CHAPITRE XII
LES DOUZE PREMIERES ANNEES DE LA CONGREGATION DE L’ASSOMPTION
(1846 - 1857)
Le P. d’Alzon vient donc d’établir à Nîmes, en 1845, les bases d’une Congrégation religieuse doublée d’un laïcat, organisé sous forme de Tiers-Ordre : l’Association de l’Assomption, dans le cadre d’un établissement scolaire d’éducation chrétienne. Il est autorisé par son évêque Mgr Cart à faire un essai de vie religieuse avec ses disciples.
Dès lors commence l’histoire d’une fondation dont les étapes seront, du point de vue canonique, l’émission des premiers vœux autorisés par l’Ordinaire en 1850, et, en 1857, de la part de Rome, l’obtention du décret de louange.
Cet étalement dans le temps permet de dire que le fondateur a fait preuve de ténacité, car les difficultés et les épreuves n’ont pas manqué, imbriquées elles-mêmes dans le contexte mouvant de l’histoire. Même si l’exposé exige de la clarté, et donc un choix dans la présentation des événements, l’esprit doit avoir présentes d’autres lignes de faîte.
Comme vicaire général, le P. d’Alzon reste à la disposition de son évêque pour les besoins du diocèse; comme responsable d’un établissement scolaire lié à sa fondation religieuse, il doit en assurer le développement; de la part qu’il prend dans l’obtention de la liberté de l’enseignement, il devient, dès que la loi Falloux est obtenue, membre du Conseil supérieur de l’Instruction publique, ce qui entraîne des voyages à Paris. Mais en même temps, une révolution politique et sociale éclate en 1848, touche l’Europe et n’atteint sa stabilisation qu’en 1852 en France. La récession économique qui en avait été la cause vient compromettre toute œuvre, comme celle de la Maison de l’Assomption, conçue en des temps meilleurs sur une base de haute tenue professionnelle et administrative. Qu’une épidémie se produise, ou qu’un surcroît de préoccupations advienne, la santé du responsable, déjà mise à l’épreuve, risque fort d’être ébranlée. Ainsi, le P. d’Alzon est victime du choléra en 1849 et, en 1854, d’une congestion cérébrale.
En raison donc de la masse des faits qui interfèrent constamment dans la vie du fondateur, et sans les ignorer pour autant, il a paru bon de s’en tenir pour le moment à sa fondation religieuse au sens strict, la future Congrégation de l’Assomption. Nous reviendrons par la suite sur la marche du Tiers-Ordre, l’évolution du Collège et d’autres activités que les événements ont imposées au P. d’Alzon (Ch. XIII à XVII).
Pour ordonner au mieux la matière qui se rapporte plus directement à l’objet de ce chapitre, nous répartirons notre exposé en trois parties :
A - Le temps de probation, 1845-1850;
B - L’expansion et les essais d’union, 1850-1855;
C - La Règle et le décret de louange, 1855-1857.
Dans ces trois parties, nous retrouverons une documentation sur l’âme du fondateur, que révèlent des notes intimes, le but et l’esprit de l’œuvre qui se manifestent dans l’élaboration des textes de règle et des décisions des Chapitres généraux. Enfin nous pouvons dire de suite que le développement numérique de la Congrégation demeure modeste : 5 profès dont 2 prêtres en 1850; 17 profès de chœur et 3 frères convers en 1858.
Quoi qu’il en soit, des disciples de valeur vinrent entourer le fondateur en cette période difficile de son œuvre. Outre les trois premiers - le Fr. Cardenne étant mort en 1851, - nous pouvons citer le P. Picard, successeur du P. d’Alzon; le P. Pernet, fondateur des Petites Sœurs de l’Assomption; le P. Galabert, entré en 1854, fondateur de la mission assomptioniste en Orient en 1863; et bientôt après 1857, les deux fils de M. Bailly : le P. Vincent de Paul, promoteur de la Bonne Presse, et le P. Emmanuel, futur Supérieur général en 1903; enfin, le fils de M. Germer-Durand, futur archéologue de la Terre Sainte, à l’école du P. Lagrange.
Quelques personnalités de l’Eglise du XIXe siècle songèrent un instant à rejoindre le P. d’Alzon. Nous pouvons citer: l’abbé Gay, confesseur chez les Religieuses de l’Assomption, futur évêque auxiliaire, de Poitiers, l’abbé Mermillod, futur cardinal et évêque de Genève, l’abbé de Cabrières, ancien élève de l’Assomption, futur cardinal et évêque de Montpellier. L’ampleur du programme apostolique de résurrection de l’esprit chrétien dans un monde en voie de transformation que se proposait le P. d’Alzon n’avait pas échappé à ces esprits attentifs au bien de l’Eglise.
A
LE TEMPS DE PROBATION (1846-1850)
Nous possédons encore, pour la période qui nous occupe, quelque 430 lettres du P. d’Alzon, dont les deux tiers adressées à Mère M. Eugénie, et environ 580 lettres adressées à lui-même ou à ses collaborateurs. C’est un dossier qui permet de suivre la marche quasi journalière de la fondation de l’Assomption, dans la multiplicité de ses aspects, avec les difficultés et les déceptions qui éprouvèrent la foi du fondateur sans briser son espérance. Le temps de probation de la fondation du P. d’Alzon se déroule dans le cadre des années scolaires de la Maison de l’Assomption. Le plus simple est de voir ce qui se passe selon le rythme des exercices scolaires.
1. 1846-1847. - La fondation mise à l’épreuve. -
Au début de l’année 1846, le P. d’Alzon avait dû s’absenter de Nîmes pour prêcher le Carême à Notre-Dame des Victoires, sur la demande de l’abbé Desgenettes. Cette absence, après la mise en train de Noël 1845, aura l’effet de mettre à l’épreuve la générosité première. A travers la correspondance échangée, le mot de crise apparaît et personne ne dissimule la cause véritable de quelques défections qui s’annoncent, le refus de l’évêque de voir des prêtres de son diocèse s’engager dans un Institut à peine fondé (v. infra 1 a, b, c).
Dès son retour, le P. d’Alzon, pour voir clair dans la situation, a recours à une “ visite canonique ”. Mais, puisque Mgr Cart a été mis en cause, le P. d’Alzon eut la loyauté de lui demander un entretien pour connaître ses intentions : “ Il laisserait faire sans autoriser ”, mais désirait un rapport écrit (v. infra 1 d, e). Par une longue lettre très importante, le P. d’Alzon répond à cette demande justifiée (v. infra 2 a). Alors que le P. d’Alzon exposait à son évêque les grandes lignes et l’esprit d’un programme général destiné à se préciser dans la vie, Mgr Cart aurait préféré au départ une règle précise et non “ un dessein bien vague et bien élastique ”. Mais peut-être que le P. d’Alzon avait parlé un peu trop sévèrement du clergé du diocèse, et par là-même s’était attiré une discrète leçon de charité de la part de l’évêque; cependant les sentiments d’estime et d’affection réciproque ne sont pas brisés puisque, d’une part, le P. d’Alzon plaide en faveur de son évêque menacé de déplacement, et que, d’autre part, Mgr Cart profite d’un séjour à Paris pour saluer, chez les Religieuses de l’Assomption, les postulantes venues de Nîmes, et plaider auprès du ministre et du roi l’obtention de la totalité du plein exercice pour la Maison de l’Assomption (v. infra 2 b).
2. 1847-1848. - La fondation se stabilise. -
Un fléchissement dans l’état de santé du P. d’Alzon en fin d’année scolaire l’oblige à quelques semaines de repos qu’il transforme en un temps de réflexion et de prière, du 15 août au 8 septembre, afin de pouvoir entreprendre, écrit-il, “ comme le commencement d’un noviciat où je veux entrer sans marchander ”. Il se fixe à nouveau un certain nombre de résolutions personnelles (v. infra 3 a 1°) et, pour assurer un bon départ à la nouvelle année scolaire, il accomplit avec ses maîtres un pèlerinage à pied à Notre-Dame de Rochefort, à 30 km de Nîmes et leur assure une retraite au terme de laquelle ses disciples “ lui promettent par écrit de consentir à se laisser former à la vie religieuse ” (1).
A travers les notes intimes de ses novices (v. infra 4), nous pouvons atteindre à certains aspects de cet essai de vie religieuse qui se poursuit : le désir des postulants de former un noyau solide, dans le respect des caractères et des aptitudes, leurs exigences vis-à-vis du fondateur dont ils apprécient “ l’affection bien chrétienne et bien sincère pour eux tous ”. Lui-même, autant qu’il le peut, se réserve la solitude nécessaire, pour “ aller souvent à la source du divin Maître, afin de prévoir et d’agir convenablement ”. Le 7 juin 1845, il avait organisé l’Adoration perpétuelle parmi les maîtres du Collège, afin que la présence de Dieu se cultive principalement par l’Adoration du Saint-Sacrement et que ses disciples se pénètrent de l’esprit de Jésus-Christ (2).
Avec l’amour de Jésus-Christ, doit grandir l’amour de l’Église et, là encore, le P. d’Alzon pose un geste significatif en obtenant pour sa fondation religieuse la possibilité de prendre, pour la célébration de l’Office, le Propre de l’Eglise de Rome, grâce que le Pape Pie IX lui accorda de tout cœur (v. infra 5). Concrètement, pour des prêtres qui viendront de diocèses aux rites divers, on aura par-là la possibilité d’une même prière. Cependant, dans ce domaine et en d’autres, on sent quelque hésitation à aller vers une “ vie monastique ”, car l’esprit de l’Association est d’unir dans un même esprit religieux clercs et laïcs.
Du dossier de lettres échangées entre le P. d’Alzon et Mère M. Eugénie, il ressort un certain nombre de critiques à l’adresse du Père, surtout à partir du moment où il accuse des accidents de santé : on le soupçonne d’une austérité excessive pour lui-même, d’un zèle trop entreprenant et par là-même d’un manque de prudence pour le bien de sa fondation. Mais peut-il se refuser aux services de charité qui s’imposent, aux responsabilités qu’il a assumées, à sa charge de vicaire général, puisqu’on n’a pas voulu accepter sa démission (v. infra 6) ?
Pour lui, il s’enfonce toujours un peu plus dans le profond sentiment de son impuissance, et tâche de porter sa croix au lieu de la traîner. Il sait bien que ce que Dieu lui demande surtout, c’est d’honorer, en l’imitant, l’esprit de Jésus-Christ formant ses apôtres (v. infra 3 a, 3°, 4°). Avec la Révolution de 1848, il avait cru devoir servir l’Église par le journalisme, mais au début de juillet, il s’interroge pour savoir si un tel engagement n’a pas nui à sa vie intérieure et au bien de son œuvre (v. infra 3b 1°).
3. 1848-1849. - Vers un noviciat régulier. -
Dans la pensée du P. d’Alzon, cette année devait être décisive; elle débuta par une retraite à la Chartreuse de Valbonne, où le P. d’Alzon devait se concerter avec les plus fidèles de ses disciples, au nombre de 5 : 2 membres du Tiers-Ordre et 3 membres de l’Ordre. Le climat d’échanges fut excellent, sur la base d’un questionnaire auquel chacun devait répondre en toute sincérité. Un procès-verbal détaillé mais laconique de Germer-Durand, une page du journal intime de Cardenne, et une lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie nous renseignent sur les décisions prises: le groupe des novices de l’Ordre se transférerait provisoirement dans le local laissé libre en face du Collège, depuis que le Carmel avait été installé ailleurs, malgré les occasions offertes de s’installer plus en dehors de la Maison de l’Assomption, soit à Marseille, Sorrèze ou Paris (v. infra 7).
Le noviciat régulier commençait donc petitement dans un local provisoire, avec quelques novices, et sans avoir encore l’autorisation explicite de l’évêque.
Le plus important avait été, à partir même du nombre des retraitants de Valbonne, la création d’un Conseil privé de la maison et de l’œuvre, appelé le Conseil des Six, et puis Conseil des Sept, à partir du moment où l’abbé Brun fut adjoint aux six premiers membres: le P. d’Alzon, Monnier, Germer-Durand, Tissot, Saugrain, Surrel, remplacé lors de son retrait par Etienne Pernet, venu à Nîmes en 1849, sur la recommandation de Mère M. Eugénie. Ce Conseil traitait des questions les plus importantes, dont la marche du noviciat et la conduite de la Maison de l’Assomption. En effet, il fallait affronter, avec le P. d’Alzon, la difficulté financière de l’établissement scolaire et pallier aux absences mêmes du P. d’Alzon, pour raison d’apostolat ou de santé. Quelques confidences faites à Mère M. Eugénie nous permettent de découvrir l’âme du fondateur, prêt “ à accepter par avance, écrit-il, la pensée que Dieu lui demandera peut-être la destruction de l’Assomption, et toutes les humiliations et douleurs qui en suivront pour lui ”, mais aussi “ résolu à tout faire pour l’empêcher parce que Dieu le veut ”. “ Le martyre des écus ” est pour lui “ le moyen d’être pauvre et de la bonne manière ”. Mais le plus important est pour lui de “ se déprendre de tout ce qui ferait obstacle entre Dieu et lui-même ” (v. infra 3 b 2° à 5°).
4. 1849-1850. - Vers l’émission des premiers vœux. -
Pendant les vacances scolaires, une épidémie de choléra sévit dans le Midi de la France, et, en août 1849, le P. d’Alzon doit s’éloigner de Nîmes, tandis que sa Communauté se disperse. Cette épreuve de santé a pour effet d’émouvoir Mgr Cart qui supplie son vicaire général de se reposer très sérieusement (3).
D’ailleurs la position de Mgr Cart évolue de plus en plus favorablement, vis-à-vis de la fondation du P. d’Alzon. Au début de juillet 1849, le fondateur avait eu une longue conversation avec l’évêque de Nîmes, qui voulut avoir le jugement de Mgr Doney, pour se prononcer en toute prudence. Le 18 octobre 1849, le P. d’Alzon peut écrire : “ Monseigneur approuve enfin le noviciat. J’ai eu une longue conversation avec lui; pourvu que j’aille avec prudence, il approuve tout désormais ” (v. infra 8 a, b). “ Il nous est permis de croire, écrit le P. S. Vailhé, que la manière héroïque dont le P. d’Alzon supportait les épreuves les plus diverses et les plus douloureuses ait agi à la longue sur les sentiments intimes d’un prélat que guidaient seuls les motifs surnaturels (4). ”
Dans le cadre de cette autorisation, le P. d’Alzon poursuit la formation de ses novices et l’élaboration d’une première ébauche des Constitutions dont le texte sera arrêté pendant cette année de “ noviciat canonique ”, lors du 1er Chapitre général des 23-25 septembre 1850 (v. infra 11 et 12 a). L’esprit de l’Ordre est un esprit de zèle et d’apostolat. Son but, que l’on voudrait exprimer par un quatrième vœu, est d’étendre de toutes ses forces le règne de Jésus-Christ dans les âmes. Afin de provoquer un renouveau de l’esprit chrétien, on prend pour appui la pratique des vertus religieuses par excellence que sont les trois vertus de foi, d’espérance et de charité, dans le rayonnement desquelles se place la pratique des vertus religieuses proprement dites d’obéissance, de pauvreté et de chasteté.
5. 25 décembre 1850. - Profession canonique du P. d’Alzon et de ses premiers disciples.-
En décembre 1850, à la fin de la première année de leur noviciat canonique, quatre des premiers disciples du P. d’Alzon convaincus, après cinq ans d’expérience, qu’il était le seul, malgré ses fréquentes déclarations d’inaptitude, à pouvoir diriger et faire aboutir leur projet commun de vie religieuse, voulurent se lier irrévocablement à sa personne et lui envoyèrent à Paris un engagement signé par chacun d’eux, en attendant l’autorisation épiscopale (v. infra 9 a et b).
Le P. d’Alzon se proposait de recevoir leurs promesses, d’une manière provisoire et privée, le jour de Noël, mais l’engagement prévu prit une tout autre importance : “ Tout à coup, Monseigneur nous permet de faire cette nuit des vœux pour un an ”, écrit le P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, le 24 décembre 1850 (v. infra 8 d).
En cette nuit de Noël 1850, le P. d’Alzon prononça donc les trois vœux ordinaires de religion auxquels il ajouta celui de se dévouer spécialement à l’avènement de Dieu dans les âmes. Il reçut ensuite les mêmes engagements de la part de ses quatre compagnons, dont un prêtre, Henri Brun, deux laïcs, Victor Cardenne et Hippolyte Saugrain, un grand séminariste, Étienne Pernet : ces deux derniers dans la perspective du sacerdoce (v. infra 10).
Un an plus tard, dans la nuit de Noël 1851, le même groupe des fondateurs émit des vœux perpétuels, avec la profession temporaire du Fr. François Picard élève de la Maison de l’Assomption (v. infra 10 a et b). Le Fr. Cardenne était mort saintement le 14 décembre précédent, à Fontainebleau. Mgr Cart, le 12 décembre 1851, avait donné son “ adhésion définitive à l’œuvre ”.
La Congrégation de l’Assomption pouvait poursuivre sa marche et, par la tenue des Chapitres généraux de 1852 et de 1855, continuer en commun l’élaboration des Constitutions, prévoir aux charges, compte tenu de l’expansion de l’Institut (v. infra 12 b et c).
B
EXPANSION ET ESSAIS D’UNION (1850-1860)
Par son but apostolique, la Congrégation de l’Assomption voulue par le P. d’Alzon ne devait pas être seulement au service d’un diocèse, mais au service de l’Eglise tout entière. La prudence du fondateur l’avait conduit à ne rien anticiper avant l’émission des premiers vœux canoniques, malgré les pressions de personnes très attachées à son œuvre, comme Mère M. Eugénie, ou très haut placées dans l’Eglise, comme Mgr Affre, archevêque de Paris, désireux de le voir prendre succession du P. Gratry au Collège Stanislas (Ch. XIV,). A présent, il pouvait aller de l’avant ; deux voies s’ouvraient à lui : soit réaliser des fondations, soit répondre à des projets d’union. Toujours soucieux de suivre les indications de la Providence, le P. d’Alzon entrera dans ces deux perspectives, mais avec le souci d’assurer à sa Congrégation naissante la stabilité qui lui est nécessaire.
1. Les fondations de l’Assomption. -
Les premières fondations de l’Assomption se feront conformément à son premier engagement apostolique : la formation chrétienne de la jeunesse par des œuvres d’enseignement et de charité; ainsi en sera-t-il à Paris et à Mireman, près de Nîmes. La nécessité d’assurer à la Congrégation la stabilité qui lui est nécessaire poussera le P. d’Alzon à constituer un noviciat indépendant, à Auteuil et l’amorce d’une résidence romaine pour les jeunes religieux se préparant au sacerdoce.
1) L’installation, au n° 234 du Faubourg Saint-Honoré, à Paris. -
Mgr Sibour, nouvel archevêque de Paris, et son vicaire général, l’abbé Sibour, n’étaient pas des inconnus pour le P. d’Alzon. L’abbé Sibour, avait signifié à Mère M. Eugénie qu’il ne s’opposerait pas, bien au contraire, à une fondation parisienne du P. d’Alzon. Depuis octobre 1850, le P. d’Alzon avait envoyé à Paris le P. Tissot pour préparer une telle fondation, tout en assurant des services d’aumônerie auprès des Religieuses de l’Assomption ; c’est lui-même qui repéra la résidence à louer au n° 234 de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Après avoir consulté Dieu dans la prière, et en accord avec le Conseil des Sept, le P. d’Alzon décida la fondation d’un Collège à Paris (v. infra 13), avec l’agrément de Mgr Sibour (v. infra 14 b).
Le 24 août, le P. d’Alzon envoie à Paris le P. Charles Laurent pour mettre à exécution la fondation décidée. Le jeune supérieur eut le souci de commencer l’œuvre dans un climat de grande ferveur communautaire et religieuse (v. infra 14c). Le 25 mars 1852, le P. d’Alzon, présent à Paris, recevait la profession religieuse des PP. Charles Laurent et Paul Tissot, dans la chapelle de la fondation.
2) Le transfert du pensionnat à Clichy. -
Dès les débuts, le P. Laurent avait compris que l’installation au Faubourg Saint-Honoré serait sans avenir, en raison de l’étroitesse des locaux. On ne pouvait qu’y préparer un noyau d’élèves et de maîtres pour une autre installation. Après bien des pourparlers et des recherches, le P. Laurent fit valoir auprès du P. d’Alzon l’occasion inattendue d’acquérir une vaste propriété pour un prix relativement modeste, située au bord de la Seine, à Clichy-la-Garenne, dans une paroisse autrefois évangélisée par saint Vincent de Paul. Le contrat est passé le 16 avril 1853 et les cours s’ouvrent en octobre (v. infra 15 a).
Le collège fonctionna pendant sept ans. C’est là que se tinrent les réunions capitulaires de 1857 et le 4ème Chapitre général de 1858 (v. infra 30 ).
Un essaimage qui ne dura que trois mois (septembre-décembre 1858) fut même tenté par la communauté, avec l’accord du P. d’Alzon, à Rethel, dans le diocèse du cardinal Gousset, archevêque de Reims, par la prise en charge provisoire d’un collège diocésain.
Une volumineuse correspondance entre le P. d’Alzon, le P. Laurent, les Religieux de sa communauté et Mère M. Eugénie nous permet de suivre les péripéties de la fondation de Clichy et d’entrer dans les raisons de sa suppression, en 1860(5).
Malgré le dévouement du P. Laurent et de ses confrères aux prises avec toutes sortes de difficultés, il fallut se résigner, non sans regret (v. infra 15 b) à la fermeture et se retirer en août 1860. Ce fut une épreuve pour les Religieux de Clichy qui venaient de couvrir leurs dettes, et pour le P. d’Alzon à qui incombait le soin de reconvertir la situation, tout en ménageant les personnes.
3) La résidence d’Auteuil et le noviciat provisoire de Paris. -
Les Religieuses de l’Assomption avaient acquis en 1856, dans le quartier d’Auteuil, les terres et le château de la Thuilerie. Elles devaient y construire un pensionnat et leur couvent. Pendant la durée de ces travaux, Mère M. Eugénie offrit au P. d’Alzon la jouissance du château pour s’y reposer et y méditer l’organisation d’un noviciat installé à Paris.
Le P. d’Alzon, pour ne pas perdre de temps, aménagea lui-même à Clichy, pendant les vacances scolaires de 1856, la mise en train de ce noviciat, qui fut effectivement transféré au château de la Thuilerie. Avec la venue des Religieuses en octobre 1857, le noviciat fut transféré au n° 1 de l’avenue Eymès et confié au P. Picard qui venait de rentrer de Rome (v. infra 16 a).
En 1858, le P. d’Alzon, assuré qu’il avait peu à attendre de cette situation en fait de recrutement, se préoccupa de réorganiser à Nîmes le noviciat, sur la base du rescrit qu’il avait reçu de Rome (v. infra 29).
La première des deux années prescrites se ferait autour de lui et sous son impulsion. Le P. Picard se rangea à son avis (v. infra 16 b).
Le noviciat ayant été transféré à Nîmes, on quitta la résidence de l’avenue Eymès devenue trop spacieuse, pour une maison plus modeste, rue de La Fontaine. C’est là que se replièrent les Religieux de Clichy maintenus à Paris après la fermeture du Collège en août 1860. “ Il faut accepter ce que l’on ne peut empêcher, écrivait le P. d’Alzon le 13 août 1860, et le meilleur parti d’en tirer profit est d’offrir aussi généreusement que possible à Dieu tous les ennuis qui en résultent(6). ”
4) La fondation de Mireman, près de Nîmes. -
Tout en suivant l’évolution des implantations de l’Assomption à Paris, le P. d’Alzon réalisait à Nîmes des fondations orientées plutôt vers des œuvres de miséricorde et d’apostolat auprès des protestants. Dès avant 1850, il avait établi, avec le concours des professeurs et des élèves du Collège, une école de patronage à laquelle se dévouèrent particulièrement les FF. Cardenne et Pernet (Ch. XIV A).
A l’automne de 1852, il loua à Mireman, à trois quarts d’heure de Nîmes, une propriété pour y établir une colonie agricole et un noviciat de Frères convers (v. infra 17 a). La formule, à l’époque, devait pallier à l’exode rural, suivi souvent de la perte de la foi, en assurant sur place une promotion humaine et chrétienne des jeunes ruraux catholiques ou protestants. Un an après, l’expérience amena à transformer l’œuvre en orphelinat pour les enfants protestants. Mais après quatre ans d’efforts, elle accuse un passif de 140 000 francs, y compris le déficit de l’année en cours de 7 000 francs : “ A Mireman, écrit le P. d’Alzon à Mlle Combié, le 14 septembre 1856, nous sommes complètement ruinés ”(7). Devant les autres charges financières du moment, et encouragé par Mère M. Eugénie (v. infra 17 b), le P. d’Alzon se décida à liquider cette œuvre, sans préjudice pour les enfants : tous furent placés, à part quelques-uns qui vinrent avec les Frères convers habiter au patronage de Nîmes.
