CHAPITRE XV
LE P. D'ALZON ET LE JOURNALISME EN 1848
En 1848, un mouvement révolutionnaire, politique et social, partant de France, va faire le tour de l'Europe et mettre peuples et gouvernants en face d'une situation mouvante, parce que les peuples aspirent à un régime démocratique, et parce que les classes laborieuses veulent faire valoir de justes aspirations. On sait que ce mouvement, commencé à peu près partout dans l'euphorie, s'achèvera dans la répression et la désillusion : mort de Mgr Affre aux "Journées de juin" à Paris, fuite du pape Pie IX de Rome à Gaëte, et remise en place d'un parti de l'ordre qui canalise, réprime ou suspend les libertés escomptées(1). Le P. d'Alzon a voulu, avec ses collaborateurs et par le journalisme, servir l'espérance initiale : voir toutes les classes, fraternellement unies, travailler en commun au bonheur de tous, dans un climat de liberté, nécessairement favorable à l'Eglise.
1. Aux origines du journal "La Liberté pour tous". -
En France, la Révolution des 22-24 février 1848 a chassé le roi constitutionnel, Louis-Philippe. Le suffrage universel qu'il refusait est acquis; les élections doivent être préparées : le bien du peuple et de l'Eglise en dépend. Voilà ce dont le P. d'Alzon prend conscience à Paris où il se trouve pour obtenir le plein exercice de l'enseignement secondaire pour son collège de Nîmes (Cf. XIV, A). Invité par Lacordaire, le 26 février, à une réunion au cours de laquelle fut décidée la création du journal l'Ere nouvelle, il promet son concours et des fonds, sans intervenir dans la rédaction, mais en pressant la parution. C'est alors qu'il reçoit des nouvelles sur la répercussion en province des événements de Paris : à Nîmes, on veut aussi faire un journal avec pour titre La Démocratie catholique, lui écrit le 4 mars Germer-Durand(2). Par retour du courrier, le P. d'Alzon donne son accord, le 6 mars : démocratie, certes, - mais ouverte à tous; catholique, assurément, - mais eu égard à la minorité protestante de Nîmes; le tout pour préparer les élections (v. infra 1). Pour juger de ce nouvel engagement du P. d'Alzon, nous avons le journal et la part de sa correspondance qui s'y rapporte.
2. Le journal "La liberté pour tous". -
Rentré à Nîmes le 17 mars, le P. d'Alzon décline l'aventure d'une élection politique (v. infra 2 a), mais confirme son accord pour la publication d'un journal qui paraît, le 21 mars, avec pour titre : La Liberté pour tous, et pour exergue : Dieu et le peuple. Il demeure la propriété de Germer-Durand et des maîtres du collège; sans titre officiel le P. d'Alzon le supervise et le soutient financièrement. Le rythme de sa parution se maintient jusqu'à la fin de l'année, à raison de trois numéros par semaine. Le P. d'Alzon n'y écrira que onze articles non signés(3), mais l'opinion sait y reconnaître sa plume. Il assume par là la responsabilité de prises de position qu'il juge légitimes et partage les risques auxquels s'exposent ses collaborateurs (v. infra 2, b et c).
L'orientation du journal est fermement donnée par ses premiers articles. Au nom de l'histoire, de l'Evangile et à l'exemple de Pie IX, il faut désormais servir "la religion et la liberté, Dieu et le peuple" (v. infra 3 a). "La liberté pour tous" doit avoir pour base "le droit commun"; aussi, le journal, "catholique et républicain", dénoncera-t-i1 toute oppression ou tout sectarisme (v. infra 3 b) et fera-t-il valoir "les justes exigences des classes laborieuses" (v. infra 3 c).Très ferme sur le plan politique, le journal, a-t-on écrit, le sera moins sur le plan social(4). Cependant, aux yeux de Montalembert, le P. d'Alzon passera pour "avoir été entaché de ce catholicisme démocratique et social que je regarde, lui écrit-il, comme l'erreur la plus dangereuse et la plus criminelle de notre temps. Votre journal, la Liberté pour tous, n'était guère qu'une doublure de l'Ere nouvelle(5)."
Avant tout, le journal avait été lancé en vue de préparer les élections désormais soumises au suffrage universel. A Nîmes, il était à prévoir qu'elles se dérouleraient dans un climat de tension politique et religieuse : le parti légitimiste catholique est encore puissant et la forte minorité protestante peut se sentir menacée. Proposer un programme d'union dans la liberté demeure donc fort aléatoire. De fait, les autres articles du P. d'Alzon furent motivés par les élections législatives et municipales, et par les dissensions locales qui les accompagnèrent. Le journal disparaîtra après le résultat des élections présidentielles.
