CHAPITRE XXIII
LE P. D'ALZON VICAIRE GENERAL DE MGR PLANTIER
(1855 - 1875)
A la mort de Mgr Cart, le 12 août 1855, son successeur, Mgr Plantier (Ch. XVII E) maintient jusqu'à sa mort, le 25 mai 1875, le P. d'Alzon au poste de vicaire général aux côtés de M. Boucarut. De cette longue période de dévouement à l'Eglise de Nîmes, nous ne voulons envisager ici que celle qui s'étend de 1860 à 1870 environ.
Il est bon de rappeler auparavant que pendant cette période l'horizon de l'Assomption s'élargit de plus en plus aux dimensions de l'Eglise universelle. Après le décret de louange en 1857 vient, en 1864, le décret d'approbation de la Congrégation (Ch. XII C et Ch. XIX). La fermeture du collège de Clichy a provoqué une réinsertion à Paris des religieux dont la communauté exerce une activité apostolique de plus en plus croissante (Ch. XIX 3). - Alors que l'Assomption avait déjà une mission en Australie (Ch. XIX 2), Pie IX l'oriente vers un apostolat auprès de la jeune Eglise bulgare-unie (Ch. XXII A), ce qui va provoquer, pour aider les religieux, la fondation par le P. d'Alzon des Oblates de l'Assomption (Ch. XXII B). - Par ailleurs, la menace qui pèse sur la liberté du magistère de l'Eglise, à partir de l'affaire d'Italie, incite le P. d'Alzon à se faire le défenseur des droits du Saint-Siège (Ch. XXI). - La tenue du premier concile du Vatican, et bientôt les malheurs de la guerre et de la Commune en France, mobilisent toute son attention à partir de 1869. Il ne peut pas ne pas assurer la formation de ses religieux et continuer la direction spirituelle qu'il procure aux personnes qui se sont confiées à lui, et plus spécialement la Bse Marie-Eugénie de Jésus, dont il continue, sur sa demande, à être le conseiller spirituel et religieux, pour son bien propre et celui de sa Congrégation menacée dans sa liberté, à partir de 1867, par l'affaire Véron (Actes du procès de béatification).
Une telle activité suffirait à mobiliser et le temps et les énergies d'un homme dont la santé demeure précaire et que nous voyons en continuels déplacements vers Rome et Paris, pour assumer ses responsabilités de fondateur, de supérieur et de directeur. Il n'empêche qu'il demeure vicaire général, et que Mgr Plantier peut légitimement lui demander ses services pour l'administration et le bien spirituel du clergé et des fidèles de l'Eglise de Nîmes.
Le dossier de la correspondance du P. d'Alzon, écrite et reçue pendant cette période, porte bien des indices pour illustrer toute l'activité que le P. d'Alzon a déployée dans le sens de sa responsabilité de vicaire général. Des divers aspects de son ministère nous ne retiendrons ici que le ministère de la parole (et nous dirons pourquoi), mais il ne faudrait pas oublier le service rendu par la présence du collège de l'Assomption en faveur de la jeunesse et tous les autres services auprès du clergé de Nîmes que révèlent les quelque 70 lettres que nous avons encore, écrites par l'évêque à son vicaire général (nomination des prêtres, visites de paroisses, examens des jeunes prêtres, etc.). Les œuvres de charité (Ch. XVII C) continuent, avec son aide, plus discrète il est vrai, mais d'autres œuvres ont pris plus d'importance, comme l'œuvre de Saint-François de Sales, l'œuvre de la Propagation de la Foi, l'œuvre des Ecoles d'Orient et l'œuvre de l'Adoration perpétuelle qui s'établit peu à peu dans presque toutes les paroisses du diocèse. - L'action auprès des protestants se poursuit, et nous voyons même Mgr Plantier demander au P. d'Alzon de répondre à sa place à des attaques injustifiées (v. infra 4a).
Avant d'en venir à la prédication du P. d'Alzon, il est bon de relever la confiance que Mgr Plantier n'a cessé de manifester envers son vicaire général. Certes, au départ, il y avait eu entre eux la crainte de ne pouvoir se comprendre dans le service de l'Eglise (Ch. XVII E); mais bien vite, à l'occasion de la crise financière du collège et de la maladie du P. d'Alzon (Ch. XIV C), Mgr Plantier, faisant la part des idées plus personnelles de son vicaire général, ne voulut retenir que son dévouement à l'Eglise (Ch. XVII 27).
D'autre part, l'affaire d'Italie porta Mgr Plantier à mettre son action pastorale au service de l'Eglise universelle. La confiance entre l'évêque et son vicaire général n'a point d'abord comme dénominateur commun leur rencontre sur quelques thèses ultramontaines, mais bien une même conscience de devoir servir une Eglise locale en union avec l'Eglise universelle.
Quelques extraits de lettres de Mgr Plantier suffisent à témoigner de cette confiance à son vicaire général. Il est prêt à s'en remettre à lui pour tout ce qui se rapporte à son œuvre plus personnelle : le développement de l'Institut qu'il a fondé (v. infra 1 a). Si le P. d'Alzon appuie son évêque dans ses prises de position vis-à-vis du gouvernement impérial, à propos de l'affaire d'Italie (Ch. XXI 3), Mgr Plantier se réjouit du succès de la mission du P. d'Alzon à Constantinople (v. infra 1 b). Plusieurs fois en public, et notamment à la Maison de l'Assomption, l'évêque de Nîmes rend hommage à son vicaire général pour son œuvre d'enseignement chrétien et toutes les initiatives de son cœur d'apôtre (v. infra 1 c, d). Il a même la délicatesse de lui demander de ménager sa santé, d'autant que, comme lui, il avance en âge (v. infra 1 e). Le P. d'Alzon répondait à cette confiance, et plus d'une fois, lui aussi, notamment à propos de l'affaire d'Italie, rendait hommage à son évêque devant les fidèles du diocèse, heureux, disait-il, d'avoir un évêque digne de saint Athanase, de saint Hilaire ou de saint Irénée (v. infra 5 c, note 1).
Cependant, la correspondance du P. d'Alzon nous manifeste aussi qu'il éprouve une véritable distorsion intérieure entre cette charge de vicaire général et cette autre qu'il a assumée comme fondateur et supérieur d'une congrégation religieuse. De loin en loin, il s'interroge et demande conseil, soit à Mère M. Eugénie de Jésus, (v.infra 3 a) soit au P. Picard, son assistant général, pour savoir s'il peut en toute prudence continuer à conduire cette double responsabilité, sans manquer à l'une ou à l'autre. On trouve même cette confidence que le Pape lui avait fait dire, sans doute par le nonce, qu'il désirait ne pas le voir abandonner sa charge de vicaire général (v. infra 3 a, 3°). Son désir serait de se réserver à ses religieux et aux religieuses de l'Assomption, et de restreindre son action extérieure. Mais il y a toujours ces "tiraillements du grand vicariat".
Plus profondément apparaît la crainte qu'en se donnant ainsi à toute œuvre qui s'impose, ou que requiert sa double responsabilité, il ne manque à son devoir le plus fondamental pour lui-même et pour l'Eglise, d'avancer dans la sanctification. En témoigne son cahier d'impressions personnelles (v. infra 2a). Il aurait besoin de plus de prière, de plus d'humilité, de plus de disponibilité; il se sent acculé à faire le vœu du plus parfait, notamment pour le bien de sa Congrégation et pour aider les chrétiens à demeurer fidèles en face du rationalisme envahissant. Ses lettres de direction spirituelle (v. infra 2 b) contiennent plus d'une confidence qui révèlent le même désir d'atteindre à une sainteté de perfection apostolique. Auprès des âmes qui lui sont chères, il ne veut d'autre affection que celle de Notre-Seigneur envers elles; alors il accepte ses limites et ses défauts, mais pour être plus humble et plus à même d'abdiquer entre les mains de Notre-Seigneur et pour son service tout ce qui lui tient à cœur. S'il y a dans sa vie une activité dévorante, il est soucieux de se ménager des temps de retraite pour voir si c'est bien l'amour du Christ et de l'Eglise qui le conduit, ou bien "l'effet de l'agitation ou de l'activité de sa nature". Plus il avance en âge, et plus le presse le désir de se convertir, mais aussi de ne pas arriver devant Dieu les mains vides.
Pourquoi privilégier le ministère de la parole pendant cette période ? Tout d'abord parce qu'il fut particulièrement abondant, soit au service du diocèse de Nîmes, soit au service d'autres diocèses, de sa propre Congrégation et d'autres communautés religieuses. On relève, dans la chronologie de sa vie établie par le P. Vailhé, qu'il donna quatre carêmes dans des églises de Nîmes et cinq au collège de l'Assomption. S'il participe aux retraites pastorales du diocèse, il assure sept retraites annuelles au clergé des diocèses de Perpignan (1860), du Mans (1861), de Montauban (1862 et 1866), d'Agen (1863), de Poitiers (1863) et de Bordeaux (1868). - Religieuses (Dames de l'Assomption, Oblates de l'Assomption, Dames de Saint-Maur, Visitandines, etc.), personnes du monde, hommes et femmes (Conférences de Saint-Vincent de Paul, Dames de Miséricorde, Adoratrices, dames tertiaires, enfants de Marie, élèves et anciennes élèves des pensionnats), bénéficient de sa parole pour des retraites ou des instructions. Cependant, étant donné l'évolution des mentalités, c'est aux adultes de préférence qu'il s'adresse, et notamment à Nîmes, au Vigan, à Alès, villes les plus importantes du Gard; mais il se rend aussi pour d'autres prédications à Paris, à Sedan, à Bordeaux (Religieuses de l'Assomption et leurs élèves), au Mans et à Tarascon (couvents de Visitandines). On le surprend encore à donner une mission aux hommes de Perpignan en 1863, et une série d'instructions à Paris sur le Syllabus en 1864. - Bref, on n'en finirait pas de le suivre dans ses tournées apostoliques.
