CHAPITRE XXVII
LA FONDATION DE L'OEUVRE DES ALUMNATS
(1871)
Tout au long de sa vie, le P. d'Alzon se préoccupa de fournir à l'Eglise les laïcs engagés, les religieuses et les prêtres que requérait l'abondance de la moisson à effectuer(1). C'était là une des intentions principales de sa prière personnelle et de celle qu'il demandait à son entourage et spécialement aux âmes consacrées. Séminariste, il brûlait déjà du désir "d'augmenter le nombre des moissonneurs du champ de l'Eglise"(2). Devenu prêtre, il fut un éveilleur de vocations sacerdotales et religieuses et, au terme de sa vie, il considérait son œuvre sur ce plan comme la meilleure part de son activité apostolique (v. infra 1 ).
1. Le problème du recrutement. - Fondateur de congrégation, il avait rêvé de voir son collège de Nîmes devenir une pépinière de religieux. Mais ses espoirs avaient été déçus. En l'année 1871, avec le vaste programme apostolique qui était le sien, il ne disposait que d'une quarantaine de profès dont beaucoup n'étaient pas encore dans les ordres sacrés et dont une bonne dizaine seulement provenaient de son collège.
Il devenait évident que la clientèle bourgeoise de ce dernier ne lui fournirait jamais les recrues abondantes dont il avait tant besoin. Mais elle n'était pas seule susceptible de fournir des prêtres et des religieux à l'Eglise. La classe populaire de l'époque, encore profondément chrétienne en bien des régions, surtout dans les campagnes, constituait un réservoir important de vocations. La plupart du temps cependant, ces familles n'étaient pas assez fortunées pour faire face aux frais entraînés par les études cléricales. Aussi l'idée de créer une œuvre destinée à favoriser l'accès au sacerdoce des enfants de familles peu fortunées était-elle agitée depuis un certain temps autour du P. d'Alzon par ses collaborateurs. L'idée n'était pas neuve et les Assomptionnistes n'ignoraient certainement pas, par exemple, l'initiative du P. de Foresta, Jésuite, qui, en 1866, avait ouvert à Avignon la première école apostolique destinée à assurer la formation de missionnaires. D'autre part, l'abbé Millot, prêtre de Saint-Sulpice, dirigeait à Auteuil une maison que connaissaient bien les Assomptionnistes et qui poursuivait un but semblable.
Dans la première partie de l'année 1870 - le P. d'Alzon est alors à Rome où se tient le Concile - nous voyons donc les Pères Picard, Vincent de Paul et Emmanuel Bailly échanger leurs points de vue sur "l'œuvre apostolique" à laquelle Mère M. Eugénie elle-même manifeste le plus grand intérêt(3). Ils communiquent leurs idées au P. d'Alzon(4). Mais ce dernier ne semble pas pressé de répondre à leurs suggestions. Il croit en effet avoir trouvé à Rome quelques recrues de choix en la personne de cinq ou six jeunes gens qui se proposent d'entrer dans sa congrégation et c'est sur Rome, estime-t-il, qu'il faut concentrer ses efforts. Il ne dispose pas d'ailleurs des ressources matérielles nécessaires à cette entreprise(5).
2. Fondation des alumnats (1871).- Quelques mois plus tard, la situation n'est plus la même. Les espoirs conçus à Rome ont été en partie déçus. D'autre part, les événements de la guerre et l'agitation politique et sociale lui font percevoir plus intensément encore qu'auparavant la nécessité d'un recrutement intense et de qualité pour la rechristianisation de la société. Aussi le problème des vocations fut-il au cœur des conversations que le P. d'Alzon eut, au début de mars 1871, avec ses principaux collaborateurs convoqués à Nîmes pour y élaborer avec lui un plan d'action pour la restauration du règne social du Christ(6). On reparla certainement des projets anciens et le P. d'Alzon demanda à Dieu de l'éclairer.
Or, au cours de ce même mois de mars 1871, au terme d'une neuvaine de messes qu'il célébrait pour obtenir des vocations, le Père reçut la visite de l'abbé Desaire, un prêtre savoyard alors professeur au collège de Nîmes. Ce dernier lui parla d'une maison flanquée d'une chapelle abandonnée, sur une colline qui dominait la ville de Beaufort en Savoie. Le propriétaire céderait le tout à l'Assomption, si on s'engageait à y célébrer la messe toute l'année dans le sanctuaire dédié à N.D. des Châteaux. Mais cette chapelle manquait de toute ressource et la maison était étroite et délabrée(7).