"La Liberté pour tous" et les élections de 1848.-
Aux élections législatives, en avril, les avantages du suffrage universel jouèrent en faveur de la majorité catholique et au détriment de la minorité protestante; dès lors les émeutes devinrent journalières. Bien qu'il fût menacé (v. infra 2 d), le P. d'Alzon, dans La Liberté pour tous qui avait prôné une liste d'union, s'adresse aux partis opposés. "Aux catholiques de Nîmes", il rappelle : "Le sang de vos frères a coulé... Qui dit catholique, dit chrétien, et celui-là n'est pas chrétien qui ne peut oublier une injure" (v. infra 3 d). "Aux protestants de Nîmes", il tient le langage de l'estime et offre le geste de la réconciliation (v. infra 3e).
Lors des élections municipales, en août, pour mieux assurer leur avantage, les catholiques, de l'avis du préfet(6), manipulèrent en leur faveur le scrutin de la liste. Le P. d'Alzon eut le courage de la loyauté en dénonçant la manœuvre (v. infra 3 f).
Entre-temps, avait eu lieu à Paris la révolte ouvrière, suivie de la répression sanglante des Journées de juin. Devant ces faits, le journal titre : "Démocratie n'est pas communisme", et s'en prend à "l'autorité sociale qui, de 1790 à 1848, a constamment placé les classes ouvrières dans des conditions défavorables à leur dignité, à leur bien-être et à leur liberté", tout autant qu'il dénonce les ambitions de "démocrates niveleurs" et les théories extrêmes d'un Proudhon(7). Par ailleurs, à Rome comme à Paris, on va vers l'impasse. Et le P. d'Alzon de se demander si la volonté de Dieu n'est pas de "laisser la politique suivre son cours", puisque, écrit-il, "la ligne que j'aurais voulu faire suivre au journal est impossible" (v. infra 4 a). Désormais, il songe à se retirer du journal, où parfois il est desservi par les maladresses de ses collaborateurs (v. infra 4b).
Il ne peut cependant se désintéresser des élections présidentielles et laisse le journal recommander, à défaut d'autre, la candidature de Cavaignac, quoique protestant, contre celle de Louis-Napoléon, au passé révolutionnaire et restaurateur éventuel d'un régime autoritaire(8). Le 10 décembre 1848, le prince Napoléon fut élu, mais dans le Gard avec une majorité relative (v. infra 4c).
La Liberté pour tous cesse de paraître, après avoir tenté, sous l'impulsion du P. d'Alzon, de servir dans un climat difficile le meilleur des aspirations politiques et religieuses de la Révolution de 1848.
1
Lettre du P. d'Alzon à M. Eugène Germer-Durand, Paris, le 6 mars 1848. - Orig.ms. AC 100; M., Lettres, III p. 322-324.
Le P. d'Alzon, étant à Paris lors de la Révolution des 22-24 février 1848 qui se déroule sous le signe de la liberté et dans le respect de l'Eglise, autorise M. Germer-Durand à réaliser le journal qu'il projette et en précise les orientations, en vue des élections à venir et dans le climat interconfessionnel de Nîmes.
Mon cher ami, votre enthousiasme me réjouit. J'entre tout à fait dans l'idée du journal; seulement il faudrait aller vite, prier M. Aillaud de ne pas annoncer les conférences que je voulais donner à Saint-Charles : 1° Parce que voilà huit jours que j'ai un mal de gorge continu, à ne pouvoir pas même dire mon bréviaire; 2° parce que, s'il le faut, je préfère passer mon temps à vous aider dans votre journal qu'à prêcher.
M. Goubier vous a-t-il dit que je lui proposais la formation d'un club ? Pour le moment, je préfère le journal. Vous pourrez le faire paraître quand bon vous semblera. Ne me l’envoyez pas, car je serai à Nîmes, je l’espère, avant qu’il ne soit imprimé. Si ma gorge me le permet, je partirai vendredi soir; sinon, dimanche soir. Ainsi, je serai à Nîmes ou mardi matin ou mercredi au plus tard, s'il plaît à Dieu. Puis il y aura pour nous un point essentiel pour alimenter l'intérêt du journal; c'est, pour commencer, l'élection de Montalembert qu'il faut absolument enlever. Maintenant, ne vous faites pas illusion. Les républicains actuels ne rêvent qu'une chose, centraliser tout et dès lors détruire toute liberté; c'est pour cela qu'il faut lutter contre eux en demandant la liberté comme aux Etats-Unis. Il ne faut pas, non plus, se trop mettre contre les protestants. On peut leur montrer qu'ils peuvent, s'ils le veulent, avoir leur part dans cette liberté.
Quant à ce qui me concerne, on a singulièrement exagéré ou plutôt on a tout inventé. La seule chose que j'ai faite d'un peu bien a été de ne jamais quitter ma soutane (j'ai presque été le seul). Du reste, le mot d'ordre était de respecter les prêtres partout. On en a vu assister au pillage des Tuileries et on ne leur disait rien. Quant à aller panser les blessés, j'y serais allé, si j'avais cru que cela en valût la peine; mais la chose a été si vite faite sur le terrain, et les hôpitaux étaient tellement encombrés des dames du faubourg Saint-Germain que l'idée ne m'est même pas venue de me joindre à elles. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'aucun blessé n'a refusé les sacrements, de ceux du moins qui sont morts dans les hôpitaux.
