CHAPITRE I
FAMILLE, NAISSANCE ET BAPTEME D'EMMANUEL D'ALZON
Emmanuel-Marie-Joseph-Maurice DAUDE D'ALZON est né au Vigan, département du Gard, en France, dans le château de la Condamine, propriété de ses parents, le 30 août 1810, fils aîné d'André-Henri d'Alzon et de Marie-Jeanne-Clémence de Faventine, et a été baptisé en l'église paroissiale du lieu, le 2 septembre suivant.
1. Les ancêtres d'Emmanuel d'Alzon. - Le tableau généalogique de l'ascendance paternelle et maternelle d'Emmanuel d'Alzon (v. infra 1) le fait apparaître issu d'une noble origine et d'une imposante lignée, appartenant à la forte race des Cévennes du midi de la France.
Par son père, il est inséré dans la famille des DAUDE, dits Daudé de la Coste, Deo dati, selon l'étymologie admise depuis les origines et devise de leur blason. Les Daudé s'illustrèrent pendant les "troubles" ou guerres de Religion, qui suivirent la Réforme jusqu'à l'Edit de Nantes (1598) et au-delà, quand le pouvoir royal refoula les protestants insoumis, Huguenots et Camisards, dans les vallées et hauts-lieux du Languedoc.
Jean Daudé de la Coste, premier du nom, chef militaire de la paroisse de Saint-André de Majencoules, tomba en 1580 au service de la religion et du roi, victime des Huguenots. Entre 1620 et 1627, le château de la Coste fut incendié à deux reprises par les protestants, et tous les titres de noblesse furent brûlés. Grâce à la politique de Richelieu et après une absence de quelques années, les Daudé purent revenir sur leurs terres.
Jacques Daudé de la Coste (1641-1704) vient un peu plus tard s'établir au Vigan, dans le château de la Valette, isolé et d'un accès inabordable, séparé de l'agglomération par la rivière de l'Arre. Le 4 juin 1704, dans un sentier désert non loin de sa demeure, il est victime d'une embuscade de la part des Camisards.
Jean Daudé, dit le Grand Daudé (1676-1760), fils du précédent et né d'un premier mariage, se trouve à la tête d'un vaste domaine, qu'il augmente en 1714 par l'acquisition de la Seigneurie d'Alzon. Le 17 avril 1727, Jean Daudé et son demi-frère Etienne reçoivent confirmation, par lettres patentes du roi Louis XV, de leurs anciens titres de noblesse, et l'autorisation de porter les anciennes armoiries de la famille, qui étaient de gueules à un lion d'or, couronné d'une couronne du même à l'antique, tenant de la patte dextre une fleur de lis d'or. Ainsi réhabilité, Jean Daudé fit ériger ses terres en Vicomté et devint le premier vicomte d'Alzon. A partir de 1749, il put transmettre le nom et les armes de vicomte d'Alzon à ses descendants. Il avait, en 1705, épousé Madeleine de Roussy, que nous retrouverons dans l'ascendance maternelle d'Emmanuel d'Alzon. De son côté, Etienne devint le chef des Daudé de la Valette.
François-Xavier Daudé (1709-1786), deuxième vicomte d'Alzon, par suite d'affaires familiales mal définies, vend à son cousin germain, Pierre-Jacques de Faventine, neveu de Madeleine de Roussy, toutes ses terres de l' "Alzonenque", et s'installe lui-même au château de la Condamine, sur la rive gauche de l'Arre, mais à l'extrémité du bourg du Vigan.
Jean-François-Xavier Daudé (1739-1813) avait été établi, quatre ans après les dispositions prises par son père, dans la baronnie du Pouget, au château de Lestang, à mi-chemin de Gignac et de Montagnac, sur la rive gauche de l'Hérault. C'est là que va donc se perpétuer la branche aînée de la famille.
2. Les parents d'Emmanuel d'Alzon. - André-Henri d'Alzon (1774-1864), père d'Emmanuel d'Alzon, naquit au Vigan, le 22 octobre 1774, neuvième enfant de Jean-François-Xavier Daudé et de Marie-Anne-Cécile L'Evesque de Cérisières.
Ne pouvant espérer, en vertu des lois de succession, une partie d'héritage lui permettant d'envisager une carrière libérale et, par ailleurs, inapte au service militaire, André-Henri d'Alzon fut destiné en principe à l'Eglise, conformément à ses goûts naturels.