Mais la seconde raison de nous attarder sur le ministère de la parole qu'exerce le P. d'Alzon, est qu'à deux reprises au moins ses propos attirèrent l'attention des agents du gouvernement et de la police, soit en 1861, par des allusions faites à la politique impériale en Italie, soit en 1868, où il aborde le problème des relations de l'Eglise et de l'Etat en face du mouvement démocratique et révolutionnaire qui pouvait compromettre l'avenir de l'empire. D'où la troisième raison d'insister sur les prédications du P. d'Alzon, afin de déterminer les motifs qui l'incitent à prendre la parole et par là même à provoquer une action.
Un premier test serait assurément son attitude vis-à-vis des protestants, toujours présents et toujours influents dans la ville de Nîmes et dans le diocèse. Or, si l'on regarde les articles qu'il a écrits sur le protestantisme ou l'anglicanisme, on s'aperçoit que ce qui le peine le plus chez les frères séparés, c'est le libéralisme doctrinal qui risque d'annihiler la foi chrétienne des meilleurs d'entre eux (v. infra 4 a). Par contre, l'honnêteté chrétienne d'un homme comme Newman, qui retrouve dans sa conscience anglicane l'exigence d'aller jusqu'à la foi plénière de l'Eglise, l'émeut jusqu'aux larmes (v. infra 4 b, note 1); ce qui veut dire que le P. d'Alzon parle avant tout comme un homme de foi, un homme d'Eglise et un apôtre, pour assurer au peuple chrétien la sauvegarde de sa foi en face "d'une société qui se déchristianise tous les jours davantage" (v. infra 5e).
Un autre test nous est donné dans les appréciations sur sa prédication. Certes, il faut faire la part de l'éloge conventionnel, de l'admiration affectueuse et même de la critique sur commande (v. infra 6); mais il faut bien reconnaître que son éloquence intéresse l'auditoire auquel il s'adresse, même si, peut-être, il n'est pas "littéralement électrisé" et s'il n'est pas lui-même tour à tour gentilhomme, tribun, orateur sacré, à la parole simple et magistrale à la fois (v. infra 6 a). Ce qui est sûr, c'est qu'il parle avec zèle et qu'on l'écoute, qu'on vient nombreux à l'entendre, et que la police est aux aguets par ordre du gouvernement pour le surprendre en ses paroles qualifiées de "violentes" et d' "irritées", capables d' "exciter les esprits et les passions mauvaises" (v. infra 6 f), c'est-à-dire antigouvernementales.
Aux personnes consacrées, il demande avant tout, fût-ce par un des moyens les plus simples et qu'il utilise lui-même, comme le chapelet, d'avancer dans la perfection, non point à partir de choses extraordinaires, mais à partir du quotidien de la vie. En face des malheurs actuels de l'Eglise, elles doivent aller vers plus de dépouillement intérieur, pour être toutes aux affaires de Jésus-Christ et de son Eglise, dans la prière et le dévouement (v. infra 5 a).
Les prêtres, non seulement doivent être pénétrés du mystère de Dieu même, mais, en ces temps difficiles, devenir les apôtres de la vérité chrétienne à l'exemple de Jésus-Christ. Leur cœur de prêtre ne peut se trouver à l'étroit, puisqu'il s'agit, en leur action pastorale, de poursuivre l'œuvre même de Dieu en faveur de toute l'humanité, à l'exemple et sous l'inspiration de Jésus-Christ (v. infra 5b).
Avec le progrès du rationalisme, le peuple chrétien, et plus spécialement les membres de l'Eglise catholique, doivent maintenir l'enracinement de leur foi dans la Sainte Ecriture, reçue d'un magistère divin à travers la Sainte Tradition. Quoi qu'il en soit des malheurs actuels de l'Eglise, sa foi ne cesse de croître et de fleurir; il faut oser mettre en rapport les unes avec les autres les vérités chrétiennes pour se rendre compte de leur nécessité et de leur corrélation. Aussi est-il prévisible qu'après la définition de l'Immaculée Conception, vienne celle de l'infaillibilité pontificale. Une telle foi, assurée dans ses racines et gardée dans sa plénitude doit être témoignée à l'exemple des apôtres, des martyrs, des Papes et des évêques; et le P. d'Alzon n'hésite pas à donner en exemple aux fidèles de Nîmes leur propre évêque et le Pape Pie IX (v. infra 5 c et note).
Aux personnes ferventes, le P. d'Alzon ose des confidences personnelles pour solliciter leurs prières, afin que leur ardeur et leur zèle le soutiennent dans son action apostolique (v. infra 5 d), et obtiennent des vocations effectivement engagées au salut des âmes. Qu'elles s'unissent donc pour intensifier leur prière et par là même son rayonnement au service du monde et de l'Eglise.
A la jeunesse chrétienne, et en particulier à ses élèves, le P. d'Alzon présente en exemple la foi des chrétiens de la primitive Eglise. Là encore, la prière vient avant la force et la science. En effet, le christianisme n'est pas un parti qu'on peut choisir ou laisser, ou une philosophie qu'on peut discuter ou combattre, mais un attachement à Jésus-Christ, dans le service de son Eglise. Certes, la foi comporte un aspect doctrinal qui ne doit pas se diluer dans la religiosité, mais elle comporte en même temps un engagement envers Jésus-Christ, en union avec tous les chrétiens qui se rencontrent dans l'eucharistie. La fermeté de la foi saura faire la part des circonstances où l'on doit parler ou se taire, mais il faudrait avoir, à l'exemple de saint Paul, le courage d'affronter les verges lorsqu'il s'agit de ses droits de citoyens, et de citoyens chrétiens (v. infra 5e).
Enfin, aux adultes, et aux hommes en particulier, le P. d'Alzon donne un enseignement qui veut faire la lumière sur les aspirations qui soulèvent l'opinion publique et risquent de gauchir l'engagement chrétien. Que pense l'Eglise de la démocratie, de l'action révolutionnaire, de sa propre liberté, alors que le régime impérial évolue, que l'anarchie est présente et que l'opposition républicaine s'affirme ? Après avoir clarifié chacun de ces points et sans porter atteinte au régime politique qui est encore en place, le P. d'Alzon demande aux chrétiens de s'unir dans la liberté, à l'encontre des utopies socialistes qui enrégimentent leurs adeptes, et d'agir en pleine lumière à l'encontre des sociétés secrètes qui œuvrent dans les ténèbres. Puisque les gouvernements rejettent la place sociale faite à l'Eglise dans le passé, l'heure est venue pour elle d'accéder à une plus grande liberté; et l'heure est venue aussi de s'unir afin de défendre toutes les libertés dont l'Eglise a besoin. Il y va des droits de Dieu, et c'est un honneur fait à l'homme par Dieu même que de lui confier la défense de ses droits, qui ne sont autres que ceux de l'Eglise (v. infra 5 f).
1
Témoignages de confiance de Mgr Plantier envers le P. d'Alzon (1858-1874).
Dès 1857, une grande confiance s'établit entre Mgr Plantier et le P. d'Alzon. En témoigne leur collaboration sur le plan de l'Eglise locale et de l'Eglise universelle. Les quelques extraits de lettres ou de discours que nous allons citer en donnent d'autres preuves.
a)
D'une lettre au P. d'Alzon, Nîmes, le 11 juillet 1858. -Orig.ms. ACR, DZ 82.
Sachant les difficultés que rencontrait le P. d'Alzon à faire ordonner ses religieux en dehors du diocèse, Mgr Plantier l'invite à presser l'approbation par Rome de son Institut et de s'en remettre à lui pour toutes choses dans l'immédiat. Nous n'avons pas la réponse du P. d'Alzon, qui s'appuyait sur le Décret de louange (1857) en attendant le Décret d'approbation (Ch. XIX).
Vous savez, mon cher vicaire général, tout l'intérêt que je porte, toute l'affection que je vous ai vouée à ce titre; laissez-moi vous dire ce que je crains pour votre Congrégation. Si vous étiez dans mon diocèse, vous ne seriez nullement inquiété. Comme vous êtes mon grand vicaire, je m'en remettrais à vous pour tout ce qui serait relatif à votre Institut et, grâce au lien qui vous unit à moi, votre Communauté serait censée soumise à mon autorité. [...} Ainsi, ou faire approuver promptement à Rome votre Institut, ou vous rattacher à titre provisoire mais intimement à l'autorité d'un diocèse, voilà ce que vous avez à faire pour vous épargner des désagréments. [...] Vous me pardonnerez de vous parler avec cette franchise, c'est pour vous épargner des ennuis sérieux, que je vous impose la légère amertume d'entendre mon opinion.
b)
D'une lettre au P. d'Alzon, Nîmes, le 1er septembre 1863.- Orig.ms. ACR, DZ 88.
Mgr Plantier, avant de transmettre quelques commissions au P. d'Alzon, qui est à Paris, lui écrit en faisant allusion à son voyage à Constantinople.
Si mes vicaires généraux, très cher abbé d'Alzon, sont un peu fiers de leur évêque, moi je le suis beaucoup de mes vicaires généraux. Combien en est-il en France qui portent la barbe à la façon de l'Orient et dont les voix, en retentissant sur les rives du Bosphore, aient fait supposer à Constantinople que saint Jean Chrysostome était un moment sorti de sa tombe ! Je vous remercie de votre excellente chronique; par le temps qui court, sans être précisément athénien, on est malgré soi un peu friand de vos nouvelles.
c)
D'une allocution prononcée au collège le 30 janvier 1868. - Extrait de la Semaine religieuse de Nîmes, n° 50, 3e année, p. 592.
Mgr Plantier vient de confirmer quelques élèves et rend hommage en ces termes à la Maison de l'Assomption et, par là-même à son fondateur.