Le P. d'Alzon ne put s'empêcher de voir dans cette proposition une réponse du ciel. Il conçut immédiatement le projet d'établir en cet endroit le berceau d'une œuvre qui accueillerait des aspirants au sacerdoce appartenant à des familles peu fortunées mais profondément chrétiennes. Ils y seraient formés dans la pauvreté et l'austérité dans un climat de vie ecclésiastique et liturgique. Les alumnats - c'est le nom qu'on donnera à ces maisons - ne seraient ni des séminaires ni des écoles apostoliques destinées uniquement à préparer des missionnaires. Le but était plus général : former de solides vocations sacerdotales pour l'Eglise. Aussi au terme de leurs études secondaires, une parfaite liberté serait laissée aux enfants d'entrer dans le clergé séculier, d'embrasser les missions ou encore de choisir l'Institut religieux qui leur plairait.
Le P. d'Alzon entra immédiatement dans la voie des réalisations. Les travaux de restauration et d'aménagement, entrepris sous la direction de l'abbé Desaire dès le mois d'avril 1871, étaient cependant loin d'être terminés quand, le 23 août, le P. d'Alzon arriva à N.-D. des Châteaux avec quelques-uns de ses religieux. Les jours qui précédèrent la fête de saint Augustin furent employés à tracer les premières règles et à fixer l'esprit de l'œuvre que le P. d'Alzon inaugura, le 28 août, en célébrant la messe devant les six enfants qu'il trouva devant lui et auxquels il adressa une première allocution.
Le premier alumnat de l'Assomption était fondé et l'enthousiasme, l'esprit de foi et de pauvreté dans lesquels il débuta sous la direction du P. Pierre Descamps, son premier supérieur, se transmirent aux nombreuses fondations qui s'imposèrent dès 1874. L'œuvre s'implanta rapidement là où il y avait possibilité de trouver des vocations et les ressources indispensables. Chaque maison posait en effet le même problème financier, car la petite pension demandée aux parents était au prorata de leur maigre budget familial.
Pour favoriser une meilleure formation des âmes et le choix que les élèves étaient appelés à faire au terme de leurs humanités, le P. d'Alzon trouva indispensable une séparation des élèves du cycle supérieur de ceux du cycle inférieur. D'autre part, chaque alumnat, pour pouvoir bénéficier d'une véritable vie de famille, n'accueillait que des effectifs réduits, d'une trentaine à une cinquantaine d'élèves. Mais le P. d'Alzon tenait surtout à former une élite de "très bons prêtres" d'une vie divine débordante, apte à féconder profondément leur vie apostolique (v. infra 4).
Le P. d'Alzon suivait attentivement le développement de l'œuvre, dans laquelle il ne tarda pas à voir l'avenir de sa congrégation(8), se faisant un devoir d'en fixer les coutumes, d'en rappeler le but et le cachet particulier. Il y revient très fréquemment dans ses lettres, ses rapports, ses directives et spécialement dans une importante circulaire sur l'éducation (v. infra 2). Tous ces points étaient d'ailleurs soumis à la réflexion de ses religieux et constituèrent, dès 1873, l'objet d'une partie importante des délibérations du chapitre général.
L'année qui précéda la mort du fondateur, il y avait en France 5 alumnats de grammaire et 2 alumnats d'humanités, avec un total de 200 élèves, tandis que déjà 70 anciens poursuivaient leurs études ecclésiastiques supérieures ou s'initiaient à la vie religieuse dans les noviciats.
3. L'Association de Notre-Dame des Vocations. - Dès le début de l'œuvre, le P. d'Alzon et le P. Emmanuel Bailly s'occupèrent à lui trouver des ressources matérielles et spirituelles, créant des comités de soutien et suscitant chez les amis de l'Assomption un grand mouvement de prières en sa faveur, préparant ainsi l' Œuvre de N.-D. des Vocations qui sera fondée en 1873 pour coordonner les efforts de ces différents comités(9). C'est au profit de cette œuvre - ainsi que l'indique un avis figurant sur la page de titre de chacune de ses livraisons - que fut créée au collège de Nîmes, le 1er janvier 1875, la revue L 'Assomption (10).
Quelques mois plus tard, répondant à une supplique du P. d'Alzon, S.S. Pie IX érigeait canoniquement en confrérie l'Association de Notre-Dame des Vocations (v. infra 3).