Ici, on s'agite beaucoup pour faire des journaux. Le P. Lacordaire veut en faire un, Montalembert, un autre; avec l'Univers cela fera trois. C'est absurde. J'ai promis mon concours pour procurer des fonds au P. Lacordaire; mais il n'y a pas moyen d'espérer le moindre succès; ils ne veulent paraître que dans six semaines, et dans six semaines les élections seront faites. C'est amer de bêtise. Mais je me sens un peu trop fatigué. Je m'arrête. Adieu. Causez de tout ceci avec M. Goubier. Tout à vous.
2
Extraits de quatre lettres du P. d'Alzon à Mère M. Eugénie, relatives au début du journal "La Liberté pour tous"
De retour à Nîmes, le P. d'Alzon mesure la situation et la générosité de ses collaborateurs à servir l'Eglise dans le moment présent, par le lancement d'un journal et l'ouverture d'un club. Lui-même y participera, mais sans compromettre l'œuvre de l'Assomption.
a)
Nîmes, le 19 mars 1848. - Orig.ms. ACR, AD 559; V., Lettres, III p.325.
Dès son retour, le P. d'Alzon apprend que l'on pense à lui pour les élections, y compris son évêque. Pour accepter, il lui faudra un ordre formel, à cause de son œuvre.
Chère enfant, me voilà arrivé depuis avant-hier et dans les affaires jusqu'au cou. On veut absolument que je sois député(9). J'ai refusé jusqu'à ce moment et je crois que je refuserai à cause de l'œuvre que je ne veux pas compromettre. Il y a ici une panique affreuse; toutes les bourses se ferment, les ouvriers sont renvoyés de l'atelier. Il y a quelque chose à faire, beaucoup à faire.
b)
Nîmes, le 1er avril 1848. - Orig.ms. ACR, AD 563; V., Lettres, III p. 329.
La Liberté pour tous vient de paraître, avec des articles du P. d'Alzon non signés. L'opinion lui en impute la responsabilité. Il ne pense pas compromettre son œuvre.
Il faut que je commence par vous faire un aveu, que j'avais envie de vous cacher : le journal dont je vous avais parlé a paru et, j'ai beau m'en défendre, tout le monde me le jette sur le dos. Il est vrai qu'il y a une certaine profession de foi, que l'on a prétendu ne pouvoir être faite que par moi seul, qui m'a, dit-on, trahi(10), ainsi que le troisième article du même numéro(11). Je vous l'envoie, afin que vous puissiez en juger. Le second article est aussi très significatif et constate contre Paris une disposition, qui est universelle dans les départements(12). Il faudra que l'on finisse par en tenir compte.
La candidature de Montalembert est ici entièrement abandonnée. Pour ma part, je refuse tant que je puis et je crois que certains légitimistes qui m'auraient accepté me repousseraient à présent.
Je me demande quel sera l'effet de cette publication sur la maison. Il y aura des parents mécontents, qui voudront retirer leurs enfants. Mais où les mettront-ils ? Par le temps qui court, je ne pense pas que personne veuille trop écarter ses fils ni veuille mettre de l'argent à former des maisons nouvelles. Et, d'autre part, pourquoi ne pas profiter d'opinions qu'on a au fond du cœur, pour se donner des garanties d'existence aux yeux du gouvernement ?
c)
Nîmes, le 11 avril 1848. - Orig.ms. ACR, AD 565; V., Lettres, III p. 353.
Si le journal a de fait provoqué l'hostilité des légitimistes, le peuple semble favorable, puisqu'on accourt au club ouvert par les professeurs. Le P. d'Alzon n'y va pas, mais donne d'autres articles dans le journal.
Le journal de nos Messieurs a excité des fureurs légitimistes incroyables. On se calme à présent. Le peuple nous vient. Les professeurs du dehors ont fait un club, le plus nombreux de tous; nous aurons mille personnes et plus, si nous voulons. On m'y voulait; jusqu'à aujourd'hui, j'ai refusé. J'avais dit qu'on vous envoyât notre journal; je vais le redire. Je vous ferai adresser un numéro où un article sur Ce que nous sommes est de moi(13). Dans le numéro d'aujourd'hui, il y a aussi de moi un mauvais article sur Le maintien des droits de tous(14), et une lettre où je dis des injures au rédacteur, à propos d'un article de fuite qui parut dans le dernier numéro(15).
d)
Nîmes, le 29 avril 1848. - Orig.ms. ACR, AD 569; V., Lettres, III p. 340.
Le suffrage universel pour une ville à majorité catholique, avec une forte minorité protestante, risquait de faire des mécontents et même de créer des troubles. C'est bien ce qui se produisit à Nîmes, et le P. d'Alzon fut pris à partie. Il devait revenir sur ces faits dans le journal (v. infra 3 d, e).
