons depuis quelques décennies, nous semble, au premier abord, n'appartenir qu'à notre époque, tant est ancrée en nous cette idée, ou cette image, que les sociétés vont, insensiblement, de la clôture vers l'ouverture (évolution "sinistrogyre"), de la norme imposée à l'émancipation individuelle, cette dernière allât-elle jusqu'au laxisme. Or cette représentation est en partie un effet d'optique et, s'il est évident que l'Occident se caractérise par une ouverture croissante, c'est sur un long terme qui n'exclut pas les avancées soudaines et les reflux inattendus. La dissolution des normes n'est pas sans exemple dans l'histoire. [Nous avons étudié un de ces exemples dans un article : La fracture de 1715 (Revista de Filología francesa, dir. M. le Professeur Eugenio de Vicente, n° 6, 1995, Universidad Complutense, Madrid pp. 229-242).]


Où faire commencer, alors, l'actuel état des esprits, où la norme est si malmenée, voire si absente, que, simple citoyen ou psychiatre, on se trouve déboussolé, on ne sait plus à quoi se repérer, à quel saint se vouer ? La première réponse qui vient à l'esprit se réfère, tout naturellement, aux événements de mai 68, qui en effet ne furent pas en reste pour contester toute norme, pour interdire d'interdire, pour inciter à prendre ses désirs pour des réalités. Là réside bien sûr le spectaculaire de la chose, le moment où le refus de la norme fut crié sur tous les toits, écrit sur tous les murs. Ce surgissement inopiné, dans une France qui s'ennuyait, avait de quoi frapper les observateurs. Mais, malgré les apparences, il ne naissait pas de rien.

La mode existentialiste, dont les prémices remontent à l'immédiat avant-guerre, avait appris aux milieux intellectuels que l'homme est entièrement libre, jeté dans l'existence, sans destin autre que celui qu'il se choisit. Je ne suis que ce que je décide de me faire, et celui qui se refuse à cette vertigineuse liberté de se constituer, se constitue librement prisonnier d'une image et d'une norme extérieures. L'existentialisme, pâle décalque de la création nietzschéenne des valeurs, écho affaibli d'un certain décadentisme fin-de-siècle (la nausée remplaçant le spleen), transposition à l'homme de l'infinie liberté du Dieu de Descartes, l'existentialisme refusait toute norme autre qu'autoproclamée. L'existentialisme est un humanisme : oui, si l'on entend par là que je ne suis que ce que je choisis d'être.

Malgré l'insoutenable lourdeur de L'Être et le Néant, malgré l'outrance de ses théories d'un irréalisme confondant, malgré le mépris hargneux à l'égard de qui ne partageait pas ses divagations, la vogue existentialiste, donc, doit être prise très au sérieux. Elle est la version caricaturale d'un monde moderne qui déstructure implacablement les anciennes valeurs, les anciens modes de vie, les anciennes hiérarchies. Les dévastations de la Seconde Guerre mondiale se firent sentir aussi au niveau normatif (de même que la Première engendra la véhémence irrationaliste du dadaïsme puis du surréalisme).

En 1945, la France, victorieuse sur le papier, est si largement défaite qu'elle n'assume les charges de sa victoire qu'avec le plus grand mal. Les structures traditionnelles d'un pays rural, artisanal, ne sont plus de saison, ainsi que les normes qui les accompagnaient. La France de toujours n'est plus qu'un souvenir. L'existentialisme dans sa dimension publique cette fois, exprime ce désarroi, ce vertige. Il n'y a plus de repère orthonormé. La mobilité sociale s'accroît et, avec elle, les choix (avec les embarras et les angoisses de la responsabilité). Le sort des hommes ne se joue plus sans eux. Si chacun décide de façon absolue, nul n'est habilité à juger quiconque. Avec toutes ses aberrations, l'existentialisme constituait un terreau particulièrement adapté aux perplexités de l'après-guerre, et il est normal qu'il devînt la philosophie officielle de la France officieuse.

