Spirite

 

En conclusion de son ouvrage, A.Kardec écrit : "Le spiritisme est l'antagoniste le plus redoutable du matérialisme, il n'est donc pas étonnant qu'il ait les matérialistes pour adversaires ; mais comme le matérialisme est une doctrine que l'on ose à peine avouer (preuve que ceux qui la professent ne se croient pas bien forts, et qu'ils sont dominés par leur conscience), ils se couvrent du manteau de la raison et de la science… Le spiritisme n'a pas à examiner s'il y a ou non des miracles, c'est-à-dire si Dieu a pu, dans certains cas, déroger aux lois éternelles qui régissent l'univers ; il laisse à cet égard, toute liberté de croyance ; il dit et il prouve que les phénomènes sur lesquels il s'appuie n'ont de surnaturel que l'apparence ; ces phénomènes ne sont tels aux yeux de certaines gens que parce qu'ils sont insolites et en dehors des faits connus; mais ils ne sont pas plus surnaturels que tous les phénomènes dont la science donne aujourd'hui la solution, et qui paraissaient merveilleux à une autre époque. Tous les phénomènes spirites, sans exception, sont la conséquence de lois générales;  ils nous révèlent une des puissances de la nature, puissance inconnue, ou pour mieux dire incomprise jusqu'ici, mais que l'observation démontre être dans l'ordre des choses. Le spiritisme repose donc moins sur le merveilleux et le surnaturel que la religion elle-même, ceux qui l'attaquent sous ce rapport, c'est donc qu'ils ne le connaissent pas, et fussent-ils les hommes les plus savants, nous leur dirons : si votre science, qui vous a appris tant de choses, ne vous a pas appris que le domaine de la nature est infini, vous n'êtes savants qu'à demi"(1). Selon lui, le spiritisme ne se réclame ni d'une religion, ni d'une croyance, ni de sorcellerie, ni de diablerie, mais bien d'une science qui repose sur une connaissance qu'il nous dit à venir. Dans son éloge funèbre, C.Flammarion déclara : "Le spiritisme n'est pas une religion, mais c'est une science". Pour A.Kardec : "L'homme n'est pas seulement composé de matière, il y a en lui un principe pensant relié au corps physique qu'il quitte, comme on quitte un vêtement usagé, lorsque son incarnation présente est achevée. Une fois désincarnés, les morts peuvent communiquer avec les vivants, soit directement, soit par l'intermédiaire de médiums de manière visible ou invisible". Nous rapportons  cette citation qui nous semble bien éclairer l'œuvre d'A.Kardec : "Pour Allan Kardec, la compréhension de la philosophie spirite prime largement les expériences de communication avec l'au-delà. «Kardec répétait volontiers qu'en matière de spiritisme, la partie expérimentale est secondaire par rapport à la doctrine philosophique »"(2).

En ce sens, le Livre des Esprits nous apparaît davantage comme une invitation à mettre en exergue la relation avec les Esprits plutôt qu'à un traité des Esprits. "Selon Kardec, la méthode expérimentale employée pour établir un contact avec l’au-delà ne servait qu’à démontrer les valeurs de la philosophie spirite"(3). Et il faut compter sur le passé de pédagogue d'A.Kardec, pour justifier de sa compétence à rapporter fidèlement les expériences des mediums qu'il a rencontrés avant d'appréhender son propos sur les Esprits. Certes il y a une part de subjectivité dans celles-ci, mais leur nombre fait poids dans la considération que l'on doit en avoir et leur conférerait en quelque sorte une valeur scientifique de part l'importance des répétitions -"Depuis le XVIle siècle, la seule méthode scientifique reconnue est la méthode expérimentale qui consiste à répéter une expérience un grand nombre de fois dans des conditions rigoureuses, afin d'obtenir des mesures identiques dont on pourra déduire une loi générale"(5).

Que faut-il entendre par spiritisme et non spiritualisme ? A.Kardec développe les raisons de son choix : "Pour les choses nouvelles il faut des mots nouveaux, ainsi le veut la clarté du langage, pour éviter la confusion inséparable du sens multiple des mêmes termes. Les mots spirituel, spiritualiste, spiritualisme ont une acception bien définie ; leur en donner une nouvelle pour les appliquer à la doctrine des Esprits serait multiplier les causes déjà si nombreuses d'amphibologie. En effet, le spiritualisme est l'opposé du matérialisme ; quiconque croit avoir en soi autre chose que la matière est spiritualiste mais il ne s'ensuit pas qu'il croie à l'existence des Esprits ou à leurs communications avec le monde visible. Au lieu des mots spirituel, spiritualisme, nous employons pour désigner cette dernière croyance ceux de spirite et de spiritisme, dont la forme rappelle l'origine et le sens radical, et qui par cela même ont l'avantage d'être parfaitement intelligibles, réservant au mot spiritualisme son acception propre. Nous dirons donc que la doctrine spirite ou le spiritisme a pour principes les relations du monde matériel avec les Esprits ou êtres du monde invisible".