Il fut donc confié à un certain abbé Conil et dut s'éloigner des siens dès l'âge de dix ans et pour une douzaine d'années, de 1784 à 1796. En effet, son père, au cours d'études faites à Lyon, avait connu ce prêtre et lui avait confié le préceptorat de son fils cadet; après quoi, l'abbé Conil, en 1774, avait pris la direction de la paroisse de Chailland dans le diocèse de Laval, d'où il offrit de se charger de l'éducation cléricale du jeune adolescent.
André-Henri d'Alzon demeure au presbytère de son protecteur de 1784 à 1789, et, en 1789, entre comme pensionnaire au collège ecclésiastique de Château-Gontier. Mais les événements de la Révolution obligent l'abbé Conil à s'exiler à Jersey, tandis qu'en 1792, en pleine terreur, son protégé, pratiquement orphelin, se fait greffier chez un juge de paix pour vivre. Ce n'est qu'en 1796 et âgé de 22 ans, qu'il put regagner sa province d'origine. Comme ses parents vivaient alors avec leurs autres enfants, à Lestang, dans un état proche de la misère, par le fait de la Révolution, il est accueilli au Vigan, dans le château de la Condamine par sa tante maternelle, et y trouve une petite fille de 9 ans, sa cousine.
Il s'agit de Marie-Jeanne-Clémence de Faventine (1788-1860), future épouse d'André-Henri d'Alzon et mère d'Emmanuel d'Alzon. Elle était la dernière des trois enfants de Louis de Faventine-Montredon et de Jeanne-Françoise Liron d'Ayrolles, mariés au Vigan. A côté de ce foyer et en étroite intimité, vivait au Vigan un autre foyer, sans enfants, celui de Louise-Marie-Joséphine d'Alzon (1751-1812), épouse de son petit-cousin, Clément de Faventine, frère de Louis.
C'est dans ce foyer sans enfant que Marie-Jeanne-Clémence, avec l'accord de ses parents, fut accueillie en 1795, puis adoptée légalement en 1802.
Dans ce milieu familial, qui offrait toute garantie morale, le neveu et la nièce firent connaissance et, après dix ans de vie en famille, s'épousèrent en mai 1806, en la paroisse de Saint-Pierre du Vigan(1).
3. Naissance et baptême d'Emmanuel d'Alzon. - Le premier fruit de cette union, un fils, désiré pendant quatre ans, vit le jour le 30 août 1810 (v. infra 2). Alors que le vicomte d'Alzon attendait l'heureuse issue de l'événement en parcourant, le chapelet à la main, une allée de marronniers de la Condamine, on lui cria qu'il avait un fils; il se précipita chez lui, prit le nouveau-né entre ses bras et s'écria : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur"(2).
Dès le 2 septembre suivant, en l'église Saint-Pierre du Vigan, le nouveau-né fut régénéré par le sacrement du baptême, des mains de son oncle maternel, l'abbé Liron d'Ayrolles, en y recevant les noms de : Emmanuel-Marie-Joseph-Maurice (v. infra 3).
Premier-né de la famille, Emmanuel eut un frère et deux sœurs : Jules, né en 1816, mort en 1818, filleul du cardinal Jules Gabrielli (3); Augustine (1813-1860), avec laquelle il eut une correspondance particulièrement suivie, et Marie (1819-1869), qui mourut veuve du comte de Puységur en laissant deux enfants : Jean qui fit souche et Alix qui devint carmélite ; une petite fille, Marthe, avait été enlevée à leur affection, à l'âge de cinq ans.
4. Les lieux de son enfance. - Au cours des années qui précédèrent ou suivirent la naissance d'Emmanuel d'Alzon, Dieu avait rappelé à lui les parents et protecteurs des jeunes époux : Louis de Faventine, père de Marie-Jeanne-Clémence, Clément de Faventine et Louise-Marie-Joséphine d'Alzon (+ 1812); Jean-François-Xavier d'Alzon (+ 1813), père d'André-Henri d'Alzon.
Par suite de ces deuils, André-Henri était devenu le seul héritier de sa tante (Louise-Marie-Joséphine) et co-propriétaire avec sa mère (Marie-Anne-Cécile L'Evesque de Cérisières), non seulement de la fortune des Faventine, qu'il administra scrupuleusement, mais aussi des biens des d'Alzon qui leur avaient été vendus par son grand-père (François-Xavier Daudé). Il en résulta pour les parents d'Emmanuel d'Alzon un cumul de biens leur permettant de vivre dans l'aisance et l'exercice de la générosité.