Les catholiques sont exaspérés. On a toutes les peines du monde à les calmer, en face des actes indignes de partialité en faveur des protestants auxquels se soumet l'administration. Il paraît que, pour le quart d'heure, une des fantaisies des frères séparés, c'est ma tête. Une femme qui la réclamait a été rossée; mais malheureusement on ne s'en est pas tenu là, on lui a tiré trois coups de fusil. Grâce à Dieu, elle n'a été blessée que par un seul; elle a perdu la phalange d'un doigt. D'autres ont été obligés de quitter le quartier des catholiques, toujours pour avoir dit qu'ils voulaient ma tête. Rassurez-vous. Cela s'en ira comme bien d'autres projets. Il faudrait que le gouvernement fût convaincu que les catholiques ne demandent pas mieux que d'accepter la République, pourvu que la République ne les persécute pas. On ne songe pas assez que le Gard a plus des deux tiers de catholiques et qu'il vaut bien mieux s'appuyer sur la majorité que sur la minorité.
3
Extraits d'articles écrits par le P. d'Alzon et parus dans le journal "La Liberté pour tous", mars-août 1848
Les archives de l'Assomption, à Rome, possèdent un exemplaire relié du journal La Liberté pour tous. Par ailleurs, le P. S. Vailhé a publié en appendice du troisième volume des lettres du P. d’Alzon ses articles parus dans le journal (Lettres, III p. 664-700). De ces 11 articles, nous reprendrons les extraits qui marquent les options du journal en matière religieuse, politique et sociale, et ses prises de position dans un contexte électoral qui risque d’opposer catholiques et protestants.
a)
De l'article intitulé : "Ce que nous sommes". - n° 5, 30 mars 1848; V., Lettres, III p. 666-669.
Dans cet article, le P. d'Alzon définit la position religieuse et politique du journal. Ses rédacteurs se posent comme catholiques et républicains, pour servir le bien commun, sous un régime de liberté démocratique. En exergue, le journal porte : Dieu et le peuple et non pas, comme autrefois l'Avenir de Lamennais : Dieu et la liberté.
Quand un organe nouveau de l'opinion publique vient à paraître, la première question qu'on lui adresse est celle-ci : Qu'êtes-vous donc ?
Notre réponse est facile : Nous sommes catholiques et républicains.
Nous sommes catholiques, et qu'on le sache bien, dans le sens le plus absolu du mot. Nous sommes les humbles enfants de l'Eglise catholique, apostolique et romaine. Nous approuvons ce qu'elle approuve, nous condamnons ce qu'elle condamne et, par la grâce de Dieu, nous sommes prêts à répandre avec bonheur jusqu'à la dernière goutte de notre sang pour la défense de ses commandements et de sa doctrine. [...]
Nous sommes républicains, parce qu'après avoir longtemps attendu, l'Eglise qui ne se hâte jamais (car elle est éternelle), vient de prononcer par la voix de son chef. Croit-on que le mouvement européen eût été si assuré, si rapide et, sauf quelques déplorables exceptions, si pur, sans l'intervention de cet homme que Dieu a pris par la main dans la solitude, qu'il a tout à coup revêtu d'un prestige inouï d'amour et de gloire, et qu'il a placé au gouvernail de sa barque, non plus seulement pour la sauver des écueils, mais pour la guider vers d'autres mers, vers d'autres horizons ? Pour tout homme qui réfléchit, il est évident que Pie IX est appelé à faire des choses plus grandes que n'en accomplit Grégoire XVI(16).
Nous sommes républicains, parce que, entendue en son sens vrai, la démocratie est l'application la plus rigoureuse des principes du christianisme, qui ne reconnaît d'autre inégalité entre les enfants de Dieu que l'inégalité établie par Dieu même, et qui leur donne à tous la même liberté, le même pain et leur ouvre la maison du même père.
Nous sommes républicains, parce que le christianisme, appelé à triompher de tout, doit se manifester sous toutes les formes, affronter toutes les épreuves. Il s'est déjà prouvé par la folie de la croix avec le Christ, par la faiblesse avec les martyrs, par l'autorité avec le moyen âge. Les temps présents sont destinés à le voir étendre ses conquêtes par les armes que lui forgera la liberté. [...]
Enfin, nous sommes catholiques-républicains, parce que, si aujourd'hui en France, en Europe, deux choses sont faites pour s'unir, ces deux choses sont : la religion et la liberté, Dieu et le peuple.
b)
A propos d'une lettre d'Hippolyte Carnot.- n° 5, 30 mars; V., Lettres, III p. 669-671.
Le commissaire du gouvernement dans le Rhône avait supprimé par décret les associations religieuses du département. Le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, après une protestation, avait reçu une réponse de Carnot, ministre de l'Instruction publique et des Cultes, expliquant que les vœux de religion étaient en désaccord avec la législation du pays. A propos de ces faits, le P. d'Alzon, au nom de La Liberté pour tous, dénonce un abus de pouvoir et s'engage à défendre à tout prix la liberté de l'Eglise.