Le même souci apostolique amena le P. d’Alzon à ouvrir à Nîmes un orphelinat de même nature, pour les filles, sous la responsabilité de quelques-unes de ses dirigées, membres du Tiers-Ordre féminin de l’Assomption (Ch. XIII B).
5) Fondation d’une résidence assomptionniste à Rome.-
Depuis son séjour à Rome, lors de ses études sacerdotales, et devant le mouvement qui allait porter vers Rome le clergé français, trop longtemps replié sur lui-même, le P. d’Alzon, appuyant l’idée de la fondation à Rome d’un séminaire français, en 1852 (Ch. XIV B), éprouvait le besoin d’avoir à Rome une résidence qui fût à la fois un centre d’études pour ses scolastiques et une procure auprès du Saint-Siège pour la conduite des affaires de son Institut.
Dès que le chapitre général de 1855 eut homologué ce désir (v. infra 12 c), le P. d’Alzon manda à Rome quatre de ses jeunes religieux pour leurs études cléricales. Ils s’installèrent provisoirement le 3 novembre 1855 à Sainte-Brigitte, place Farnèse, chez les Pères de Sainte-Croix ; et le lendemain, Mgr de Mérode leur ménage une entrevue avec le Pape Pie IX qui les reçoit comme “ fils du P. d’Alzon ”, “ leur patriarche ” (V. infra 18).
Le premier essai ne dura que trois ans, au cours desquels reçurent le sacerdoce le P. Picard et le P. Galabert. L’expérience devait être reprise en novembre 1861, avec trois autres religieux, dont les FF. Emmanuel et Vincent de Paul Bailly. Dès les débuts, on aurait voulu avoir une résidence indépendante.
2. Les projets d’union. -
Une autre voie que celle d’opérer des fondations retint l’attention du P. d’Alzon pour assurer le développement de son Institut : répondre à des projets d’union de la part de fondations contemporaines ou même d’Ordres anciens. De ces divers projets, nous ne retenons que les quatre principaux, dont aucun, d’ailleurs, n’aboutira, malgré le désintéressement et la prudence des partenaires qui n’arrivèrent pas, dans le respect des grâces imparties de part et d’autre, à vaincre dans l’unanimité des membres la crainte légitime soit d’une absorption, soit d’une insertion parallèle.
1) Avec les Résurrectionistes polonais. -
Un groupe de réfugiés polonais avait fondé en 1836, sous la direction du P. Semenenko, une Congrégation religieuse ayant une activité en France et son centre à Rome. Le P. d’Alzon eut l’occasion de les connaître à Paris et de les recevoir à Nîmes, car ils étaient en relation à Paris avec Mère M. Eugénie. Le P. d’Alzon admirait leur désir de vouloir “ travailler à la pacification de l’Eglise d’Orient avec l’Eglise d’0ccident ”(8).
Des liens d’amitié, un esprit romain commun aux deux Instituts naissants, les amenèrent à engager des ouvertures en vue d’une union possible, dès avant 1850. En 1853, les négociations étaient bien avancées, menées par le P. Kajziewicz, partisan de l’union et tout à l’admiration du P. d’Alzon(9).
Le Supérieur général cependant crut devoir résister à la pression de ses Religieux qui avaient approché le P. d’Alzon et posa de telles conditions que les Assomptionistes devaient ou renoncer au projet ou fusionner totalement. En fait, toutes les explications ultérieures restèrent sans résultat (v. infra 19). Cependant les liens d’amitié demeurèrent et permirent, en 1862-1863, de reparler de collaboration en Orient.
2) Avec les Ermites de Saint-Augustin. -
De tous les projets d’union, celui-ci fut le plus important. En effet, en fondant l’Assomption, le P. d’Alzon avait voulu renouer avec le premier moment de la vie religieuse dans l’Eglise, et plus précisément avec la forme augustinienne de la vie religieuse, d’où sa volonté de reprendre la Règle de saint Augustin, de donner le titre d’Augustins de l’Assomption à ses Religieux, et d’aboutir à la constitution d’un Ordre avec émission de vœux solennels et même d’un quatrième vœu, et la création d’un Tiers-Ordre laïque. Or voici qu’au cours d’une audience que lui accorda le Pape Pie IX, le 18 mai 1855, il s’entendit proposer par ce dernier l’idée d’une union de sa jeune Congrégation avec les Augustins (10). Aussitôt il fait sienne l’idée du Pape (11) et confie l’étude de ce projet à l’abbé Chaillot, canoniste français, et au P. Picard, son répondant, l’un et l’autre résidant à Rome.
Dans un premier moment, l’abbé Chaillot ainsi que le Prieur général de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin se montrèrent favorables à un projet d’union(12). Aussi les FF. Picard et Galabert se mirent à l’étude des Règles et des Constitutions de l’Ordre, lequel, entre-temps, a changé de Prieur général : “ Je ne sais pas, écrit au P. d’Alzon le Fr. Picard le 29 mars 1855, si le nouveau Supérieur général des Augustins, le R.P. Micallef, sera aussi bien disposé que l’ancien, maintenant évêque sacriste, Mgr Palermo ” et il ajoute le 5 avril : “ Il vaut mieux attendre avant de soulever cette question, si l’on veut être indépendant des Augustins d’Italie ”(13).
Cependant, d’autres personnalités se faisaient l’écho d’un avis contraire auprès de Mère M. Eugénie, qui en informe le P. d’Alzon (v. infra 20 a). Le Père n’en demeure pas moins sur la réserve, car il voudrait sauvegarder une certaine autonomie pour que le zèle apostolique de l’Assomption ne soit pas entravé d’observances trop rigoureuses ou trop contraignantes (v. infra 20 b). L’abbé Chaillot rejoint la position du P. d’Alzon et du Fr. Picard, en considérant les modifications à introduire dans les Règles et Constitutions des Augustins, pour admettre une union telle que la désirerait l’Assomption(14).
Dès lors, le P. d’Alzon introduit une demande d’approbation de sa Congrégation qui devait aboutir au Decretum laudis du 1er mai 1857 (v. infra 27).
Cependant les Ermites de Saint-Augustin, désireux de reconstituer leur Ordre en France, hasardèrent eux-mêmes de nouvelles propositions en 1858. Le cardinal Howard fut prié de les confier à Mère M. Eugénie, mais le P. d’Alzon ne donna pas suite à ce message indirect(15), de peur d’une intégration pure et simple(16).
3) Avec les PP. de Sainte-Croix du Mans.-
En mai 1855, le P. d’Alzon fit à Rome la connaissance du P. Moreau, prêtre du Mans et supérieur de la Congrégation de Sainte-Croix fondée au Mans en 1837, et se composant de Religieux de chœur, dits Salvatoristes et de Sœurs fondés par lui-même, et de Frères instituteurs dits Joséphites, dont il avait accepté la direction. Le P. d’Alzon garde de cette première entrevue une heureuse impression, et, quelques mois plus tard, le P. Moreau lui propose la collaboration de ses Frères et de ses Sœurs. Le P. d’Alzon accepte le service des Sœurs pour Nîmes, et le P. Moreau propose, une fusion des Religieux de Sainte-Croix avec les Religieux de l’Assomption. Pressé par un besoin d’argent, et découragé par des contrariétés émanant de l’administration diocésaine à la mort de l’évêque, le P. Moreau désirait une visite du P. d’Alzon à Sainte-Croix “ pour arriver à une conclusion prompte et définitive ”. Le P. d’Alzon étant alors condamné au repos absolu, c’est le P. Moreau qui vint à Nîmes en se rendant à Rome, laissant par écrit les conditions de l’union (17). Le P. d’Alzon ne tarde pas à lui faire parvenir ses observations et lui propose même de reprendre à son compte le Collège de Nîmes ; mais il se ravise en considérant l’inconvénient moral de cet abandon devant la population (18).
Pendant ce temps, les Religieux Assomptionistes établis à Rome depuis novembre 1855, réfléchissaient sur le projet en cours. Deux rencontres avec le P. Moreau arrivé à Rome confirmèrent leurs inquiétudes transmises avec l’accord du Fr. Galabert par le P. Picard au P. d’Alzon : l’un et l’autre se déclarent fort peu enthousiastes de la fusion et pensent que le P. Moreau n’est guère disposé à faire des concessions(19).
En conséquence, le P. d’Alzon écrit au P. Moreau pour ramener la discussion aux options fondamentales (v. infra 21). Finalement, le P. Moreau restant sur ses positions en matière d’organisation et de pratiques, la négociation fut suspendue, malgré le désir de Mgr Nanquette, nouvel évêque du Mans, de la voir aboutir(20).
4) Avec les PP. du Calvaire de Toulouse. -
Le P. d’Alzon, qui avait des relations fréquentes avec Mgr Doney, évêque de Montauban, rencontra chez lui, en 1858, le P. Caussette, supérieur de la Congrégation des PP. du Calvaire, fondée par Mgr d’Astros, archevêque de Toulouse. Il en revint convaincu que l’union de l’Assomption avec cet Institut n’était pas impossible(21).
Le P. Caussette, après avoir pris connaissance de la Règle de l’Assomption et du Décret de louange qui venait de lui être accordé, fut personnellement du même avis (v. infra 22 a).
Au préalable, cependant, le P. Caussette voulut agir en toute prudence. Il consulta le Chapitre général de son Institut sur l’opportunité d’une fusion, mais sans nommer l’Assomption. Par vote secret, le Chapitre fut unanime à sanctionner cette opportunité, mais se refusa à toute exécution immédiate. Alors le P. Caussette crut devoir prendre encore l’avis du nonce, du cardinal Gousset et de Mgr Doney. Ces derniers lui conseillèrent de rester sous l’obédience de l’archevêque de Toulouse, tout en réservant pour un avenir lointain la possibilité d’une union avec l’Assomption. Cette circonspection étonna le P. Caussette autant que le P. d’Alzon et ils l’attribuèrent à l’état politique de la France et des Etats pontificaux à cette époque (v. infra 22 b). En fait, dans la suite, la question de l’union ne fut plus agitée.
Le P. d’Alzon envisagea donc à plusieurs reprises la possibilité pour sa Congrégation de fusionner avec d’autres. S’il y voyait un moyen d’assurer le développement de sa propre fondation(22), il tenait cependant à maintenir l’esprit qu’il entendait lui donner et à éviter une absorption pure et simple, et c’est ce qui explique l’échec des trois premiers essais d’union que nous avons examinés. Quant au dernier, celui qui concerne les Pères du Calvaire et qui est aussi le seul dont l’initiative revienne en propre au P. d’Alzon(23), l’échec en est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté comme de celle du P. Caussette, supérieur des Pères du Calvaire.
C
PREMIERE REGLE (1855) ET DECRET DE LOUANGE (1857)
Les années 1854-1855 furent particulièrement éprouvantes pour le P. d’Alzon : congestion cérébrale, menace de paralysie, du point de vue santé, et crise financière de toute son œuvre. Se plaçant sous le regard de Dieu (v. infra 23), il poursuit et achève la rédaction de la Règle de l’Assomption, dont certains chapitres sont plus particulièrement significatifs de la disponibilité apostolique, qu’il propose à son Institut (v. infra 24).
Conscient du développement encore modeste mais réel de sa fondation, soucieux de la faire accréditer au niveau de l’Eglise universelle, il pense qu’il est nécessaire, dans un premier moment, d’obtenir un statut de noviciat officiellement approuvé par Rome (v. infra 20 a).
En 1855, envoyé à Rome par mandat de Mgr Cart, malade, il avait eu une très longue audience avec le Pape Pie IX, qui lui avait exprimé le souhait de voir venir à Rome des jeunes prêtres français, munis du baccalauréat et de la licence conférée en France : “ Je profitai de ces paroles, écrit le P. d’Alzon à Mgr Doney, le 31 mai 1855(24), pour faire l’éloge du Séminaire français, et je terminai en déposant sur le bureau du Pape une note sur ma petite Congrégation ” (v. infra 25). Le Père pensait qu’une simple requête, remise directement au Pape, lui obtiendrait le rescrit désiré pour le noviciat.
Mieux informé par le P. Picard et quelques compétences romaines, dont Mgr Bizzarri, secrétaire de la S.C. des Evêques et Réguliers, il accepta de suivre la filière normale et d’obtenir une première approbation sous forme de décret de louange. Dès lors, il s’occupe activement de la rédaction de la supplique à transmettre au Saint-Siège et des lettres épiscopales de recommandation qui doivent l’accompagner(25).
Il envoie de fréquentes directives au P. Picard pour qu’il puisse transmettre les informations ou précisions qu’exigerait le Consulteur désigné, allant jusqu’à schématiser sa pensée pour se faire mieux comprendre (v. infra 26). De son côté, dans son rapport à la S.C. des Evêques et Réguliers, du 26 octobre 1856, le R.P. Ferrari, O.P., Consulteur, déclarait qu’il n’y avait aucun motif d’hésitation à accorder un décret de louange, et recommandait de donner un tel encouragement mérité par le fondateur et ses collaborateurs. Il le louait particulièrement d’avoir évité quello spirito di novità, trop courant, et de s’être placé sous la discipline de la Règle de Saint-Augustin. Cependant, le Rapporteur faisait remarquer qu’il ne fallait pas confondre un quatrième vœu avec le but de la Congrégation, et que les Constitutions devaient être mûries et expérimentées, surtout en ce qui concerne la composition de l’Institut(26).
Le décret de louange fut signé le 1er mai 1857 (v. infra 27) et fut l’occasion d’un renouvellement de ferveur à l’Assomption et d’attachement au fondateur, malgré les épreuves du moment (v. infra 28). Le décret fut bientôt suivi du rescrit sur le noviciat, que le P. d’Alzon tenait à obtenir comme gage de l’approbation future de la Règle de l’Assomption (v. infra 29).
Etant devenue de droit pontifical, l’Assomption tint autour du P. d’Alzon son 4ème Chapitre général, à Clichy, le 9 juillet 1858, après avoir réglé la situation financière et le statut administratif du Collège de Nîmes, et tenu à Clichy, en 1857, une réunion pré-capitulaire. Ce Chapitre général prit deux mesures pour maintenir l’unité de vues qui avait présidé aux commencements de la Congrégation (v. infra 30).
1
Position d’attente de Mgr Cart, d’après la correspondance du P. d’Alzon
Vis-à-vis de la fondation religieuse du P. d’Alzon, la position de Mgr Cart demeurait ce qu’elle avait été depuis le 30 septembre 1845 : il tolérait un essai discret (Ch. VIII, 6). Dès lors que la fondation prend forme, Mgr Cart, sans la redouter, manifeste la crainte qu’elle n’entraîne inconsidérément séminaristes et jeunes prêtres vers le P. d’Alzon. Par ailleurs, Mgr Cart demeure prudent devant les initiatives croissantes de son vicaire général et redoute pour lui qu’en acceptant des prédications hors de son diocèse, il ne se disperse et n’arrive pas à conduire son œuvre.
Quelques extraits de lettres écrites par le P. d’Alzon ou reçues par lui, que nous allons citer, illustrent ce que nous venons de dire.
a)
De la lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, Nîmes le 2 janvier 1846. - Orig.ms. ACR, AD 401; V., Lettres, III p. 2.
La fondation du P. d’Alzon attire l’attention des séminaristes, dont il ne veut pas être dupe.
Il paraît que nous pouvons compter sur un certain nombre de vocations au Séminaire : deux jeunes diacres, qui étaient ici surveillants l’année passée, meurent d’envie de revenir comme religieux; nous avons deux ou trois autres séminaristes qui sont aussi dans la plus belle ardeur. Or, ne riez pas, mais devinez un des motifs de leur enthousiasme : ce n’est ni plus ni moins que votre très humble serviteur et père. Il paraît que je suis, pour le quart d’heure, dans la bouche des séminaristes comme je n’ai jamais été dans celle des dévotes. Convenez qu’il faut que ce soit vous pour vous conter tout cela. Pour moi, j’y vois une permission de Dieu qui me déguise en apparence, afin que je puisse, en faisant illusion aux gens, les conduire là où il les veut.
b)
De la lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, Nîmes le 11 janvier 1846. - Orig.ms. ACR, AD 404; V., Lettres, III p. 15-16.
Le P. d’Alzon avait accepté de prêcher le Carême à Notre-Dame des Victoires. Il ne veut pas quitter Nîmes sans avoir l’avis de son évêque, qui lui manifeste quelques réticences.
[...] Vous ai-je dit, dans ma lettre de ce matin, la réponse de mon évêque ? Mais non, je ne vous en ai pas parlé. Sachez donc que, hier à 9 heures, j’allai le voir ; que, pendant une demi-heure, il discuta la question de savoir si j’irais à Paris ; que, à 9 h. 1/2, rien n’était décidé ; que je lui proposai de prendre l’avis de l’abbé de Tessan ; que, à 10 h. 1/4, j’y retournai avec ce bon abbé et qu’à 11 heures il décida (avant de tourner la page, arrêtez-vous et devinez...), il décida qu’il ne déciderait rien. Il va écrire à M. Desgenettes qu’il ne peut me dire d’aller à Paris, mais qu’il me laissera partir et qu’il s’en rapporte, à cet égard, entièrement à moi, mais qu’il m’engage à rester. Or ses raisons, les voici :
1° On dira que je suis un inconstant, et j’en ai déjà la réputation assez établie.
2° La maison perdra beaucoup de sa réputation, si je n’y suis pas toute l’année.
3° Si surtout j’ai le malheur d’envoyer quelques filles à l’Assomption, je me perds de réputation à Nîmes.
4° Il veut faire une tournée après Pâques et ne sait qui prendre pour l’accompagner si je n’y suis pas.
5° Il craint qu’on me fasse une suspension de traitement, si je fais de si longues absences".
Maintenant, ma chère fille, dois-je venir à Paris ? Je crois que oui, et je le fais d’autant plus volontiers que presque tous les hommes un peu sérieux que je consulte m’y engagent et m’y engagent assez fortement .
c)
De la lettre de l’abbé Goubier au P. d’Alzon, Nîmes, début du Carême. - Orig.ms. ACR OF 49.
L’abbé Goubier transmet au P. d’Alzon des propos prêtés à Mgr Cart, d’après lesquels il s’opposerait à toute émission de vœux.
J’ai appris avec plaisir les sympathies qu’avaient pour vos projets les évêques de Paris, de Saint-Flour, mais surtout le nonce.
Je ne doute pas que tous les évêques qui comprendront un peu les besoins de leur diocèse ne vous approuvent et ne vous encouragent. Celui de Nîmes viendra après tous les autres. Vous, savez que son extrême prudence ne lui permet guère les initiatives. Dieu fasse seulement qu’il ne vous entrave pas. C’est, je crois, tout ce que vous devez désirer de lui.
Il paraît que, chaque fois qu’il en a l’occasion, il recommande bien à vos messieurs de ne point faire de vœux, et, au besoin, il s’y opposera. Vos jeunes Pères sont à cet égard bien et dûment prévenus.
Heureusement, ce qui vient de Dieu sait bien toujours se faire jour à travers les obstacles, quels qu’ils soient, et ceux qui seraient soulevés à Nîmes ne seront jamais de nature à arrêter ses œuvres.
d)
De la lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, datée de Nîmes le 2 mai 1846. - Orig.ms. ACR, AD 418; V., Lettres, III p. 54-55.
De retour à Nîmes, le P. d’Alzon a dû reprendre en mains sa fondation où une mésentente s’était produite entre prêtres et laïcs pendant son absence. Il est prêt à faire comme dans les autres Ordres “ où. l’on n’élève au sacerdoce que lorsque l’on a fait des vœux ”.
Il y a bien eu une petite division entre les prêtres et les laïques; d’où je conclus que peut-être lâcherai-je peu à peu les prêtres, sauf pour un ou deux emplois. Ce sera me donner une plus grande indépendance vis-à-vis de Monseigneur. Je ne les ferai ordonner, si je trouve des vocations, que lorsque je serai sûr qu’ils seront religieux. Ce sera, du reste, ce qui se fait dans les autres Ordres, où l’on n’élève au sacerdoce que lorsqu’on a fait des vœux. [...]
Je suis assez convaincu que quelques-uns des prêtres regrettent la paroisse. Je vais leur mettre le marché en main dans quelques jours; ce sera un peu pénible, mais ce sera, je crois, avantageux.
e)
De la lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, datée de Nîmes le 2 juillet 1848. - Orig.ms. ACR, AD 433 ; V., Lettres, III p. 73-76.
Le P. d’Alzon, sachant que ses novices prêtres se réclamaient, dans leur opposition, de Mgr Cart, n’a pas hésité à avoir un entretien avec son évêque, qui, finalement, le laissera faire sans l’autoriser.
Je dois vous dire que j’ai eu, avant-hier, une longue conversation avec Monseigneur. Je lui ai demandé ce qu’il pensait définitivement de l’œuvre. Il m’a répondu qu’il voulait que je lui donnasse mes idées par écrit. Je le questionnai sur les vœux. Il me dit qu’il voulait que je ne disposasse pas de ses prêtres sans sa permission. Je lui dis que j’étais prêt à les lui rendre, mais ceci parut l’abasourdir assez passablement. Je lui demandai s’il était vrai qu’il eût dit qu’il voulait me briser. Il m’assura de la manière la plus forte qu’il n’y avait jamais pensé et que jamais rien de semblable n’avait pu sortir de sa bouche. Enfin, il fut convenu qu’il me laisserait faire sans m’autoriser. Il désire que je lui remette un rapport sur ce que je veux faire; je suis embarrassé pour ne dire ni trop ni trop peu.
2
Echange de lettres entre le P. d’Alzon et Mgr Cart, juillet-août 1846
a)
Lettre du P. d’Alzon à Mgr Cart, datée de Nîmes le 12 juillet 1846. - Orig.ms. AC 74 bis; V., Lettres, III p. 76-82.
Après avoir exprimé le regret qu’il a de n’avoir pas salué son évêque avant son départ en Franche-Comté, et après lui avoir demandé des directives pour la tenue du Conseil épiscopal en son absence, - d’autant qu’il sera “ à peu près seul responsable de ce qui sera présenté à ses délibérations ”, - le P. d’Alzon en vient, dans sa lettre, au rapport écrit que Mgr Cart lui avait demandé sur “ ce qu’il se propose dans son œuvre ”. Les articulations, sans être chiffrées, en sont nettement marquées : 1° Le but et l’esprit de l’Association de l’Assomption; 2° l’esprit religieux attendu des clercs membres de l’Association; 3° l’opportunité de la fondation à juger à partir de l’expérience et non de décision hâtive; 4° l’élaboration des Constitutions dans le même creuset de l’expérience.
L’importance de ce texte nous oblige à le citer en entier, parce que l’abbé d’Alzon s’explique officiellement de sa fondation devant l’autorité hiérarchique de l’Eglise.
Vous m’avez demandé, Monseigneur, de vous dire par écrit ce que je me propose dans mon œuvre. Il me semble que je puis le résumer en deux mots : avant tout, la gloire de Dieu et notre sanctification par le salut des âmes procuré par l’éducation. Mais comme déjà d’autres œuvres sont fondées dans ce but, j’ai, pour autoriser cette entreprise, besoin d’un motif particulier. Ici, j’en ai deux : le premier qui découle des préventions à peu près invincibles, selon moi qu’ont rencontrées d’autres corps religieux et qu’il faut faire disparaître, pour faire le bien, selon la parole de saint Paul : omnià omnibus factus sum; le second, c’est le besoin de se retremper, s’il est possible, dans ce que j’appelle l’esprit chrétien, lequel me paraît s’effacer tous les jours, comme un glaçon dans l’eau tiède, au milieu d’une piété à l’eau de rose, et qui pourtant se retrouve avec les caractères les plus visibles chez les derniers hommes qui se sont occupés d’associations d’hommes et même de femmes, comme le card[inal] de Bérulle, le P. de Condren, M. Olier, le bienheureux Fourrier, saint Vincent de Paul, l’abbé de Rancé et l’abbé de la Salle. Quand on lit la vie de ces hommes et qu’on compare la manière dont ils entendaient la piété dans leur direction avec la manière dont on l’entend aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de réfléchir. Communiquer leur doctrine toute nue à des enfants serait absurde, mais on peut écarter de leurs jeunes têtes une foule de préventions théoriques, auxquelles s’accoutument beaucoup trop dans le monde les personnes de piété et qui font que la doctrine de la croix est un scandale et une folie, même pour des chrétiens qui fréquentent les sacrements.
Un des faits qui me frappent le plus, c’est cet affaiblissement de la foi pratique chez les gens pieux, et qui est à l’édifice de la religion ce qu’est à un monument la dégradation de l’enduit de ses murs : bientôt l’humidité le pénètre sans difficulté et va détruire la force de cohésion du ciment. Parmi les maux qui affligent l’Eglise de Jésus-Christ, en voilà un que l’éducation peut et doit réparer. Mais pour cela il faut un grand esprit d’unité, il faut une association chez les éducateurs. Je dirai de même pour l’égoïsme, auquel il faut opposer un plus grand esprit de sacrifice et de dépouillement.