De leurs terres et de leurs possessions, deux noms sont à retenir, pour l'enfance et l'avenir d'Emmanuel : le château de la Condamine, au Vigan, qui fut sa maison natale, et où il reçut sa toute première éducation, de 1810 à 1816 et, à partir de cette date, le château de Lavagnac, sur les bords de l'Hérault, non loin de Montpellier : magnifique résidence entourée d'un vaste parc, construite vers 1650 et achetée vers 1780 par Jean-Maurice de Faventine. C'est là que s'installèrent, en 1816, après l'avoir restaurée, M. et Mme d'Alzon et leurs enfants.
1. Pour les sources, voir la bibliographie donnée dans l'introduction du document 1 de ce chapitre.
2. Depuis le P. E. Bailly dans le premier volume de ses Notes et Documents, paru en 1894, les historiens du P. d'Alzon répètent cette anecdote. Il ne nous est pas possible de dire d'où ils la tiennent. Dans ses souvenirs sur le P. d'Alzon qui datent de 1881, Sœur Charlotte d'Alzon, sa cousine, se contente de dire qu'Emmanuel fut toujours considéré par sa famille comme un présent du ciel (Orig.ms. ACR, DQ 255).
3. Voir Ch. II, 5, note.
1
Généalogie d'Emmanuel d'Alzon
Le tableau généalogique ici reproduit veut rendre compte de la double ascendance paternelle et maternelle d'Emmanuel d'Alzon.
L'ascendance paternelle se rattache à une famille dont on peut suivre les différentes branches à compter de Jean DAUDE de la COSTE (+ 1580). La famille des DAUDE se subdivise, au début du XVIIème siècle, en celle des DAUDE D'ALZON et celle des DAUDE de la VALETTE. C'est de la branche des DAUDE d'ALZON, par son père André-Henri, qu'Emmanuel d'Alzon est issu.
L'ascendance maternelle rejoint l'ascendance paternelle des DAUDE d'ALZON, lorsque Jean, premier vicomte d'ALZON (+ 1704) épouse Madeleine de ROUSSY dont la soeur, Marguerite, épouse Jacques de FAVENTINE. C'est de la branche des FAVENTINE que descend Marie-Jeanne-Clémence, mère d'Emmanuel.
Mais il faut savoir que ces deux familles, les d'ALZON et les de ROUSSY, se sont alliées aux d'ASSAS, de GUIBAL, de COMBESCURE, de GINESTOUS, d'ARBOUX, d'ALHAN, de SERRES, BEGON de BLANDAS, GUICHARD de la LINIERE, de BERNIS, de LARCY, de GIRY, EVESQUE de CERISIERES, de MENARD, de FAJON, de CLAVIERES, de BONALD, etc., "si bien qu'on est surpris, écrit le P. S. Vailhé-(Vie, I, p. 11), en parcourant la volumineuse correspondance du P. d'Alzon, du nombre considérable de personnes qu'il appelle cousins ou cousines, et l'on serait porté à croire qu'il s'agit là d'une parenté à la mode de Bretagne, si, examinant bien tous les rameaux de l'arbre généalogique de sa famille, on ne s'apercevait que le cousinage ne remonte souvent qu'au troisième ou même au second degré".
Par quelques notes, nous signalons à l'attention les noms les plus marquants ou les plus en rapport avec la vie d'Emmanuel d'Alzon.
Mais pour plus de renseignements sur l'ascendance familiale d'Emmanuel d'Alzon, voir : E. BOUVY, A.A., Vie du P. d'Alzon, Rome, 1922 -VAILHE, Vie, I, p. 1-26 - DU GUERNY, Notice généalogique sur les Daudé, Seigneurs d'Alzon, de la Valette, de Poussan, originaires des Cévennes, dactyl. 30 p., Archives départementales du Gard, 1969.
NOTES DES TABLEAUX GÉNÉALOGIQUES
1. Fulcrand, époux de Françoise Valdeyron, serait plutôt à identifier avec le fils de Pierre Daudé de la Coste et de Jeanne Sauzet,
2. Assassiné le 4 juin 1704, par un protestant fanatique.
3. Fulcrand se fixe dans le Lyonnais, et, par mariage, devient Seigneur de Poussey, dans les Dombes ; de lui descendent les Daudé de Villard et les Daudé de Monteil.
4. et 4bis. - Par lettres patentes du 17 avril 1727, Louis XV confirme à Jean Daudé et à son demi-frère Etienne leurs titres de vieille noblesse, disparus dans l'incendie de 1620, et leur permet de porter les anciennes armoiries de leur famille. - Jean Daudé, devenu Seigneur d'Alzon, demande et obtient en 1749 que ses diverses seigneuries du mandement d'Alzon soient érigées en vicomté.