L'établissement auquel vous appartenez, mes enfants, se distingue avec honneur des établissements où l'on ne donne pas la foi pour fondement de l'éducation. Cette maison a été choisie pour préparer des hommes qui sachent aimer l'Eglise, se passionner pour l'Eglise, s'immoler pour l'Eglise. Son nom rappelle à l'esprit un texte de la Sainte Ecriture : ex omnibus assumptus [...] in iis quae sunt ad Deum, et les principes que vous recevez ici justifient l'application qu'on peut lui faire de ces paroles de saint Paul. Elle se détache en effet des maisons où l'enfance est exposée dès ses premières années au souffle du rationalisme contemporain. [...] Pour rester fidèles [à l'Eglise]*, vous n'avez qu'à suivre les traditions de cette maison. Je sens au frémissement brûlant de vos cœurs que vous n'abandonnerez point une si noble, une si sainte cause, et que, marchant sur la trace de vos aînés, vous suivrez les exemples de votre chef vénéré et de ces maîtres dont l'enseignement est pénétré de son esprit, qui est l'esprit de l'Eglise.
d)
Du discours des prix, 30 juillet 1872. - Orig.impr. ACR, A 114.
Mgr Plantier, centrant son discours sur la sainte passion de l'honneur, rend publiquement au P. d'AIzon l'hommage suivant :
Cette humble cité du Vigan ne fut-elle pas également le berceau de celui qui tient avec tant d'éclat le gouvernail de l'institution qui nous réunit à cette heure ? Et lui aussi n'a-t-il pas toute la vaillance d'un chevalier dans le cœur d'un apôtre ? Et connaissez-vous une initiative généreuse, un héroïque sacrifice de fortune ou de santé, un combat périlleux et méritoire dans l'intérêt de la foi, cette grande lumière des intelligences, et de l'Eglise, cette auguste patrie des âmes, au-devant desquels ne le fasse courir la céleste ivresse du zèle et du véritable honneur ? Son souffle a passé dans les maîtres qui l'entourent et vous élèvent. Avec eux, vous faites dans cette maison le noviciat des lettres et des sciences, mais vous faites aussi l'apprentissage des plus nobles sentiments. Jusqu'à quel point on réussit dans cette tâche, c'est ce que nous ont dit la glorieuse vie et le glorieux trépas des deux jeunes martyrs dont on vient de louer si dignement la mémoire(1).
e)
D'une lettre au P. d'AIzon, Le Montcel-Serbiers, le 10 septembre 1874. - Orig.ms. ACR, DZ 105.
La confiance de Mgr Plantier que manifeste la suite de ses lettres ne devait pas se démentir; et, passant sur celles qui suivent, voici un extrait de l'avant-dernière, écrite un an avant la mort de l'évêque de Nîmes. Mgr Plantier est malade; le P. d'AIzon lui a proposé de l'aider lors de la prochaine retraite pastorale.
Vous êtes trop bon, mon Révérend Père; je pourrai suffire au fardeau de la prochaine retraite pastorale. Le prédicateur fera sans doute les méditations; vous partagerez avec moi la servitude des audiences. [...] Je suis très tenté de vous prier vous-même de ne pas trop compter sur vos forces et de vous rappeler vos 64 ans. N'essayons plus de faire, au seuil de notre automne, ce que nous avons fait au printemps de notre vie et de notre ministère.
2
Un désir constant de sanctification (1858-1870).
Soit à partir de notes personnelles, soit à partir de ses lettres de direction, nous voyons que le P. d'Alzon est conscient d'avancer en âge, et qu'en même temps il est travaillé, à travers le tiraillement de ses multiples responsabilités, par un souci constant de sanctification.
a)
De diverses impressions personnelles (1858-1866). - Orig.ms. ACR, BI 10-11; T.D. 43, p. 285-289.
Le 30 avril 1858, après deux ans d'interruption, le P. d'Alzon reprend un cahier qu'il avait intitulé : Impressions personnelles. Nous en relevons quelques-unes ou quelques passages plus significatifs.
30 avril 1858. - Près de deux ans d'interruption me prouvent que j'ai pris des résolutions et que je ne les ai pas tenues. Elles étaient bonnes pourtant, et pouvaient faire de moi un saint.
En disant ce matin la messe, et en réfléchissant sur la fête de sainte Catherine, j'ai prié Notre-Seigneur de me donner quelques grâces de vie contemplative, en ce sens que je puisse voir davantage le néant de tout ce qui n'est pas lui. La lecture des actes des martyrs m'a donné aussi une profonde confusion de ma lâcheté. Quand ma vie sera-t-elle uniquement la propriété de Notre-Seigneur ?
Je m'offre à notre bon Maître, puisque je ne suis pas capable d'être un homme apostolique, afin qu'il en envoie dans sa moisson. Mitte operarios in messem tuant.
1er mai.- Nous commençons par l'humilité, pour nous élever ensuite à la grandeur d'âme, disait saint Polycarpe, menacé du supplice au milieu de l'amphithéâtre. Si je suis si lâche, c'est que je suis très peu humble ou plutôt très orgueilleux.
30 juillet. -J'ai fait la promesse de m'exercer d'ici au 15 août 59, à la perfection, afin d'en faire le vœu à partir de cette époque.
28 novembre. - Je fais le vœu de ne plus boire ni liqueur, ni café pur, ni thé, à moins d'un ordre exprès des médecins, et des cas d'urgence, comme par exemple la menace du choléra.
8 novembre 59.- L'histoire de l'abbé Cestac m'a profondément frappé, et il me semble que quelque chose me pousse à me mettre entre les mains de Notre-Seigneur au Saint-Sacrement, comme il s'est mis entre les mains de la Sainte Vierge.
Il me semble aussi que Notre-Seigneur veut que je montre moins d'affection aux âmes que je dirige, pour mieux établir en elles son amour sans mélange.
Je dois être toujours plus l'ami de l'époux.
10 janvier 60. - Je ne m'occupe pas assez de la sanctification des religieux.
23 janvier 61. -Me voilà acculé à faire le vœu du plus parlait. Depuis quinze ans que je veux le faire, que de temps perdu, que de lâchetés ! Il consistera pour moi à faire le plus parfaitement possible toutes choses et les choses les plus parfaites. Quid nunc Christus ? Toutefois, pour ne pas tomber dans les exagérations qui seraient l'abus de la perfection, voici quelques points sur lesquels je crois nécessaire de fixer plus particulièrement mon attention.
Ma devise sera : Mihi vivere Christus est ; la vie de Notre-Seigneur reproduite en moi, autant qu'il dépendra de moi :
1° Dans la prière, où je consulterai Notre-Seigneur pour connaître le plus parfait, et où je lui demanderai la force de l'accomplir;
2° Par la pratique des vertus religieuses de notre petite Congrégation, et surtout par l'humilité, l'esprit de sacrifice, de charité, de prudence et de zèle;
3° Par l'examen plus attentif de mes devoirs de religieux, de supérieur, de prêtre.
22 décembre 1863. - Dieu semble manifester sa volonté. Notre petite congrégation a son but marqué : la réunion de l'Eglise Orientale, la lutte contre le schisme; ce qui implique plus particulièrement un esprit d'humilité et de charité pour lutter contre l'esprit d'orgueil et de division qui a déchiré la robe du Christ; l'amour de l'unité, l'obéissance au chef de l'Eglise; comme conditions, l'étude des langues orientales, des canons, de l'histoire ecclésiastique, des rites et de la théologie proprement dite.
Je me sens pressé de pratiquer plus exactement la pauvreté, et de vendre au plus tôt mes terres. Si Notre-Seigneur approuve l'idée, je lui demande comme preuve la vocation de Marie Correnson.
6 novembre 1865. - Il paraît que la vente de mes terres n'est pas ce que Dieu me demande, car la vocation que je lui demandais ne semble pas se développer pour le moment.
Mais ce qui se développe, c'est notre petite association elle-même. Il me semble plus que jamais important de lui attirer des protecteurs spirituels, des âmes qui par la prière, la pénitence, les bonnes œuvres, la communion obtiennent la bénédiction de Dieu sur l'œuvre en général, et, cette année, sur le collège en particulier. Je me propose de pousser un certain nombre de personnes à réciter tous les jours, le Veni Creator, le Pange lingua, les litanies de la Sainte Vierge, le Miserere et l'hymne aux anges gardiens, à offrir chaque jour une mortification, et chaque semaine une communion à cette intention.
4 août 1866. - Aux époques de défaillance, de persécution, de combat, Dieu donne des secours spéciaux. Pourquoi dans ce moment où Dieu va disperser tant de prêtres, tant de religieux en Italie; où l'infidélité fait tant de progrès, en Angleterre, en France, en Allemagne, dans toute l'Europe en un mot, pourquoi n'aurions-nous pas Notre-Dame des Infidèles ?... J'entends par ces mots, tous les païens, tous les protestants rationalistes, tous les gens qui n'ont de chrétien que le baptême sans avoir la foi explicite, tous les ennemis de l'Eglise, tous les membres des sociétés secrètes qui ont la connaissance explicite de leurs serments.
[vers 1866]. - Abdication, entre les mains de Notre-Seigneur, de mes sens, de mon jugement, de mon amour propre, de mon cœur, pour que tout cela lui soit un instrument. Mihi vivere, Christus est.
[vers 1866]
Sujet de mon examen.
1. Ma Règle, mon office.
2. Ma vie d'oraison et de présence de Dieu.
3. Mon amour pour Notre-Seigneur au Saint-Sacrement.
4. Ma charité envers le prochain.
5. Mon esprit de servitude par rapport aux œuvres.
6. Mon orgueil, mon caractère.
7. L'édification que je procure, mon zèle.
b)
Extraits de lettres de direction (1861-1870)
Le P. d'Alzon poursuit son ministère de direction spirituelle et dans ses lettres, plus d'une confidence révèle ses désirs de perfection apostolique.
1° A Mère M. Eugénie, Nîmes, 5 juillet 1861. - Orig.ms. ACR, AD 1290; T.D. 23, p. 28.