Vous paraissez craindre, Monseigneur, que je ne vous prenne vos prêtres. Hélas ! les connaissez-vous assez peu, pour ne pas savoir qu’avec des vertus très grandes il y a dans leur éducation, dans leurs habitudes de Séminaire, dans leur isolement s’ils ont été curés, dans leur usage de commander à l’église, dans les chocs qu’ils ont subis avec leurs maires, et dans une foule d’autres circonstances que vous connaissez mieux que moi, je ne sais quel germe de vanité cléricale, d’esprit propre, d’inflexibilité d’opinion qui ne discute pas, parce qu’elle ne le veut et peut-être ne le sait [pas], mais qui va grandissant toute seule au fond de son presbytère, se préoccupant moins des périls de l’Eglise que [de] l’acquittement du casuel, et des développements de la discussion religieuse que de l’agrandissement de la maison curiale et des charmes d’une vie douce, paresseuse, amusante et commode ? Non, Monseigneur. Outre qu’un grand nombre de saints prêtres n’ont pas la vocation pour l’état religieux, il faut dire que les tendances que je viens d’exagérer, parce que la tendance seule est un obstacle, suffisent pour écarter de l’Assomption des hommes que j’aurais peut-être été heureux d’y voir.
Mais, me direz-vous alors, c’est qu’en écartant ceux que vous venez de peindre, vous me prendriez mes meilleurs sujets ? Monseigneur, les meilleurs sujets de votre diocèse prouveraient par leur instinct que l’œuvre est bonne, et, quand même vous les refuseriez, leur attrait serait -une approbation qui certainement vous frapperait beaucoup. Or, cette approbation je l’aurais eue, si j’eusse voulu agir sans craindre de vous faire de la peine. Mais vous n’avez pas voulu, vous avez défendu à l’abbé Bastien, par exemple, de songer à venir à moi, et aussitôt je me suis arrêté. Seulement, Monseigneur, me serait-il permis de vous demander s’il faut désormais supprimer les deux grandes divisions qui, dès le commencement, ont été approuvées, encouragées dans l’Eglise, le clergé séculier et le clergé régulier ? Si vous en exceptez saint Ambroise, les huit grands docteurs de l’Eglise ont été religieux ou fondateurs d’Ordre. Le secours que l’Eglise a retiré de ces associations doit-il lui être refusé ? L’association repose sur la charité; et faut-il confesser que la charité se refroidit,- selon la prophétie du Sauveur, refrigescente charitate ? C’est un aveu triste, mais contre lequel je crois que Jésus-Christ aime que l’on proteste.
Maintenant, vient la question d’opportunité. Monseigneur, je suis bien embarrassé ici. Seulement je trouve que M. Olier ne put fonder Saint-Sulpice que sur un terrain qui ne dépendait pas de l’archevêque de Paris; que l’abbé de Rancé quitta Véret, malgré l’archevêque de Tours qui voulait en faire son grand vicaire; et que, tout le temps que l’abbé de la Salle fut à Reims, il fut l’objet constant des moqueries de l’archevêque, M. Le Tellier. Je cite les trois derniers essais de fondation que je connaisse en France.
On voit, dans la vie de l’abbé de la Salle, qu’il fit faire des vœux de trois ans aux douze premiers religieux, sans demander la permission à personne, au bout d’une retraite de dix-huit jours. Pour moi, je ne ferais rien de semblable, puisqu’au bout d’un an je demande seulement qu’on me laisse commencer sérieusement un noviciat de plusieurs années. Quelques-uns me quittent, d’autres arrivent; c’est ce qui se voit dans tous les commencements. Un jeune homme de Fontainebleau, que j’ai depuis un an ici, me dit qu’il se donne à l’œuvre(27). Deux de vos diocésains non prêtres veulent essayer(28) ; j’ai reçu déjà un jeune Breton ; j’attends au premier jour-un jeune homme de-Paris, dont le confesseur qui est son ami depuis plusieurs années me fait un éloge très grand(20); un jeune homme de Montpellier n’attend qu’un appel de ma part pour venir aussi. Tous ces nouveaux venus me feront une nécessité de prendre le romain(30), surtout si je vous rends vos prêtres, comme vous paraissez le désirer.
Reste toujours la question personnelle : suis-je apte à cette œuvre ? En général, Monseigneur, quand une œuvre est voulue de Dieu, il y a des pionniers qui déblayent le terrain; ce n’est pas l’architecte, mais un simple manœuvre qui creuse les fondements sur lesquels doit reposer l’édifice. Si l’architecte est Dieu, les maçons viendront plus tard; laissez-moi faire mon travail de manœuvre.
En résumé, Monseigneur, je voudrais faire sans bruit une association d’hommes qui se dévoueraient à l’éducation dans le sens le plus étendu du mot, qui relèveraient l’esprit chrétien par une éducation chrétienne, en opposition à l’éducation que j’appellerai païenne même de bien des maisons religieuses, où l’on ne comprend pas assez comment il faut prêcher la foi par tous les moyens. Je voudrais que cette association eût quelque chose de plus franc et de plus monacal à la fois que les Jésuites, et quelque chose aussi de moins universel dans les buts et tout aussi catholique dans les pensées.
Vous voudrez bien, Monseigneur, réfléchir sur tout ceci. Si vous désirez d’autres explications, je suis prêt à vous les fournir. Vous me demanderez peut-être mes règlements. À cela je n’ai qu’une réponse : je me suis attaché à la règle de saint Augustin, mais pour les dispositions particulières, je ne prends encore que des notes. J’étudie, autant que j’en ai le temps, les Constitutions des Ordres religieux, et puis je les combine avec les faits que me fournit l’expérience. Saint Vincent ne donna sa règle qu’à quatre-vingts ans; M. de la Salle ne la donna que fort tard; l’abbé de Rancé n’allait que pas à pas, et c’est, je crois, ce qu’il y a de mieux. Je consulte, en général, pour tout ce que j’établis, et je n’adopte rien qui n’ait eu l’approbation unanime, de façon qu’ensuite je sois en droit de tenir ferme, quand une fois la chose a été approuvée.
b)
Lettre de Mgr Cart au P. d’Alzon, datée de Mouthe le 16 août [1846]. -Orig.ms. ACR, DZ 49; V., Lettres, III, Append., p. 646-647.
Dans une réponse brève, pleine d’affection, Mgr Cart fait parvenir au P. d’Alzon son jugement personnel, corroboré par d’autres, dit-il, sur les projets de son vicaire général. Il aurait préféré “ quelque chose de plus fixe ” et ne peut donc “ apprécier et à plus forte raison approuver ” ce qui lui semble “ bien vague et bien élastique ”, ceci dit “ en toute douceur et charité ”.
Mon cher Abbé,
J’ai bien tardé à vous écrire, mais réellement je n’ai pas pu le faire plus tôt, et je pars de Mouthe sans avoir même réglé toutes mes affaires. Savez-vous que j’ai eu l’avantage de rencontrer à Evian Mme de Puységur et que peu s’en est fallu que je [ne] fisse avec elle la traversée du lac ? Déjà je lui ai donné de vos nouvelles, à mon arrivée à Mouthe, et elle désire bien que vous retardiez votre voyage à Lavagnac jusqu’à son arrivée.
Je m’attendais, mon cher abbé, à recevoir quelque chose de plus fixe sur le projet de votre communauté, et vous devez comprendre que le dessein que vous me soumettez est bien vague et bien élastique, pour que je puisse l’apprécier et à plus forte raison l’approuver. Une personne grave, à laquelle j’ai cru devoir communiquer votre lettre, en a été fort affligée; je n’ai pas pu ne pas partager ce sentiment. Toutefois, mon ami, je me considère bien moins que vous dans cette affaire, et, en vérité, je crains que vous n’embrassiez trop de choses et que les unes ne nuisent aux autres. Croyez bien que ceux qui modèrent votre zèle vous portent un intérêt plus vrai que ceux qui n’ont pas le courage de vous dire leur pensée à ce sujet. Si j’étais seul à m’effrayer, je me défierais singulièrement de mon jugement, mais un grand nombre de personnes graves partagent mes craintes. C’est en toute douceur et charité que je vous les exprime encore. Puissiez-vous n’y voir qu’un témoignage de dévouement pour vous ! Jamais il n’y aura d’autre sentiment à votre égard dans mon cœur, et je vous prie, mon cher abbé, d’en agréer l’assurance(31).
+ François, év[êque] de N[îmes].
3
"Journal spirituel" du P. d’Alzon, fondateur de l’Assomption (1845-1850)
Devenu fondateur, et conscient de sa responsabilité, le P. d’Alzon, malgré ses multiples occupations (v. infra 6), contrôle sa vie personnelle et spirituelle, soit dans des notes intimes prises au terme de retraites (a), soit dans des échanges spirituels avec Mère Marie Eugénie (b).
Cette double documentation permettrait d’écrire un véritable "Journal spirituel", montrant les états d’âme du P. d’Alzon en face d’une œuvre qu’il conduit à la merci de Dieu.
a)
Notes intimes du P. d’Alzon (1845-1850)
Sur 4 feuilles détachées et datées, le P. d’Alzon fait le point sur sa vie intérieure.
1° Note intime du P. d’Alzon, 30 août 1846.- Orig.ms. ACR, CR 11; T.D. 43, p. 271.
Entre la fête de l’Assomption et celle de la Nativité de la Vierge Marie, le P. d’Alzon, obligé au repos, passe à Lavagnac un temps de prière et de réflexion : à 36 ans, il renouvelle sa donation à Jésus-Christ.
J’ai aujourd’hui 36 ans. Je suis épouvanté de l’inutilité de ma vie, du temps perdu, des grâces demeurées stériles. Je veux qu’il y ait un renouvellement en moi dès ce moment. Il me semble que la grâce de Dieu m’y pousse; je veux, cette fois au moins, lui être fidèle. Ce que Dieu me semble demander de moi comme terme de mes efforts incessants, c’est:
1° Une confiance sans bornes en sa bonté;
2° Un grand esprit de foi dans toutes mes actions, et surtout dans mes jugements et déterminations;
3° Une possession absolue de moi-même;
4° Une grande égalité d’âme, avec une grande douceur;
5° Une application plus soutenue à l’esprit d’oraison(32).
Je me suis donné ce matin à Notre-Seigneur Jésus-Christ sous les auspices de la Sainte Vierge, ma mère, de saint Michel, de saint Pierre, saint Paul, saint Jean l’Evangéliste, saint Augustin(33), et sainte Rose de Lima, dont c’est aujourd’hui la fête.
2° Résolutions de retraite annuelle, 29 septembre 1847. -, Orig.ms. ACR, CR 12; T.D. 43, p. 272-274.
Avant de reprendre une nouvelle année-scolaire, le P. d’Alzon s’est rendu à Chalais dans l’Isère, pour y faire une retraite de huit jours chez les Dominicains, sous la conduite du P. Lacordaire. A son arrivée, celui-ci était parti pour Rome, et le P. Jandel était également absent; il se mit sous la direction du P. Danzas dont il se dit enchanté. Le dernier jour, il transcrit ses résolutions.
1° Me tenir le plus possible aux pieds de Jésus-Christ dans la prière.
2° M’exercer à être en tout son instrument.
3° Le manifester autant que je pourrai dans toutes mes actions.
4° Me laisser guider surtout par son amour.
5° Etre très patient envers moi et avec les autres, de même que Jésus-Christ l’est envers moi. Me tenir le plus, possible dans la possession de moi-même.
6° Application au bréviaire, plus de dévotion à mes patrons et à ceux de l’Association.
3° Note intime du 4 novembre 1847. - Orig.ms. ACR, CR 13; T.D. 43, p. 275.
“ Aujourd’hui, écrit le P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, je suis claquemuré pour faire ma retraite du mois, et comme il m’est impossible de trouver un peu de paix dans ma maison, j’ai pris le parti de venir chercher la solitude au Refuge ” (T.D. 19, p. 255). Au terme de cette retraite mensuelle, il prend la résolution de conduire davantage en la présence de Dieu les œuvres qui lui sont confiées.
C’est dans un recueillement et une pensée plus soutenue de la présence de Dieu que j’acquerrai la tenue convenable dans mes différentes relations. Il me manque beaucoup de ce côté, et j’ai besoin de beaucoup d’efforts, mais pour moi il faut que l’état intérieur de mon âme soit la règle de la disposition extérieure de ma tenue.
J’aurais aussi à m’examiner très sérieusement sur ma manière de penser aux choses qui relèvent de moi, aux œuvres qui me sont confiées, je n’y pense pas assez devant Dieu, je ne m’en préoccupe pas assez dans mes prières. J’ai énormément à réfléchir sur mes négligences de ce côté-là.
Mon oraison est bien lâche depuis quelque temps. Je suis censé m’être donné à Dieu et je crois que cela suffit une fois pour toutes. Cela ne suffit pas du tout, et je sens combien il est nécessaire de renouveler souvent ce don de soi-même et de l’entretenir par des actes sans cesse renouvelés.
Il me semble que je m’occupe bien peu de me mortifier. Il me paraît que, sans faire aucune chose extraordinaire, je pourrais cependant faire beaucoup plus que je ne fais.
Je dois chercher à rendre plus persévérant en moi le sentiment de ma dépendance par rapport à Dieu.
4° Note intime, entre 1845-1850. - Orig.ms. ACR, CR 44; T.D. 43, p. 269.
On peut dater d’après l’écriture comme étant de 1845-1850, la note suivante où le P. d’Alzon, comme fondateur, se met à l’école de Jésus-Christ formant ses Apôtres “ d’une manière très ferme et très douce ”.
Ce que Dieu me demande surtout en ce moment, c’est d’honorer en l’imitant, l’esprit de Jésus-Christ, soit dans sa vie apostolique, soit dans le temps entre sa résurrection et son ascension, tandis qu’il formait ses apôtres en les illuminant et en les échauffant par sa patience, par ses paroles, par ses prodiges, par son amour, par sa paix. Il faut que je travaille à faire rejaillir autour de moi la bonté de Jésus-Christ en paix, ouverture de cœur, franchise et grandeur de générosité, mais le tout d’une manière très ferme et très douce.
b)
Extraits de lettres du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, 1848-1850
La correspondance qu’entretient le P. d’Alzon avec Mère M. Eugénie demeure, peut-on dire, le diaire de sa fondation : règlement du noviciat, attitude des disciples, impressions générales, impressions personnelles, tout s’y retrouve. - Pour faire suite aux notes intimes que nous venons de reproduire, nous en retenons quelques passages où le P. d’Alzon livre ses états d’âme, de 1848 à 1850.
1° [Lavagnac] le 9 juillet 1848. - Orig.ms. ACR, AD 587; V., Lettres, III p. 355-356.
Avec la Révolution de février 1848, le P. d’Alzon avait cru devoir servir l’Eglise par le journalisme (Ch. XV). Il s’interroge pour savoir si un tel engagement n’a pas nui à sa vie intérieure et au bien de son œuvre.
J’ai un grand scrupule de me trop jeter dans la politique. Quelque chose me pousse à me tenir en dehors, surtout depuis huit jours où je fais une sorte de retraite, passant presque toute la journée dans ma chambre à lire la Vie de M. Olier. Il y a là des choses qui ne sont pas pour moi. Mais que d’autres aussi me vont à merveille et qui me font faire les plus sérieuses réflexions ! Je vois pourquoi j’ai fait si peu de bien pendant l’année qui vient de s’écouler. Or, il me paraît que je ferai peut-être bien mieux de me renfermer dans mon collège et de laisser la politique suivre son cours. Est-ce l’effet d’un caractère inconstant ? Est-ce plutôt, comme je le crois, le sentiment vrai de la volonté de Dieu ? C’est ce que je ne puis bien dire. ??’
2° Lavagnac, le 22 septembre 1848. - Orig.ms. ACR, AD 599; V:,Lettres, III p. 377.
Le P. d’Alzon vient de recevoir les comptes de son économe; aux épreuves de sa santé s’ajoute “ le martyre des écus ”. Devenu seul propriétaire de l’Assomption, l’abbé Goubier s’étant retiré, c’est un total de 137 000 francs qu’il doit couvrir, dont un arriéré de l’année de 31 000 francs, et ceci dans un climat de récession économique.
Dans un temps comme le nôtre où l’argent est tout, ceux qui veulent être à Dieu doivent supporter le martyre des écus. C’est le moyen d’être pauvre et de la bonne manière. Avec cela, la force s’en va par moments. Pour aujourd’hui, je vous laisse; demain ou après-demain, je serai peut-être remonté sur ma bête. [...]
3° De la lettre datée de Lavagnac, le 26 septembre 1848. - ibid. ; V., Lettres, III p. 379.
Dans ce climat, le P. d’Alzon voudrait porter sa croix plus par amour que par résignation.
En lisant un passage de Fénelon qui m’est tombé par hasard sous les yeux, j’ai été frappé d’une distinction qu’il établit entre les croix acceptées avec résignation et les croix acceptées par amour. Il me semble que je ne veux pas y mettre de la résignation seulement, mais je sens que j’aime bien peu. Cependant, je suis plus calme ; j’ai même un certain bonheur à accepter par avance la pensée que Dieu me demandera peut-être la destruction de l’Assomption, et toutes les humiliations et douleurs qui en suivront pour moi. Je me sens résolu à tout faire pour l’empêcher, parce que Dieu le veut, mais toujours dans cette pensée : En quoi que ce soit, il ne faut vouloir que ce que Dieu veut et n’aimer que ce qu’il aime, et dans la mesure qu’il aime, et par les motifs pour lesquels il l’aime. Ainsi, en se faisant porter par la volonté de Dieu et son amour, on n’a plus qu’à chercher, autant qu’on en est capable, ses volontés particulières. Et ici elles me semblent évidentes. Il y a encore à chercher à les assouplir, selon sa capacité, et c’est là le point difficile. Mais Dieu est si bon !
4° De la lettre datée de Nîmes le 20 novembre 1848. - Orig.ms. ACR, 605 ; V., Lettres, III p. 390-391 .
Le P. d’Alzon, en entrant dans le local du noviciat (v. infra 7 b), se propose deux jours de retraite et s’interroge sur la conduite de sa vie.
Je vais faire une retraite de deux jours, pour prier la Sainte Vierge de me présenter à Dieu. Je m’enferme ce soir dans notre nouveau logis. Il y a aujourd’hui juste quinze ans que je partis de Marseille pour Rome. Dieu veuille que cette seconde marche vers lui soit plus rapide que la première ! Où serai-je dans quinze ans ?
5° De la lettre datée de Nîmes, le 19 avril 1848. - Orig.ms. ACR, AD 638 ; V., Lettres, III p. 421-422.
Le P. d’Alzon a prêché le Carême à la cathédrale; il vient de présider le banquet des anciens élèves. Il n’en reste pas moins attentif à sa vie intérieure.
Dieu me veut à lui, et non seulement j’ai à me donner mais à me déprendre de tout ce qui ferait obstacle entre lui et moi. Peut-être, -un jour,- en viendrai-je à bout.
6° De la lettre datée de Lavagnac,.le 12 septembre 1849.- Orig.ms. ACR, AD 668 ; V., Lettres, III p. 489.
En 1849, le P. d’Alzon est victime du choléra; le 9 août, ses jours ont été gravement en danger et Mgr Cart s’en est ému. Du 12 au 21 septembre, il se repose à Lavagnac, dans un climat de retraite, car il n’est pas entièrement remis.
Je lis en ce moment beaucoup le Nouveau Testament. C’est là où je fais mes méditations, ne cherchant pas à tout comprendre, mais m’arrêtant à ce que je comprends et le creusant de mon mieux.
7° De la lettre datée de Nîmes, le 11 mars 1850. - Orig.ms. ACR, AD 704 ; V., Lettres, III p. 564.
Le P. d’Alzon prêche le Carême à ses élèves ; il voudrait bien avancer lui-même dans l’esprit d’oraison pour être à Dieu tout de bon.
Dieu me demande si fort de me réfugier dans le cœur de son Fils que je ne sais si je ne suis pas bien coupable de ne pas donner plus à l’oraison. Enfin, j’espère bien quelque jour être à Dieu tout de bon.
8° De la lettre datée de Nîmes, le 21 avril 1850. - Orig.ms. ACR, AD 711 ; V., Lettres, III p. 575-576.
Le P. d’Alzon prêchera le mois de Marie à ses élèves ; il voudrait obtenir de la Sainte Vierge d’être au moins pendant ce temps tout à sa vie religieuse, sans commettre d’imprudence, étant donné son état de santé.
J’ai envie de prier la Sainte Vierge de permettre, pendant le mois de mai, que je fasse absolument tous mes exercices sans prendre la moindre dispense, afin que je puisse juger par là si la volonté de Dieu est que je me soigne ou non. Si je suis souffrant au bout du mois, ce sera une preuve définitive que je dois me ménager; si, à ce terme, je me porte bien, je conclurai que je dois aller en avant. Car je ne puis me dissimuler que ces continuels ménagements que je m’impose donnent de terribles entorses à la règle dont l’exemple ensuite est on ne peut plus funeste.
4
Extraits d’un cahier de notes intimes du Fr. Victor Cardenne, année 1847. - Orig.ms. ACR, CA 6-17.
Le Fr. Victor Cardenne, membre de l’Ordre, nous a laissé un cahier de notes intimes comportant parfois de précieuses indications sur le développement de l’Association de l’Assomption, les directives de son fondateur, l’esprit et les pratiques de noviciat en cours. Nous en citons quelques extraits pour l’année 1847.
a)
6 mai (ms. p. 49)
- Notre état - L’ordre s’est laissé devancer par le Tiers-Ordre en piété et en régularité : quelle honte ! Nous allons bien lentement dans la voie des vertus religieuses. Il est peut-être utile que cela soit ainsi si cette lenteur est sage et non lâche. [...]
- Moyens à tenter pour l’Ordre - Le soir, j’ai confié nos plans au Père : former un noyau solide en travaillant nos plus jeunes Frères, les entretenant dans l’esprit de piété, de dévouement, de charité, d’humilité; nous espérons rallier ainsi forcément les dissidents et les retardataires. La vue de notre tiédeur a effrayé le Père et a empêché son voyage à Paris, qui lui était cependant bien nécessaire pour se retremper.
b)
12 juin (ms. app., p. 19)
-Devoirs des inférieurs - Si j’en devais croire les apparences, Dieu aurait mis entre les mains de Mr d’Alzon non pas seulement des fils, des subordonnés, mais aussi des gens de différents caractères et aptitudes, afin de le compléter, de sorte que cette puissance admirable d’improvisation, cette remarquable facilité, cet ingénieux esprit qu’il a, devraient plutôt lui servir à élever plutôt qu’à dominer les autres, et rien d’important ne devrait se faire isolément par les uns et par les autres ; il doit y avoir solidarité, union, concours d’idées, de volonté et d’action entre le Père et nous pour que tout aille bien.
J’en conclus que c’est un devoir pour chacun de nous de remarquer et de faire remarquer à Mr d’Alzon tout ce que nous trouvons de défectueux en la maison, lui soumettre très simplement mais avec courage et douceur nos idées, nos observations, nos reproches.
c)
15 juin (ms. p. 56)
Notre cher Père, en revenant d’un voyage de huit jours, fait dans sa famille(34), nous annonce qu’après bien des réflexions, il lui semblait nécessaire que, pour songer à loisir aux choses de l’Ordre et de la Maison, il se renfermât le plus possible dans sa chambre, qu’il n’ouvrira désormais qu’à ceux de nous qui se nommeront : “ Je suis, a-t-il dit, hors de prévoir et d’agir convenablement si je ne vais souvent à la source du Divin Maître. ” Que je suis heureux de cette résolution, elle me semble inspirée par la miséricorde divine nous prenant en pitié ; je compte cette nouvelle, avec l’excellente causerie que j’ai faite avec le Père après ma confession, comme deux sujets de grande joie pour moi.
d)
27 juin (ms. p. 57-58)
Le Bon Dieu semble vouloir nous accorder quelques grâces de restauration ; la bonne Volonté pour l’accomplissement de la règle et l’esprit de mortification semblent renaître dans chacun de nous depuis le plus fervent jusqu’au moins fervent. Fasse le ciel que cela continue ! Cependant il en est toujours qui se défient de l’œuvre, de son chef et qui ne pensent peut-être pas assez aux secours de la Providence qui devra nous tenir compte de nos bonnes volontés, si nos actes sont peu méritoires ; je plains bien sincèrement ces âmes trop préoccupées des calculs humains, dans une œuvre qui s’appuie sur Dieu et au milieu d’une communauté qui ne veut qu’accomplir la volonté de Dieu !