5. Second fils de François d'Assas Montdardier, tué à la bataille de la Marsaille en 1693, et grand oncle du héros de Klostercamp (1760).
6. André Guibal de Combescure, capitaine du Régiment de la Reine, mort en 1745 sous les murs de Prague, ayant à ses côtés ses deux fils, officiers sous ses ordres. Par la famille des de Combescure, la lignée des d'Alzon sera apparentée à la famille de Bonald. Séverin de Serres est le petit-fils du vicomte de Bonald.
7. François-Xavier Daudé d'Alzon, après la rupture de ses fiançailles avec Jeanne Raimond, épousa Marguerite de Jouvenot (dont postérité), puis Françoise-Louise de Guichard de la Linière, dont il n'eut pas d'enfants.
8. Marraine d'Emmanuel d'Alzon.
9. Il baptisa Emmanuel d'Alzon ; lorsque celui-ci s'établit définitivement à Nîmes, il l'hébergea quelque temps. A sa mort, l'abbé d'Alzon lui succéda comme vicaire général de Mgr Cart.
10. En 1792, Joseph-Bruno quitta la France pour s'établir à Cuba; il y amassa fortune et ne reparut en France qu'en 1820. Lors de son retour aux Antilles, il emmena son neveu Clément Rodier qui resta près de lui jusqu'en 1823.
11. Mme Rodier fut en relation avec Lamennais et lui offrit de le recevoir chez elle ; elle fut secrétaire zélée du Rosaire vivant de Pauline Jaricot.
12. Parrain d'Emmanuel d'Alzon.
13. C'est en répondant à l'appel de sa sœur, dont le mari, le Vicomte de Puységur se trouvait gravement malade, à Turin, chez leurs cousins Félix de Roussy, apparentés à la famille de saint François de Sales, que l'abbé d'Alzon, en 1844, a l'occasion de rencontrer la Marquise de Barolo - qui avait consacré sa fortune à de nombreuses œuvres de charité, - et, par elle, Silvio Pellico.
14. Charlotte d'Alzon fut Supérieure des Sœurs de saint Vincent de Paul à l'hôpital d'Agde.
15. Alix de Puységur entra au Carmel en 1857.
2.
Acte de naissance d'Emmanuel d'Alzon, Le Vigan, 31 août 1810. Extrait des registres d'Etat civil, Mairie du Vigan, année 1810, n° 98. - Photo ACR, DK 286.
N° 98
Emmanuel-Marie-Joseph-Maurice DAUDE D'ALZON
L'an mil huit cent dix, le trente un août à dix heures du matin en la Maison Commune, par devant nous François Dortet de Tessan, maire et officier de l'Etat civil de la Ville du Vigan - département du Gard, est comparu Monsieur André-Henri Daudé d'Alzon, propriétaire foncier, domicilié en cette ville, qui nous a présenté un enfant du sexe masculin, né le jour d'hier, à une heure et demie du soir, de lui déclarant et de Dame Marie-Jeanne-Clémence Faventine, son épouse, auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de : Emmanuel-Marie-Joseph-Maurice, lesquelles présentation et déclaration ont été faites en présence des Sieurs David Fadat, marchand et Marc Cadenat, boulanger, tous deux majeurs et domiciliés en cette ville, et ont les père et témoins signé avec nous le présent acte de naissance après leur en avoir fait lecture.
H. d'Alzon D. Fadat
Tessan, maire M. Cadenat
3.
Acte du baptême d'Emmanuel d'Alzon, le Vigan 2 septembre 1810. Extrait des Registres de chrétienté de la paroisse du Vigan, année 1810. - Photo ACR, DK 287.
L'an 1810 et le second du mois de septembre, par nous prêtre domicilié dans cette paroisse du Vigan a été baptisé Emmanuel Marie Joseph Maurice, fils légitime de Mr André Henry Daudé d'Alzon, et de Dame Marie Jeanne Clémence de Faventine, mariés. Son parrain a été Mr Jean Maurice de Faventine, son oncle, sa marraine Dame Louise, Marie-Joseph de Faventine d'Alzon, sa grand-tante, qui ont signé avec nous.
. Faventine d'Alzon Faventine
Pouzol, curé H. d'Alzon Evesque d'Alzon
. Faventine d'Assas Marie Liron
. F[ranç]ois d'Assas
Liron d'Ayrolles, prêtre
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