Depuis quelque temps, je me trouve extrêmement poussé à m'établir dans tout mon être, dans une grande dépendance par rapport à Notre-Seigneur, dépendance d'idées et de sentiments dont les paroles et les actes ne seraient qu'une conséquence et dans cette crise que je traverse, beaucoup de choses s'apaisent et se transforment. Ainsi je suis un peu moins préoccupé des reproches que vous pourriez me faire, à cause de vous et de moi, qu'à cause du mal ou du bien dont je puis être pour vous l'instrument, à cause de Notre-Seigneur. Il me semble que nous n'avons plus de temps à perdre, que la fin approche, que, si nous restons unis pour Jésus-Christ et en Jésus-Christ pour faire son œuvre, ce sera pour l'éternité, et c'est ce dont je suis avant tout jaloux.
2° A Mère M. Eugénie, Nîmes, 30 mars 1862. - Orig.ms. ACR, AD 1299; T.D. 23, p. 55.
Je vous conjure de ne pas vous susceptibiliser de mes défauts, vous savez bien que j'en suis plein. Pourquoi procédez-vous avec moi comme si j'étais parfait ? Je vous écris malgré un très violent mal de tête, mais je suis bien aise de vous montrer au moins toute ma bonne volonté à vous répondre.
3° A Mère M. Eugénie, Nîmes, 16 novembre 1863. - Orig.ms. ACR, AD 1334; T.D. 23, p. 105.
Je souffre de votre tristesse, j'en éprouve aussi parfois, mais Notre-Seigneur me pousse tellement à lui que je me trouve un grand misérable que de me replier sur moi-même pour penser à moi, me réjouir ou m'affliger de quoi que ce soit, excepté de ce qui l'afflige ou le glorifie.
4° A Marie Correnson, Lavagnac, 3 avril 1864. - Orig.ms. ACOA; T.D. 29, p. 15.
Il me semble que nous avons reçu comme notre mission de la devise que nous avons prise presque d'instinct et que je voudrais voir devenir une prophétie : Adveniat regnum tuum. C'est là le cri de ralliement de tous ceux qui veulent confesser le nom de Notre-Seigneur en face de tous les sacrilèges, négations, du temps présent. Ce qui m'effraie, c'est le temps que j'ai perdu ou que j'ai fait perdre à ceux qui auraient bien plus travaillé avec moi si je leur eusse davantage donné l'exemple. Or ce temps perdu, ma fille, c'est vous qui devez m'aider à le réparer.
5° A Marie Correnson, Le Vigan, 1er septembre 1865. ~ Orig.ms. ACOA; T.D. 29, p. 49-50.
Demain, il y aura cinquante-cinq ans que j'ai été baptisé. C'est vous dire que je ne suis plus jeune. Combien de temps dois-je rester en ce monde ? Dieu seul le sait. Je voudrais bien, si c'est sa volonté, laisser comme une succession d'idées qui me semblent propres à aider au développement du Règne de Notre-Seigneur. C'est un sot orgueil peut-être qui me fait dire cela, mais il est très vrai que je vois un bien très grand à faire.
6° Au P. Picard, Le Vigan, 13 août 1866. - Orig.ms. ACR, AE 222; T.D. 25, p. 176.
Il me semble que ma retraite qui touche à sa fin m'aura fait du bien. Mes immenses besoins de sommeil commencent à passer et quoique la retraite m'eût un peu tendu la tête, je crois que même au point de vue physique elle m'aura été bonne. Il me semble que je suis plus prêt à être le serviteur des âmes et des œuvres, plus humble, plus charitable, plus prêt à abdiquer entre les mains de Notre-Seigneur un droit sur mon corps, mon jugement, ma volonté, mon cœur. Quant à faire, je m'en rapporte aux circonstances.
7° A Mère M. Eugénie, Le Vigan, 15 août 1861.- Orig.ms. ACR, AD 1447; T.D. 23, p. 269.
Ma retraite qui s'est passée plutôt en silence qu'en toute autre chose a eu pour moi un grand avantage, celui de me pousser toujours plus à l'amour de l'Eglise, du Pape, de l'action en ce sens et à la haine des sociétés secrètes.
8° A Mère Emmanuel-M. Correnson, Bagnères de Bigorre, 17 août 1868. - Orig.ms. ACOA; T.D. 29, p. 156.
J'ai demandé pour moi à Lourdes ma conversion, l'esprit d'oraison et le don d'embraser les âmes et de faire aimer Notre-Seigneur et la Sainte Vierge.
9° A Mère Emmanuel-M. Correnson, Rome, 20 novembre 1863. -Orig.ms. ACOA; T.D. 30, p. 5-6.
Mon séjour à Rome me fait sentir tous les jours davantage la nécessité d'une piété catholique, c'est-à-dire désintéressée, généreuse, universelle, s'occupant plus des intérêts de Dieu que des nôtres, parce que Dieu s'occupera bien mieux de nos intérêts quand nous nous occuperons exclusivement des siens. Aussi sous ce rapport, je crois que je me convertis un peu et que je commence à devenir moins personnel. Peut-être n'est-ce qu'une théorie ? Un autre effet que me produit Rome, c'est de me porter à m'élever au-dessus des idées de pays. Rome est la capitale du monde catholique. Il faut avoir non seulement le cœur, mais les idées catholiques, et quand on parle des idées larges, je ne crois pas qu'on en trouve de plus larges que celles-là.
10° A Mère Emmanuel-M. Correnson, Rome, 4 février 1870. - Orig. ms. ACOA, T.D. 30, p. 45.
Je suis bien embarrassé. Je me trouve poussé par les événements à m'occuper de choses très importantes. Quelquefois je me demande si je ne m'y porte pas moi-même par l'effet de l'agitation ou de l'activité de ma nature. J'en suis désolé, car je ne voudrais rien faire que pour la gloire de Dieu. Demandez à Notre-Seigneur que je n'agisse qu'en vue de lui pour sa gloire et rien que pour sa gloire.
11° A Mère Emmanuel-M. Correnson, Rome, 9 février 1870. - Orig. ms. ACOA; T.D. 30, p. 49-50.
Je me figure parfois que Dieu va me donner dix dernières années de vie, de 60 à 70 ans et que, de même que Notre-Seigneur a fait son œuvre extérieure pendant trois ans et trois mois, il m'accordera trois fois plus de temps pour faire notre œuvre. Mais comme je puis n'avoir même pas dix ans, il faut nous dépêcher afin de n'avoir pas les mains vides à son tribunal.
3
Extraits de quelques lettres du P. d'Alzon à propos de sa charge de vicaire général et de ses autres responsabilités (1859-1868)
Malgré la confiance que lui témoignait son évêque, le P. d'Alzon n'était pas sans éprouver une distorsion intérieure entre cette responsabilité et celle qu'il avait assumée comme fondateur et supérieur d'une congrégation religieuse. Plusieurs de ses lettres témoignent qu'il s'interroge pour faire la part de ses responsabilités et sauvegarder l'essentiel de sa vie intérieure.
a)
Extraits de lettres à Mère M. Eugénie de Jésus (1859-1865)
Face à des responsabilités multiples qu'il ne pouvait éluder, le P. d'Alzon s'en ouvrait à Mère M. Eugénie de Jésus pour solliciter son avis et sa prière.
1° Nîmes, le 28 mars 1859. - Orig.ms. ACR, AD 1177; T.D. 22, p. 206-207.
Vous savez qu'on m'accuse de vouloir imiter tous les saints dont je lis la vie. On lit en ce moment au réfectoire la vie de saint Charles, et je vous préviens que je n'ai envie d'être ni archevêque ni cardinal, mais la beauté, la force, l'énergie, la persévérance de ce caractère me transportent. D'autre part, le bien que je cherche à faire à mes enfants m'attache à eux; d'autre part encore, les novices que je vois nous arriver me portent à croire qu'il en viendra d'autres; mais d'autre part aussi, ma santé si peu forte et qu'un léger effort met à bas, me démoralise. Que faut-il faire ? Où est dans cette situation la volonté de Dieu ? Franchement, je l'ignore. [...] Pour le quart d'heure, ce qui me semble le plus clair, c'est que je dois me concentrer dans mon œuvre et y mettre toutes mes forces. Mais arrivent les tiraillements du grand vicariat. Faut-il lâcher, et lâcher du coup le moyen de faire vivre trois ou quatre religieux ? Si vous saviez ce que c'est que cette situation perplexe(2) !
2° Nîmes, le 11 janvier 1864.- Orig.ms. ACR, AD 1341; T.D. 23, p. 111.
J'appelle vos prières et celles de votre communauté sur un motif très grave, c'est la question de savoir si je dois rester grand vicaire. J'ai été poursuivi par l'idée de me retirer, tout le temps que j'ai passé à la campagne. Il m'est évident que je pourrais faire un peu plus pour ma Congrégation, où les novices commencent à surabonder. [...] Je ne sais si je ferai bien de me retirer ou de rester. Tout le monde me dit : "Restez grand vicaire", et une voix intérieure me dit de n'être que religieux. Qu'il est difficile de faire ce qu'il y a de mieux !
3° Nîmes, le 22 août 1864.- Orig.ms. ACR, AD 1356; T.D.23, p. 135.
Le Pape m'ayant fait dire qu'il désirait que je ne donne pas ma démission de grand vicaire, je dois quitter le noviciat quand consciencieusement et rigoureusement les affaires du diocèse m'y obligent.
4° Lavagnac, le 2 janvier 1865.- Orig.ms. ACR, AD 1361; T.D. 23, p. 150.
Savez-vous ce qui me préoccupe depuis quelque temps ? c'est de savoir où j'irai, supposé que je survive à mon évêque, qui, selon moi, n'en a pas pour bien longtemps. Je ne pense pas que ma place soit à Nîmes. Dans les circonstances présentes sera-t-elle à Paris ? ne m'y exposerai-je pas à bien des ennuis ? Sera-t-elle à Rome ? Vraiment je suis embarrassé et quelque chose me dit que Dieu me veut ailleurs. Peut-être au cimetière. Remarquez bien que je n'ai en ce moment aucun ennui à Nîmes. Au contraire, ma position y est plus agréable que jamais. Si je voulais y faire mon nid, il pourrait être très bien disposé. Mais Dieu ne veut-il pas que, pour donner un peu plus d'extension à mon œuvre, j'aille poser ma tente ailleurs ? Comme cette idée m'est venue pendant que je faisais mon adoration, à peu près comme ma vocation à l'état ecclésiastique, sans y donner plus de valeur qu'il ne faut, je crois devoir la recommander à vos prières.
b)
Extraits de lettres du P. d'Alzon au P. Picard (1866-1868)
Le P. d'Alzon faisait des confidences semblables à celles qu'il adressait à Mère M. Eugénie, parce qu'il était son directeur spirituel et son assistant général.