1
Documents ayant trait au zèle du P. d'Alzon pour les vocations sacerdotales et religieuses
a)
Extrait d'une instruction de retraite donnée par le P. d'Alzon aux Religieuses de l'Assomption à Nîmes en septembre 1877.- Notes d'audition ACR, DQ 352, p. 151.
La prière pour les vocations sacerdotales est un thème fréquent dans la correspondance et la prédication du P. d'Alzon. Il la demande à ses religieux, il la demande aux religieuses et notamment aux Religieuses de l'Assomption dans une instruction sur la maternité de Marie dont nous citons un passage.
Notre-Seigneur vous demande d'aider l'Eglise à naître à nouveau. Ah ! mes Sœurs, voilà la grande souffrance de l'Eglise : les prêtres diminuent... A quoi bon des autels magnifiques et la richesse des temples ! Jésus n'en a pas souci, lui qui n'a eu besoin que d'une pierre pour reposer sa tête et d'un peu de bois pour reposer son corps ! Mais il veut des prêtres, il demande des prêtres pour que l'Eglise continue. Priez donc, mes Sœurs, priez, demandez des prêtres; vous lui donnerez pour s'incarner les lèvres et les mains d'un prêtre... Il l'accordera à votre prière : rendez-la parfaite, devenez des saintes pour obtenir des prêtres... Voilà, mes Sœurs, l'apostolat véritable d'une religieuse de l'Assomption... Quelle joie, à l'heure de la mort, pour la religieuse qui aura donné des prêtres à l'Eglise !
b)
Propos du P. d'Alzon vers la fin de sa vie, rapportés par le P. Emmanuel Bailly. - Notes et Documents II, p. 194.
A l'approche de la mort, le P. d'Alzon voit dans les âmes qu'il a amenées à se consacrer au Seigneur, l'œuvre la meilleure de sa vie sacerdotale.
De tout ce que j'ai été amené à faire, il me semble que la meilleure œuvre, celle qui me donne le plus de confiance au moment de paraître devant Dieu, c'est la quantité d'âmes qu'il m'a été donné de lui consacrer, les vocations et les vierges que j'ai pu procurer à Jésus-Christ. Tout le reste, auprès de cela, me paraît bien peu de chose ! A mes yeux ç'a été l'œuvre la plus importante et la meilleure de ma vie sacerdotale !
c)
Extrait du témoignage du Fr. Louis Prouvèze sur le P. d'Alzon, Alais, le 10 juin 1884. - ACR, DQ 333.
Le Frère Louis Prouvèze (1814-1884) était Nîmois. Il entra à l'Assomption en 1852. Témoin direct, il nous décrit le zèle du P. d'Alzon à susciter des vocations religieuses parmi les jeunes filles de Nîmes.
Cherchant sans cesse à étendre le règne de Dieu, il s'occupa d'abord de la vocation de jeunes personnes qui sentaient quelque attrait pour la vie religieuse. Après leur avoir donné de salutaires conseils, il mettait tout en œuvre pour faciliter leur entrée dans quelque communauté. En peu de temps, on compta vingt personnes de bonnes familles qui abandonnèrent le monde pour se consacrer au service de Dieu. Monsieur Laresche, grand Vicaire de Mgr de Chaffoy, faisait au P. d'Alzon une violente opposition sous prétexte qu'il n'y avait pas alors à Nîmes de vocations sérieuses et que les parents ne consentiraient jamais... Mais le Père ne se rebuta pas, et voyant dans cette opposition même un signe de la volonté divine, il poursuivit avec un zèle toujours ardent ses pieuses recherches. Il vit bientôt ses efforts couronnés de succès.
De nouvelles vocations furent le fruit de ses fatigues, de ses veilles et de ses austérités. Il voyait avec bonheur grandir de jour en jour le nombre des jeunes personnes qui prenaient le chemin du cloître. Il faisait venir à Nîmes des religieuses de plusieurs communautés qui devaient travailler avec lui au recrutement des vocations et obtenir le consentement des parents. L'œuvre des pèlerinages a contribué puissamment au développement de ce mouvement heureux qui s'opérait alors dans Nîmes au sein des plus riches familles. Les jeunes personnes qui se disposaient à suivre l'attrait divin se réunissaient à certains jours et faisaient, sous la conduite de leur saint directeur, le pèlerinage de N.-D. de Rochefort, de Valbonne ou de la Prime Combe. [...] Là les vocations chancelantes s'affermissaient. [...] Je me suis trouvé à quelques-uns de ces pèlerinages conduits par notre vénéré Père. Ces promenades pieuses ont toujours été couronnées de succès merveilleux.