Le Père dans une courte causerie nous a laissé voir son opinion sur la majeure partie d’entre nous; il pense que le nombre de ceux qui croient en la réussite de l’œuvre et qui s’y consacrent sans arrière-pensée est fort petit ; il me semble qu’il s’est peut-être trop arrêté aux apparences et que réellement il n’y a de préoccupée de ces soins humains en dehors de l’œuvre, qu’une bien faible minorité. Cela vient probablement de ce que jusqu’ici le Père n’a eu avec ses religieux que des relations extérieures qui ont en effet pu le laisser croire à cette erreur; enfin les précautions nouvelles qu’il vient de prendre pour notre persévérance et notre avance me donnent l’espérance que bientôt des rapports plus intimes et une plus entière confiance régneront entre le Père et ses enfants. [...]
Le Père m’a engagé à le venir souvent trouver et de ne pas m’effrayer de ses airs rébarbatifs ; il aime, m’a-t-il dit, les observations, oppositions que je pourrai lui faire, à cause de la pureté des motifs qui’ me dirigent : il veut donc qu’on ait confiance en lui et qu’on croie à son affection bien chrétienne et bien sincère pour nous tous.
e)
30 juin (ms. app., p. 20)
Nous [ne] sommes pas appelés à être des moines; nos commencements, nos caractères, notre but, notre organisation repoussent toute idée de clôture et de vie monastique ; l’état de nos mœurs ne nous avertit-il pas à cet égard; aller trop loin en fait de pratiques extérieures, c’est nous exposer à demeurer longtemps séparés de l’élément laïc ; et peut-être cela amènera-t-il une rupture par la suite ; aimons-nous les uns les autres, aimons la vie de Jésus-Christ. C’est le plus pressé ; je trouve qu’on pourrait aussi ne pas se lever si souvent à minuit, l’exactitude dans nos exercices habituels en souffre trop(35).
5
Décret de la S.C. des Rites, accordant l’usage du calendrier romain pour la célébration des Heures canoniques, 21 mai 1847. -ACR, KO 3.
Dès les débuts de sa fondation, l’abbé d’Alzon avait prévu autre chose qu’une simple Congrégation diocésaine. Dans sa lettre à Mgr Cart (v. supra 2 b), il disait devoir suivre le rite romain pour unifier la prière de ses novices, venant de divers diocèses de France.
Cette faveur lui fut accordée le 21 mai 1847, par l’intermédiaire du P. Jelowicki, Résurrectioniste polonais, le cardinal Micara étant préfet de la S.C. des Rites. Nous citons le texte du décret et le début de la lettre du P. Jelowicki annonçant au P. d’Alzon cette faveur.
a)
Texte du décret
CONGREGATIONIS PRESBYTERORUM ASSUMPTIONIS
BEATISSIMAE MARIAE VIRGINIS,
NEMAUSEN
Ad erudiendam spiritu intelligentiae ac pietatis juventutem eamque a saeculi vitiis servandam et arcendam, sub titulo Assumptionis Beatissimae Mariae Virginis, R.D. Emmanuel de Alzon diœcesis Nemausensis Vicarius Generalis, sacerdotum congregationem invexit; atque ut strictiori vinculo sanctae Apostolicae Sedi adhœreant illius Congregationis alumni Sanctissimum Dominum Nostrum Pium Papam IX humillime rogavit, ut in persolvendis horis canonicis conformari se valeant Breviario et Kalendario Cleri Romani. Sanctitas Sua referente me subscripto Secretario, de speciali gratia, benigne annuit juxta oratoris preces. Contrariis non obstantibus quibuscumque. Die 21 mense majo, anno 1847.
Pro E.mo et R.mo Cardinali MICARA praefecto,
Jo. Cardinalis SERAPHINI.
L + S J.G. Fatati, S.R.C. Secretarius
b)
Début de la lettre du P. Jelowicki, Rome le 24 mai 1847.- Orig.ms. ACR, EA 302. .
Monsieur l’abbé,
Le voici enfin, le privilège que vous avez tant désiré pour vous et pour la Communauté que vous avez fondée et que le Saint-Père bénit de la bénédiction la plus tendre et la plus ample. En vous accordant la grâce de suivre l’Office du Clergé de la Ville éternelle, le Saint-Père s’exprima sur votre compte de la manière la plus encourageante et la plus flatteuse : “ Je connais ce digne prêtre, dit-il au Secrétaire référant, et c’est de tout mon cœur que je lui accorde cette grâce. Faites-lui dire qu’il me trouvera toujours disposé à seconder ses pieux désirs et ses travaux, qu’il demande et il recevra ”(36).
6
Extrait de la lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, Nîmes, le 5 décembre 1847. - Orig.ms. ACR, AD 552; T.D. 19, p. 271-273.
Le P. d’Alzon savait plus que quiconque - et d’ailleurs, soit Mère M. Eugénie, soit ses disciples de l’Ordre ou du Tiers-Ordre se chargeaient de le lui rappeler, - qu’il devait être tout à sa fondation. Mais pouvait-il pour cela même renoncer aux services de charité, que la vie impose à l’improviste, aux responsabilités d’œuvres qu’il avait assumées, et même à sa charge de vicaire général, puisqu’on n’avait pas voulu de sa démission ?
Conscient de son impuissance à tout maîtriser, il s’en remet à la miséricorde de Dieu et tâche de porter sa croix qu’alourdissent les faiblesses de sa santé et ses difficultés financières. Par tout cela, il donnait, jour après jour, la preuve qu’il ne voulait que le bien de l’Eglise. Conduit par les mêmes motifs surnaturels, Mgr Cart ne pouvait y être indifférent.
On a beau se faire des règlements, quand on est dans la position où je me trouve, il faut s’attendre à être dérangé du matin au soir. Ainsi, la semaine dernière, le père, deux frères, deux sœurs de l’abbé Goubier, l’abbé Goubier lui-même étaient simultanément malades. Ne fallait-il pas aller les voir ? Le secrétaire de l’évêché a perdu sa mère; il a fallu que j’accompagnasse celui-ci au cimetière. Pouvais-je m’en dispenser ? Je n’ai pas à faire à 30 familles mais à 135 ; sans compter toutes les nouvelles qui vont me confier leurs enfants, par suite de l’événement de Fribourg(37). Ajoutez à cela deux Chapitres par semaine, une réunion du T[iers]-0[rdre], deux classes d’histoire ecclésiastique, deux entretiens à la chapelle, un Conseil (à l’évêché), une ou deux réunions littéraires, sans compter les extras ; en voilà bien assez pour fatiguer un homme et le forcer à rester quelquefois les bras croisés, avec un épuisement de tête qui l’empêche d’agir.
Et c’est bien ce qui m’arrive quelquefois. Je suis à bout de mes forces. Et c’est alors, je l’avoue, que j’éprouve une tristesse de cœur poignante, quand après m’être ainsi dévoué, il me semble, du moins, à mon œuvre, j’entends dire des gens que je n’en fais pas assez. Mon Dieu, ils ont raison, parce que je ne puis pas être partout, même dans la maison. Et pourtant, en dehors des quelques personnes dont je voudrais former le T[iers]-0[rdre] des femmes, du Refuge, où je ne vais pas tous les huit jours, et de l’évêché, où il faut bien que j’aille, puisqu’on n’a pas voulu accepter ma démission, je défie de prouver que je donne six heures par semaine à ce qui ne regarde pas la maison.
Mais quoi ! je m’absorbe dans les détails. On me reproche de ne pas m’en occuper assez. Avec les élèves ? Je ne les vois plus qu’en confession, où j’en passe au moins quinze par heure. A quoi donc mon temps se passe-t-il ? A rien du tout, si l’on veut. Alors il faut dire que, je ne suis pas l’homme de l’œuvre, et c’est la conclusion qui m’est de plus en plus évidente. J’y reste pourtant pour faire la place de celui qui sera cet homme, et qui aura le bonheur d’avoir douze têtes et vingt-quatre mains pour suffire à tout et ne mécontenter personne. Pour moi, mon enfant, je m’enfonce tous les jours un peu plus dans le profond sentiment de mon impuissance et de mon incapacité radicale, et je tâche d’offrir tout cela à Notre-Seigneur, qui, étant plus miséricordieux que les hommes, peut de son immense bonté mettre sa grâce à la place de leur nullité et tirer le bien du néant, comme il le tire du mal même. Cette pensée seule me soutient et quand je m’y suis un peu arrêté, je reprends assez volontiers mon fardeau et je tâche de porter ma croix le plus doucement possible, au lieu de la traîner comme j’ai fait si souvent et si mal.
Quant au fait de me coucher trop tard, cela ne m’est pas arrivé trois fois en deux mois, et nous voyons saint Vincent-de-Paul ne pas se faire scrupule de veiller pour ses lettres. Toutefois, je conviens qu’il vaut mieux de la régularité, et c’est ce que je tâche de faire, quand je ne me crois pas obligé à forcer un peu le travail.
7
Documents concernant la retraite faite à la Chartreuse de Valbonne, par les disciples du P. d’Alzon et sous sa direction, du 23 au 30 août 1848
La Révolution de février 1848 avait surpris le P. d’Alzon à Paris, et, de retour à Nîmes, il crut devoir, avec ses collaborateurs, participer au mouvement religieux et politique par le journalisme (Cf. Ch. XV). A la fin de l’année scolaire, comme les années précédentes, il tient, dans le climat d’une retraite, à faire le point sur l’avenir de son œuvre : “ Depuis le 16 juillet jusqu’au 15 août, c’est-à-dire depuis Notre-Dame du Carmel jusqu’à l’Assomption, écrit-il à Mère M. Eugénie le 18 juillet 1848, je me suis promis de me mettre tout spécialement sous la protection de la Sainte Vierge, afin d’obtenir par son entremise que je pusse devenir quelque chose de passable ”. “ Le lundi après notre distribution des prix, écrit-il le 6 août, je partirai en pèlerinage pour Notre-Dame de Rochefort; de là je m’acheminerai vers la Chartreuse de Valbonne, où je ferai ma retraite avec mes trois futurs compagnons ” (V., Lettres, III p. 358-359, 356).
Nous avons trace de cette retraite en plusieurs documents : 1° une série d’interrogations que pose à ses disciples le P. d’Alzon pour l’avenir de son œuvre (a); 2° le journal intime de Cardenne qui nous donne le climat de la retraite et les décisions prises (b); 3° le Procès-verbal de la réunion du 26 août où furent débattues les questions posées par le P. d’Alzon (V., Lettres, III, appendice, p. 720-722); 4° une information donnée par le P. d’Alzon à Mère M. Eugénie (c).
a)
Questions fondamentales posées par le P. d’Alzon, concernant l’avenir de son œuvre
Le P. d’Alzon ne veut pas être seul à conduire son œuvre dont il connaît les faiblesses, tout autant que la générosité de ses disciples. Il ose, en toute lucidité, les provoquer à prendre leur part dans sa fondation.
Faut-il continuer l’œuvre ? Où faut-il la continuer ?
Quels défauts peut-on signaler, depuis trois ans, qui sont des obstacles sérieux au développement de l’œuvre ?
Faut-il que les quatre aillent dans une maison séparée ? Quel esprit donner à l’œuvre ?
Ne faut-il pas plus de régularité dans les assemblées générales ? Ne faut-il pas que le maître des novices du Tiers-Ordre prenne une plus grande influence sur les maîtres ?
Ne faut-il pas que le supérieur use plus librement [de son autorité] envers les maîtres ?
Quel esprit communiquer ? Ne faut-il pas un peu plus de piété ?
b)
Extraits du cahier de notes intimes du Fr. V. Cardenne, 23 août-15 octobre 1848. - Orig.ms. ACR, CA 6-17.
Nous citons trois extraits du cahier de notes intimes du Fr. V. Cardenne; dans les deux premiers il nous parle du climat de la retraite et dans le troisième, des décisions prises concernant le noviciat au début de l’année scolaire 1848-1849.
23 août (ms. p. 81-82).
Après un pèlerinage fait à pieds en 14 heures (5 h. soir à 7 h. matin), de Nîmes à Rochefort, nous nous sommes rendus, également à pieds, par Bagnols, à la Chartreuse de Valbonne, où nous sommes arrivés le 23 au soir au nombre de six : MM. d’Alzon, Tissot, Durand, Monnier, Saugrain et Cardenne. Le choix des personnes de cette réunion nous a paru une grâce spéciale de la Sainte Vierge, à cause de la conformité d’idées et de tendance, de goût, d’habitudes et de but en général qui paraissent exister entre toutes.
Tel a été le règlement suivi pendant ces huit jours de sainte retraite : - lever à 6 h., matines [sic] et méditation en commun; 7 h. 1/2, messe et temps libre; 8 h. 1/2, méditation et petites heures en commun; - 10 h. déjeuner, chacun lit pendant une portion du repas (la vie de M. de Ranty); - 11 h., promenade en commun où l’on permettait de parler; - 12 h., lecture dans le bois (25 pages de la Vie cachée de Jésus, par séance); - 1 h., promenade en méditant, chacun de son côté; - 2 h. , méditation en commun; - 3 h., temps libre; - 5 h., grand office; - 6 h., dîner; - 7 h., nouvelle promenade en commun; - 8 h. 1/2, lecture en commun ou plus souvent, causeries sur la maison et notre œuvre.
Cette retraite nous a paru à tous une bénédiction toute particulière de la Providence et comme le vrai point de départ de notre formation.
Un procès-verbal dressé par M. Durand a gardé note de tout ce qui s’est dit et résolu d’important dans nos causeries(38).
29 août (ms. p. 85-86).
Décidément, nous commençons cette année notre noviciat : 3 personnes et le Père, voilà notre noyau. Qu’en restera-t-il après l’épreuve ? Dieu le sait. Priez, priez pour nous.
15 octobre, (ms. app., p. 22)
Il est décidé que nous n’entrons que quatre au noviciat, fait dans la maison en face(39) : PP. Paul [Tissot], Hippolyte [Saugrain], François [Surrel] et le Supérieur [P. d’Alzon]. Nous essayerons les exercices de la vie religieuse, priant, mangeant à part, ne paraissant à la maison qu’aux moments prescrits, employant des récréations à lire les règles et statuts d’Ordres religieux pour en tirer, avec l’aide de l’Esprit-Saint, les règles qui soient propres à notre œuvre; aucune autre personne ne sera admise parmi nous avant six mois, après quelques épreuves et à la majorité des voix, celle du Supérieur étant prépondérante. P. Isidore et Jean se retirent tout-à-fait. Frère Henri ajourne. La bonne volonté paraît grande parmi les futurs novices; le Supérieur diminuera ses occupations extérieures et réglera son travail dans l’établissement.
c)
De la lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, Nîmes, 6 septembre 1848. - Orig.ms. ACR, AD 596; V., Lettres, III p. 368-370.
Voici maintenant le résultat de notre retraite ; elle se fit très paisiblement. Comme la Chartreuse est entourée de très beaux bois, nous y allions passer quelques heures dans le jour. Du reste, tout se faisait sérieusement, excepté quelques moments de récréation où Cardenne nous amusait par ses grimaces et M. Durand par ses calembours. Nous étions six, MM. Tissot, Cardenne, Hippolyte, et moi pour l’Ordre; Durand et Monnier pour le Tiers-Ordre(40). Je posais diverses questions dans les conversations que nous eûmes les derniers jours.
Faut-il rester à Nîmes ? - Non.
Faut-il songer à porter le centre de l’œuvre à Paris ? - Oui. Faut-il y aller sur-le-champ ? - Non, à cause des troubles politiques .
Faut-il quitter Nîmes, même dans l’hypothèse où l’on ne pourrait aller sur-le-champ à Paris ? - Oui.
Quand faut-il quitter Nîmes ? - L’an prochain, si l’on peut.
Quand faut-il aller à Paris ? - Dès que les commotions politiques apaisées feront espérer qu’on le peut sans inconvénient(41).
8
Extraits de lettres du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie montrant l’évolution de la position de Mgr Cart vis-à-vis de la fondation du P. d’Alzon, 1849-1850
A défaut de témoignages directs sur les dispositions de Mgr Cart sur la fondation du P. d’Alzon, nous pouvons relever dans la correspondance du Père avec Mère M. Eugénie des indices d’une disposition de plus en plus favorable. Il autorisera l’ouverture d’un noviciat régulier en octobre 1849 et, en décembre 1850, l’émission des premiers vœux.
a)
Nîmes, les 19-20 juillet 1849. -Orig.ms. ACR, AD 551; V., Lettres, III p. 458-459.
Vous ai-je écrit que j’avais eu une très longue conversation avec Monseigneur de Nîmes, à la fin de laquelle il avait paru moins éloigné que jamais de nos projets ? Il voulait en causer avec Monseigneur de Montauban(42). Je suis allé voir celui-ci, qui est en visite chez notre évêque et, après une longue conversation, je l’ai trouvé entièrement de mon avis, qui, j’espère, est celui du bon Dieu. Je vais y retourner dans une demi-heure et je verrai Monseigneur de Nîmes. Si je puis les décider à causer tous les deux devant moi, je verrai de les faire me donner un avis favorable. Et pourtant, je suis très préoccupé. Je n’ai pas, à proprement parler, de maître des novices. Il manque pour cela bien des choses à M. Tissot et à M. Cardenne. Peut-être cela est-il un bien. Les novices seront plus dans ma main pour les rendements de compte. [...]
Les Anglais que vous me proposez ou que l’on veut me proposer viendront-ils jusqu’à Nîmes ? Faudra-t-il attendre à plus tard ? Je vous avoue que je suis tout ému en pensant au bien à faire en Angleterre, mais je ne veux pas me presser(43).
Le 20 juillet.
Je suis allé voir, en effet, l’évêque de Montauban, mais nous avons été hier interrompus dans notre conversation. Aujourd’hui, il y avait Conseil et je suis resté dîner à l’évêché. En sortant, j’ai conjuré l’évêque de causer de mon affaire avec Mgr Doney, lequel m’est très favorable, car il est venu dire la messe, hier jeudi, à mes enfants, et il m’a annoncé qu’il viendrait encore après-demain dimanche. C’est un homme bien sec, mais bien bon et surtout bien ferme.
b)
Nîmes le 19 octobre 1849. - Orig.ms. ACR, AD 677; V., Lettres, III p. 503-505.
Ma chère fille,
Mon médecin vient de m’interdire la messe pour dix jours. Ceci est pour vous faire savoir que j’ai pris la résolution de me soigner, et pour m’excuser, si je ne vous écris pas ces jours-ci aussi longuement que je le voudrais(44).
Monseigneur approuve enfin le noviciat de Nîmes. J’ai eu une longue conversation avec lui. Pourvu que j’aille avec prudence, il approuve tout désormais. Je vous dirai ceci en détail : j’ai suspendu pour un temps l’idée de Sorèze, parce que, dans ce moment, Marseille m’envoie une masse d’enfants(45). Ou je me trompe, ou j’aurai trop peu de place, malgré mes agrandissements.
c)
Nîmes le 21 décembre 1850.- Orig.ms. ACR, AD 742; V., Lettres, III p. 638-639.
Mon voyage a été très bien. Je trouve la maison mieux que je n’osais l’espérer. Il y a quelques tiraillements, sans doute, entre M. Brun, que je constitue sous-directeur cum futura successione, et le préfet de discipline; mais ceci est peu de chose. MM. Brun, Cardenne, Saugrain et Pernet feront le jour de Noël entre mes mains des vœux particuliers, en attendant qu’ils puissent les faire avec approbation de l’autorité ecclésiastique(46). C’est toujours quelque chose. Voilà la vraie naissance de notre petite Congrégation. Du reste, leur esprit est parfait. L’abbé Vernières est aussi, lui, très édifiant.
d)
Le 24 décembre 1850. - Orig.ms. ACR, AD 743; V., Lettres, III p. 640.
Ma chère fille,
Quoique je n’aie qu’une minute, je veux vous dire deux mots. Tout à coup Monseigneur nous permet, à MM. Hippolyte, Cardenne, Pernet, Brun et moi, de faire, cette nuit, des vœux pour un an. Dieu en soit béni ! Je regrette de n’avoir pu vous prévenir à temps. Vous auriez uni vos prières aux nôtres.
e)
Le 12 novembre 1851. - Orig.ms. ACR, AD 798; T., Lettres, I p. 110-111. Ma chère fille,
Je suis bien aise que vous jugiez par votre propre expérience combien certains dérangements empêchent par moments d’écrire à ceux à qui on aurait le plus envie de le faire. Ainsi vous aurez dû savoir par M. Laurent une chose que j’aurais voulu pouvoir vous annoncer, l’adhésion définitive de Monseigneur à l’œuvre. J’aurais voulu vous conter tout le détail de deux conversations; ce sera pour Paris, dans quinze à vingt jours, car vous savez que le Conseil [de l’Instruction publique] est retardé de quinze jours.
9
Engagements religieux des disciples du P. d’Alzon envers lui-même, le 13 décembre 1850
Le noviciat canonique autorisé par Mgr Cart se poursuivait en attendant l’autorisation des vœux publics (v. supra 8 b, c). Nous pouvons juger du climat de ferveur de ce groupe religieux, par une lettre du P. Brun au P. d’Alzon, sur le point de s’engager par promesse envers le P. d’Alzon, en attendant la décision de l’Ordinaire.
a)
De la lettre du P. Brun au P. d’Alzon, datée de Nîmes le 5 décembre 1850. - Orig.ms. ACR, 0G 124.
L’abbé Brun, né en 1821 à Langogne, prêtre du diocèse de Mende en 1845, s’était mis à la disposition de l’Assomption pour l’année scolaire 1847-1848; il avait laissé l’impression, selon le P. Tissot, d’un “ homme de bon sens et de dévouement ”. Le P. d’Alzon le nommera sous-directeur, cum futura successione (v. supra 8 c).
Ecrivant au P. d’Alzon qui se trouve à Paris pour le Conseil supérieur de l’Instruction publique, il fait le point sur l’état physique et spirituel du noviciat, en parlant de chacun de ses confrères, parmi lesquels il faut retenir la figure d’Étienne Pernet - né à Vellexon en 1824, venu à Nîmes le 6 juin 1849 sur la recommandation de Mère M. Eugénie - et celle de François Picard, né à Saint-Gervasy en 1831, -élève de l’Assomption, et déjà novice pour l’Ordre. La cause de ces deux religieux est introduite à Rome; le P. Étienne Pernet devait être le fondateur des Petites Sœurs de l’Assomption, le P. Picard, le successeur du P. d’Alzon, second Supérieur général de la Congrégation, et fondateur des Orantes de l’Assomption.
Cher Père,
Nous avons eu mardi dernier notre petite réunion de l’Ordre. Nous avons dû changer le jour et l’heure à cause du bon Cardenne; ce cher frère est bien fatigué depuis quelques jours; il crache du sang avec abondance; il paraît toujours très préoccupé de l’influence du climat de Nîmes sur sa santé. Je n’examine pas s’il a raison ou tort, mais l’état de ce frère m’inquiète, et je suis presque porté à croire que le climat du nord lui serait plus favorable, par cela seul qu’il le croirait ainsi. Le besoin d’une seconde maison se fait donc sentir de plus en plus : Dieu veuille que nous puissions aller à Paris l’année prochaine(47). C’est une question bien grave, et nous avons bien besoin que Dieu nous fasse connaître sa volonté là-dessus.
M. Cardenne a suspendu ses leçons [...]; il doit éviter les occasions de parler souvent et longtemps. Ne faudrait-il pas enlever le bon Cardenne au patronage et ne lui laisser que les visites des pauvres(48) ?
Le P. Hippolyte travaille toujours avec Pernet, mais les occupations nombreuses du sous-économat et les corvées imprévues qui viennent toujours tomber sur eux, leur laissent quelquefois bien peu de temps. Hippolyte n’a pas même celui de vous écrire. Il m’a chargé, ainsi que nos autres frères de le faire au nom de tous.
Je suis on ne peut plus édifié de la conduite de Pernet : il attirera les bénédictions de Dieu sur l’œuvre. Il est d’une humilité, d’une piété, d’une ferveur sans exemple. Hier, je le voyais prier après l’Office du soir : on comprenait, on sentait qu’il était uni à Dieu.
[...] Hier, j’ai fait une visite à Picard, il va beaucoup mieux. Avec des ménagements sa maladie n’aura pas d’autres suites. Il doit nous faire une visite cette semaine, et nous revenir définitivement dans la semaine prochaine. J’ai trouvé chez lui beaucoup de détermination, et ce mois passé dans sa famille ne lui a rien ôté de son énergie morale; c’est toujours le brave Picard. Dieu nous prépare, dans la personne de ce novice, un bon et saint religieux.
b)
Texte de la promesse religieuse des Fr. Brun, Cardenne, Saugrain et Pernet, 13 décembre 1850.- Orig.ms. ACR, OG 191; V., Lettres, III p. CLX-CLXI.
Dans le climat de ferveur que décrivait au P. d’Alzon, le P. Brun, lui-même et ses trois compagnons s’engagent, en attendant la décision de l’Ordinaire, par promesse de fidélité religieuse envers le P. d’Alzon qui se trouvait alors à Paris pour la session du Conseil supérieur de l’Instruction publique.