1° Le Vigan, le 6 août 1866.- Orig.ms. ACR, AE 221; T.D. 25, p. 171-175.
Je suis plus confus du temps perdu, des grâces mal employées, de la façon humaine dont j'ai vécu, que de mes péchés. [...] Comme supérieur, je crois voir bien des choses sur lesquelles je cède par dédain, disant : "Vous le voulez ainsi, faites; vous verrez ce qui vous en cuira...". Tout me pousse, pour l'an prochain, à résumer ma vie ainsi : les religieux, le noviciat, les Oblates, pour l'action extérieure; et quant à l'intérieur, c'est cette transformation en Notre-Seigneur, à propos de laquelle je fais les plus belles théories, sans jamais rien réaliser.
2° Nîmes, le 1er juin 1868.- Orig.ms. ACR, AE 274; T.D. 25, p. 221.
Voilà l'évêque malade, dont les yeux sont compromis très gravement, qui va partir pour les faire traiter. M. Boucarut(3) absent, il faut que je reste ici jusqu'au 12 ou 13 juillet, époque où je partirai pour Bordeaux. [...] Je voudrais faire une retraite dans une grande solitude. Je suis harassé du genre humain. Et pourtant, hier, jour de la Pentecôte, j'ai voulu me convertir, je crois même avoir commencé. Adieu. J'ai déjà écrit cinq lettres et il est 6 h. du matin. Je clos la 6e sous le coup de l'horloge et vais prier. [. . .] Qui me donnera de ne plus écrire, excepté à mes enfants ?
4
A propos du protestantisme et de l'anglicanisme (1859-1867)
En union avec l'évêque de Nîmes, le P. d'Alzon poursuit son apostolat auprès des protestants. En témoignent ses prédications, mais aussi quelques articles publiés par lui.
a)
De l'article intitulé : Quelques lignes sur M. Puaux.- Extrait de la Revue du Languedoc (1859-1860) p. 254-256; T.D. 7, p. 128-132.
Mgr Plantier avait chargé le P. d'Alzon de répondre à sa place à un pasteur protestant de Nîmes, à propos de sa brochure intitulée : La vraie question : Les protestants ont-ils des raisons suffisantes de se faire catholiques ? Le P. d'Alzon répond en dénonçant le libéralisme doctrinal qui menace la foi des frères séparés.
Quelles que soient les intentions de Mgr l'évêque, nous nous permettrons aujourd'hui de diviser la question posée par M. Puaux; et laissant de côté toutes les récriminations sur les faits, nous dirons hardiment, sans examiner si les protestants doivent se faire catholiques, qu'ils ne peuvent plus rester protestants sans être, aux yeux les uns des autres, ou idolâtres ou impies. Nous prouvons notre thèse.
C'est une impiété de refuser à Dieu l'adoration qui lui est due.
C'est une idolâtrie d'adorer comme Dieu un être qui ne l'est pas.
N'est-il pas vrai qu'aux yeux des anciens protestants Jésus-Christ est Dieu, et que Calvin fit brûler Servet pour avoir nié la divinité du Sauveur ? Plusieurs, probablement, conservent encore cette portion de la foi de leurs pères.
N'est-il pas vrai que, aux yeux d'un très grand nombre de réformés contemporains, la divinité de Jésus-Christ est plus que problématique ?
Or, ne pas adorer Jésus-Christ, s'il est Dieu, c'est être impie.
L'adorer, s'il n'est pas Dieu, c'est être idolâtre.
Parmi les protestants, les uns l'adorent, les autres ne l'adorent pas.
Pour ceux qui l'adorent, ceux qui ne l'adorent pas sont impies.
Pour ceux qui ne l'adorent pas, ceux qui l'adorent sont idolâtres.
Que penser d'une Religion dont les partisans sont obligés de s'envoyer réciproquement la qualification d'idolâtrie ou d'impiété; à moins que la tolérance moderne ne doive aller jusqu'à l'indifférence par rapport au premier, au plus impérieux, et au plus exclusif des devoirs envers Dieu, l'adoration. [...]
Une fatale unité se fera pour le protestantisme dans cette négation universelle que le rationalisme a préparée depuis longtemps(4).
b)
De l'étude sur le mouvement religieux en Angleterre. - Extrait du Bulletin de l'Association catholique de Saint-François de Sales (1866) p. 204-210; T.D. 7, p. 142-143.
En 1866-1867, le P. d'Alzon publie une série d'études sur le mouvement religieux en Angleterre, dans le Bulletin de l'Association de Saint-François de Sales (quelque 50 pages dactylographiées). Nous y retenons le portrait qu'il trace de Newman à la veille de sa conversion. L'honnêteté chrétienne qui marque cette personnalité séduisait le P. d'Alzon, sans doute parce qu'elle était aussi son attitude constante.
Tertullien a dit que l'âme est naturellement chrétienne; on pourrait dire aussi que, même au sein du protestantisme, il y a des âmes naturellement catholiques. Trois principes sont la loi de la vie intellectuelle du docteur Newman :
1° La conviction qu'en tout il doit se placer uniquement sous l'œil de Dieu. Dieu et mon âme, voilà le cri perpétuel de sa conscience;
2° La foi pratique, invincible, au-dessus de tout raisonnement, au monde surnaturel ;
3° La passion, si je puis dire, de dépendre d'une autorité légitime.
Joignez à cela ce sentiment de droiture et de sincérité qui le faisait s'écrier pendant une maladie qu'on croyait mortelle : "Mon Dieu, je n'ai pas péché contre la lumière", et le sentiment non moins profond qu'il ne pouvait mourir, à la même époque, parce qu'il avait une grande œuvre à consommer. Ajoutez un cœur plein de tendresse pour des amis qu'il ne cherche pas, mais à qui il tend les bras lorsqu'ils se présentent; une riche et poétique imagination, à qui la prose ne suffit pas à certains moments d'enthousiasme; l'élocution la plus facile; un style que les Anglais comparent à celui de leurs plus belles antiquités littéraires; une science profonde, variée, puisant aux véritables sources une puissance de produire qui frappe de stupeur en présence de la liste de ses nombreux ouvrages; et, par-dessus tout, le don d'embraser les âmes, - et vous aurez l'idée du docteur Newman, si je l'ai bien deviné à travers ceux de ses livres que j'ai lus et relus avec ravissement(5). Ce qui charme, ce qui entraîne au-delà du talent, de la finesse des aperçus, de la beauté du style, de la vigueur du raisonnement, c'est l'honnêteté chrétienne, si je puis dire ainsi, qui vous pénètre et vous séduirait, en quelque sorte malgré vous, si vous trouviez je ne sais quel bonheur à vous placer au plus vite sous son charme.
5
Extraits de divers sermons du P. d'Alzon (1860-1868) '
Bien qu'il soit pris par les grands intérêts de l'Eglise (Etats pontificaux, concile du Vatican), le P. d'Alzon n'en poursuit pas moins le ministère de la parole. Nous donnons quelques extraits de sermons qui témoignent de ses préoccupations devant l'évolution des mentalités ou bien de ses propres sentiments. Il peut s'agir de textes manuscrits ou de notes d'audition, car, le plus souvent, le Père parle à partir de quelques schémas.
a)
D'une retraite aux Assomptiades (Auteuil, 17-23 août 1860). - Notes d'audition, ACR, DA 8-11.
Nous relevons quelques passages de cette prédication, où le P. d'Alzon révèle son comportement personnel, soit qu'il dise le chapelet, ou qu'il s'efforce de tendre à la perfection en toutes choses, ou qu'il souffre des épreuves de l'Eglise.
[p. 9] . Saint François passait une heure par jour à dire son chapelet. Le chapelet et le Combat spirituel furent pour lui deux grands moyens de sanctification. Plus je deviens vieux, et plus je dis mon chapelet; il y a des jours où j'en dis quatre, cinq, six. Le chapelet renferme toutes les vertus d'une âme religieuse. Le premier mystère est une magnifique entrée en retraite. L'Annonciation, Angelus Domini. Ecce ancilla Domini. Ecoutez l'apôtre vous dire : Mes petits enfants, je suis dans les douleurs de l'enfantement jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous.
[p. 149]. Ne vous y trompez pas : la perfection ne consiste pas dans les choses extraordinaires. Prenez la vie de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge : il me semble que vous pouvez vous contenter de ces modèles. Les choses les plus simples sont les plus agréables à Dieu, pourvu qu'elles soient dans l'ordre. La perfection consiste à faire ce que l'on fait le plus parfaitement possible avec des sentiments d'humilité et d'amour. Se détruire soi-même et faire vivre en soi Notre-Seigneur, avoir pour Notre-Seigneur toute la tendresse et l'affection possibles, je ne sache pas, après tout, d'autre perfection(6).
[p. 194-195] . Il est indispensable que je vous présente une pensée fondamentale, une pensée qui doit enlever ce qu'il y a de trop de vous-mêmes : Cette pensée, c'est la notion de ce que vous devez à l'Eglise, le sentiment avec lequel vous devez l'aimer. Je ne vous parlerai pas des malheurs actuels de l'Eglise, et certes, pour une fille digne d'une telle mère, il y aurait de quoi exciter sa ferveur; mais à une condition, c'est qu'elle s'oubliera elle-même. Au milieu de ces grands événements, de ces angoisses du chef de l'Eglise, de ce flot de révolution qui monte tous les jours quand je rencontre des âmes se préoccupant tant d'elles-mêmes, gémissant sur leurs souffrances : une supérieure ne les comprend pas, elles ont un confesseur trop rude, on n'a pas assez d'égards pour elles dans la communauté. […] Si nous avons un peu de foi dans le cœur, toutes les épreuves doivent s'effacer devant cette épreuve de l'Eglise; quand des riens m'arrivent, j'ai les miens comme vous avez les vôtres; je vous le dis simplement, j'éprouve du bonheur à l'offrir à Notre-Seigneur crucifié dans ce moment; de l'infiniment petit au très grand, il y a cependant relation : le vicaire de Jésus-Christ souffre, il est juste que je souffre, c'est un bonheur pour moi, car cela me montre que je suis catholique(7).
b)
D'une retraite sacerdotale (1860-1864). - Orig.ms. ACR, BQ 10, 16 et 22; T.D. 52, p. 120, 130 et 134.