2
Extraits de la circulaire du P. d'Alzon sur l'éducation, 13 juillet 1874. - Orig.ms. ACR, CP 44; Circulaires aux religieux de l'Assomption, p. 138-146 (= T.D. 14).
Le P. d'Alzon rappelle ici aux membres du chapitre général ses principes fondamentaux d'éducation : esprit de foi, de sacrifice et d'initiative, franchise, respect de la personnalité de chacun, amour de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge et de l'Eglise. Il expose ensuite quelques directives particulières pour la formation d'alumnistes, aspirants au sacerdoce.
Je rappellerai seulement que nous devons surtout nous porter et porter nos enfants à un très grand esprit de foi, de franchise, de sacrifice, d'initiative. Après cela, que nous leur laissions une certaine liberté de développement, que nous ne les écrasions pas sous une forme identique, c'est, je crois, absolument indispensable.
Toutefois, revenons aux trois grands principes à leur inculquer sans cesse : l'amour de Jésus-Christ, l'amour de la Sainte Vierge, protectrice de leur pureté; l'amour de l'Eglise, cette grande cause pour laquelle il faudrait les embraser, tenant pour sûr que la préoccupation des combats à livrer les soutiendrait dans l'ennui de certaines études, leur donnerait de salutaires distractions, refuge contre les bouillonnements d'un sang jeune, contre les séductions du monde et de Satan.
[...] En fondant les Alumnats, nous avons voulu élever des enfants destinés au sacerdoce, soit dans le ministère des paroisses, soit dans le clergé régulier. Nous nous sommes adressés aux familles qui, vu leur modeste avoir, ne peuvent pas payer toute la pension de leurs enfants, laissant pour les petits Séminaires les enfants dont les parents ont assez d'aisance pour subvenir aux frais de l'éducation.
Mais n'est-il pas dangereux de prendre des enfants exposés par leur pauvreté même à n'avoir pas une certaine noblesse de sentiments ? A cette objection, nous avons répondu d'abord que Jésus-Christ, notre modèle, avait composé le premier de tous les séminaires, le séminaire dont il était lui-même le Supérieur, de bien pauvres et grossiers artisans; ensuite, que l'éducation comme nous l'entendions dans les Alumnats avait précisément pour but d'écarter l'inconvénient objecté, malheureusement très réel dans les grands et petits Séminaires.
L'Alumnat, formé d'enfants qui veulent être prêtres et même religieux, mais qui sont pauvres, doit avoir son cachet.
1° Il importe que la piété y soit pratiquée dans toute sa simplicité et sa franchise.
2° On doit exiger une vie austère, rude, ainsi qu'elle convient à des enfants pauvrement élevés.
3° Les études chrétiennes doivent y occuper une place presque exclusive, surtout l'étude du latin et du grec, les deux langues de l'Eglise.
4° Le travail des mains doit y préparer aux travaux des futurs missionnaires .
5° Les cérémonies de l'Eglise y seront les grandes joies, et, comme disait un illustre évêque, les enfants devront être des hommes d'Eglise, vivant surtout d'une façon très ecclésiastique.
6° Les Supérieurs des Alumnats devront rendre à leurs familles les enfants reconnus peu aptes à recevoir l'esprit de l'institution, et à se plier à la règle commune : nonne modicum fermentum totam massam corrumpit ?
7° Il importe d'exiger des enfants une certaine capacité. C'est pourquoi les examens préalables sont si nécessaires avant l'admission à l'Alumnat. Un enfant, pour être admis, doit, en dehors des pièces réclamées par la feuille des conditions, jouir d'une bonne santé, d'une intelligence plus qu'ordinaire, avoir un caractère pliable, surtout très franc, montrer le sentiment très profond de la grandeur de sa vocation; il lui faut une persévérance soutenue, une certaine joie dans le service de Dieu, de la promptitude à obéir, l'amour du règlement, un esprit ouvert, mais sérieux, et, comme le disent nos Constitutions, la disposition à faire bon marché de lui-même. Si, au terme du premier Alumnat, les enfants se présentent au second dans ces conditions, il y a tout lieu d'espérer que leurs progrès se soutiendront, et que leur vocation affermie les disposera à devenir des prêtres fervents et utiles, de saints religieux, en un mot des hommes vraiment apostoliques.