Nous ne nous sentons pas le courage de discuter l'étrange lettre qui nous inspire ces réflexions. Cependant, il faudra probablement y revenir et demander à M. Carnot si, selon lui, la République proscrit tous les vœux. Car alors, que deviendrait le clergé ? Tous ses membres, engagés dans les ordres, n'ont-ils pas fait vœu de chasteté ? Peut-être M. le ministre des Cultes l'ignore, et il est bon de le lui apprendre. Ou bien la République repousse seulement certains vœux, et il faudra que M. le ministre de l'Instruction publique fasse connaître ceux qu'il proscrit. Peut-être serait-ce celui de se livrer à l'instruction des pauvres ? Enfin, nous demandons des éclaircissements; car tout catholique s'était cru jusqu'à ce jour en droit de faire, même en particulier, des vœux, sans être coupable du crime de lèse-nation. Tout ceci serait bien ridicule, si ce n'était profondément odieux.
Quoi qu'il en soit, fidèles à notre titre, nous voulons la liberté pour tous, nous la voulons pour nous. Les tentatives de quelques agents subalternes, appuyés par des ministres qui auraient dû les désavouer, ne nous arrêteront pas. Nous savons, et ils le savent comme nous, que nous avons le droit de notre côté. Nous seuls, dans cette occasion, sommes les vrais défenseurs des principes républicains. Nous les avons acceptés franchement et nous ne permettrons [pas] qu'on les fausse à force d'arbitraire. Nous n'entendons pas plus subir le despotisme brutal de quelques démagogues que la tyrannie conservatrice dont la France s'est débarrassée. Encore un coup, nous voulons la liberté pour tous, et, dussions-nous y mettre notre tête, nous l'aurons.
c)
De l'article intitulé "Du maintien de tous les droits pour l'union et la liberté".- n° 10, 11 avril; V., Lettres, III p. 671.
Face aux meneurs qui abuseraient des justes revendications du peuple, le P. d'Alzon définit la ligne sociale du journal. Le 11 avril, le P. d'Alzon avait qualifié cette page comme étant un "mauvais article" (cf. supra 2 c). Sans présumer de sa pensée, peut-être n'a-t-il pas assez plaidé l'union pour asseoir de justes revendications.
Dans la société qui se prépare, il ne s'agira pas seulement du respect de la propriété; il s'agira aussi du développement successif de tous les droits auxquels l'homme peut prétendre; et ce développement ne nous paraît réalisable que par la liberté et le concours universel des membres de la société à la défense des droits de chacun.
Oui, tous les droits doivent recevoir leur légitime satisfaction.
Droits de l'association, dont les applications s'étendent aux travaux de l'industrie comme à ceux de l'intelligence;
Droits de la pensée, qui veut pouvoir se communiquer librement et sous toutes les formes;
Droits de la famille qui veut, avec l'héritage des biens, pouvoir transmettre un héritage non moins précieux de principes et de sentiments ;
Droits du citoyen, qui ne veut obéir qu'à des lois égales pour tous;
Droits de l'individu, qui veut se développer selon la mesure des facultés que lui a départies la Providence.
Tout cela veut être étudié sans doute plus en détail, et nous y reviendrons, mais, dès aujourd'hui, nous tenons à ce que l'on comprenne toute notre pensée. Rien de tout cet avenir qui s'avance n'aura de durée que quand la nécessité de s'unir, afin de protéger les droits de tous, sera devenue un sentiment unanime ; que lorsque le respect dû aux justes exigences de chacun sera devenu un principe; en un mot, ce ne sera que par l'union et par la liberté. Et si l'on veut de ces deux idées n'en faire qu'une, nous dirons avec la vieille devise nîmoise : Ex unitate libertas.
d)
De l'article intitulé : "Aux catholiques de Nîmes". - n° 21, 2 mai; V., Lettres, III p. 683-687.
Des émeutes sanglantes entre catholiques et protestants avaient accompagné les élections législatives du 23 avril, à Nîmes. Le P. d'Alzon s'adresse aux deux partis : aux catholiques, il demande le pardon, et aux protestants, il dit son estime. En un mot, il parle de réconciliation pour voir un jour "naître dans les cœurs une véritable fraternité". Le Père s'adresse d'abord aux catholiques de Nîmes.
Catholiques, de douloureux évènements viennent de s'accomplir. Le sang de vos frères a coulé, et l'on frémit à la pensée de suites qu'aurait pu avoir la rage de quelques forcenés, si la modération de ceux que vous prenez d'ordinaire pour conseillers et pour guides ne vous eût contraints de refouler les sentiments d'indignation que soulevait dans vos cœurs un insolent attentat(17). […]
Catholiques de Nîmes, voulez-vous reconquérir vos droits abolis ? laissez à vos adversaires les moyens indignes de vous, laissez-leur les attaques imprévues, les coups de fusil, la violence. Prenez la courageuse résolution de ne vous défendre que par la force même de votre droit. C'est là une arme dont vous ne connaissez pas toute la portée; c'est la seule que vous puissiez employer désormais avec avantage. Restez dans votre modération, et les préventions qu'on cherche à inspirer aux troupes envoyées pour maintenir la tranquillité tomberont devant l'évidence des faits.