Mais, de même que le libertinage, en ses débuts, était tout théorique et ne concernait que quelques centaines de penseurs rebelles, avant de jeter tout le pays dans la Révolution, l'existentialisme foncièrement a-normatif commença par être, dans les années cinquante, le fait de quelques intellectuels entre Lipp et Flore. Mais, dans les années soixante, les effets du baby-boom commencent à se faire sentir dans les effectifs d'universités. Les étudiants, intellectuels plus nombreux et moins fortunés, cantonnés dans des campus à l'architecture anémique et à l'atmosphère anomique, préparent un cocktail d'existentialisme et de marxisme. L'explosion verbale de 68 provenait d'une profonde déréliction sociale et d'une idéologie individualiste pour laquelle toute existence précontrainte était insupportable car elle n'était pas existence mais essence, essentialisation, chosification. On se mit à "refuser le système" qui faisait préexister la norme à l'individu, et soumettait le second à la première.

Malgré des oripeaux marxistes, tout dans mai 68 est imbibé d'anarchisme - même le maoïsme (ce qui n'est pas un mince paradoxe, mais pourrait s'expliquer). Certes, on en appelle aux ouvriers, à la lutte des classes, etc., mais on réclame surtout le rêve, la liberté : ni loi, ni norme, ni maître, ni Dieu. Pendant quelques semaines, la France perd la boussole, l'État perd les rênes du pays, tout se déstructure. Crise aiguë d'anomie. La France trop sage devient folle. Puis, au plus fort de ce séisme, quand nul instrument étatique ne répond plus, quand nul indicateur ne fonctionne plus, la Norme prend la parole quelques minutes à la radio. Dieu réapparaît. L'Instituteur siffle la fin de la récréation et de la chienlit... et tout est fini. On ne voulait pas de révolution. On ne voulait que se révolter : jamais on ne toucha à la moindre armurerie. L'émotion retombe comme un soufflé artificiel, la contestation s'évanouit comme un rêve. De Gaulle décide des élections législatives, conformément à la norme constitutionnelle, et obtient une Chambre en parfait contretype des semaines qui avaient précédé.

Est-ce à dire que, du désarroi de l'après-guerre (époque d'une "drôle de victoire"), jusqu'en juin 68, rien ne se soit passé de sérieux du point de vue des normes sociales, et que le Grand Homme pouvait, en quelques mots, réinstaurer le passé ? Certes non, et les mentalités de l'ancien monde étaient rudement ébranlées. Mais cette modernité véhémente était encore incapable de s'institutionnaliser - ce que savaient, sans le savoir, tous ceux qui appelaient au renversement du régime, et passaient devant les armureries sans même les voir.

Le slogan "Dix ans, ça suffit !", paraît bien puéril pour qui pense historiquement. Mais il exprimait, de manière juvénile, que l'ancien temps était fini. Pour cette impatience adolescente, dix ans semblaient dix siècles, et, au fond, ce n'était pas tout à fait faux. De Gaulle était la figure emblématique, tutélaire, d'un monde puissamment charpenté de normes ; il continuait à sa façon, et ne s'en cachait pas, la France de toujours, monarchique sinon royale. Enraciné dans le dix-neuvième siècle auquel il devait l'essentiel de ses conceptions, de Gaulle incarnait le pouvoir central, un pouvoir de style louisquatorzien, comme ironisait le Canard. À la tête de l'état trônait une figure glorieuse, historique, monumentale, éminemment paternelle - et dépassée. De Gaulle, au figuré comme au propre, était trop grand. Il dépassait trop le vulgaire, et maintenait de la France une vision ordonnée, hiérarchisée, traditionnelle. Ses incontestables avancées modernistes se cantonnaient à la technique et ne touchaient guère aux mentalités. Tout en lui, jusqu'à sa taille, jusqu'à son nom, jusqu'à sa voix, composait une puissante image paternelle dont il fallait se débarrasser.

Mais, comme a dit un philosophe, "on ne détruit que ce qu'on remplace", et les contestataires des anciennes normes n'avaient que l'anarchie à proposer. Autant dire rien : l'anarchie est toujours une vue de l'esprit. Le peuple, en revanche, moins véhément, sut avec discrétion tirer progressivement bien des conséquences. Le vote de juin semblait plébisciter l'homme providentiel et le retour à la normale (une affiche célèbre illustre cela par un troupeau de moutons). On pouvait croire la normativité paternaliste remise en selle pour quelques belles et bonnes législatures. Mais ce vote exprimait surtout l'exigence de faire immédiatement cesser le chaos. À peine un an plus tard, en sourdine, sans effusion ni de sang ni de mots, la France évinçait le Père.