3
Extraits de la supplique adressée par le P. d'Alzon au pape Pie IX pour obtenir l'érection en confrérie de l'Association de Notre-Dame des Vocations, au début de mai 1875. - Publiée dans l'Assomption, I (1875) p. 105-107.
De la traduction française de la supplique adressée au pape Pie IX par le P. d'Alzon au début de mai 1875, nous citons une partie de l'exposé des motifs qui l'ont amené à créer l’œuvre des alumnats et qui lui font désirer son développement. Le pape donnera une réponse favorable à cette supplique dès le 10 juin 1875.
Humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, Emmanuel d'Alzon,
Remarquant les efforts multipliés des Sociétés secrètes et des gouvernements eux-mêmes pour diminuer le nombre des vocations ecclésiastiques, et, s'il était possible, les réduire à néant; [...]
Etant bien persuadé que les vocations au sacerdoce ne doivent pas être cultivées avec moins de soins chez les enfants des ouvriers que les aptitudes aux diverses professions, et que c'est une œuvre pieuse par excellence de fournir aux enfants des pauvres les moyens de choisir librement leur voie, et de devenir eux aussi, à l'exemple de Jésus, Fils du charpentier, des hommes sauveurs;
Pénétré de douleur en voyant tant et de si bonnes vocations tristement échouer, parce que, dans ces malheureux temps, la foi ayant diminué sur toute la terre, la sainte Eglise, dépouillée de ses richesses, des anciennes fondations et de toute espèce de revenus, ne trouve pas non plus dans les aumônes des riches un secours suffisant pour faire face aux besoins si grands de l'éducation ecclésiastique;
Préoccupé surtout de cette pensée, que, selon les Constitutions de plusieurs Souverains Pontifes [...]; selon les Décrets de plusieurs Conciles et, en particulier, du saint Concile de Trente, qui commande de choisir, pour le sacerdoce, les enfants des pauvres d'environ douze ans; enfin, suivant toute la tradition de l'Eglise, il est important, avant tout, de séparer au plus tôt, pour les préparer au sacerdoce, les enfants qui, par une sorte de privilège de la pauvreté, ont été plus préservés de la corruption générale; [...]
Il a été établi en l'an 1871, en un lieu de Savoie, appelé vulgairement Notre-Dame des Châteaux, une maison ecclésiastique, pour y élever gratuitement les enfants désireux de se donner à Dieu, lesquels, à cause de la pauvreté de leurs parents, ne pouvaient être reçus dans les Séminaires diocésains;
Il expose en outre [...]
Qu'il est d'autant plus important de multiplier ces alumnats (c'est le nom que nous leur donnons), que notre enseignement s'éloigne davantage des voies de la science profane; que nous repoussons, bien plus, que nous attaquons ouvertement le joug de l'Université française, plus ou moins subi dans tous les collèges catholiques, et ce qui est plus dur encore, jusque dans les Petits Séminaires; que l'austérité de vie, le travail manuel exercé de temps en temps sur quelque métier ou dans la campagne, le nombre des enfants de chaque maison prudemment limité, le système d'études et d'éducation essentiellement ecclésiastique, enfin, la séparation sévèrement maintenue de la famille et de toutes les préoccupations du siècle, sont des moyens mieux proportionnés au but qu'on se propose; et que, en dernier lieu, ce qui est surtout à noter, une liberté plus parfaite est laissée aux enfants par leurs maîtres d'entrer dans le clergé séculier, ou d'embrasser les missions, ou encore de choisir tel Ordre religieux qu'il leur plaira;
Supplie très humblement Votre Sainteté [...]
4
70. Extraits d'un article du P. d'Alzon sur le but et l'esprit des alumnats, 15 octobre 1875. - L'Assomption, I (1875), p. 173-174; T.D. 7, p. 30-34.
De cet exposé en six points, nous relevons seulement deux passages concernant la vie familiale de l'alumnat et la formation de la vie divine dans les âmes qu'on y poursuit tout particulièrement.