Enfin, souvenez-vous de votre nom. Qui dit catholique dit chrétien, et celui-là n'est pas chrétien qui ne peut oublier une injure. Depuis vingt ans, vous avez pardonné bien des fois ; car vous ne seriez pas allés si nombreux, dans vos églises, vous agenouiller au pied de vos autels, si le pardon n'eût pas été au pied de vos âmes. Pourquoi ne l'y ramèneriez-vous pas ? Quand le Christ, du haut de la croix, priait pour ses bourreaux, il donnait au monde, sauvé par sa mort, le secret de la puissance que renferme le sentiment du pardon. La notion de cette force surhumaine semble s'effacer chaque jour. C'est à vous, qui avez le plus à pardonner, d'en proclamer de nouveau les droits et de forcer Dieu à se faire l'allié de votre cause, en l'imitant dans l'usage le plus magnifique qu'il ait fait de sa puissance.
e)
De l'article intitulé "Aux protestants de Nîmes". - n° 24, 9 mai; V., Lettres, III p. 687-692.
S’adressant aux protestants de Nîmes, le P. d'Alzon les remercie d'avoir honoré la sépulture d'une victime catholique et les invite à faire le même geste de pardon qu'il a demandé aux catholiques.
Une humble fosse recevait vendredi soir la dépouille d'Etienne Igonny, mort victime de l'attaque du 27 avril. Une foule immense et triste formait le convoi de cet enfant du peuple, auquel assistaient MM. Emile Teulon et Oct. Troupel, et plusieurs protestants, officiers de la garde nationale. Nous les en remercions; leur pensée a été comprise. Du reste, s'ils ont remarqué partout une affliction profonde, ils n'ont aperçu nulle part de l'irritation. Le dernier soupir d'un chrétien qui pardonne sa mort répand toujours au loin une vertu qui apaise les coeurs les plus ulcérés.
Protestants de Nîmes, ces jours douloureux se renouvelleront-ils souvent encore ? Et peut-il être permis d'espérer que, des deux côtés, se fera sentir l'obligation de mettre fin à des luttes cruelles et d'en laisser l'affreuse responsabilité à des hommes que repoussent toutes les opinions ? Pour nous, nous croyons arrivé le temps où tout ce qui est courageux et honnête devra, au prix des plus grands sacrifices, travailler à l’œuvre de la réconciliation. Nous y avons pensé, quand nous avons pris pour devise ces mots : La liberté pour tous. L'idée que le titre même de notre publication renferme nous paraît un terrain neutre, sur lequel nous pourrions nous rencontrer un jour, pour nous unir enfin. Nous serions-nous trompés ?
f)
De l'article intitulé : "Elections municipales". - n° 79, 20 août; V., Lettres, III p. 696-700.
Lors des élections municipales, en août 1848, les catholiques, de l'avis même du préfet, ont manipulé en leur faveur, au second tour, le scrutin de listes, pour confirmer le succès du premier tour. Le P. d'Alzon se doit de dénoncer la déloyauté des électeurs et des élus catholiques, par respect pour la cause de l'Eglise.
Les élections municipales sont terminées depuis deux jours. Il faut le dire, le résultat en est profondément regrettable. La majorité des catholiques triomphe. Nous croyons, nous, que c'est aux protestants à triompher en réalité.
Nous avons donné assez de gages d'attachement à la cause catholique pour avoir le droit de porter un jugement sévère. Nous qu'on accuse de flatter les passions populaires, nous aurons le courage de dire au peuple : Vous avez mal fait. [...]
Il est prouvé que désormais les assemblées préparatoires sont parfaitement inutiles à Nîmes; car les assemblées préparatoires pourront bien former une liste, mais le peuple en acceptera une autre de la main du premier venu qui voudra exploiter ses passions. Or, quelque nombreuse que soit une majorité, le jour où, comptant sur sa force, elle n'agit plus d'après un plan préparé à l'avance, elle s'expose à être vaincue par une minorité intelligente et compacte.
Il est prouvé que les catholiques ne se considèrent que comme un parti, puisqu'ils ne savent pas apporter dans leurs actes cette modération et ce respect des droits de tous, qui conviennent à la raison et à la vérité. Or, nous avons une répugnance trop invincible pour tous les partis, quels qu'ils soient, pour ne pas gémir profondément de voir la cause de l'Eglise abaissée à un degré d'humiliation tel que ses propres défenseurs la réduisent à n'être qu'un parti. [...]
On dira qu'en face des dangers de l'avenir, il ne faut pas s'exposer à voir tomber le pouvoir entre des mains moins dignes ou moins capables. Nous pensons que, pour être à la hauteur de ces dangers, il faut avant tout garder sa puissance morale, et qu'elle se perd, quand on laisse voir un plus grand amour du pouvoir que de la dignité politique.
On dira encore qu'une démission générale mécontenterait le peuple et qu'il ne faut pas l'irriter. Nous dirons, nous, que si rien n'est plus honorable que d'être le serviteur du peuple, rien ne l'est moins que de se faire son valet.