Prudemment, car Pompidou laissait entendre que, si le Père était évincé, un Fils était en réserve. On pouvait donc, sans craindre le fameux "chaos", tuer ce Père archaïque pour y substituer un Père plus jeune, moins ancré dans l'autre siècle. Par ce dosage prudent de continuité et d'innovation, l'élection de Pompidou se fit quasi toute seule, par la pente des choses.

Mais, plus moderniste que De Gaulle, plus industriel et financier que militaire, Pompidou demeurait encore un homme de l'ancienne France, rurale et normative. Il incarnait encore une figure paternelle, une autorité. Pape de transition, il l'était à coup sûr ; peut-être le savait-il.

Cette gradation économisa bien du sang et des larmes. Ce Père atténué, il ne fut même pas nécessaire de le tuer. Il mourut à la tâche, avec un courage qui, en forçant l'admiration de tous, permettait de faire, le plus discrètement du monde, le deuil collectif du pouvoir politique tutélaire et normatif. Le combat des fils fut pitoyablement stérile. En avril 1974, la candidature de Messmer ne dura que quelques heures : la société n'était plus en quête de la réincarnation suivante du Dalaï-Lama.


Les problèmes de la psychiatrie semblent bien loin au moment même où on les saisit à leur racine. L'élection de Giscard, pacifique et légitime, signifiait la mort définitive de la société normative. L'homme était jeune, sans passé autre que technique et politique. Il ne représentait pas l'Histoire ni la France éternelle, ni les Valeurs. Il n'avait pas la stature d'un Père et, d'ailleurs, n'y prétendait pas. Six ans après les émeutes, Giscard installait à l'Élysée tout ce qui, de Mai 68, était réalisable. Six ans pour que tombent les brumes de l'utopie et que se dégagent les lignes d'une nouvelle conception de la société. On a ironisé, peut-être avec raison, sur le caractère superficiel du "rapprochement" entre gouvernants et gouvernés (col roulé, dîner chez l'habitant). Mais la présence de Giscard à cette fonction naguère "suprême" proclamait que la norme ne serait plus imposée d'en-haut. La société se retrouva face-à-face avec elle-même, et non plus dirigée par un bon berger. Dissolution de normes rigides et dépassées, ou bien anomie galopante ? Peu importent les jugements de valeur. Le fait est que, en allant spectaculairement serrer la main aux prisonniers, Giscard inaugurait de tout nouveaux rapports entre pouvoir et norme.

Le gardien des institutions républicaines qui, devant les photographes, serre la main à des délinquants, c'est, en soi, un fait idéologique majeur. Cela manifeste que l'infraction n'est plus malédiction. Que celui qui a volé un œuf a volé un œuf, et c'est tout. C'est une autre logique de la norme qui règne désormais. Le déviant n'est plus fleurdelisé sur l'épaule, et voué à une répression croissante. Giscard a fait acte existentialiste : il a proclamé qu'il n'y a plus de destin. Ses concitoyens à qui il rend visite dans leur logement obligé, ce ne sont plus des "délinquants" mais des "détenus".


Louis XIV, Louis XVI, De Gaulle, Pompidou, il faut que le Père meure. Mais la norme meurt aussi. Sans guide, sans tuteur, les individus jubilent puis s'inquiètent. Profitent de leur liberté autant qu'ils peuvent, jusqu'au dérapage incontrôlé. L'autorité politique ni l'autorité judiciaire ne se sentent habilitées à dire la norme, bien que parfois, comme on l'a vu, on la lui réclame avec fureur. L'autorité religieuse fait pâle figure. On assiste à la déliquescence de toute instance normative traditionnelle. N'avoir pas de Pape est un grand malheur ; mais nul n'a envie non plus de s'écrier "Habemus papam !". On ressent le sourd besoin de la norme, mais aussi l'évident refus de l'autorité, a fortiori d'une autorité enracinée dans une tradition.