Au nom et en l’honneur de la Très Sainte Trinité, Nous,
Jean-Pierre-Henri Brun, prêtre, né à Langogne (Lozère), le 1er octobre 1821;
Jean-François-Victor Cardenne, né à Fontainebleau, le 8 août 1821; Désiré-Hippolyte Saugrain, né à Ecquetot (Eure), le 16 février 1822; Claude-Etienne Pernet, né à Vellexon (Haute-Saône), le 23 juillet 1824;
Faisons à la Sainte Vierge abandon complet, entier et, dès maintenant irrévocable, de notre personne, de notre avenir et de notre volonté, pour être entièrement consacrés à l’œuvre de l’Assomption, et nous venons déposer entre vos mains la promesse suivante :
1° Nous nous engageons à accepter sans aucune restriction les Constitutions et les Règles que vous croirez devoir dresser et que Rome approuvera;
2° Dès que Rome nous aura approuvés comme Congrégation ou comme corps religieux, nous nous engageons à faire solennellement les vœux de pauvreté, de chasteté, d’obéissance, le quatrième vœu pour l’extension du règne de Jésus-Christ, et tout autre qu’il vous plairait d’y ajouter et qui serait approuvé par Rome;
3° En attendant que Rome nous approuve, nous vous prenons pour notre Supérieur et Père, et nous nous engageons à vous obéir de la manière la plus absolue ; nous promettons aussi de pratiquer la pauvreté et de garder la chasteté ;
4° Par cette promesse, nous entendons nous obliger sub gravi et être liés par elle comme par les vœux;
5° Cette promesse une fois acceptée par vous, nous ne serons plus libres de la retirer. Toutefois, vous aurez le droit de nous en dispenser vous-même pour un temps limité, ou même pour toujours, selon que vous le jugerez convenable;
6° Si la mort vous frappe, avant que Rome ait approuvé l’œuvre, nous nous engageons à obéir à tout membre de l’Ordre désigné par vous comme supérieur.
Maison de l’Assomption de Nîmes, le vendredi treize décembre 1850, jour dans l’Octave de l’Immaculée Conception de la glorieuse Vierge Marie.
H. BRUN, p[rêtre], V. CARDENNE
Hip[poly]te SAUGRAIN
PERNET
10
Formule de profession et engagements temporaire et perpétuel du P. d’Alzon, 1850, 1851 (25 décembre). - Registre des professions ACR, C 43.
Le Registre des Professions des religieux de l’Assomption comporte à la première page la formule de profession que chaque profès devait retranscrire et signer de sa main, et la mention de l’engagement temporaire et perpétuel signé du profès et contresigné du P. d’Alzon.
Nous citons la formule de profession du P. d’Alzon et la mention de son engagement temporaire, le 25 décembre 1850, et perpétuel, le 25 décembre 1851.
a)
Formule de profession du P. d’Alzon. - Orig.ms. ACR, JW 1.
Ego Emmanuel-Maria-Joseph-Mauritius Daudé d’Alzon, professionem facio et promitto omnipotenti Deo, coram ejus Virgine Matre in cœlos assumpta et universa cœlesti curia ac omnibus circumstantibus(49) paupertatem, castitatem et obœdientiam et secundum eam, peculiarem curam circa juventutis eruditionem.
Insuper specialiter promitto me aucturum pro viribus regnum Domini Nostri Iesu Christi apud animas tam christianorum quam infidelium(50).
Nemausi, in nocte natali Domini Nostri Iesu Christi, anno millesimo octingentesimo quinquagesimo.
E. d’Alzon.
b)
Engagements temporaire et perpétuel du P. d’Alzon. - ACR, C 43, p. 2.
Anno salutis Millesimo octingentesimo quinquagesimo, in nocte natali Domini Nostri Iesu Christi, Nemausi, professionem fecit Emmanuel d’Alzon ac vota apud Ordinem solita omnipotenti Deo promisit ad annum.
E. d’Alzon
Anno sequenti, in eadem nocte natali Domini Nostri Iesu Christi, sese Deo praedictis votis dedicavit in perpetuum(51).
E. d’Alzon
11
Extraits de la première ébauche des Constitutions de la Congrégation de l’Assomption, écrite par le P. d’Alzon avant 1850. - Orig. ms. ACR, BI 1-5; V., Lettres, III, appendice, p. 700-712.
Les Constitutions primitives de la Congrégation de l’Assomption s’établissent peu à peu à partir de 1846. C’est probablement pendant l’année régulière du noviciat canonique, et avant le premier Chapitre général, 23-25 septembre 1850, que le P. d’Alzon rédige deux cahiers de notes qui sont la première ébauche des futures Constitutions appelées la Règle de l’Assomption, en 1855. Cette ébauche prévoit deux livres, l’un de règles communes, l’autre de règles de gouvernement. Des règles communes, nous détachons le Chapitre 1er, sur le but de l’Ordre, le seul qui ait encore reçu un développement suivi (v. Un maître spirituel, p.47-49). Le but de l’Ordre, ainsi que s’exprime le P. d’Alzon, est d’étendre le règne de Jésus-Christ en nous appliquant à faire triompher en nous et autour de nous la foi, l’espérance, la charité. Par là, l’esprit de l’Ordre est donc un esprit de zèle et d’apostolat.
BUT DE L’ORDRE
Le but de l’Ordre se manifeste par le quatrième vœu de travailler à étendre de toutes ses forces le règne de Jésus-Christ dans les âmes : dans la nôtre d’abord, celles de nos Frères et dans celles de tous les chrétiens.
L’esprit de l’Ordre est donc un esprit de zèle et d’apostolat.
Nous tendrons particulièrement à notre but en nous appliquant à faire triompher en nous et autour de nous :
1° La foi, par notre esprit de soumission à l’enseignement de l’Eglise et à l’esprit de cet enseignement; par notre amour pour l’unité de l’Eglise et notre filiale dépendance de son chef; par notre respect pour la vérité que nous porterons dans nos études, nous pénétrant de l’importance de notre vocation qui est d’en devenir les défenseurs et les soldats, et, par là, les soldats mêmes de Jésus-Christ, Verbe, Dieu, Vérité éternelle ; par notre esprit de foi dans la pratique de l’obéissance, nous plaçant toujours sous la main de nos Supérieurs comme sous la main de Dieu même;
2° L ’espérance, par le détachement des biens de la terre poussé jusqu’à la pratique de la pauvreté évangélique, et l’amour des biens surnaturels ; par l’humilité, c’est-à-dire le mépris de ce qui est créé, même de nous ; et par la prière, c’est-à-dire la demande de la grâce et de ses dons, et l’aspiration vers Dieu, principe et terme de l’homme;
3° La charité : a) par l’amour de Dieu que nous aimerons très uniquement; par la chasteté, c’est-à-dire le renoncement aux plaisirs des sens; par la mortification, gardienne des sens et moyen d’unir quelques souffrances expiatoires à celles de Jésus-Christ; b) par l’amour envers Notre-Seigneur que nous lui témoignerons surtout par l’imitation des vertus, dont il est le parfait modèle; c) par l’amour de la Sainte Vierge, sa mère et notre protectrice spéciale; d) par l’amour de l’Église, son épouse; par le zèle pour le salut des âmes, qui se manifestera dans les œuvres d’éducation entendues dans le sens le plus général du mot, dans les missions chez les infidèles et dans la propagation des œuvres de charité - à quoi nous pourrons nous faire aider par les Frères du Tiers-Ordre.
Notre esprit doit être un esprit de simplicité, de droiture dans la foi, d’oraison pour nous rapprocher toujours plus de Notre-Seigneur, d’humilité dans les études et de zèle pour le triomphe de l’Eglise.
12
Extraits des Actes des trois premiers Chapitres généraux de la Congrégation de l’Assomption : 1850, 1852, 1855. - Procès-verbaux originaux ACR, C 31.
Dans la pensée du P. d’Alzon, les Chapitres généraux devaient contribuer à l’élaboration des Constitutions, tout en assurant la répartition des responsabilités et l’expansion de l’Institut.
a)
Des Actes du Chapitre général de 1850, 22 - 25 septembre. - C 31, p. 1-10.
Le Chapitre compte, avec le P. d’Alzon, 4 membres (P. Brun, Frères Saugrain et Pernet); on y traite du nom et du but de l’Ordre, des vertus religieuses et, à propos de la prière commune, l’Office célébré ensemble est retenu comme signe extérieur et distinctif. Nous citons ce qui concerne le nom et le but de l’Ordre.
Du nom de l’Ordre. - Le Père Supérieur pose la question suivante : devons-nous conserver le nom de religieux de l’Assomption ? Il se sent porté à prendre un nom qui exprimât mieux les rapports qui doivent nous unir à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Sans doute cette considération est grave pour des religieux appelés à s’obliger par un vœu spécial à procurer l’extension du règne de Jésus-Christ. Mais d’un autre côté, la protection si visible de la Sainte Vierge sur la maison de Nîmes et sur l’œuvre naissante, ce nom d’Assomption donné par la Providence, sans qu’on n’y ait songé, paraissent des raisons majeures de le conserver. L’Ordre portera donc le nom d’Ordre de l’Assomption.
Du but de l’Ordre. - Le Père parle ensuite, du but de l’Ordre. Ce but, c’est de procurer la gloire de Dieu par l’observance des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. A ces trois vœux les religieux de l’Assomption en joindront un quatrième, celui d’étendre selon leurs forces le règne de Jésus-Christ.
Nous accomplirons le vœu d’obéissance par la foi, et nous manifesterons cette foi par notre amour pour l’Église. Ce sera là en quelque sorte notre caractère distinctif. Au moment où l’Église compte si peu de véritables enfants, où les vrais catholiques sont si rares, nous serons les défenseurs de son unité, les défenseurs du pape avant tout. Nous manifesterons aussi notre foi par l’obéissance à nos supérieurs.
L’espérance nous aidera à remplir le vœu de pauvreté. En élevant nos pensées et notre cœur vers les biens du ciel, elle détachera des choses de la terre.
Nous pratiquerons la chasteté par la charité. A mesure que nous aimerons Dieu davantage, nous nous détacherons de plus en plus de nous-mêmes et à l’aide de cette divine vertu, nous finirons par ne trouver aucun plaisir dans les choses créées et tout notre bonheur sera de vivre uniquement pour Dieu.
b)
Des Actes du Chapitre général de 1852, 24-28 août. - C 31, p. 11-16.
Le Chapitre général compte avec le P. d’Alzon 6 membres (PP. Brun et Laurent, Frères Saugrain, Pernet et Picard). On y arrête le texte du 1er Chapitre des Constitutions et on aménage la section réservée au gouvernement : pouvoir du Supérieur général et de son Conseil et des Supérieurs locaux, normes pour l’admission des novices. Le Chapitre comporte une séance de votes; le P. d’Alzon est élu Supérieur général "à vie", selon les dispositions arrêtées, et le P. Brun Assistant général.
Conformément aux dispositions prises dans la 2ème séance de ce Chapitre général, on propose, après la discussion de quelques questions inutiles à énoncer ici, de commencer à organiser le gouvernement de l’Ordre d’une manière régulière, en nommant un Supérieur général et ses assistants, d’après les formes usitées.
Les membres du Chapitre, moins le P. d’Alzon, sont d’avis qu’il est inutile de recourir au vote secret et, d’une voix unanime, nomment Supérieur général le P. d’Alzon que la divine-Providence avait déjà choisi pour être le fondateur de la société.
Comme l’Ordre est encore peu nombreux, le Chapitre ne pense pas qu’il faille donner au Supérieur général plus d’un assistant. Il est procédé à cette nouvelle élection et le Père Brun réunissant toutes les voix est nommé assistant du Supérieur général.
c)
Des Actes du Chapitre général de 1855, 12 septembre. - C 31, p. 17-18.
Le Chapitre général réuni à Clichy, près de Paris, compte avec le P. d’Alzon 8 membres (PP. Brun, Tissot, Laurent, Frères Saugrain, Pernet, Picard, Lévy). Il pourvoit aux charges, compte tenu de l’expansion de l’Institut.
Le T.R.P. d’Alzon conserve la supériorité de la maison de Nîmes; le P. Brun est mis à la tête de la maison de Mireman; le P. Laurent continue à diriger la maison de Clichy; le Fr. Picard devient supérieur de la maison de Rome (fondation nouvelle); enfin, le Fr. Hippolyte est nommé Econome général. [...].
On décide que, pour demander l’approbation de l’Institut au Souverain Pontife, on attendra que les règles soient un peu plus décidées.
13
Extraits de deux lettres du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, les 21 octobre 1850 et 4 janvier 1851
Le P. d’Alzon fait le point sur la situation de Nîmes et informe Mère M. Eugénie des décisions prises par le Conseil des sept : on ne prendra pas, à Paris, le Collège Stanislas, mais on tentera une fondation; trois religieux ont été désignés pour cette œuvre, auxquels s’adjoindra le P. Tissot, déjà présent à Paris pour le service des Religieuses de l’Assomption.
a)
Nîmes le 21 octobre 1850. - Orig.ms. ACR, AD 735; V., Lettres, III p. 629-631.
Je suis enchanté que M. Tissot vous soit allé. Je souhaite qu’il continue à vous convenir. C’est un saint homme. Tâchez de le fixer un peu, vous me rendrez un grand service.
Je vous dirai que nous nous posons tous les jours un peu plus en religieux. Les parents acceptent la chose avec joie et un peu d’étonnement. Dieu aidant, nous finirons par prendre tout à fait une position franche, mais je ne puis vous dissimuler que tous ceux qui entendent parler de mon projet pour Paris viennent me faire des jérémiades sans fin sur le danger que court la maison de Nîmes, en face du Petit Séminaire de Marseille et de la maison des Jésuites à Avignon(52). Une chose me donne pourtant à penser que nous aurons toujours un avantage, c’est d’abord notre antériorité, nos commencements de tradition, et puis, l’Ecole préparatoire. [...]
J’approuve extrêmement l’idée que vous avez eue de faire donner quelques leçons par M. Tissot à quelques enfants. Cela le préparera, et peut-être cela fera-t-il un tout petit noyau pour l’an prochain.
b)
Nîmes le 4 janvier 1851. - Orig.ms. ACR, AD 744; T., Lettres, I p. 4.
Depuis que cette lettre est commencée, j’ai eu une longue conversation de ce que nous appelons la réunion des sept, et le résultat a été que, l’an prochain, je mènerai à Paris MM. Cardenne, Hippolyte et Picard, ce qui, avec M. Tissot, formera un noyau. Mais cela n’est pas suffisant. Il me faut toujours quelqu’un à présenter aux parents, et ce quelqu’un je ne le trouve pas encore. Le trouvez-vous ? Le voyez-vous ? Quelquefois il me vient à la pensée que l’abbé de Girardin, qui s’occupe de tant de bonnes œuvres, pourrait trouver quelque avantage à former des enfants et à les préparer à faire de bonnes œuvres, un jour ? Que penseriez-vous, comme sous-directeur pour le dehors, de l’abbé Moreau, supposé qu’il voulût venir ? Hippolyte a assez de fermeté pour le tenir dans l’intérieur de la maison.
14
Fondation d’un Collège à Paris, Faubourg Saint-Honoré, 1851-1853
Le P. d’Alzon communique à Mère M. Eugénie la décision qui vient d’être prise à Nîmes de fonder à Paris, après avoir consulté Dieu dans la prière et pris l’avis du Conseil des sept (a). Il prend l’avis de Mgr Sibour, archevêque de Paris, qui lui dit sa joie de le recevoir, bien qu’il eût préféré le Faubourg Saint-Martin (b).
Jeune supérieur de 30 ans, et responsable de la fondation, le P. Laurent dit au P. d’Alzon toute la joie qu’il éprouve à l’occasion de la bénédiction de la chapelle (c).
a)
De la lettre du P. d’Alzon a Mère M. Eugénie, Nîmes le 4 juillet 1851. - Orig.ms. ACR, AD 765; T., Lettres, I p. 53-54.
Ma chère fille, M. Hippolyte m’écrit pour me parler d’un local, qui, d’après tout ce qu’il m’en dit, me paraît très convenable. Mais comme il s’agissait d’une dernière et solennelle décision, j’ai voulu attendre au moins une nuit. J’ai fait prier nos Frères, je viens de dire la messe, j’ai réuni le conseil des sept, et, après un dernier vote, il a été décidé à l’unanimité que nous irons en avant. Nous irons donc au nom de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge. Il ne s’agit plus que de traiter les questions de détail, mais pour cela vous savez avec quelle confiance je m’en rapporte à vous.
Voici seulement une observation. Je voudrais que la maison fût louée sous le nom de M. l’abbé Charles Laurent, prêtre du diocèse de Nîmes, licencié-ès-lettres. Pourriez-vous, en attendant qu’il arrive, contracter pour lui ? Quant à moi, il serait très important que mon nom ne parût pas, à cause de ma famille qui va jeter les hauts cris. Je désire que la maison soit sous le vocable de saint Charles et s’ouvre le 4 novembre. Je trouverais des inconvénients à ce que nous eussions à Paris le même nom que vous. L’idée de saint Charles s’est présentée à moi tout à l’heure au moment de l’élévation. Ne pensez-vous pas que l’on ferait bien de prévenir M. Caire [curé] de Saint-Philippe du Roule ? Je pense que nous sommes sur sa paroisse. Voulez-vous en dire quelque chose à l’abbé Sibour ? Dois-je écrire sur le champ à l’archevêque ?
b)
De la lettre de Mgr Sibour, archevêque de Paris, Saint-Germain-en-Laye, le 23 juillet 1851. - Orig.ms. ACR, DZ 491.
La lettre, mon cher Monsieur d’Alzon, par laquelle vous m’annoncez que vous allez venir enfin à Paris, m’a causé une grande joie. Je vois ici un double gain : mon diocèse s’enrichit d’un établissement d’instruction publique, et moi j’y gagne le rapprochement d’un ami.
Je regrette que vous n’ayez pas préféré, comme je vous l’avais conseillé, le faubourg Saint-Martin au Faubourg Saint-Honoré. Il y a dans ce quartier déjà beaucoup de pensions, comme vous savez ; ce n’en sera qu’une de plus. Tandis que, dans le Faubourg Saint-Martin, on est privé de toute ressource : votre établissement y répondrait à un très grand besoin. Il aurait pris là, j’en suis sûr, tout de suite de grands développements.
Mais enfin vous serez à Paris, et j’aime à vous redire que j’en suis heureux. Je bénis d’avance votre maison, avec la confiance qu’elle prospérera.
Comptez toujours, mon cher abbé, sur mon bien tendre dévouement.
+ M.D. Auguste, archev. de Paris
c)
De la lettre du P. Laurent au P. d’Alzon, Paris le 12 octobre 1851. - Orig.ms. ACR, OR 92.
Bien cher Père, je vous annonce une grande joie. Notre-Seigneur a pris depuis ce matin une demeure chez nous, et il la conservera longtemps, nous l’espérons. [. . .]
Je ne saurais vous dire tout mon contentement, ni vous exprimer combien grande est la paix de mon âme, combien grand le calme de mon imagination, depuis que le bon Dieu réside dans notre pauvre mais bien propre chapelle. La maison me paraît toute pleine, parce qu’avec Jésus-Christ le règlement de tous nos exercices est comme revenu de lui-même, après une bien longue absence. Nous voilà complètement chez nous, c’est-à-dire auprès de Notre-Seigneur et dans nos exercices religieux.
C’est M. le curé de Saint-Philippe du Roule qui a béni la chapelle et la maison, en présence d’un nombre respectable d’assistants. [...]
Après la bénédiction et le départ de M. le curé, j’ai dit la messe, le cœur bien ému et les yeux bien humides : une première messe dans une nouvelle maison est quelque chose de si mystérieux ! Le P. Tissot est ensuite monté à l’autel et je l’ai servi en costume religieux : soutane ronde, cordelière noire, camail et capuchon. Notre costume a été ainsi consacré et a mérité par là un respect général, dont j’ai déjà plus d’une preuve. Cette seconde messe, servie par le supérieur vêtu en religieux a profondément recueilli l’assistance : nous faisions cela tout de bon. [...]
Une circonstance très mystérieuse aussi, c’est que Jésus-Christ a pris en quelque sorte naissance parmi nous le jour de la Maternité de la Sainte Vierge. Vous prierez bien cette bonne Mère de nous donner assez de fécondité pour lui rendre son divin Fils dans tous les enfants qui nous seront confiés.
15
Extraits de deux lettres du P. Tissot au P. d’Alzon concernant le transfert à Clichy du Collège ouvert au Faubourg Saint-Honoré, 1853-1860
Très vite, il devint évident que la fondation du Collège ouvert au Faubourg Saint-Honoré serait sans avenir, en raison de l’étroitesse des locaux. Après deux ans d’exercice scolaire, il fut décidé de le transférer à Clichy, où la fondation demeura ouverte jusqu’en 1860. On s’était établi là où finissait le quartier habité par l’"aristocratie financière" et où commençait l’habitat d "une population pauvre et ouvrière". Ces lieux avaient été sanctifiés par saint Vincent de Paul. Par l’éducation chrétienne de la jeunesse, l’Assomption pouvait espérer un rapprochement des classes sociales.
Malgré ses intentions apostoliques, elle ne devait pas réussir à Clichy, à cause des réserves de la population parisienne cultivée, envers un collège ouvert à cet endroit, trop éloigné et trop mêlé. Au bout de sept ans d’exercice, l’Assomption devra se retirer.
Nous citons deux extraits de lettres du P. Tissot, écrites au P. d’Alzon au début (a) et au terme (b) de cette seconde fondation de l’Assomption à Paris.
a)
Paris, le 16 avril 1853. - Orig.ms. ACR, OR 218.
Le P. Tissot informe le P. d’Alzon que la décision de s’établir à Clichy a été faite dans un climat d’obéissance, de prière et de disponibilité apostolique.
J’ai besoin, mon cher Père, de vous faire connaître l’impression qu’a produite en nous le grand acte qui s’est accompli ce matin. Le P. Laurent vous dira comment il a usé du consentement conditionnel du P. d’Alzon et de l’avis formel de Mme la Supérieure pour conclure l’affaire de Clichy. Il vous dira qu’en pesant les raisons contre et les raisons pour, celles-ci lui ont paru plus nombreuses et plus graves. Il vous parlera de l’attrait presque irrésistible et très constant qui nous porte vers Clichy, et cet attrait est, je crois, bien dégagé de tout motif humain. Il est venu en nous bien inopinément et même à l’encontre de plusieurs motifs capables de le combattre. Nous sentions que si Dieu nous conduisait à Clichy, il nous donnait comme une mission à exercer sur le quartier de Paris qu’il est le plus nécessaire de christianiser; nous songions aussi que là, beaucoup mieux qu’ailleurs, de beaux développements pourraient être donnés aux bonnes œuvres accomplies par nos élèves.
Mais nous ne saurions trop vous dire combien dans ces trois derniers jours, nous avons éprouvé une impression de recueillement de douce confiance, mêlée au sentiment de notre insuffisance, une présence des grâces plus signalées que Dieu est disposé à répandre sur notre œuvre.
Je dois ajouter qu’il est difficile de prier plus que nous l’avons fait, pour consulter Dieu dans une affaire importante. [...]
Vous dirai-je encore que les souvenirs de saint Vincent de Paul qui s’attachent à l’église et à la paroisse de Clichy, sans être pour nous un motif déterminant, ont fortifié l’attrait qui nous attirait de ce côté-là. [. . .]
Prions donc beaucoup et devenons tous des saints.
b)
[Clichy] le 29 mai 1860. - Orig.ms. ACR, OS 268.
Malgré l’effort et la ténacité des religieux à tenir la fondation de Clichy, il fallait envisager sa fermeture. Le P. Tissot, avant que ne soit prise la décision, fait une dernière fois le point de la situation, afin que le Supérieur général décide dans l’intérêt du bien commun, en toute prudence et dans le respect d’indications providentielles.
Mon bien cher et révérend Père, je ne vous parle des affaires de notre maison que dans les circonstances les plus critiques, [...] en vous priant d’examiner si les circonstances nouvelles dans lesquelles nous nous trouvons maintenant ne sont pas les indices des vues de la Providence sur nous et s’il n’y a pas lieu au moins de suspendre les jugements qui étaient basés sur des faits anciens.
Les faits nouveaux sont l’exonération des dettes et la possibilité où nous sommes, d’ici à peu de temps, de vous créer de grandes ressources par la vente d’une partie du jardin potager ou de nos façades sur le boulevard, si on le fait. C’est aussi l’inquiétude qu’inspire l’état actuel du pensionnat ecclésiastique d’Auteuil et l’opinion qu’on a que nous sommes capables de relever cet établissement.
Est-ce dans de telles circonstances, lorsque les parents de nos élèves et nos amis se montrent pleins de confiance dans l’avenir de notre maison, lorsque celle-ci achève une des années qui ont été plus heureuses, sauf le nombre des élèves, est-ce alors que nous pouvons renoncer à l’œuvre qui jusqu’ici a été l’unique apanage de notre petite congrégation, et faut-il de gaîté de cœur ajouter un insuccès éclatant à tant d’autres insuccès, pour nous engager dans une situation mal déterminée, pire encore, très dépendante, et pour laquelle nous ne sommes pas préparés ?