4
Extraits de 3 lettres du P. d'Alzon à Mère M. Eugénie, relatives à la fin du journal "La Liberté pour tous", (juillet-août 1848)
A Paris, la Révolution de février tourne à l'émeute et à la répression sanglante, lors des journées de juin 1848. Le P. d'Alzon, à Nîmes, s'interroge sur la valeur de son action par le journal et finira par l'abandonner, après les élections présidentielles.
a)
Nîmes, le 9 juillet.- Orig.ms. ACR, AD 587; V., Lettres, III p. 354.
Le P. d'Alzon reconnaît que son action en faveur de l'union dans la liberté ne peut triompher d'options partisanes.
Il me paraît que je ferai peut-être bien mieux de me renfermer dans mon collège et de laisser la politique suivre son cours. Est-ce l'effet d'un caractère inconstant ? Est-ce plutôt, comme je le crois, le sentiment vrai de la volonté de Dieu ? C'est ce que je ne puis bien dire. La ligne que j'aurais voulu suivre au journal est impossible. Si nous disions toute la vérité, comme je l'avais voulu, nous aurions été honnis de tout côté, sans apporter un seul résultat. Il faut ajouter la malveillance d'une foule de personnes que rien ne peut calmer, parce qu'elles désespèrent de me mener et qu'une quantité de personnes se croient le droit de m'imposer leurs idées.
b)
Nîmes, le 28 juillet. - Orig.ms. ACR, AD 591; V.. Lettres, III p. 362.
Deux articles de ses collaborateurs l'ont desservi. Tout cela l'invite à se retirer du journal sans qu'il tombe entièrement.
J'ai été, malgré moi, occupé de certaines affaires, précisément parce que je cherche à m'en débarrasser. Ce sont les tracas que m'a causés La liberté pour tous qui m'ont absorbé. M. Durand a, malgré moi, attaqué un petit journal légitimiste du lieu, d'une façon un peu acerbe(18); il en est résulté un tollé universel. Cela se passait tandis que j'étais à la campagne. Heureusement qu'à mon retour les choses se sont calmées ! Mais le plus mauvais effet n'en a pas moins été produit. Ajoutez que M. Cayrol a fait un article sur les bienfaits de l'Eglise qui contenait des inexactitudes très fortes(19). Monseigneur, de très mauvaise humeur contre nous, a exigé une rétractation. Je l'ai rédigée moi-même, mais soit pour la faire accepter, soit pour éviter une dissertation en quelque 50 pages que M. Boucarut avait préparée en style de théologie scolastique, j'ai dû voir les étoiles en plein midi(20). Tout cela m'a prouvé que je dois me retirer du journal. La question, comme vous le dites très bien, est de me retirer à petit bruit. J'attends une ou deux occasions et je prie la Sainte Vierge de me le rendre facile. Je ne voudrais pas que le journal tombât entièrement; je n'aurais plus la possibilité de faire un article, supposé que je crusse utile de lancer quelque idée dans le public(21).
c)
Nîmes, le 18 novembre. – Orig.ms.ACR, AD 604 ; V., Lettres, III p. 388.
Avant de disparaître définitivement, La Liberté pour tous fera campagne aux élections présidentielles pour le général Cavaignac; le P. d'Alzon espère que sa suppression ne gênera pas les démarches en cours pour l'obtention du plein exercice (v. supra Ch. XIV A).
Puisque vous me parlez politique, je vous répondrai aussi sur le même air. Une scission va probablement avoir lieu entre M. Demians(22) et moi. Il abandonne les catholiques pour se jeter du côté des républicains protestants; je ne puis le suivre sur ce terrain. On va patronner Cavaignac(23) pendant deux ou trois jours dans notre journal, pour prouver que nous prenons la République au sérieux; mais probablement nous nous retirerons et nous laisserons le journal entre des mains que je crois un peu ambitieuses(24). Je ne dissimule pas quel tort peut causer cette retraite à l'affaire du plein exercice; mais, entre une perte matérielle et une question de dignité et de conscience, je ne pense pas qu'il y ait à hésiter. Cependant, si l'on pouvait obtenir ce que je demande avant cette scission, je n'en serais pas fâché. Mettre le préfet dans mes intérêts me paraît difficile, et ce ne sera pas moi qui ferai de pareilles démarches dans l'état actuel de Nîmes(25). Je resterai dans mon coin. Si je n'obtiens pas ce que je désire, tant pis ! J'aime mieux attendre encore que faire le solliciteur auprès de certaines gens(26).
1. Cf. AUBERT, Pontificat de Pie IX, Paris 1952, p. 26-107. - MARTINA, Pio IX (1848-1850), Rome 1974, p. 197-423.
2. OF 194.
3. Cf. V., Lettres, III p. 664- 700.
4. DUROSELLE, Les débuts du catholicisme social, Paris 1951, p. 335-358.
5. Lettre du 29 mars 1849, EB 533; V., Lettres, III p. 654.
6. La Liberté pour tous, n° 78, 18 août 1848.
7. Id. , n° 65, 66; 23, 26 juillet. - Le Manifeste communiste de K. Marx paraîtra en 1849, et le livre de Proudhon : Qu'est-ce que la propriété ? en 1850.