De 1860 à 1864, le P. d'Alzon donne cinq retraites sacerdotales d'après le même plan. Il y parle entre autres choses des droits de Dieu, de l'apostolat et de la charité sacerdotale.
Dieu, l'océan de l'être, est dans l'océan comme trois océans : l'un de puissance, on lui doit l'obéissance, la dépendance, l'adoration; l'océan de sagesse et de lumière, on lui doit l'acquiescement à la vérité et la pratique de la loi; océan d'amour, on lui doit l'amour.[...]
L'apôtre est le ministre de la vérité : lumière et parole éternelle; il lui doit la prédication et l'amour des âmes. - L'apôtre est le ministre de la vérité : force divine, source de la grâce; il lui doit la pureté, pour ne pas la corrompre entre ses mains. - L'apôtre est le ministre de la vérité faite homme et purifiant par son sang toutes choses : il lui doit le sacrifice de lui-même.
On parle aujourd'hui du vide qui se trouve dans une foule de cœurs. Ils veulent agir et manquent de but. Oiseaux célestes, ils ne peuvent déployer leurs ailes, parce que l'espace leur est refusé. Mais qui osera dire que le cœur du prêtre se trouve ainsi à l'étroit ? L'univers, voilà son champ. Sa carrière est immense, comme la distance qui sépare le ciel de la terre. Son point de départ, c'est l'humanité; son but, c'est Dieu; son action, c'est l'action du bien sur le mal. Sa puissance est celle de Jésus-Christ; ses désirs, c'est le bonheur de ses frères et la gloire de son auteur. Ah ! quel champ lui est ouvert ! Et quelle puissance ! L'esprit de Jésus-Christ, la charité de Jésus-Christ, voilà sa charité, son modèle et le principe de son action.
c)
Extraits d'une instruction de carême, donnée à Nîmes en 1861. -Notes d'audition du P. Vincent de Paul Bailly.
Le P. d'Alzon s'adresse à une population catholique vivant en milieu protestant; il sait que le protestantisme est menacé dans sa foi par le libéralisme doctrinal; d'autre part, la liberté du magistère catholique l'est aussi par la menace qui pèse sur son indépendance, depuis l'affaire d'Italie. Il centre donc ses instructions sur la Révélation divine qui ne peut être connue en sa plénitude qu'en liant la Sainte Ecriture à la Sainte Tradition en unique dépôt confié à l'Eglise, dont le magistère vivant s'exerce au nom de Jésus-Christ, dans un charisme d'infaillibilité. Cette prédication fit l'objet d'une surveillance policière, soit par peur de troubles entre catholiques et protestants, soit par crainte de voir contester la politique du gouvernement en Italie.
Après avoir parlé de l'Ecriture et de la Tradition, le P. d'Alzon aborde le magistère à propos du développement des dogmes.
Laissez-moi vous dire, mes frères, que nous assistons à une des phases les plus admirables à laquelle il soit donné d'assister dans les Annales de l'Eglise. [...] Nos dogmes se développent en prenant tous leur source dans la Tradition apostolique et c'est ce qui a fait dire à Suarez que la Tradition est un arbre qui porte des bourgeons et des fruits; le bourgeon croît, la fleur paraît et le fruit devient mûr; mais nous comprenons facilement qu'il faut qu'il y ait quelqu'un chargé d'enseigner ces dogmes, de les développer et de les soutenir dans leur croissance. Aussi pouvons-nous être certains que, de même qu'on a vu l'Eglise se prononcer à Nicée contre Arius, au concile de Latran contre Bérenger; que de même qu'on a vu Pie IX proclamer le dogme de l'Immaculée Conception, de même on peut presque affirmer que la première proposition de foi qui sera imposée à la croyance des fidèles sera l'infaillibilité du Pape. Et voilà, pourquoi j'ai dit en commençant que nous traversions une merveilleuse époque.
Si j'ai choisi, mes frères, ces trois dogmes de la divinité de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge et de l'infaillibilité du Pape pour étudier la grave question de la définition des dogmes, c'est qu il y a entre ces trois dogmes une union admirable. Qu'est-ce que la présence réelle dans le Saint-Sacrement ? C'est la communication d'un même corps à tous, afin que nous ne soyons qu'un en Jésus-Christ : voilà le corps de l'Eglise. -Qu'est-ce que l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge ? C'est l'infinie pureté de la Mère de Dieu, et cette pureté a une corrélation intime avec la pureté de l'Eglise, laquelle pureté ou intégrité est conservée par Celui qui est appelé l'ami de l'épouse.
Cela posé, voilà bien la figure de tout le christianisme : un Dieu fait homme, et dont le corps est comme le corps de toute l'Eglise; une vierge, sa Mère, nous montrant la sainteté où nous pouvons aspirer, et qui est comme la fin de l'Eglise; et enfin la pure nourriture des âmes se communiquant par un infaillible docteur, le Pape. [...]
Deux doctrines sont en présence : la doctrine de Jésus-Christ fondée sur la foi, et une autre doctrine séparée de la foi; il est impossible qu'elles pactisent, laquelle l'emportera ? Les philosophes auront leurs sophismes, la révolution ses émeutes, ses lanternes et ses massacres; les gouvernements auront leurs prisons, les échafauds et la force.[...1 Mais en face de toute l'Eglise catholique, apostolique et romaine, en face du Docteur des nations, de quel côté faudra-t-il pencher ? [...] Pour les apôtres catholiques, la vérité est le bien le plus précieux, ils portent son témoignage suivant cette parole de Notre-Seigneur à ses premiers apôtres : Vous serez mes témoins. Pierre sera le premier de tous les témoins, et à sa suite une multitude de martyrs, ayant à leur tête pour leur montrer la voie cinquante Papes martyrs; la dernière chaire de Jésus-Christ fut la croix et l'échafaud doit être la première chaire de ses apôtres.
Mais j'entends dire qu'on objecte : C'était ainsi autrefois, aujourd'hui il n'y a plus de martyrs. C'est une erreur. Avez-vous oublié Pie VI mourant martyr à Valence, et les cinq ans de captivité de Pie VII ? Et si Pie IX n'a pas été martyr, il y a douze ans, est-ce la faute des révolutionnaires ? Du train d'ailleurs où vont les choses, quel serait l'homme assez osé pour jurer qu'il ne le sera pas(8) ?
d)
D'un sermon aux Adoratrices du Saint-Sacrement, 11 mai 1863. -Notes d'audition, ACR, DJ 2.
A son retour de Constantinople, le P. d'Alzon confie aux Adoratrices quel immense besoin il ressentait d'être aidé et soutenu dans son apostolat par leurs prières.
Le Père nous a dit que, plus il avançait dans la vie, plus il sentait et comprenait toute l'influence de la prière, qu'elle était la force du missionnaire; qu'il avait besoin de se sentir soutenu par elle; qu'à proprement parler, ce n'était pas leurs paroles qui convertissaient, mais les âmes qui priaient et souffraient dans la retraite et le silence d'une vie cachée, qui leur obtenaient des grâces de conversions pour les pécheurs. De là, la rigoureuse nécessité pour les adoratrices de devenir des filles d'oraison, des filles mortifiées et d'être apôtres par le cœur. [...] Vous devez brûler du désir de voir Notre-Seigneur connu et aimé de ceux qui l'ignorent et ne l'aiment point. Votre ardeur et votre zèle doivent surtout se porter à obtenir des vocations qui nous permettent d'aller à la conquête des âmes, que vous autres ne pouvez atteindre que par la prière. Voyez, mes filles, c'est là un moyen d'attraction le plus puissant que je connaisse, vous attacher très fermement à Notre-Seigneur, resserrer vos liens entre vous pour ne faire qu'un et dans cette union avoir plus de force pour pouvoir ensuite, après avoir été attirées vous-mêmes, attirer de fortes et nombreuses vocations qui nous permettront d'attirer et sauver un grand nombre d'âmes.
e)
D'un carême aux élèves du collège sur les Actes des Apôtres, 1868. - Notes d'audition ACR, BR 2; Instructions du Samedi, p. 140-335, Paris, 1932 (= T.D. 13) et T.D. 50, p. 335-362.
Commentant les Actes des apôtres devant ses élèves, le P. d'Alzon a plus d'une expression apte à convoquer leur générosité dans le service de l'Eglise.
[13, p. 16l] . La prière, voilà la seule, la vraie puissance du chrétien. Nos ennemis sont plus nombreux, plus puissants, plus savants même si vous le voulez; ils ont à leur disposition un arsenal complet; et cependant, malgré leur nombre, malgré leur force, malgré leur science, ils seront vaincus si les chrétiens savent se servir de cette arme formidable, la prière. [...] Faites comme les apôtres et vous convertirez les peuples; mais pour cela il faut s'enfoncer dans la prière, il faut en quelque sorte aller chercher jusque dans le ciel par la prière la puissance de Dieu. [...] Mais il ne faut pas faire de la prière quelque chose d'isolé et d'étroit comme le trou d'une aiguille, il faut avant tout prier comme les apôtres ont su prier.
[13, p. 166]. La religion catholique n'est pas un système de philosophie que l'on peut discuter ou combattre à son gré; c'est une croyance qui repose sur des faits incontestables et qu'il faut accepter. Si l'on n'admet pas ces faits, si l'on n'admet pas le témoignage des apôtres qui ont répandu leur sang comme preuve de leur sincérité, il faut rejeter toute vérité historique et renvoyer tous les professeurs d'histoire.