Je sais qu’indépendamment du discrédit que nous ont valu nos dettes et les bruits de vente qui courent tout Paris depuis deux ans, on objecte contre le maintien d’un collège à Clichy, notre ignoble entourage, la rareté des voies de communications, le non voisinage des grandes promenades publiques, enfin, dans un avenir prochain, la fumée des grandes usines. Ces objections ont de la valeur. Cependant d’autres établissements ont réussi en dépit de circonstances analogues et Dieu a voulu que nous établissions notre œuvre à Clichy; il nous a permis d’y faire quelque bien parmi nos élèves et de répandre beaucoup d’aumônes dans cette ancienne paroisse de saint Vincent de Paul; il nous a maintenus au milieu de grandes difficultés et, par une persévérance de sept ans, il nous a conduits jusqu’au moment où, en aplanissant la plus grande de nos difficultés, il semble nous promettre d’autres bénédictions, puisqu’il ne fait jamais les choses à demi lorsqu’on met sa confiance en lui.
Enfin, on fait d’autres objections contre la constitution actuelle de notre maison de Clichy. Sans doute, bien des réformes sont nécessaires. Qu’on les opère donc aussitôt qu’on le pourra; mais, avant de mieux vivre, qu’on nous laisse vivre.
16
Ouverture du noviciat d’Auteuil à Paris, 1857-1858
La fondation du Collège parisien avait été faite dans une intention de recrutement. Aussi le P. d’Alzon avait-il ouvert un noviciat, à Clichy d’abord, qu’il transféra ensuite à Auteuil dans une maisonnette sise au n° 1 avenue Eymès, près du terrain acheté par les Religieuses de l’Assomption où elles étaient en train de construire leur maison, dite d’Auteuil. Cette expérience devait durer un an.
Nous citons une lettre du P. Picard au P. d’Alzon, écrite au début de l’expérience, et une autre du P. d’Alzon, qui en fait le bilan.
a)
De la lettre du P. Picard au P. d’Alzon, Auteuil le 13 octobre 1857. - Orig.ms. ACR, EM 84.
Le 14 septembre, le P. d’Alzon avait présidé à Clichy la profession perpétuelle du P. Prosper Mauviel et des Frères Raphaël Jourdan et Vincent Chaine, et la profession temporaire de plusieurs Frères convers. Cette cérémonie mettait fin à la présence du noviciat à Clichy; en effet, le 8 octobre, le P. Picard descend à Auteuil avec trois Frères de chœur et un Frère convers, et l’installe, dit-il, "dans un contexte de ferveur et de pauvreté".
Mon très révérend Père, nous voilà à Auteuil depuis quelques jours. Notre petit noviciat n’est pas encore tout à fait organisé, mais il ne tardera pas à l’être. Nous manquons encore de beaucoup de choses, je pourrai dire de tout, puisque nous n’avons pas le bon Dieu, mais heureusement il ne nous laissera pas longtemps ainsi. Notre petite chapelle est à peu près montée; toutes les permissions nécessaires sont déjà demandées et concédées; il ne reste plus qu’à bénir la chapelle et la maison. J’ai prié le P. Brun de faire cette cérémonie en qualité d’assistant général; il viendra donc jeudi, fête de sainte Thérèse, jour bien choisi pour inaugurer notre futur noviciat. Nous faisons en ce moment une neuvaine à cette grande sainte; elle a trop bien connu les difficultés des fondations, pour ne pas nous en aplanir beaucoup par sa puissante intercession; nous espérons aussi qu’elle nous communiquera un peu de sa fécondité. [...]
Nous n’avons pas encore chassé la pauvreté du logis; elle y règne en souveraine et y dicte ses lois avec une telle autorité que tout le monde plie de bonne grâce; elle nous a accordé avec générosité à chacun un lit et une table de nuit, une chambre à deux et un encrier pour tous. Grâces à Dieu pourtant, elle ne nous laisse pas souffrir et nous traite en enfants gâtés; semblables aux oiseaux du ciel, nous attendons avec confiance que le ciel nous envoie notre nourriture et nous ne sommes jamais déçus dans nos espérances. [...]
Madame la Supérieure et nos Sœurs sont pour nous une vraie providence; elles nous comblent de tout, nous en sommes vraiment honteux. Madame la Supérieure est venue aujourd’hui avec deux autres Sœurs visiter la maison qu’elle a meublée et dont elle paie le loyer.
b)
De la lettre du P. d'Alzon au P. Picard. Lamalou le 1er mai 1858. - Orig.ms. ACR, AE 42; T., Lettres, II p. 429-430.
Avant même que l'année ne soit terminée, le P. d'Alzon décide de ne pas reconduire le noviciat à Auteuil où il n'y aura qu'une résidence d'aumônerie; lui-même organisera à Nîmes un noviciat régulier qui bénéficiera de sa présence et des prières de personnes dévouées à l'Assomption.
Reste la question du noviciat, que je vous prie d'examiner avec notre Mère. Voilà près de deux ans passés et tout ce que nous avons gagné a été de nourrir inutilement quelques postulants. Qui est resté ? Le seul Fr. Raphaël. En cet état, ne vaudrait-il pas mieux vous laisser à Paris, avec Fr. Hippolyte et Fr. Marie, faire une petite résidence : vous, aumônier de ces Dames, Hippolyte, à l'Œuvre de Saint-François de Sales ?
L'an prochain, il est convenu que je prends tout le 1er du pavillon de l'avenue. Je puis avoir le pavillon entier(53). Si j'y retiens le P. Galabert, qui a besoin de revenir cet été de Rome pour des affaires de famille, qui empêche que je n'y ouvre le noviciat ? [...] Le P. Galabert par sa régularité fera un bien immense à ceux qui viendront et me dispensera de certains exercices, dont ma santé m'éloigne trop souvent.
J'ignore les desseins de la Providence, mais une foule de personnes dirigent leurs actions, bonnes œuvres, prières, mortifications pour nous obtenir des vocations. Ne semble-t-il pas que Dieu nous les donnera là où l'on prie le plus ? Peut-être pourra-t-on établir que, des deux années, l'une sera passée à Nîmes, l'autre à Paris. Je crois que Nîmes aura plus tôt des vocations, du moins pour le moment. Je ne puis encore rien dire, mais je vois bien des choses poindre qui me semblent faites pour nous donner l'espérance à Nîmes. Je n'ose pas dire que j'y suis pour quelque chose, mais si la volonté de Dieu est que j'y reste quelque temps, ne dois-je pas y profiter de mon temps le plus possible ? Causez de cela avec la Supérieure et le Fr. Hippolyte. Le P. Brun m'a de lui-même déjà écrit en ce sens.
17
Fondation d'une colonie agricole et d'un noviciat de Frères convers à Mireman près de Nîmes, 1852-1856
A l'automne de 1852, le P. d'Alzon loue à Mireman, à 3/4 d'heure de Nîmes, une propriété, pour y établir une colonie agricole qui pourrait être le lieu d'un noviciat pour des frères convers, dont les vocations s'avèrent nombreuses pour le moment. L'œuvre deviendra rapidement un orphelinat qu'il faudra liquider au plus fort de la crise financière qui secoue toute l'œuvre du P. d'Alzon de 1854 à 1857 (Ch. XIV C).
Nous citons un extrait de lettre du P. d'Alzon à Mère M. Eugénie, du début de cette fondation, et un extrait de lettre de Mère M. Eugénie au P. d'Alzon au moment de clore cette expérience.
a)
De la lettre du P. d'Alzon à Mère M. Eugénie, Nîmes, le 20 novembre 1852.- Orig.ms. ACR, AD 852; T., Lettres, I p. 211.
Dès qu'il fut nommé supérieur de la fondation, au Faubourg Saint-Honoré, le P. Laurent pensa de suite à un noviciat. Le P. d'Alzon ne veut pas aller trop vite et, puisqu'il vient d'acquérir la propriété de Mireman, c'est là que le noviciat sera établi, au moins pour les frères convers qui se présentent nombreux.
[Le P. Laurent] ne se mit-il pas dans la tête de faire le noviciat à Paris ? Je lui ai répondu qu'à Paris il ne pouvait y avoir de noviciat, pas plus qu'à Nîmes. Mireman devra être de longues années notre berceau. Les choses commencent à s'y bien établir; il faut les y développer, voilà tout. Plus tard, nous verrons ce qu'il y aura à faire dans les environs de Paris. Dieu semble nous bénir dans la voie que nous suivons, il faut y rester.
Vous ai-je dit que nous avions 16 à 17 Frères convers, 18 même, je crois, en comprenant le petit Charles qui n'est encore qu'un enfant ? Une pépinière se formera peu à peu, mais les perpétuelles transplantations ne valent rien(54).
b)
De la lettre de Mère M. Eugénie au P. d'Alzon, Auteuil, le 3 octobre 1856. - Orig.ms. ACRA, lettre n° 2580.
Au plus fort de la crise financière que traverse l'œuvre du P. d'Alzon et qui inquiète sa famille (Ch. XIV C), Mère M. Eugénie croit devoir conseiller au P. d'Alzon la liquidation de Mireman en assurant le sort des orphelins, devant le déficit de cette œuvre.
Fr. Hippolyte m'a appris le déficit de Mireman, et là aussi, mon cher Père, je trouve qu'il faut un remède efficace et ne plus risquer d'illusions. C'est une œuvre qu'il faut terminer, vous devez cette satisfaction aux vôtres et cet acte de sagesse à votre Congrégation. Il faut tâcher de placer les enfants, de les soutenir par les souscriptions de l'œuvre de Saint-François de Sales et cesser cette exploitation qui n'a été qu'une source de pertes(55).
18
Fondation d'une résidence à Rome pour les Frères de chœur, 1855-1858. - Extrait d'une lettre du Fr. Picard au P. d'Alzon, Rome, le 10 novembre 1855. - Orig.ms. ACR, EM 24.
L'érection d'une résidence romaine pour les études cléricales des Frères de chœur fut chose faite lorsque, le 1er novembre 1855, quatre religieux de l'Assomption : les FF. François Picard, Victorin Galabert, Marie-Joseph Lévy et Ernest Jourdan, s'installèrent au couvent de Sainte-Brigitte, place Farnèse, chez les Pères de Sainte-Croix, fondés par le P. Moreau. Quelques jours après leur arrivée, ils eurent la joie de voir le Pape Pie IX qui leur manifesta sa sympathie pour leur fondateur, le P. d'Alzon.
Très cher et très vénéré patriarche,
Vos enfants sont toujours bien heureux d'être à Rome; ils sont encore bien loin d'être des saints, mais ils ont bien pris la ferme résolution de le devenir. [...]
Les cours se sont réouverts lundi; nous avons déjà eu plusieurs classes et nous commençons à nous mettre sérieusement au travail. [...]
Vous devez être étonné, très Révérend Patriarche, du titre que je vous donne dans cette lettre; ce n'est pas moi qui vous le donne, c'est le Pape, il faut bien par conséquent l'accepter.
Monseigneur de Mérode nous a ménagé une petite entrevue avec le Souverain Pontife ; il nous a fait placer tous les quatre seuls dans une des salles où devait passer le Pape avant de se rendre à Saint-André-Avellin.
Nous étions dans cette salle depuis quelques minutes, lorsque le Pape est arrivé, ayant à sa droite Monseigneur de Mérode et à sa gauche un autre de ses camériers; il s'est approché de nous et nous a fait quelques questions :
"Voilà mes Augustins", a-t-il dit en arrivant, et craignant que nous n'eussions pas bien compris, il a répété : "Oui, oui, vous êtes mes Augustins. Comment va votre patriarche ?" Interdits à cette question, nous ne savions que répondre, ni de quoi il s'agissait : "Vous êtes bien des d'Alzon, eh bien ! c'est votre patriarche(56)." Après que nous lui avons eu donné de vos nouvelles, il a parlé un peu de l'ancien évêque de Nîmes; il nous a fait quelques questions sur le nouveau, savoir s'il était sacré, s'il était à Nîmes; enfin il nous a demandé à quel diocèse nous appartenions, et en apprenant que le Frère Galabert était du diocèse de Montpellier, il s'est tourné vers lui et lui a dit en riant : "Ah ! vous êtes de Thibaut". Avant de se retirer, il m'a présenté sa main à baiser; croyant que c'était un honneur réservé aux cardinaux, j'ai hésité un instant; pourtant, j'allais la lui baiser, lorsqu'il l'a retirée en disant : "Ah ! vous voulez mon pied, le voilà". Nous l'avons tous baisé avec une très grande joie; il nous a dit ensuite : "Vous venez ici étudier ? Je vais vous donner deux bénédictions, une qui anime le cœur, l'autre qui éclaire la tête, je me trompe, l'intelligence". Après ces mots, il nous a donné sa bénédiction et s'est retiré; en sortant il a appuyé la main sur la tête du Frère Ernest.
Nous sommes tous au comble de la joie, nous ne pouvions désirer un bonheur plus grand.
Nous sommes toujours très bien chez le Père Drouelle, les Frères et les Pères sont pour nous d'une prévenance sans égale.
19
Projet d'union avec les Résurrectionistes polonais, à partir de 1850. - Extrait de la lettre du P. Jérôme Kajziewicz au P. d'Alzon, Rome le 28 mars 1854. - Orig.ms. ACR, EA 317.
Le P. d'Alzon avait eu l'occasion de faire connaissance avec les PP. Résurrectionistes polonais dès 1843, à Paris et à Nîmes. A partir de 1850, des pourparlers eurent lieu, menés par le P. Kajziewicz.
Nous citons un extrait de lettre de ce Religieux, après la suspension de ces pourparlers le 19 mars 1854.
Je ferais tout pour décider notre Supérieur à faire le voyage de Nîmes à trois, aussitôt après Pâques; et si Dieu bénit notre entrevue, comme je l'espère, nous irions ensuite avec vous à Paris pour mener les choses à bonne fin. Que notre lambinage ne vous décourage pas, Dieu récompensera votre patience et votre humilité. Notre Père Supérieur craint les Français comme trop remuants, ce qui est contraire à sa nature, de là ses lenteurs; mais je suis sûr qu'après vous avoir connu, comme il est de bonne volonté, il déposera ses craintes. [...]
Mon Père, pour justifier la part que j'ai prise dans cette négociation, je vous avouerais, comme en confession, que, ne me fiant pas à la prudence humaine dans une affaire si délicate, j'ai fait prier plusieurs âmes, tout ce que je connais de plus saint et de plus favorisé de Dieu, - personnes ou qui ne se connaissent pas entre elles, ou qui ne sont pas en relations et séparées par la distance - et le résultat de leurs réponses a été ceci : 1) La chose peut se faire, mais pas de suite ni si facilement; 2) tenez fort à votre règle, car elle est bonne; 3) veillez à ce que le noviciat soit à Rome; 4) soyez humble dans les formes, tenez ferme au fond de la chose". Voici les points qui ont été pour moi comme le bâton dans la main de l'aveugle. Si j'ai péché quant à la première partie du 4ème point, c'est partie par ma faute, partie par l'embarras et la difficulté de la position.
Voici, mon Père, ce que j'ai cru pouvoir et devoir dire, devant Dieu qui sonde les reins et les cœurs, à notre décharge, comme excuse, si nous n'avons pas répondu à vos prévenances si cordiales et si droites, comme j'aurais désiré que cela fût fait. [...]
Je laisse, mon Père, à votre prudence, ce que vous croirez bon ou non dans cette lettre à communiquer aux vôtres. J'ai senti le besoin de la dire à votre cœur et j'ai suivi cette impulsion.
20
Projet d'union avec l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin, à partir de 1855
Le P. d'Alzon aurait été heureux d'obtenir de l’Église pour sa fondation le titre d'Ordre avec des vœux solennels et la mention d'un quatrième vœu apostolique. L'union avec un Ordre existant, comme celui des Augustins, pouvait faciliter les choses. Le P. d'Alzon ne ferma pas cette voie et, tout en poursuivant les négociations nécessaires, crut devoir présenter au Saint-Siège sa fondation pour elle-même.
Nous citons une lettre du P. d'Alzon à Mère M. Eugénie et une lettre du P. d'Alzon au P. Picard, qui nous font entrer dans l'esprit du P. d'Alzon.
a)
De la lettre du P. d'Alzon à Mère M. Eugénie, Clichy, fin juillet 1856. -Orig.ms. ACR, AD 1102; T., Lettres, II p. 118-119.
A Mère M. Eugénie qui croit devoir lui fournir des renseignements de première main provenant de Rome, le P. d'Alzon dit qu'il ne refuse pas l'idée d'une union avec les Augustins, mais qu'il est décidé d'ouvrir un noviciat à Clichy, afin de pouvoir présenter sa Congrégation à l'approbation de Rome.
L'idée d'une réunion avec les Augustins me sourit toujours, mais dans certaines limites. Je sais par un religieux espagnol très distingué tous les tiraillements, qui ont eu lieu entre l'Espagne et Rome; je ne voudrais pas les renouveler. [...]
Je suis tout disposé, je le répète, à une réunion aux Augustins, mais il faut distinguer quel général a parlé à Mgr Estrade. Est-ce Mgr Palermo, aujourd'hui sacriste ? Est-ce le général actuel ? Mgr Palermo m'a paru très disposé à la réunion. Le général actuel a fait l'effet tout contraire à nos religieux. [...]
Je vous dirai pour nous, et non pour ces Messieurs, que Mgr de Mérode m'a écrit pour me dire de commencer, sauf à obtenir plus tard les approbations. J'ai su, depuis, que ce qu'il me disait était l'avis du Pape, quoiqu'il fût censé ne pas vouloir paraître. Vous comprenez qu'avec cet encouragement je suis fort. Aussi, tout simplement, la distribution des prix ayant lieu à Paris le 4 [août], dès le 5 je prends le Fr. Brindeau, le Fr. Odian et le Fr. Vincent, et je les mets au noviciat sous le P. Tissot. Pendant les vacances, il n'y aura aucun inconvénient; à la rentrée, il y a quatre cellules, où l'on peut les loger jusqu'à mon retour, au mois d'octobre ou de novembre. La quantité de gens, qui, à Rome, m'ont fait leurs offres d'intermédiaire, est fabuleuse. Mgr de Mérode, qui par sa position auprès du Saint-Père me paraît admirablement placé, ne m'a pas fait d'offres, lui; mais comme je le priais de s'occuper de nous, il m'a répondu qu'il ne pensait pas que j'eusse besoin d'aucun intermédiaire, et que le plus simple était d'aller au Saint-Père tout droit. Or il me procurera toutes les audiences que je voudrai, quand j'irai à Rome.
Plus j'y réfléchis, plus je dis : Tant pis pour les prudents ! Je ne puis croire que nous soyons 27, y compris quelques convers. Je ne puis plus fournir de ressources matérielles, mais tant mieux ! Dieu se manifestera par celles qu'il enverra.
b)
Extrait d'une lettre du P. d'Alzon au P. Picard, Paris le 1er décembre 1856. - Orig.ms. ACR, AE 20; T., Lettres, II p. 158.
Tandis que des pourparlers sont en cours, soit en vue de l'union avec les Ermites de Saint-Augustin, soit en vue de l'obtention du décret de louange, le P. d'Alzon tient à ce que son répondant romain, le P. Picard, soit très informé de toutes les nuances de sa pensée, quant à la place de l'Assomption dans l'ensemble des familles religieuses.
L'affaire des Augustins me préoccupe toujours plus. Je lis avec toute l’attention possible leurs Constitutions. Elles renferment des choses qui nous vont tout à fait. Mais il en est d'autres qu'il faut absolument modifier. Je fais un travail là-dessus, et peut-être serait-il nécessaire de l'avoir terminé, avant que je ne songe à aller à Rome. Supposé qu'il y eut une édition des Constitutions des Augustins imprimées depuis quelques années, vous feriez bien de me l'expédier per breviorem viam.
Je vous engage à sonder toujours doucement le terrain. Voici ce qu'il faudrait surtout dire. La place des Augustins serait entre les Jésuites qui laissent de côté les formes religieuses et n'ont que peu d'austérités pour se consacrer plus aisément aux œuvres de zèle et les Dominicains qui ont la prédication et l'austérité avec les formes religieuses. Nous nous adresserions aux personnes qui ont de l'attrait pour les formes religieuses et les œuvres de zèle, et à qui leur santé ne permet pas de se livrer aux grandes austérités. Dans le temps présent on trouverait beaucoup d'hommes, que la sévérité de la règle écarte des Dominicains, qu'un certain esprit repousse des Jésuites et qui pourtant peuvent beaucoup travailler dans l’Église de Dieu.
21
Projet d'union avec les Religieux de Sainte-Croix, à partir de 1855. - De la lettre du P. d'Alzon au P. Moreau, Montpellier le 2 avril 1856. - Cop.ms. ACR, A0 112; T., Lettres, II p. 54-55.
Prêtre du Mans, le P. Moreau avait fondé la Congrégation de Sainte-Croix, qui comprenait des Religieux de chœur, des Frères instituteurs et des Religieuses. Il mit à la disposition du P. d'Alzon quelques-unes de ses religieuses et ouvrit des pourparlers pour un projet d'union. Laissant de côté les points secondaires encore en suspens, le P. d'Alzon, informé par ses religieux de Rome, hôtes des Religieux de Sainte-Croix, demande au P. Moreau de bien vouloir envisager le sort à faire de l'esprit de l'un et de l'autre Instituts, au terme d'un projet d'union. A partir de là seulement pourront être tranchés, dans le fond, les autres problèmes.
Mon Très Révérend Père,
Je vous répondrai sous peu sur les points qui vous paraissent encore douteux, mais aujourd'hui je vous demande la permission d'aborder la question capitale, et devant laquelle les autres ne sont rien. S'il y a quelque chose de net et de tranché, c'est l'esprit de l'Assomption. L'esprit de Sainte-Croix l’est-il autant ? S'il y a fusion, lequel des deux esprits l'emportera ? Consultez le Fr. Picard, le Fr. Marie-Joseph, le Fr. Galabert, vous saurez quel est notre esprit. Ne vous fait-il pas peur ? Acceptez-vous que, sauf les défauts des individus, nous modifiions, à Sainte-Croix, ce qui ne sera pas dans ce sens ?
Je vous demande pardon de ce que je vais faire, mais enfin, de bien des côtés, on est effrayé en pensant que ce qui fait le propre de l'esprit de l'Assomption, dans ce qu'il a de large, d'ouvert, de franc, ne s'absorbe dans une foule de prescriptions qui sont bonnes mais qui ôtent une certaine liberté à l'esprit, chez les vôtres. Ce à quoi nous tenons pour l'extérieur, c'est une grande forme monastique; vous paraissez moins y tenir.
Nous tenons à une grande largeur de cœur dans l'obéissance, et je vous assure que ce que j'ai vu de vos Sœurs me semble tellement plein d'arrière-pensées et d'absence de franchise, que si les hommes sont ainsi, nous ne pourrions longtemps marcher ensemble(57).
La pauvreté doit être la plus grande possible. Il me semble que vous êtes moins sévères que nous. Ce ne sont que des détails, qui se résument dans cette question : Voulez-vous qu'après la fusion ce soit l'esprit de l'Assomption qui domine ou bien l'esprit de Sainte-Croix ? Voilà la question vitale. Je crois que nous devons demander chacun : vous, l'autorisation pour les vôtres; moi, la permission de faire un noviciat d'Augustins. Si nous nous séparons, nous resterons chacun avec nos droits. Si nous nous unissons, Rome ratifiera sans difficulté l'union.
22
Projet d'union avec les PP. du Calvaire de Toulouse, à partir de 1858
Mis en relation avec le P. Caussette, le P. d'Alzon envisage, en accord avec lui, une union possible de leurs deux Instituts.
Nous citons deux extraits d'une lettre du P. Caussette au P. d'Alzon de 1858 et d'une lettre du P. d'Alzon au P. Caussette de 1859, qui nous montrent la prudence de l'un et de l'autre dans une affaire aussi grave que peut l'être un projet d'union.
a)
De la lettre du P. Caussette au P. d'Alzon, Toulouse le l4 juin 1858. - Orig.ms. ACR, EA 339.
Le P. Caussette vient de lire la règle de l'Assomption et dit au P. d'Alzon son admiration sur l'esprit de sa fondation. Une union avec l'Assomption le réjouirait, mais il en mesure les conséquences.
Ainsi que vous le dites, vous avez des Constitutions et nous n'avons que des règlements. Vos points de vue sont près des hauteurs de l’Église; les nôtres, de la modeste élévation d'un siège episcopal; en un mot, vous êtes catholiques, et nous sommes diocésains : de là, vos principaux avantages et notre infériorité; je dis vos principaux et non pas tous vos avantages, pour être juste, car il y aurait injustice à ne pas reconnaître que vous avez imprimé à votre œuvre une empreinte personnelle qui rappelle les vrais législateurs religieux, tandis que notre pieux fondateur s'est perdu dans les détails et a remplacé les vœux par des articles.