8. Ainsi pensait Pie IX; cf. MARTINA, op. cit., p. 313, note 10.
9. Dans une seconde lettre, écrite le même jour, le P. d'Alzon précise: "Monseigneur voudrait que j'acceptasse la députation, sans qu'il m'y forçât, et moi je suis résolu à n'accepter que sur un ordre formel de sa part." (ACR, AD 560; V., Lettres, III p. 325). Prévoyant l'échec de la candidature de Montalembert, il en fera, écrit-il encore, "un argument pour refuser".
10. Cf. n° 5, 30 mars 1848 : Ce que nous sommes (v. infra 3 a).
11. ibid. A propos d'une lettre d'Hippolyte Carnot, ministre de l’Instruction publique et des Cultes (v. infra 3 b).
12. ibid. A propos des élections retardées. Le P. d'Alzon revient ici sur un article paru dans le n° 3 et signé : un départemental : "Vous vous battez admirablement pour renverser la royauté, mais, écrit le P. d'Alzon, vous me faites l'effet de vouloir être les rois de France". Autrement dit, le gouvernement ne doit pas être le prisonnier du peuple de Paris.
13. Cf. n° 5, 30 mars 1848 (v. infra 3 a).
14. Cf. n° 10, 11 avril 1848 (v. infra 3c).
15. Cf. n° 10, 11 avril 1848 (Lettre : Au rédacteur de "La liberté pour tous" : Le P. d'Alzon relance M. Germer-Durand pour qu'il favorise le club ouvert par ses amis, sans fuir la polémique inhérente au journalisme, comme il résulterait de ses réponses à la Gazette du Languedoc (légitimiste) et au Républicain du Gard (n° 9, 8 avril 1848).
16. Allusion possible à la concession par Pie IX, le 14 mars, d'un régime constitutionnel pour les Etats de l'Eglise.
17. v. supra 2 d.
18. n° 62, 15 juillet 1848. - Il s'agit du journal légitimiste La Gazette du Bas-Languedoc [à distinguer de la Gazette du Languedoc qui est un autre journal].
19. Professeur d'histoire au collège, M. Cayrol avait écrit un article intitulé : Des bienfaits politiques de l'Eglise (n° 64, 21 juillet). Ecrivant en faveur du régime démocratique, il en venait à dire, pour faire agréer l’Eglise par un tel régime, que "la forme de l'Eglise est démocratique", qu'il fallait revenir aux élections pour le choix des évêques, que les conciles pouvaient être comparés à des assises constitutionnelles, etc.
20. Article intitulé Erratum, dans le n° 67 du 28 juillet. - Les erreurs de l'article incriminé étaient trop évidentes pour que le P. d'Alzon s'attarde longuement à les réfuter. Il le fait en une quinzaine de lignes. - Que cet article de M. Cayrol ait paru dans le journal sans qu'il en eût connaissance s'explique par son absence de Nîmes du 2 au 20 juillet, où il séjourne à Lavagnac, pour cause de maladie.
21. Ecrivant à Germer-Durand le 20 septembre 1848 (Orig.ms. ACR, AC 106; Lettres, III p. 374-375), le P. d'Alzon exprime à nouveau le même regret : "[...] Je reviens au journal. Je regretterai vivement que nous ne puissions avoir dans Nîmes une feuille à nous, ou du moins dans laquelle nous ne puissions exprimer notre pensée, quand nous le croirons utile. Mais pouvons-nous continuer La liberté pour tous, dans les conditions où elle se trouve actuellement ? C'est ce que je ne pense pas. Il faudrait une complication d'événements qui nous rendît des chances de succès dans une partie que nous perdons tous les jours. C'est le cas de l'abandonner, ce me semble. Adieu, cher ami. Si nous ne faisons pas le bien en imprimant, nous le ferons en parlant. Si notre intention est droite sur ce sujet, le reste importe bien peu."
22. Maire de la ville de Nîmes.
23. Le général Cavaignac, protestant, et auteur de la répression des émeutes de juin 1848.
24. La Liberté pour tous renvoie ses abonnés au Messager du Midi, journal de Montpellier.
25. Il s'agit de Chanal, qui a remplacé le 31 août Salives, révoqué, comme préfet du Gard.
26. Le résultat des élections présidentielles ayant été favorable au prince Napoléon, au détriment du général Cavaignac, le P. d'Alzon supprimera définitivement La Liberté pour tous. Le 12 décembre 1848, il écrit à Mère M. Eugénie : "Notre pauvre Liberté pour tous s'en va tous les jours. Si les ouvriers ne s'étaient pas mis en grève, peut-être l'enterrerions-nous aujourd'hui. Du reste, depuis que je ne lui donne plus un sou, elle se meurt merveilleusement." (Orig. ms. ACR, AD 611; V., Lettres, III p. 394).