[13, p. 194]. L'écrivain sacré, voulant faire un résumé des premières institutions catholiques, met comme base la doctrine, le dogme in doctrina. La base de l'Eglise, ce n'est donc pas la piété, ni la dévotion, ni les sentiments affectueux, mais la doctrine.
[13, p. 196]. La seconde institution, c'est la communion à la fraction du pain. [. . .] Il me semble que dans l'Eglise la doctrine soit la tête et l'eucharistie le cœur, car c'est là que réside la plénitude de l'amour en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Sans doute, c'est l'amour qui a créé le monde, et c'est l'amour de Dieu pour les hommes qui nous a valu l'Incarnation; mais le Fils, le Verbe, l'Intelligence a précédé dans sa venue sur la terre le Saint-Esprit qui représente l'amour et cela se reproduit dans la formation de l'Eglise. La doctrine qui représente la tête, l'intelligence, précède l'eucharistie, cette source inépuisable d'amour.
[13, p. 287] . Pour porter le nom de Dieu, la vérité éternelle, devant les peuples et les rois, il faut avoir l'âme pure, il faut en même temps s'attendre à beaucoup de déceptions, de calomnies, de persécutions, à toutes les souffrances que l'enfer peut vomir contre les soldats de Jésus-Christ; pour être véritablement apôtre, il faut aimer souffrir. Le monde, il est vrai, n'y comprend rien, ni surtout ces chrétiens tolérants qui se transforment en lits de plume pour qu'on vienne se reposer sur eux.
[50, p. 351] . La société se déchristianise tous les jours davantage, témoin l'Autriche, pour ne pas parler de la France; il faut donc savoir réclamer ses droits dans une telle société. Sans doute, tous les moments ne sont pas opportuns, et une même chose est tantôt bonne, tantôt mauvaise; mais une des grandes fautes des catholiques, c'est de rester dans la béatitude du silence, de ne pas assez savoir se rendre justice. Quand on a comme saint Paul le courage d'affronter les verges, on a également le courage de se poser comme catholique, on a le courage de faire valoir ses droits de citoyen.
[50, p. 361]. Une de mes plus grandes tristesses, c'est de voir précisément que tant de jeunes gens n'ont aucun pressentiment des belles choses qu'il serait donné à leur génération d'accomplir, s'ils avaient un peu de sang - et du sang chrétien - dans les veines. [. ..] Il faut avoir, comme saint Paul, le courage de prêcher sa foi et Jésus-Christ, en dépit de toutes les intrigues et de toutes les cabales des impies. Ce qui manque à l'Eglise pour la défendre, ce sont ces grands et magnifiques caractères.
f)
Extraits d'une retraite donnée aux hommes, en décembre 1868. -Orig.ms. ACR, CR 151-159; T.D. 45, p. 218-246.
Alors que le régime impérial évolue rapidement de l'autoritarisme au libéralisme, et que s'affirme plus nettement une opposition républicaine et même révolutionnaire, le P. d'Alzon veut éclairer son auditoire sur les rapports de l'Eglise et de l'Etat, afin de préciser les devoirs des fidèles envers l'Eglise(9). Le P. d'Alzon a parlé sur de brèves notes dont nous reproduisons des extraits :
La démocratie. - Pour examiner avec fruit les devoirs qui nous sont imposés, il importe d'étudier la situation de la société présente.[...] S'il est un fait qui frappe les yeux, c'est que nous avançons tous les jours vers une démocratie plus complète. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? C'est ce que je veux examiner au point de vue catholique. Qu'est-ce que la démocratie ? Je réponds que c'est une société où le peuple a la plus grande place aux affaires. Cela est-il mauvais en soi ? Evidemment non. Du moment que vous établissez une monarchie, une aristocratie, il peut se trouver une démocratie. [...] L'Eglise l'accepte aux Etats-Unis, l'accepte à Genève et préfère cet état au despotisme. Ceci est connu de tous. Donc la démocratie est acceptée par l'Eglise catholique. Mais je vais plus loin. Peut-on espérer avoir une démocratie chrétienne ? Si, par démocratie, on entend un Etat où l'égalité prédomine, je n'en vois pas de plus démocratique que l'Eglise. Egalités d'origine, de crime, d'affranchissement, d'adoption, .égalité devant la loi, égalité de secours, de banquets, d'espérance. [...] Donc il y a une égalité acceptable, bonne, sainte. [...] Catholiques, vous n'avez pas fait la démocratie, mais les premiers chrétiens n'avaient pas fait l'invasion des barbares; pourtant quand leurs flots se furent arrêtés, les évêques refirent le monde avec la barbarie. Vous n'avez pas précipité la démocratie sur le vieux monde, mais si Dieu ne veut pas perdre la société, croyez-le, c'est vous, catholiques, qui referez la démocratie par le respect, l'obéissance, le sacrifice et l'amour.
La révolution. - Toute démocratie est-elle acceptable ? Non. Je repousse de toutes mes forces la démocratie révolutionnaire.[...] Qu'est-ce que j'appelle la révolution ? C'est l'état d'une société qui, au nom de la force du peuple, brise ses liens en se faisant lui-même l'arbitre de sa destinée, sans autre principe que celui du plus fort. J'appelle la révolution l'état d'un peuple qui ne veut plus du joug de Dieu et, dans ce sens, les rois ont été les premiers révolutionnaires, puisqu'ils ont donné l'exemple aux peuples. [...] Seulement, les plus conséquents, ce sont les terroristes, oui les terroristes. Qu'est-ce qu'un terroriste ? C'est un homme qui d'abord veut du pouvoir, compte bien quand il aura le pouvoir pour lui, imposer la justice aux autres : justice quelconque, vous le pensez bien. Le terroriste est un homme qui, au nom de la libre pensée et de la morale indépendante, se fait sa vérité à lui, sa justice à lui, et cherche à faire triompher ses idées par les moyens les plus efficaces, par la conspiration d'abord, plus tard par la force, par la violence, par la terreur. [...] Quant aux révolutionnaires à l'eau de rose, ils ne m'inspirent, je l'avoue, que le plus profond mépris.
La liberté de l'Eglise. - Quelles libertés réclame l'Eglise ? La liberté d'enseigner : ceci est de l'essence des choses; la liberté d'élection des évêques : un concordat l'a donnée, un autre peut la retirer; la liberté des ordres religieux : ceci est la perfection de l'Eglise; la liberté de posséder : on ne veut faire de l'Eglise qu'une servante salariée, l'Eglise ne peut pas l'accepter. L'Eglise se trouve aujourd'hui en face de gouvernements qui, comme gouvernements, n'ont pas la foi; moins ils ont la foi, plus ils doivent la laisser libre d'enseigner comme elle l'entend. [...] Il y a trois états possibles, l'union de l'Eglise et de l'Etat, l'état de séparation et l'état d'oppression. Je préfère l'union à tout, mais entre l'oppression et la séparation, je préfère la séparation. [...] Des révolutions nous menacent, dit-on. Pour moi, je les redoute, je tremble, mais ne me décourage pas : j'entends qu'il faut nous tenir prêts et sous la direction infaillible de l'Eglise, et faire notre devoir(10).
L'association. - En face de la situation présente, les catholiques ont de grands devoirs à remplir, et j'ajoute que l'un des principaux, c'est l'association [...], à deux conditions : la liberté, et, par là je proteste contre les utopies socialistes qui prétendent tout enrégimenter, tout réglementer; secondement, la publicité, et par là encore je proteste contre les sociétés secrètes condamnées par l'Eglise, et qui lui ont voué une guerre à mort. [...] Ces deux conditions remplies, je ne saurais trop vous répéter : "Mes frères, associez-vous pour toutes les causes qui se rapportent à la défense de l'Eglise". [...] En face de tout ce qui se fait au nom des droits de l'homme, je voudrais une association qui s'occupât de combattre pour les droits de Dieu; et qu'on ne dise pas que Dieu se défendra lui-même. Le plus grand honneur que Dieu puisse faire à l'homme, c'est de lui confier la défense des droits divins. Ces droits, quels sont-ils ? Ils ne sont autres que ceux de l'Eglise catholique.
6
Diverses appréciations sur les prédications du P. d'Alzon (1863-1868)
Tout en faisant la part du genre littéraire qui peut marquer un discours, des lettres, des comptes rendus et même des rapports de police, il ne fait pas de doute que la prédication du P. d'Alzon retient l'attention, parce qu'elle se veut doctrinale, adaptée et actuelle pour être apostolique.
a)
A propos d'une retraite sacerdotale. Discours de Mgr Pie à ses prêtres, 25 août 1863. - Cité par le P. Vailhé, Vie du P. d'Alzon, II, p. 160.
Messieurs, jusqu'ici, j'avais entendu l'éloquence chevaleresque du gentilhomme, l'éloquence ardente du tribun, l'éloquence pleine d'onction de l'orateur sacré, l'éloquence simple de l'apôtre, l'éloquence magistrale de l'évêque; ces jours-ci, je les ai entendues toutes à la fois, et elles ont resplendi tour à tour et à l'envi dans la parole ardente de celui qui vous a prêché et qui les réunit toutes.
b)
A propos d'un cours d'histoire de l'Eglise. D'une lettre de la supérieure du prieuré de Nîmes, 21 novembre 1864. - Texte cité par le P. Sage, Un maître spirituel, p. 101.
Le cours [d'histoire ecclésiastique] du P. d'Alzon est magnifique, c'est la vie de Notre-Seigneur et des apôtres. [...] La préparation de son cours intéresse tant le P. d'Alzon qu'il y passe des heures à lire et feuilleter toute espèce de livres. Cela le distrait et paraît tant lui donner de plaisir qu'on ne craint pas trop de le fatiguer. Cependant il a parlé aujourd'hui une heure et demie.
c)
A propos d'un sermon à la cathédrale. D'une lettre de la supérieure de Nîmes, 11 février 1867. - ibid., p. 108.