Depuis que j'ai eu l'honneur de vous voir, il s'est accompli un travail dans mon esprit. Le projet d'une fondation d'Ordre, qui m'avait effrayé d'abord, me sourit en ce sens qu'il termine ma gestion et me décharge de grandes responsabilités. D'ailleurs je respire à l'aise dans votre cadre, tandis que j'étouffe un peu dans celui-ci, et la pensée d'échapper aux taquineries diocésaines, pour entrer dans cette vaste arène de l’Église où l'on se bat contre les ennemis de Notre-Seigneur, non contre les coups d'épingle des ambitieux et des roués, me donne une véritable émotion de bonheur.
Cependant, il reste encore quelques nuages devant mes yeux et je prie souvent le Divin Maître de m'en délivrer.
Quoique la pensée de notre vénéré fondateur manque d'ampleur, faut-il la sacrifier si elle est bénie telle quelle? N'est-ce pas la sacrifier que de l'absorber en une autre où elle perdra ses limites et son autonomie, si elle ne perd pas son nom ? N'est-ce pas manquer de respect à une sainte mémoire et de confiance en la grâce de Dieu que d'abandonner un bien certain pour un mieux chanceux, à cause de quelques difficultés même graves ? Enfin quand nous aurons brisé tous nos liens de dépendance, de gratitude, d'intérêt envers ce terroir natal, trouverons-nous dans une fusion inacceptée par quelques-uns du dedans et contrariée par le dehors, des forces proportionnées à nos sacrifices ?
Mon Père, je vous parle à cœur ouvert; vous avez bien le droit d'être étonné de mes difficultés, je le suis tant que vous n'en soyez pas davantage à nous épouser malgré nos imperfections.
Quand nous nous verrons, nous discuterons les détails, je voudrais bien que ce fût à la fin d'août, mais pas avant la fin de notre chapitre qui doit commencer le 17. Du reste, j'aurai l'honneur de vous informer à cet égard. Tous les miens qui vous connaissent ont donné aux autres grande envie de vous voir.
b)
De la lettre du P. d'Alzon au P. Caussette, datée de Nîmes le 22 mai 1859. - Cop.ms. ACR, AN 207; T.D. 39, p. 144.
Informé de toutes les démarches faites par le P. Caussette pour agir en toute prudence, auprès du Chapitre général de son Institut et de personnalités ecclésiastiques dont le nonce, le cardinal Gousset et Mgr Doney, évêque de Montauban, le P. d'Alzon, pour sa part, est décidé de ne rien précipiter, quant à leur projet d'union de leurs Instituts.
Mon bien aimé Père,
Je regrette, moi aussi, on ne peut plus de n'avoir pu aller à Toulouse; mais quand il le faudra, je serai à vos ordres pour y passer quelques jours. Je préférerais seulement que ce fût vers le mois de juillet ou au commencement d'août. Il y a, ce me semble, quelques préliminaires à poser avant d'aborder la question de l'union.
1° Le temps est-il opportun pour la commencer officiellement ? Je réponds : non, et en cela je suis de l'avis des deux autorités que vous me citez.
2° Peut-on la préparer sérieusement, quoique de loin ? Je réponds : oui, pourvu que cela se fasse prudemment. Ainsi pourquoi, si vous avez un religieux capable de prêcher avec succès une retraite à nos enfants, ne l’enverriez-vous pas l’an prochain ? Et même si vous avez quelque prétexte honnête de nous envoyer un des vôtres, d'ici au mois d'août, pourquoi ne pas l'envoyer ? Nous vous connaîtrions par là. J'ai été sur le point de vous prier de donner place à deux des nôtres parmi vos missionnaires, afin que nous pussions nous pénétrer réciproquement.
3° Rome approuve-t-elle les fusions de Congrégations naissantes ? Je suis assuré que oui.
4° Si nous sommes assurés de l’approbation de Rome, que faire ? Attendre le moment favorable, et le moment présent ne l'est pas; mais quand il sera arrivé, partir tous les deux, nous présenter au Saint-Père. Croyez, mon bien aimé Père, que nous aurons bien vite obtenu ce que nous demanderons, mais pas en ce moment. L'abbé Chaillot me demande une cellule à Nîmes, au cas qu'il lui faille quitter Rome. Vous voyez la raison de bien des effrois. Cela n'empêche pas que nous ne puissions utilement employer notre temps jusque là, soit en priant, soit en nous voyant, soit en travaillant ensemble, soit en discutant les points de nos règles que nous accepterons des deux côtés.
23
Extraits de "notes particulières de quelques impressions".- Orig.ms. ACR, BI 10; T.D. 43, p. 280-284.
Les années 1854-1855 furent particulièrement éprouvantes pour le P. d'Alzon. Le 19 mai 1854, il a un coup de sang ou commencement de congestion cérébrale occasionnée par le surmenage et les préoccupations. Le 14 décembre 1855, se sentant menacé de paralysie depuis son attaque de mai 1854, le P. d'Alzon, malade, se retire à Lavagnac, condamné pendant près de deux ans à une demi-inaction. Malgré cela, il poursuit son œuvre de fondateur et il continue d'assumer ses responsabilités apostoliques dans le diocèse de Nîmes; ses œuvres personnelles de Nîmes et de Clichy sont à la merci d'une grave crise financière (Cf. XIV C).
En septembre 1854, il commence un cahier qu'il intitule : "Notes particulières de quelques impressions". Comme par le passé, il se place devant Dieu pour assumer sa propre sanctification à travers les épreuves. Nous donnons quelques extraits de ces notes intimes pour la période allant de 1854 à 1856.
Septembre 1854. Jour de Notre-Dame des Sept-Douleurs. - J'ai demandé à la Sainte Vierge de m'obtenir par les souffrances qu'elle a endurées au pied de la Croix de son Fils, la grâce d'enfanter aussi douloureusement qu'il plaira à Dieu, notre petite famille.
26 septembre. - A l'adoration du Saint-Sacrement, transféré un jour plus tard, j'ai demandé à Notre-Seigneur de me faire bien connaître sa volonté; il m'a semblé qu'il me prenait pour être humilié, souffrir et mourir.
28 septembre. - Après tout, je n'ai pas été un saint et je n'ai pas assez poussé les autres à la sainteté. Je me sens poussé à prendre ma résolution tout de bon et à devenir tout ce que Dieu demande de moi. Et ainsi je le promets à Notre-Seigneur, sous la protection de la Sainte Vierge et de nos saints Patrons.
30 septembre. - Je sens quelque chose qui me dit : Egredere de domo tua et cognatione tua. Il faut que je sois prêt à suivre Notre-Seigneur partout où il lui plaira de m'envoyer, malgré les peines, les ennuis et les tribulations.
6 octobre. - Il me semble que j'ai demandé bien du fond du cœur à Dieu, la grâce de travailler à ma sanctification. La honte que me cause la vue de ma vie passée, l'inutilité de ma vie, les taches que des sentiments humains ont jetées sur le peu de bien que je suis en état de faire, tout cela me bouleverse. J'espère que Dieu aura pitié de moi.
4 décembre. - [...] Quelque incapable que je sois, il me semble que je puis prendre ma maladie comme un saint, et me soumettre avec une grande plénitude d'amour à tout ce qui peut me survenir de fâcheux. Ainsi, voilà qui est convenu, je suis enchanté d'être malade, puisque Notre-Seigneur le veut ainsi, et je lui offre, avec tout l'amour dont je suis capable, mes pauvres petites souffrances pour l'extension de son règne dans les âmes.
1er janvier 1855. - Je n'ai jamais commencé d'année plus sérieusement que celle-ci. Sera-ce la dernière ? Je veux recommencer une vie de religieux. Je veux détruire en moi tout ce qui déplaît à Notre-Seigneur. Je veux ne vivre que pour lui.
J'ai demandé ce matin la foi d'Abraham, la sagesse de gouvernement de Moïse, le zèle pour la gloire de Dieu d’Élie. Je me suis donné à Notre-Seigneur et placé plus spécialement sous la protection de la Sainte Vierge, et je veux qu'il y ait en moi quelque chose qui sente plus le religieux. Je demande à Dieu le don de paix pour moi et pour les autres.
27 mai. - Aujourd'hui, jour de la Pentecôte, j'ai eu une forte impression que je devais pousser notre petite Congrégation : 1° à la défense et à la connaissance des saints canons; 2° aux œuvres de charité; 3° à la manifestation des devoirs de chrétiens, que les hommes placés sous notre influence doivent accomplir avec la plus grande perfection; 4° à une grande dévotion envers Notre-Seigneur, le Saint-Esprit et la Sainte Vierge.
2 juin. - Le religieux de l'Assomption doit avoir deux amours qui se réunissent dans un : l'amour de Jésus-Christ caché dans l'Eucharistie, l'amour de Jésus-Christ manifesté dans l’Église, ce qui n'est qu'un même amour; et l'amour de Marie, mère de Jésus pain des âmes, et l'amour de Marie, mère de Jésus époux de l’Église; et tout cela est un même amour.
3 juin. - Ce que Notre-Seigneur me paraît surtout me demander, c'est de me retirer de beaucoup de choses pour ne m'occuper que de mon œuvre et de laisser tomber tout ce qui ne va pas à cette pauvre petite Œuvre.
29 février 1856. - Le 29 février, jour de la fête des cinq plaies de Notre-Seigneur, j'ai consenti à la suppression du collège de Nîmes. Je prie Notre-Seigneur que la peine et l'humiliation qui en résultera pour moi soient unies à ses douleurs et à ses divines humiliations sur la Croix.
24
Règle de l'Assomption, 1855. - Cop.ms. du P. Galabert, ACR, KJ 10.
Depuis la première ébauche de ses Constitutions datées de 1850 (v. supra 11), le P. d'Alzon a poursuivi l'élaboration de la "Règle de l'Assomption", dont il achève la dictée d'une copie, le 22 janvier 1855, pour en transmettre le texte à Mère M. Eugénie.
Cette Règle de l'Assomption comporte deux livres, celui des règles communes, et celui de l'organisation de la Société. Le chapitre 1er des règles communes, du "but de l'Ordre et de son esprit" insiste plus encore que l'ébauche de 1850, sur les trois vertus de foi, d'espérance et de charité. Nous citerons cependant le chapitre II, intitulé : Des dispositions qu'il faut avoir pour entrer dans l'Ordre, et un extrait du chapitre XI, intitulé : Du vœu de se consacrer au salut des âmes, qui sont plus particulièrement significatifs de la vie et de la pensée du P. d'Alzon, fondateur d'une Congrégation apostolique.
Chapitre 2ème
DES DISPOSITIONS QU'IL FAUT AVOIR POUR ENTRER DANS L'ORDRE
Celui qui voudra entrer dans notre petite famille devra examiner s'il est dans les dispositions suivantes :
1° S'il se sent dans l'inébranlable disposition de donner sa vie à Dieu de telle façon qu'elle puisse lui être demandée dans le travail, dans les persécutions, dans les souffrances, dans les mépris, dans les occupations les plus viles; s'il est prêt à supporter tout pour faire la volonté de Notre-Seigneur et par là arriver à la perfection.
2° S'il a un ardent amour pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, et s'il est résolu à tout affronter pour se montrer un soldat capable de travailler à l'extension de son règne.
3° S'il veut se placer, toute sa vie, sous la protection de la Sainte Vierge et la considérer comme sa Mère.
4° S'il veut n'avoir d'autre amour ici-bas que celui de la cause de l’Église, qui est le royaume de Dieu; et s'il est prêt à s'exposer à tous les périls pour le salut des âmes.
5° S'il veut, pour être plus à même d'atteindre à la perfection, pratiquer comme on le lui enseignera, la sainteté des conseils évangéliques.
Chapitre 11ème
DU VŒU DE SE CONSACRER AU SALUT DES AMES
Puisque l'esprit de notre Ordre est plus particulièrement un esprit apostolique, nous devons nous appliquer, autant qu'il dépendra de nous, à acquérir les vertus qu'implique cette sublime vocation. C'est pourquoi nous nous souviendrons que Notre-Seigneur étant venu sur la terre non pour être servi mais pour servir, nous nous appliquerons à nous mettre dans une humble dépendance des âmes auxquelles nous serons appelés à faire du bien. Nous nous rappellerons que ces âmes ont des droits sur nous, et que nous n'avons sur elles que celui que Notre-Seigneur nous a confié pour les conduire, selon les moyens mis à notre disposition, à la perfection qui leur est propre. C'est de ce sentiment de dépendance que découle le respect qui sera une sauvegarde pour elles et pour nous. C'est dans le cœur de Jésus-Christ qu'elles doivent nous être chères; c'est l'amour que Jésus-Christ leur a témoigné, en versant son sang pour elles, qui doit être la mesure des efforts que nous devons faire pour les conduire, selon leur vocation, à la sainteté.
Quoique tous les religieux doivent être prêts à se porter à toutes les œuvres que les Supérieurs leur proposeront, dans les limites de notre Institut, cependant les Supérieurs devront examiner, avec attention, dans quelles œuvres, plus particulièrement, tels ou tels religieux réussissent mieux, selon leur aptitude, leurs qualités naturelles, mais surtout selon les grâces qui leur sont accordées pour agir(58).
25
Note du P. d'Alzon remise à S.S. le Pape Pie IX, le 30 mai 1855.-Minute ACR, AN 148; T., Lettres, I p. 548-549.
Le P. d'Alzon s'était rendu à Rome pour porter au Pape le compte-rendu du diocèse de Nîmes, par délégation de Mgr Cart, malade. Au cours de la 2eme audience que lui accorda le Pape Pie IX, le 29 mai 1855, il "remit sur le bureau du Pape une note sur sa petite Congrégation", ainsi qu'il l'écrit à Mgr Doney, le 31 mai 1855 (Orig.ms. ACR, AN 235; T., Lettres, I p. 553).
Voici donc sa fondation telle qu'elle se présentait après dix ans d'existence et au moment où le Père allait entreprendre les démarches d'approbation pontificale.
Congrégation des religieux de l'Assomption.
Cette petite Association subsiste depuis dix ans environ. Elle se compose de 25 à 30 personnes environ. Elle possède deux collèges : l'un à Nîmes, où l'œuvre a commencé, l'autre à Paris, et une maison pour l'éducation des petits protestants pauvres, que les parents nous confient en nous donnant l'autorisation d'en faire des catholiques.
L'œuvre est secondée par de pieux laïques, qui se sont organisés en Tiers-Ordre dirigé par les religieux. Le professorat dans les collèges, les œuvres de charité, la publication de bons livres, l'instruction des enfants pauvres est le but de ce Tiers-Ordre. On s'y propose aussi, par une vie un peu sévère, de protester contre les maximes relâchées du monde.
Les religieux se proposent surtout d'étendre le règne de Jésus-Christ dans les âmes, soit par l'éducation des classes élevées, soit en portant les enfants qui leur sont confiés à toutes sortes de bonnes œuvres, soit en leur inculquant un profond sentiment de leur devoir, non seulement comme simples chrétiens, mais aussi comme membres de la grande société de l’Église. Afin d'éviter des luttes pénibles avec le clergé séculier, nous ne nous mêlons, en dehors de nos maisons, que des œuvres auxquelles nous sommes invités par les prêtres des paroisses.
Dans l'état présent des choses, nous nous efforçons de concourir, avec l'intelligence et le zèle dont nous sommes capables, à répandre dans les esprits la connaissance de Notre-Seigneur, comme vie de l'âme, la véritable connaissance de l’Église et l'amour de son chef, comme remède aux maux qui ravagent les sociétés politiques de nos jours; d'apprendre aux enfants que nous formons et aux personnes, sur lesquelles nous avons de l'influence, à vaincre l'amour du bien-être qui est la plus grande plaie des temps présents.
En nous occupant de colonies agricoles, nous désirons sans doute moraliser les enfants du peuple qui nous sont confiés, donner même la foi à quelques-uns, mais aussi arracher aux villes une sorte de population, à laquelle les hommes de désordre s'adressent comme [à un] instrument de leurs projets anarchiques, et préparer un jour, par ces colonies, de nouvelles richesses territoriales à l’Église et des ressources que nous serons toujours heureux de mettre à la disposition du Saint-Siège.
26
Extrait d'une lettre du P. d'Alzon au P. Picard, le 7 janvier 1857. - Orig.ms. ACR, AE 21; T., Lettres, II p. 181-182.
Au cas ou le Consulteur serait nommé pour l'obtention du décret de louange, le P. d'Alzon fait savoir au P. Picard, son correspondant romain, "les bases sur lesquelles il devra s'appuyer dans les explications qui lui seraient demandées."
J'ai plusieurs observations à vous faire, dans le cas où le Consulteur nommé pour notre affaire vous ferait demander.
1° Le nom que nous voudrions prendre serait celui d'Augustins de l'Assomption, et non pas Augustins de France.
2° Si nous ne mettons pas d'austérités, c'est, comme je vous l'ai déjà fait observer, parce que nous voulons recevoir des religieux de petite santé, les autres pouvant aller aux Dominicains ou aux Carmes.
3° Nous ne nous unissons pas aux Augustins Ermites ou Chanoines, parce que les Chanoines me semblent avoir une règle trop facile, et que les Ermites ont des Constitutions qui pourraient nous gêner dans l'action que nous nous proposons d'exercer.
4° Nous tenons surtout à la pratique de la pauvreté. Nous la croyons indispensable pour les temps présents et comme protestation contre les mœurs actuelles. Nous sommes incertains pour savoir si nous aurons des propriétés, en dehors de nos collèges et de nos couvents. Des propriétés nous exposent à perdre un jour l'esprit de pauvreté, et, d'autre part, cependant, elles sont utiles pour fonder des orphelinats et autres œuvres de charité de cette espèce.
5° Nous tenons à la récitation de l'office et nous préférons avoir moins de maisons et le faire réciter plus régulièrement.
6° Nous tenons très particulièrement aux œuvres de charité, qui nous permettront d'agir directement sur le peuple et d'arrêter autant que possible sa démoralisation.
7° Nous tenons par-dessus tout à développer dans les esprits et les cœurs l'amour de l’Église romaine.
Telles sont, mon cher ami, les bases sur lesquelles vous devez vous appuyer dans les explications que vous donnerez au Consulteur. Veuillez me tenir au courant des questions qui pourront vous être faites en dehors de ce cercle d'idées.
27
Décret de louange, 1er mai 1857. - Orig.ms. ACR, K0 6.
Le 1er mai 1857, le P. d'Alzon recevait de Rome le décret de louange accordé à sa famille religieuse, appelée Congrégation des Prêtres de 1'Assomption.
Nous citons le texte de la supplique et le texte du décret.
a)
Supplex libellus
Beatissime Pater,
Ad pedes Sanctitatis Vestrae provolutus Sacerdos Emmanuel d'Alzon humillime exponit, quod anno 1844 ipse ad christianam juventutis institutionem tuendam et augendam collegium in civitate Nemausensi, de licentia Ordinarii, sub titulo Beatae Mariae Virginis in Cœlos Assumptae, erexit; in quo usque ad hanc diem bis centum circiter alumni custodiuntur, et ad pietatem litterasque humanas informantur. Quia vero melius et securius directioni scholarum et custodiae alumnorum provisum foret, si aliqua Religiosorum congregatio institueretur, quae in unitate spiritus et vinculo pacis praedictam institutionem curaret; ideo de licentia Ordinarii plures professores ad probationis experimentum admissi, dein anno 1850, de eadem Ordinarii licentia, vota simplicia Paupertatis, Castitatis et Obedientiae ad tempus emiserunt et vitam communem Religionisque exercitia consueverunt, ipso oratore vices moderatoris agente.
Anno vero 1851 aliud collegium, sub eodem titulo Assumptionis Beatae Mariae Virginis, in suburbio Parisiorum, quod vocatur vulgo "Clichy", ubi olim Sanctus Vincentius a Paulo curam animarum summa cum laude exercuit, constitutum fuit, et hodiedum perdurat cum centum circiter convictoribus, pietati Christianae Litterisque sedulo vacantibus.
Insuper, anno 1854, haud longe a Civitate Nemausensi, de licentia Episcopi initium habuit quaedam pia domus ad recipiendos et agrorum culturae exercendos pueros e Protestantibus, qui ad catholicam fidem reducerentur; in quo loco etiam probationem habere consueverunt laici in Congregatione admissi ad inferiora ministeria turn collegiorum, tum ejusdem piae domus.
Quia vero, Deo favente, in praesentiarum novem supra viginti in Congregatione, sive Religiosi votis simplicibus adstricti sive novitii reperiuntur, ac necessitas instat aperiendi distinctam Domum novitiatus, in qua post unum saltem annum probationis vota simplicia rite emitti in perpetuum et accipi possint; ideo orator supplex adest, ut Sanctitas Vestra de Benignitate Apostolica Institutum laudare et Paterna Benedictione fovere dignetur.
Finis Congregationis est, saluti aeternae propriorum membrorum et proximorum adlaborare, scilicet propagare Regnum Christi, praesertim mediante christiana juventutis institutione, in collegiis aliisque scholis, ac etiam Deo favente, in seminariis clericorum; ceterisque ministerii Ecclesiastici operibus, Ordinariis locorum annuentibus, juxta normas a Romanis Pontificibus sancitas et doctrinam Ecclesiae Romanae, sedulo incumbere.
Ab exordio socii in votis habuerunt, ut Officium Divinum simul in choro recitarent quod, variis licet et multiplicibus collegiorum occupationibus distenti, nihilominus in praxi semper retinuerunt. Insuper Regulam Sancti Augustini prae ceteris velle amplecti unanimiter professi sunt, eamdemque usque ad praesentem diem pro viribus servaverunt; auctis paucis ordinationibus rectae gubernationi collegiorum accommodatis.
Quapropter Orator humiliter instat pro decreto laudis per Sacram Congregationem Episcoporum et Regularium emanando; et insuper postulat, ut socii, qui Instituto nondum a Sanctitate Vestra probato vota ad tempus emiserunt, possint eadem perpetuo renovare, quin integrum novitiatus annum rursus complerint.
Quod Deus, etc.
b)
Decretum laudis
Ex audientia Sanctissimi habita ab infrascripto Domino Secretario Sacrae Congregationis Episcoporum et Regularium sub die 1a maji 1857, Sanctitas Sua, attentis litteris nonnulorum Galliarum Antistitum, quibus Institutum seu pia Congregatio Presbyterorum sub titulo Beatae Mariae Virginis in cœlum Assumptae summopere commendantur, praefati Instituti finem seu scopum amplissimis verbis laudavit et commendavit, sperans fore ut ejusdem Congregationis Sodales, hoc publico Apostolicae Sedis testimonio commendati, alacrius in intentum finem assequendum incumbant, et qua exemplo qua opere populo christiano sint aedificationis atque utilitatis.
Romae, ex Aedibus dictae S. Congnis, die et anno quibus supra.
G. card. De GENGA, praef. A., arch. Philippen., secret.
28
Extraits de deux lettres adressées au P. d'Alzon par deux de ses religieux après l'obtention du décret de louange
L'obtention du décret de louange fut pour les Religieux de l'Assomption l'occasion de redire à leur fondateur leur attachement pour un même dévouement au service de l’Église, et malgré les épreuves que traverse l'Assomption (Ch. XIV C).
Ainsi s'expriment, par exemple, le P. Picard et le P. Pernet, dont la cause de l'un et de l'autre est ouverte en Cour de Rome.
a)
De la lettre du P. Picard au P. d'Alzon, Rome le 18 mai 1857. -Orig.ms. ACR, EM 77.
Mon très cher Père, vive Jésus ! Les tribulations ne viennent pas sans les consolations. Notre décret est accordé, il n'est pourtant pas encore rédigé, mais il ne tardera pas à l'être. Après un long et lent examen, notre demande a été présentée à la Congrégation et a été signée. Quels seront les termes de la concession et quelle en est son étendue ? Je pense que c'est tout simplement un bref laudatif, mais nous ne pouvons rien savoir avant que la rédaction du décret n'ait été faite. Remercions le bon Dieu qui nous envoie cette consolation au moment où je commençais à désespérer pour cette année. Notre-Seigneur ne nous abandonne pas, puisqu'au moment même où il semble porter les plus rudes coups et vous frappe dans toutes vos affections et vos entreprises, il vous dit par la bouche de son Vicaire que vous n'êtes point en dehors de sa volonté et nous exhorte à marcher dans la voie qu'il se charge de nous tracer lui-même désormais. Dieu a tout créé de rien, il est bien juste qu'il nous réduise à rien, s'il veut plus tard tirer de nous quelque chose de bon. Réjouissons-nous et remercions la Sainte Vierge qui nous récompense d'avoir pris son nom pour titre; elle a voulu que notre vie véritable devant l’Église eût son commencement pendant le saint mois qui lui est consacré.
b)
De la lettre du P. Pernet au P. d'Alzon, Clichy le 28 mai 1857. -Orig.ms. ACR, EH 29.