Le malaise de cette contradiction amène à former, dans les esprits, de façon obscure, le fantôme d'une normativité qui ne serait plus édictée par un individu paternel et castrateur, mais qui serait tout de même sécrétée par une instance sans sujet assignable. Un Roi ou un Pape ne sont plus de saison. Un Parlement, de par sa fonction législative, est encore trop tutélaire. La prophétie tocquevillienne du despotisme démocratique trouve ici une illustration supplémentaire. Il faut bien de la normativité, mais la normativité de personne, afin que nul ne se sente infantilisé. Une normativité sans sujet. [Nous avons étudié un de ces exemples dans un article : Vers un pouvoir impersonnel ? (in Figures du Pouvoir, textes réunis par E. Coss et G. Dewulf, Presses Universitaires de Nancy, 1994, pp. 251-258)]


On se doute de ce qui se produit, et ne peut pas ne pas se produire : le moral et le politique se défaussent auprès du judiciaire qui, lui-même, se défausse auprès du médical. Le psychiatre supposé savoir est l'homme de la situation. Lui seul peut trancher en fonction de l'autorité anonyme de la Science. Le psychiatre n'est bien sûr pas requis en tant que personne devant assumer une autorité, mais en tant que simple porte-parole autorisé d'un savoir tout impersonnel, d'une science tout objective. Qu'il accepte ce rôle, et le tour est joué - du moins en apparence. Douteux prodige que ce tout de passe-passe par lequel, finalement, tout le monde se trouve débarrassé du furet de la responsabilité. Par vagues, on est passé du Roi de droit divin, oint du Saint-Chrême, au monarque démocratique de la V° République, puis à la collégialité du pouvoir législatif ou judiciaire, puis à l'anonymat complet de la science, qui se voit sommée de jouer les rôles conjugués du religieux, du politique, du légal, du policier et du moral.


La moindre attention aux concepts montre que, sauf en un totalitarisme scientiste, la science, qui est d'ordre positif, ne peut assumer de rôle normatif. Dire ce qui est et décréter ce qui est bon sont deux actes totalement étrangers. Si la psychiatrie était une science sûre et complète, un corpus définitif, le coup de force serait déjà scandaleux. La psychiatrie n'étant pas, et de fort loin, une science aussi certaine que les mathématiques, au scandaleux s'ajouterait l'absurde, ou la mauvaise foi. Car le politique et le judiciaire ne sont pas si ignorants des incertitudes de cet art. Mais il leur est fort commode de feindre ignorer leur ignorance, et de s'obstiner à dire que le psychiatre sait et décide.

On pourrait d'ailleurs imaginer que le psychiatre profite d'une telle situation, et s'empare sans barguigner de ce pouvoir dont nul ne veut, qui est à prendre. Après le règne de la technocratie, on verrait alors apparaître une instance au nom aussi barbare que le serait la chose : une "psychiatrocratie". Ultime recours que l'on vient supplier quand nul ne sait que dire et que faire, le corps psychiatrique, serait en position de dictateur naturellement pressenti. Il lui suffirait de prendre la parole qu'on lui donne, et de dire la Norme. Au grand soulagement de tous, il exercerait, sous couvert de scientificité, l'encombrant magistère. Les grenouilles auraient trouvé leur roi.

Le psychiatre résiste assez bien à cette couronne néopositiviste qu'on lui tend. Il est trop au fait du caractère précaire de son savoir pour en faire un tel usage. Et, surtout, il ne sait que trop qu'en ces matières encore plus qu'en toutes autres, la personne de l'homme de science est copieusement impliquée. L'universalité et l'objectivité de la psychiatrie comme science évinceraient le psychiatre comme personne et, de "science humaine", la psychiatrie deviendrait peut-être "science exacte", mais, à coup sûr, science inhumaine, une science "dure".

Dans la problématique de la régulation sociale, le psychiatre se trouve en bout de chaîne. Sur lui se reportent, en cascade, les angoisses de la société face à ses propres dérèglements ; il doit assumer ce malaise diffus qui vient, comme magnétiquement, se concentrer sur lui. Il faut un courage certain pour refuser le rôle, non-exempt de bénéfices sublimés, de nouveau dictateur. Il serait si aisé de faire la police avec une matraque chimique, et de faire régner l'ordre ! Mais tout ordre n'est pas norme. Le médecin de l'âme n'a pas vocation à être le nouveau Ministre de l'Intérieur.