L'influence ne doit pas être imposée, mais inspirée : chose difficile en face d'un grand nombre. C'est pourquoi on restreint le chiffre des alumnistes. On a besoin, pour les mouler, de la vie de famille; et trouvez-moi la vie de famille avec deux cents, cent et même cinquante élèves. Arrivés à plus de trente, il est à peu près impossible de n'avoir pas recours aux punitions. Or, dans la formation des âmes telle que nous la rêvons, les punitions sont exclues. [•••]
Ce que nous voulons communiquer par-dessus tout, c'est la vie, la vie divine. Je suis venu pour qu'ils aient la vie, disait Notre-Seigneur et pour qu 'ils l'aient plus abondante. Nous voudrions faire couler le sang de Jésus-Christ avec la plus grande plénitude dans les âmes, et pour cela les préoccuper par-dessus tout de l'amour de Dieu, de son Fils, de la Sainte Vierge, de l'Eglise, des saints, en un mot, de cette grande cause où sont engagés les intérêts du Ciel contre ceux de l'Enfer. Ah ! qui nous donnera de pétrir nos enfants pour en faire des guerriers contre Satan et le monde; des médecins pour les âmes blessées et malades; des amis des classes ouvrières, où l'on entasse aujourd'hui tant de haine contre tout ce qui est bon, juste, vrai; des docteurs en face de la science moderne; et en face des avilissements modernes, des caractères si fortement trempés qu'ils ne se contentent pas d'une vulgaire vertu, mais qu'ils aient la généreuse ambition de toutes les perfections pour eux et du prosélytisme pour les autres.
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1. En ce qui concerne les laïcs engagés, rappelons la fondation des Tiers-Ordres masculin et féminin de l'Assomption et de l'Association des Adoratrices du Saint-Sacrement (Ch. XIII), ainsi que le souci qu'avait le P. d'Alzon de transformer les élèves de son collège de Nîmes en chrétiens militants (Ch. XIV B). Pour les religieuses, voir notamment le Ch. X A (Carmélites) et les Ch. X, 27 f et XIII, 9 b (Religieuses de l'Assomption). Pour le sérieux avec lequel il examinait avec les intéressés la vocation qui était la leur, voir par exemple le Ch. XIV, 18 a.
2. Lettre à Montalembert du 10 novembre 1832 (Orig.ms. Arch, Montalembert). Voir l'étude du P. N. BUGNARD, Le P. Emmanuel d'Alzon et les vocations, Série centenaire n° 3, Rome, 1980.
3. Lettre du P. V. de P. Bailly du 5 juillet 1870 au P. E. Bailly, et compte-rendu par lui-même de sa conversation du 6 juillet 1870 avec Mère M. Eugénie (ACR, FY 502 et B 138, p. 110-111).
4. Lettres du P. V. de P. Bailly du 19 mai et du 12 juillet 1870 (ACR, FY 451 et 456) et du P. E. Bailly des 27 avril et 5 mai 1870 (ACR, OK 20 et 21).
5. "L'idée de l'œuvre apostolique est excellente, écrit-il le 30 avril 1870, au P. E. Bailly, mais pour plus tard, à moins que vous n'ayez de l'argent. Je n'y puis mettre un sou. L'effort devra se porter sur Rome." "(ACR, AI 122; T.D. 31, p. 125). Ajoutons que 15 années plus tôt, en 1856, l'idée lui avait été soumise par les Pères Laurent et Cusse d'ouvrir une sorte de juvénat où seraient admis, moyennant une modique pension, des garçons de 15 à 16 ans choisis parmi les bons élèves du primaire dépourvus de latin et qui, en quatre ans auraient rattrapé leur retard scolaire. La suggestion n'eut pas de suite (VAILHE, Vie, II, p. 49-50; BUGNARD, r-.cit,, p. 41-42).
6. Réunion de 1871, dans La Croix, t. I (1880-1881), p. 630-631.
7. Le plus ancien récit que nous ayons de la fondation de N.-D. des Châteaux et de l'œuvre des alumnats est celui du premier supérieur de la maison, le P. Pierre Descamps, dans l' Assomption, 1ère année (1875) n° 7 à 16. Pour une histoire générale des alumnats, voir P. GUISSARD, Histoire des Alumnats. Le sacerdoce des pauvres, Paris, 1955.
8. "L'œuvre des alumnats doit nous préoccuper extrêmement. C'est l'avenir de la congrégation", écrit-il, par exemple au P. V. de P. Bailly, le 6 novembre 1874 (Orig.ms. ACR, AH 41; T.D. 28, p. 28-29).
9. L'œuvre obtiendra, dès le 18 septembre 1873, les encouragements et la bénédiction propria manu du Pape Pie IX ainsi que des avantages spirituels importants pour ses membres (ACR, KO 56).
10. Cette revue, bimensuelle, est une source précieuse pour l'histoire des œuvres assomptionnistes et notamment pour celle des premiers alumnats.