Mon bien cher Père, laissez-moi me réjouir avec vous de la grâce insigne que Notre-Seigneur vient de répandre sur votre petite famille. Vous voilà donc approuvé par notre sainte Mère l’Église. Vos enfants sont maintenant avec leur Père de vrais religieux : nous pouvons nous appeler hautement les Augustins de l'Assomption. Assurément, cela donne du courage. Car on n'en peut plus douter, nous faisons l'œuvre de Dieu. Le Père de famille nous a dévolu un petit coin de sa vigne à cultiver. Malheur à celui de vos enfants qui se permettrait à l'avenir de ralentir ses efforts et de regarder en arrière. [...]
Nos soucis ne diminuent pas, au contraire. Mais la bonne Vierge, notre Mère, ne nous abandonne pas. C'est elle sans doute qui nous a fait avoir notre approbation pendant le mois qui lui est spécialement consacré; elle saura bien pourvoir à nos besoins : elle veut que nous existions et elle nous fera vaincre les obstacles.
29
Rescrit sur la constitution du noviciat et l'admission à la probation et à la profession, 11 décembre 1857. - Orig.ms., KO 10.
Le décret de louange fut suivi, le 11 décembre 1857, par un rescrit concernant le noviciat et l'admission à la probation et à la profession. L'obtention de ce rescrit était, pour le P. d'Alzon, comme un gage de l'approbation future de l'ensemble des Constitutions des Augustins de l'Assomption.
Beatissime Pater,
Ad pedes Sanctitatis Vestrae provolutus Dominus Emmanuel d'Alzon, sacerdos, Moderator Generalis Instituti Beatae Mariae Virginis in cœlos Assumptae nuper ex decreto Sanctitatis Vestrae laudati, ut securius et firmius in regimine dicti Instituti procedere valeat, humillime proponit aliquot articulos quorum approbationem et confirmationem per decretum Sacrae Congregationis Episcoporum et Regularium postulat, ita ut ab eisdem articulis, quatenus ab Apostolica Sede approbationis beneficium obtinere mereantur, recedi unquam nequeat sine indulto ejusdem Congregationis, nempe :
Art. I. - Nemo ad professionem votorum simplicium paupertatis, castitatis et obedientiae in Instituto admittatur, nisi peracto novitiatu per duos annos continuos in domo probationis, sub cura Magistri novitiorum et in exercitio officiorum novitiis propriorum, ut rite informentur virtutibus et disciplina Instituti.
Art. II. - Novitiatus duorum annorum ut supra omnino peragatur, sub pœna nullitatis votorum, licet simplicium, aliter et alio modo emissorum.
Art. III. - Facultas admittendi ad novitiatum et ad professionem penes sit Moderatorem Generalem et quatuor examinatores a Superiore et capitularibus eligendos ad formam decreti Sacrae Congregationis super statu Regularium quod incipit Regulari disciplinae, diei 25 Januarii 1848.
Art. IV. - Laici vero seu conversi peragere debebunt novitiatum trium annorum, quo elapso, emittent vota simplicia ad triennium tantum duratura, quae postea ad aliud triennium renovabunt, antequam ad eadem vota simplicia perpetuo emittenda recipiantur.
Quod Deus, etc.
Sanctissimus D.N. Pius PP. IX, in audientia habita die 11 decembris 1857 ab infrascripto Secretario Sacrae Congregationis super statu Regularium, suprascriptos quatuor articulos in omnibus juxta preces approbavit, et confirmavit; et ab omnibus ad quos spectat servari mandavit. Contrariis quibuscumque non obstantibus. Per praesens vero rescriptum, dictum Institutum minime approbatum intelligatur, cum firmum remanere debeat decretum Sacrae Congregationis Episcoporum et Regularium, diei 1a maii currentis anni 1857, quo scopus et finis ejusdem instituti commendatus est.
Datum Romae ex Secretaria enunciatae Sacrae Congregationis super statu Regularium.
A., arch. Philippen., secret.
30
Des Actes du 4ème Chapitre général, Clichy 9 juillet 1858. - Procès-verbaux originaux ACR, C 31, p. 19-36.
Le 4ème Chapitre général aurait dû se tenir en 1857; il fut ajourné à l'année suivante. Cependant il y eut en 1857 une séance préparatoire dont les travaux furent homologués en 1858.
Nous citons deux décisions prises, l'une en 1857, concernant l'approbation des Constitutions, et l'autre en 1858, concernant la composition des Chapitres généraux, - décisions dont la raison d'être est de maintenir “ l'unité de vue qui a présidé aux commencements de la Congrégation ”.
a)
Décision prise lors de la réunion préparatoire tenue à Clichy, le 1er septembre 1857, concernant l'acceptation des Constitutions. -ACR, C 31, p. 19-20.
Pour ce qui concerne l'acceptation des Constitutions, le Chapitre général ne pourra être composé que par les RR. PP. d'Alzon, Laurent, Brun, Picard et Tissot, et des FF. Pernet, Hippolyte et Marie-Joseph. Toutefois, la majorité des susnommés pourrait accorder à quelque Père ou Frère le droit de siéger à ce Chapitre avec voix consultative ou même délibérative.
La raison de cette mesure a été de maintenir l'unité de vue qui a présidé aux commencements de la Congrégation. Cette mesure, d'ailleurs, ne doit être appliquée que pour ce qui concerne l'acceptation définitive des Constitutions, sans préjuger en rien la décision à intervenir sur la composition future des Chapitres généraux et provinciaux.
b)
Décision prise lors du 4ème Chapitre général tenu à Clichy le 9 juillet 1858, concernant la composition des Chapitres généraux. -ACR, C 31, p. 29-30.
Une question importante était celle de la composition du Chapitre général. Dans l'impossibilité de l'indiquer d'une manière définitive, et malgré l'article de nos Constitutions qui règle cette matière et qui restera provisoirement suspendu, on a décidé que, jusqu'à l'approbation canonique de ces mêmes Constitutions(59), tous les Chapitres généraux ne se composeront que des PP. Brun, Picard, Hippolyte, Pernet, Tissot, Laurent (et des Religieux qu'ils voudront y appeler chaque fois avec voix délibérative ou avec voix consultative), sous la présidence du T.R.P. d'Alzon, ou la vice-présidence d'un des religieux susnommés désigné par le Supérieur général.
Si ce dernier vient à mourir, l'assistant général convoquera le Chapitre pour une nouvelle élection, et ce Chapitre ne se composera lui-même que comme il vient d'être dit.
__________________
1. Lettres à Mère M. Eugénie, du 23 septembre 1846 et du 11 octobre 1846. V., Lettres,III p. 133 et 136.
2. Procès-verbaux des réunions du Tiers-Ordre, ACR, DI 208, p. 30.
3. Le 29 août 1849, Mgr Cart écrit au P. d’Alzon : "Mon bien cher abbé, j’attendais avec impatience et anxiété de vos nouvelles, car on faisait courir sur le compte de votre santé cent bruits divers dont la plupart n’étaient pas rassurants. Enfin, grâce à Dieu, vous voilà hors d’affaire; mais de grâce sachez ne rien faire pendant quelque temps et réduisez-vous à ne vivre que bestialement. [...] Que je voudrais aller vous voir et passer un jour dans votre respectable famille [...] A vous mon bien tendre attachement" (ACR, DZ 52).
4. V., Lettres,III, Avant-propos, p. CXXI.
5. Pour la période de 1851-1850, nous avons les originaux ou copies authentiques d’environ 480 lettres des Religieux de Paris - dont 310 du P. Laurent au P. d’Alzon, - 660 lettres du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie et 750 de celle-ci au Père. On avait acheté dans une période de récession économique; la crise financière de Nîmes rejaillira sur la situation de Clichy; l’étroite collaboration dans le même esprit religieux de clercs et de laïcs s’avéra plus difficile, en raison de la précarité de la fondation; le lieu même de son insertion, accepté dans une volonté de rapprocher les classes sociales, mais "sans les moyens de protection et de discrimination qu’on a toujours à Paris", ne parut pas assez sûr aux parents des élèves.
6. Lettre à Sr Marie du S. Sacrement, Religieuse de l’Assomption. -Orig.ms. ACRA.
7. Orig.ms. ACR, AM 149 ; T.D. 37, p. 119.
8. "Ce projet magnifique, écrit-il à Mère M. Eugénie le 2 décembre 1846, me semble offrir le plus bel avenir à ces Messieurs qui se proposent de prendre pour un de leurs foyers Constantinople et qui se dévoueront aussi, quand le Pape le voudra, à travailler en Russie" (V., Lettres, III p. 147-153).
9. Lettres du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, les 10 juillet et 14 octobre 1853 (T., Lettres,I p. 309 et 343-344).
10. Lettre à Mère M. Eugénie du 18 mai 1855 (Orig.ms. ACR, AD 1004; T., Lettres, I p. 545). Le P. Touveneraud semble avoir bien établi, à l’encontre des autres historiens du P. d’Alzon, que "l’initiative d’une tentative d’union avec les Augustins est attribuable au Pape Pie IX sans que le P. d’Alzon et Mère M. Eugénie n'y aient jamais songé" (ibid., note 2).
11. "J’ai promis à saint Augustin, écrit-il le 18 mai 1854 à Mère M. Eugénie, au moment d’une grave crise de santé, que si dimanche prochain je suis guéri, je ferai tout mon possible pour rétablir en France les Augustiniens, mais je ne sais pourquoi je n’y compte pas trop" (Orig.ms. ACR, AD 940; T., Lettres, I, p. 560-561).
12. Lettre de l’abbé Chaillot au P. d’Alzon, 2 octobre 1855 (Orig.ms. ACR, DZ 591).
13. Lettres du 29 mars et du 5 avril 1856. - Orig.ms. ACR, EM 43 et 45.
14. Lettre de l’abbé Chaillot au P. d’Alzon, 25 décembre 1856. - Orig. ms. ACR, DZ 595.
15. Lettre de Mère M. Eugénie au P. d’Alzon, 18 août 1858. - Orig.ms. ACRA, n° 2679.
16. Après 1860, les pourparlers continuèrent. En 1866, le P. d’Alzon ayant offert l’hospitalité en France aux Ermites, en cas d’expulsion d’Italie, le R.P. Belluomini, Prieur général, saisit l’occasion pour lui suggérer, mais sans succès, la même proposition. Cette ouverture eut pour effet, de la part des Augustins, une affiliation de l’Assomption avec simple participation aux avantages spirituels de l’Ordre (Lettre du P. Belluomini, KO 32). Aux Chapitres généraux de 1868, 1873, 1876, la même question fut posée, et, de 1879 à 1880, des tractations officielles furent conduites, mais sans résultat à la mort du P. d’Alzon. Son successeur, le P. Picard, poursuivit jusqu’en 1892 l’élaboration d’une convention entre les deux Instituts, avec un projet de statut particulier pour l’Assomption, convention qui fut déclarée irrecevable par le Consulteur de la S.C. des Evêques et Réguliers. L’union projetée ne devait pas se réaliser, mais l’Assomption serait agrégée à l’Ordre des Augustins, au titre de Tiers-Ordre régulier, par lettre du P. Estevan, 25 mars 1929.
17. Note de février 1856. - Orig.ms. ACR, EA 460.
18. Lettres du P. d’Alzon au P. Moreau, 18 mars 1856, et du P. Brun (au nom du P. d’Alzon) au P. Moreau, 28 mars 1856 (T. Lettres, II p. 43-47 et 51-52).
19. Lettres du P. Picard au P. d’Alzon 20, 30 mars 1856. - Orig.ms. ACR, EM 42 et 44.
20. Lettre de Mgr Nanquette au P. Moreau, 12 avril 1856. - Cop. ACR, DL 111.
21. Lettre du P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, le 21 mai 1858. - T., Lettres, II p. 453-454.
22. Lettre au P. Picard du 19 mai 1858 : "Priez et faites bien prier, car nous aurons ici peut-être une réunion bien désirable. Le P. Caussette, de chez qui je vous écris, serait la plus précieuse acquisition. Elle arriverait avec une trentaine de religieux, une jolie maison à Toulouse, le petit séminaire diocésain et une maison de missionnaires à Montauban." - T., Lettres, II p. 452.
23. L’initiative des pourparlers entre les Résurrectionistes et le P. d’Alzon vint des deux côtés.
24. Orig.ms. ACR, AN 235; T. , Lettres, I p. 553.
25. Lettres du cardinal Gousset, archevêque de Reims, 27 avril 1856; de Mgr Plantier, évêque de Nîmes, 27 avril 1856, avec un rapport complémentaire de Mgr Sibour, archevêque de Paris, 20 avril 1856, et de Mgr de la Bouillerie, évêque de Carcassonne, 26 mai 1856. -Cop. ms. ACR, DL 28, 29 et 30; Pages d’Archives, vol. II, p. 174-176.
26. Sulla Congregazione dì Maria S.ma Assunta in cielo, eretta in Nîmes, voto del P. Rmo Fr. Giacinto de Ferrari de Predicatori, consultore della S.C. de’ Vescovi e Regolari. - Cop. ACR.
27. Victor Cardenne.
28. L’abbé Blanchet et Isidore Henri.
29. Le jeune Breton était l’abbé Guyhomat, clerc minoré; le jeune homme de Paris, Hippolyte Saugrain.
30. Le bréviaire romain, au lieu du nîmois qu’il suivait.
31. La brièveté de cette réponse pourrait faire croire à un dissentiment profond, malgré les clauses de style. -En fait, il ne porte que sur un point, la fondation religieuse de l’abbé d’Alzon. Il faut savoir en effet que le P. d’Alzon, comme vicaire général, eut à prendre position en faveur de son évêque, à. cette époque même, lorsque la rumeur se répandit dans le diocèse d’un déplacement éventuel de Mgr Cart (Cf. V., Lettres, III, p. 124-127). Par ailleurs, Mgr Cart se rendit de Mouthe à Paris, où il eut une entrevue avec le roi Louis-Philippe et avec Salvandy, ministre de l’Instruction publique, pour obtenir la totalité du plein exercice en faveur de l’Assomption (Cf. Lettre de Monnier au P. d’Alzon, 18 septembre 1846. - Orig.ms. ACR, OF 104). Il poussa la délicatesse jusqu’à aller saluer Mère M. Eugénie de Jésus et ses religieuses venues de Nîmes, par l’intermédiaire du P. d’Alzon.
32. En la fête de la Nativité de la Sainte Vierge, le P. d’Alzon écrit à Mère M. Eugénie : “ J’aurais voulu qu’elle fût pour moi comme une seconde naissance. C’était la pensée qui me frappait le.plus. Cette fête est pour moi comme le commencement d’un noviciat où je veux entrer, sans marchander et sans rien refuser à Notre-Seigneur de ce qu’il pourra me demander. Or, sur cela, ma chère fille, je vous adresse la prière de me venir en aide ” (V., Lettres, III, p. 128 et 129) .
33. Les saints ici mentionnés seront donnés par le P. d’Alzon comme patrons à sa Congrégation, pour souligner son esprit ecclésial et apostolique.
34. Voyage d’affaires à Lavagnac.
35. Le P. d’Alzon, sur la demande des plus fervents de ses disciples avait introduit la célébration de l’Office de nuit. Il savait aussi que quelques-uns d’entre eux, tel le Fr. Cusse, poussaient aux formes monastiques dont le Fr. Victor Cardenne sent le danger puisque, par là même, le côté religieux de l’Association, au lieu d’unir, finirait par séparer clercs et laïcs qu’elle voulait rapprocher.
36. Citant cette même lettre à Mère M. Eugénie, le P. d’Alzon ajoute : “ Cet encouragement est bien bon. Je crois pourtant qu’il ne faut pas se presser ” (V. Lettres, III p. 255). - Cette première faveur valut à la fondation de l’abbé d’Alzon l’appellation qui lui demeure : Congrégation des Prêtres de l’Assomption, à côté de celle voulue par le fondateur : Congrégation des Augustins de l’Assomption.
37. Du fait de l’hostilité qui sévissait contre la Compagnie, les PP. Jésuites avaient dû fermer leurs établissements en Suisse.
38. V. Cardenne parle ici de sa propre vie spirituelle.
39. En face de l’entrée du collège, là où s’était établi le Carmel.
40. Les six personnes mentionnées formeront désormais "le conseil des six", devenu le "Conseil des sept" avec l’adjonction du P. Brun.
41. Ce point intéressait plus particulièrement Mère M. Eugénie; mais "les conversations" de la Valbonne abordèrent les autres questions posées par le P. d’Alzon.
42. Il s’agit de Mgr Doney.
43. Mère M. Eugénie avait reçu de Mgr Devereux, vicaire apostolique du district de l’Afrique orientale, une invitation à fonder une mission au Cap. Comme le P. d’Alzon l’encourageait et l’aidait dans la réalisation de ce projet, et qu’elle avait des possibilités de recrutement en Angleterre, elle avait promis d’envoyer, s’ils se présentaient, des novices anglais à l’Assomption de Nîmes. Le P. d’Alzon ne refuse pas, mais il ne voudrait pas que leur venue, si elle était nombreuse, déséquilibre le petit groupe de ses disciples.
44. Une épidémie de choléra sévissait en France. Du 9 au 15 août, le P. d’Alzon atteint lui-même, vit ses jours en danger; sans être parfaitement guéri, il avait pu reprendre ses occupations, mais dans la seconde quinzaine d’octobre, il est de nouveau gravement malade.
45. Tandis que le P. d’Alzon cherchait à fixer le noviciat d’une façon moins provisoire qu’en face du Collège, soit dans le Midi, soit même à Paris, on lui avait offert de prendre le Collège de Sorèze et même de s’établir à Marseille. Il ne devait donner suite à aucun de ces projets.
46. Le P. d’Alzon s’était rendu à Paris, pour assister aux réunions du Conseil supérieur de l’Instruction publique (Cf. Ch. XVI). En son absence, les quatre disciples qu’il nomme ici s’étaient engagés envers lui par promesse volontaire, en attendant la décision de l’Ordinaire. Le P. d’Alzon croit devoir, dans le même esprit, accueillir leur générosité.
47. Effectivement, le 8 octobre 1850, le P. Tissot avait été nommé par le P. d’Alzon à Paris, comme aumônier des Religieuses de l’Assomption, et destiné à préparer une fondation dans la capitale. Le 24 août 1851, le P. Charles Laurent et le Fr. Victor Cardenne rejoignaient le P. Tissot pour fonder un pensionnat au faubourg Saint-Honoré, n° 234 (Ch. XIV B).
48. Le Fr. Victor Cardenne, très apprécié de Germer-Durand, et dont nous avons cité des extraits de son journal intime, était, en plus de ses cours scolaires, chargé de l’œuvre des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul au Collège, dont une œuvre de patronage. Cette dernière fut confiée au Fr. Etienne Pernet, et le P. d’Alzon envoya V. Cardenne à Paris, avec autorisation de se reposer près de sa mère à Fontainebleau. C’est là qu’il devait mourir le 14 décembre 1851, profès perpétuel in articulo mortis, faisant l’édification de la religieuse infirmière qui l’assista jusqu’à ses derniers moments, selon le récit qu’elle nous en a laissé (Orig.ms. ACR, CA 14).
49. Les religieux ajoutent ici : et tibi reverendo Patri Praeposito Societatis nostrae locum Dei tenenti.
50. On notera que la formule de profession tient compte du fait que l’Assomption exerçait alors son apostolat surtout dans le cadre de l’enseignement chrétien; le terme eruditio garde toute sa saveur étymologique : les adolescents sont encore des rudes autant et plus par rapport à la foi que par rapport à la culture. On notera surtout la mention explicite et nettement détachée dans le texte du vœu d’étendre le règne de Jésus-Christ dans les âmes, conformément au but apostolique de l’Assomption affirmé ici dans toute son ampleur : "auprès des chrétiens (donc de toutes confessions) comme auprès des infidèles (donc de tous ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne)". Dix-huit religieux, de 1850 à 1862, feront leur profession selon cette formule primitive. - Cf. Premières Constitutions des Augustins de l’Assomption, édition critique, Rome 1966, p. 189-192.
51. Ont fait, avec le P. d’Alzon, profession temporaire, le 25 décembre 1850 : les Frères Henri Brun (prêtre), François Cardenne, Stéphane Pernet, Hippolyte Saugrain; - et profession perpétuelle, le 25 décembre 1851 : les mêmes, moins le Fr. Cardenne, profès in articulo mortis (7 décembre 1851), et plus le Fr. Picard, profès temporaire.
"Nous avons, dans la nuit de Noël, renouvelé nos vœux pour toujours, écrit le P. d’Alzon à Mère M. Eugénie, le 26 décembre 1851. Ce matin, nous avons pris les camails, parce qu’ils n’étaient pas arrivés à temps. Tout cela produit la plus heureuse impression et sur les maîtres et sur les élèves. Dieu veuille que cette impression dure et soit féconde. Je l’espère, car tout a été très simple, très grave et très naturel. En même temps, on voyait une telle joie chez ceux qui se donnaient à Dieu qu’il n’y a pas moyen de douter de leurs bonnes dispositions et de la certitude d’un vrai bonheur en les imitant" (Orig.ms. ACRA; T., Lettres, I p. 123).
52. Le 3 mars 1851, l’abbé Henri, économe de l’Assomption de Nîmes, écrit au P. d’Alzon : "Il faut, surtout si vos absences deviennent plus longues, une action directe et personnelle sur les élèves et maîtres de l’Assomption; or cette influence, aucun de ceux qui sont ici ne peut l’exercer. A Marseille, on se préoccupe beaucoup de vos voyages à Paris. J’en suis fâché pour votre modestie, mais là comme partout ailleurs, l’Assomption c’est vous. Excepté une mère qui serait enchantée que son fils pût achever son éducation à Paris, j’ai constaté que plusieurs autres pencheraient pour la maison d’Avignon, si vous n’étiez pas à Nîmes. On a exploité en faveur d’Avignon le bruit de vos absences fréquentes et de vos projets pour Paris..." - (Orig.ms. ACR, OG 233). C’est un exemple des "jérémiades sans fin" dont parle le P. d’Alzon dans sa lettre.
53. Il s'agit de nouvelles constructions faites à la maison de l'Assomption de Nîmes, sur l'avenue Feuchères.
54. Dans une autre lettre, du 22 novembre, le P. d'Alzon attribue au Fr. Pernet la venue de ses novices convers, à partir de l'œuvre du patronage dont il avait la responsabilité.
55. Par quelques lettres du P. Brun, datées de septembre à décembre 1856 (ACR, OH 214-218), nous savons que le déficit s'élevait à 7 000 et quelques centaines de francs. Le P. Brun s'en attribue la responsabilité et passe par "un état voisin du plus entier découragement". Il demande pardon au P. d'Alzon "du mal qu'il a fait à l'œuvre de l'Assomption". Le P. d'Alzon fait la part de l'humilité de l'aveu, pardonne et lui demande d'assurer le sort des orphelins et des Frères convers.
56. Ces paroles du Pape Pie IX trouvent leur explication dans la conversation qu'il avait eue avec le P. d'Alzon en mai 1855 et au cours de laquelle il avait émis l'idée d'une union de sa Congrégation avec les Augustins.
57. A ce propos, le P. Moreau, dans sa réponse du 10 avril 1856, écrira : "Je ne voudrais pas plus vous voir juger de nos prêtres et de nos frères par nos trois Sœurs qui sont gênées, déplacées maintenant dans votre collège où elles sont confondues avec les internes, que je ne veux juger de vous et des vôtres par ce qu'elles pourraient m'en dire. Je puis vous assurer que parmi nous règne une grande liberté d'esprit, beaucoup de franchise et un grand esprit de famille, ainsi que parmi nos élèves, à qui nous n'imposons d'autres pratiques chrétiennes que celles qu'ils pourront et devront suivre dans le monde (Orig.ms. ACR, EA 462).
58. Pour l'histoire de la Règle et des premières Constitutions de l'Assomption, voir l'édition présentée et annotée par les PP. Athanase Sage et Pierre Touveneraud, réalisée à Rome en 1966, en vue du Chapitre général extraordinaire de 1969, conformément au décret Perfectae caritatis de Vatican II.
59. La Règle de l'Assomption, au livre 2d, chapitre 5ème, prévoit que "le Chapitre général se compose du Supérieur général qui le préside par lui ou par un délégué, des quatre assistants généraux, du secrétaire général de la Congrégation, du Procureur général, des provinciaux, des maîtres des novices et de deux religieux par chaque maison, élus au scrutin secret".
La Règle de 1855 ne prévoit donc pas un Chapitre de co-option mais, en 1858, le Chapitre général prend une mesure transitoire, du fait que la Règle n'est pas approuvée, que la consistance de la Congrégation ne permet pas une telle représentation et que les premiers religieux sont soucieux de maintenir l'unité de vue qui a présidé aux commencements de la Congrégation.