Il a prêché lundi soir à la cathédrale d'une manière sublime, paraît-il. Son auditoire fort nombreux était littéralement électrisé. Jamais, dit-on, il n'a été si beau, si grand, si serein. Mais il a payé chèrement cette prédication de 95 minutes. Il est depuis enfermé avec une névralgie qui le fait bien souffrir(11).
d)
A propos d'un sermon donné au Vigan. D'une lettre de la supérieure de Nîmes, décembre 1867. - ibid., p. 109.
Le P. d'Alzon a voulu que nous assistions au service fait à l'église paroissiale au Vigan pour les Zouaves. Il a prêché avec tout son feu, toute son éloquence et son charme, et j'ai vraiment joui d'un si beau spectacle. Son air si grand, si noble, ses gestes, son maintien et ses paroles si bien choisies pour la circonstance et prononcées avec un son de voix si harmonieux, son ardeur, son élan, tout cela m'a fait comprendre l'espèce d'enthousiasme qu'il a créé dans les âmes.
e)
A propos d'un triduum et d'une retraite donnés à Alès. - Semaine religieuse de Nîmes, 16 février 1868, p. 607-608.
Malgré de récentes fatigues, dues aux travaux incessants de son ministère, le R.P. d'Alzon, dont le zèle ne connaît aucun obstacle, a bien voulu consacrer quelques jours aux catholiques d'Alais. Après avoir prêché le Triduum à la paroisse Saint-Joseph, avec cette hauteur de vues, ce talent et, par-dessus tout, cette sainte ardeur, qui en font à la fois un orateur accompli et le modèle des apôtres, M. le Grand-Vicaire a dû céder aux instances réitérées des Dames de la Miséricorde, et prêcher leur retraite annuelle.
On ne saurait être trop reconnaissant envers ces hommes appelés par leurs mérites à parler, surtout dans les circonstances solennelles, et qui se laissent aller à ces causeries, familières mais émouvantes, pratiques mais élevées, où le cœur et l'expérience des âmes ont encore plus de part que le talent. L'âme sort de ces entretiens toujours touchée, toujours résolue. L'on comprend que s'il est beau d'entendre vibrer le génie et tonner l'éloquence, il est plus doux et plus profitable encore de se voir soulevé, pour ainsi dire, sans effort, par l'onction du langage et la noble simplicité du débit jusqu'aux plus grandes conceptions et aux enseignements les plus relevés.
Telle est l'impression que laissent les paroles du R.P. d'Alzon, chaque fois qu'on le surprend dans ces réunions de famille; car c'est bien le nom qui leur convient. Il y parle avec l'accent d'un père, mais d'un père qui donnerait jusqu'à la dernière goutte de son sang pour sauver une âme. On sent que la charité déborde de ce cœur vraiment sacerdotal, que cette vertu surtout est la source de ces élans sublimes et généreux qui feront toujours des auditeurs du R.P. d'Alzon des admirateurs et, ce qu'il prise davantage, des chrétiens fervents et convaincus. Nous n'en voudrions pour preuve que la retraite dont nous parlons. Il ne nous appartient pas d'en constater les fruits; mais, le jour de la clôture, on devinait qu'ils étaient nombreux, au recueillement et à la piété de l'assemblée. Heureusement répandue sur un sol privilégié, la semence germait déjà.
f)
Du procureur général de Nîmes au ministre de la justice, Nîmes, le 26 décembre 1868. - Arch. nat. F 19, 5835.
Comme en 1861, le P. d'Alzon, tout en exposant la doctrine de l'Eglise, n'a pas hésité à aborder les sujets brûlants d'actualité. Il a traité de la démocratie, dont on doit se demander si elle est athée ou chrétienne, et de la Révolution qui balaye les trônes. Le procureur général, dès le deuxième sermon, l'a fait surveiller par le commissaire de police, pour en référer au gouvernement, mais il doit convenir qu'une poursuite en justice n'aurait aucun résultat.
Les conférences du vicaire général d'Alzon se sont terminées le 23 décembre. Les trois dernières ont été moins violentes. J'ai l'honneur d'en remettre le résumé sous les yeux de Votre Excellence; quelque informe qu'il puisse être, il suffit à démontrer que cet abbé fait constamment en chaire de la politique, et qu'il cherche à exciter les esprits et les passions mauvaises. Cette préoccupation empêche même M. d'Alzon de développer par des déductions suivies les points qu'il annonce dès le début, et de là le décousu et souvent l'obscurité de ses conférences(12).
M. d'Alzon abuse de la patience publique. Il n'est déjà guère pris au sérieux par les hommes sages de tous les partis. Malheureusement, les masses l'écoutent et l'écouteront encore longtemps, et cette parole ardente, irritée, peut à un moment donné les entraîner assez loin. Le remède à ces abus, Monsieur le Garde des Sceaux, n'est pas facile à indiquer. M. Plantier eût-il la bonne volonté qui lui manque, ne paralyserait qu'à demi l'effervescence de son grand vicaire.
Quant à une poursuite, si tant est qu'elle fût possible, M. d'Alzon l'appelle de tous ses vœux, ainsi qu'il le laisse pressentir dans la quatrième page de la conférence du 22 décembre.
Je veux espérer, Monsieur le Garde des Sceaux, qu'avec le temps le sentiment public fera mieux et plus utilement justice d'aussi déplorables excès.
________________________________________
1. Il s'agit de deux jeunes anciens élèves du collège, honorés dans un discours précédent par l'abbé de Cabrières : Albert Rouvière, mort à Forbach le 6 août 1870, et Maurice de Giry, mort à Rome au service du Pape, le 20 septembre 1870.
2. La Bse Marie-Eugénie, qui connaissait les difficultés d'argent du P. d'Alzon, lui demande de rester encore grand vicaire, mais aussi de prendre des heures de silence pour y vivre avec les saints et le bon Dieu : "Je n'ai rien vu, lui écrit-elle, qui fît sur vous un effet de sanctification plus sensible, et ce moyen s'accorde avec l'état de petite santé où Dieu vous tient" (Lettre du 1er avril 1859. - Orig.ms. ACRA, lettre ne 2735).
3. Vicaire général avec le P. d'Alzon.
4. Ayant lu cet article, Mgr Plantier écrivit au P. d'Alzon, le 21 octobre 1859 : "J'ai lu avec intérêt vos quelques pages sur Puaux; il n'est pas besoin de faire une autre réponse." (DZ 86).
5. Le 4 janvier 1846, le P. d'Alzon avouait à Mère M. Eugénie qu'il avait pleuré en lisant le récit de la conversion de Newman, et il ajoutait : "Je vois plus clairement que jamais ma vocation devant moi, jointe à l'obligation de tendre au plus parfait." (V., Lettres, III, p. 6).
6. Écrivant au P. Emmanuel Bailly, le 14 avril 1862, le P. d'Alzon se résume en ces mots : La perfection des actions ordinaires est la vraie perfection.
7. Dans un sermon d'avent prêché à la cathédrale d'Alès, le P. d'Alzon parle du courage de Véronique : "Mon Dieu, dit-il, aujourd'hui où vous êtes tant insulté dans votre Eglise, je voudrais faire de mon âme un voile respectueux et empreindre votre vérité en moi par l'amour de vos opprobres mêmes." (T.D. 45, p. 345).
8. Ce sont de tels propos qui attirent l'attention de la police, étant donné le contexte de l'affaire d'Italie. - Dans un sermon précédent, le P. d'Alzon avait rendu à son évêque, fidèle à défendre la liberté du Pape, l'hommage suivant : "Les successeurs des apôtres, les évêques, ont toujours été chargés spécialement de conserver ces vérités [révélées], car leur caractère est d'être juges; et laissez-moi vous dire en passant, mes frères, combien je suis heureux en ces temps malheureux de posséder un évêque qui ressemble aux Athanase d'Alexandrie, aux Hilaire de Poitiers, je ne dirai pas aux Irénée de Lyon, car je ne veux pas voir encore dans ses veines le sang des martyrs, comme j'y vois déjà le courage et la science des docteurs."
9. Le 14 décembre, le P. d'Alzon écrivait à Mère M. Eugénie : "Priez pour une espèce de retraite que je vais prêcher ce soir aux hommes pour les préparer à la fête de Noël. Les terroristes sont parfaitement organisés à Nîmes, ils ont leur fusil et vingt-cinq cartouches chacun. Sans être à même de fournir des fusils, il faudrait avoir une organisation pour un besoin qui surgirait de tel événement imprévu. Du reste, nous ne sommes pas des hommes d'opposition, nous sommes des hommes d'affirmation. Nous posons nettement les principes catholiques et nous les propageons, nous combattons ce qui les contredit. Tant pis pour ceux que nous trouvons sous nos pas." - Le 29 décembre, il écrit encore : "J'ai prêché à Saint-Charles à un magnifique auditoire d'hommes et je crois que cela a fait un bien d'union; mais ma pauvre mâchoire a dû savoir ce qu'il m'en coûte. J'espère que Notre-Seigneur en sera glorifié." (Orig.ms. ACR, AD 1501;' T.D. 24, p. 40) .
10. Ce sont de tels propos que le procureur impérial a jugé bon de faire contrôler par le commissaire de police, afin d'en référer au ministre de la justice.
11. Le 22 février, la même religieuse écrivait : "On ne cesse de parler de son magnifique sermon, qui était un triomphe."
12. Ce qui veut dire que le commissaire de police, aussi "intelligent et consciencieux" qu'il soit, et qui "jette sur le papier, au sortir de l'Eglise, le résumé de ses notes et de ses souvenirs" (lettre du 1er décembre du procureur général au ministre), est assez gêné pour bâtir un texte répréhensif à partir d'allusions ou de digressions faites seulement pour tenir l'auditoire en éveil. Il est vrai qu'il prêche devant un magnifique auditoire : "Toute la ville de Nîmes, écrit-on, s'y porte. Il parle tous les soirs à 1200 hommes."