Dans son ouvrage, s'il dresse un tableau de la progression des Esprits vers la pureté, il n'oublie pas qu'il "faut à l'homme des figures et des images pour frapper son imagination, il a peint les êtres incorporels sous une forme matérielle avec des attributs rappelant leurs qualités ou leurs défauts. C'est ainsi que les anciens, voulant personnifier le Temps, l'ont peint sous la figure d'un vieillard avec une faux et un sablier, une figure de jeune homme eut été un contre-sens, il en est de même des allégories de la Fortune, de la Vérité, etc. Les modernes ont représenté les anges, ou purs Esprits, sous une figure radieuse, avec des ailes blanches, emblème de la pureté ; Satan, avec des cornes, des griffes et les attributs de la bestialité, emblèmes des basses passions. Le vulgaire, qui prend les choses à la lettre, a vu dans ces emblèmes un individu réel, comme jadis il avait vu Saturne dans l'allégorie du Temps".

Le projet d'A.Kardec s'inscrit bien dans une philosophie de la vie et de la mort, lorsqu'il écrit : "Par une aberration de l'intelligence, il y a des gens qui ne voient dans les êtres organiques que l'action de la matière et y rapportent tous nos actes. Ils n'ont vu dans le corps humain que la machine électrique ; ils n'ont étudié le mécanisme de la vie que dans le jeu des organes , ils l'ont vue s'éteindre souvent par la rupture d'un fil, et ils n'ont vu rien d'autre que ce fil ; ils ont cherché s'il restait quelque chose, et comme ils n'ont trouvé que la matière devenue inerte, qu'ils n'ont pas vu l'âme s'échapper et n'ont pu la saisir, ils en ont conclu que tout était dans les propriétés de la matière, et qu'ainsi après la mort il n'y a que le néant de la pensée ; triste conséquence, s'il en était ainsi : car alors le bien et le mal seraient sans but, l'homme serait fondé à ne penser qu'à lui et à mettre au-dessus de tout la satisfaction de ses jouissances matérielles ; les liens sociaux seraient rompus, et les affections les plus saintes brisées sans retour. Heureusement, ces idées sont loin d'être générales ; on peut même dire qu'elles sont très circonscrites, et ne constituent que des opinions individuelles, car nulle part elles n'ont été érigées en doctrine. Une société fondée sur ces bases porterait en soi le germe de sa dissolution, et ses membres s'entre-déchireraient comme des bêtes féroces. L'homme a instinctivement la pensée que tout, pour lui, ne finit pas avec la vie ; il a horreur du néant, il a beau s'être raidi contre la pensée de l'avenir, quand vient le moment suprême, ils en est peu qui ne se demandent ce qu'il va en être d'eux, car l'idée de quitter la vie sans retour a quelque chose de navrant. Qui pourrait, en effet, envisager avec indifférence une séparation absolue, éternelle, de tout ce que l'on a aimé ? Qui pourrait voir sans effroi s'ouvrir devant soi le gouffre immense du néant, où viendraient s'engloutir à jamais toutes nos facultés, toutes nos espérances et se dire : Quoi ! Après moi, rien, plus rien que le vide, tout est fini sans retour, encore quelques jours et mon souvenir sera effacé de la mémoire de ceux qui me survivent, bientôt il ne restera nulle trace de mon passage sur la terre ; le bien même que j'ai fait sera oublié des ingrats que j'ai obligés ; et rien pour compenser tout cela, aucune autre perspective que celle de mon corps rongé par les vers !".

L'œuvre d'A.Kardec ne se limite pas à cette approche des Esprits. Dans son ouvrage l'Evangile selon le spiritisme, il expose, dit-il, le "véritable caractère du Spiritisme". Il écrit : "On peut diviser les matières contenues dans les Évangiles en cinq parties : Les actes ordinaires de la vie du Christ, les miracles, les prédictions, les paroles qui ont servi à l'établissement des dogmes de l'Église et l'enseignement moral. Si les quatre premières parties ont été l'objet de controverses, la dernière est demeurée inattaquable. Devant ce code divin, l'incrédulité elle-même s'incline ; c'est le terrain où tous les cultes peuvent se rencontrer, le drapeau sous lequel tous peuvent s'abriter, quelles que soient leurs croyances, car elle n'a jamais fait le sujet des disputes religieuses, toujours et partout soulevées par les questions de dogme; en les discutant, d'ailleurs les sectes y eussent trouvé leur propre condamnation, car la plupart se sont plus attachées à la partie mystique qu'à la partie morale, qui exige la réforme de soi-même. Pour les hommes en particulier, c'est une règle de conduite embrassant toutes les circonstances de la vie privée ou publique, le principe de tous les rapports sociaux fondés sur la plus rigoureuse justice; c'est enfin, et par-dessus tout, la route infaillible du bonheur à venir, un coin du voile levé sur la vie future"(4). Dans les lignes suivantes, c'est un modèle sociétal qu'expose A.Kardec, un modèle suivant la morale de Jésus, à travers un "code divin" que nul n'a contesté : "Toute la morale de Jésus se résume dans la charité et l'humilité, c'est-à-dire dans les deux vertus contraires à l'égoïsme et à l'orgueil. Dans tous ses enseignements, il montre ces vertus comme étant le chemin de l'éternelle félicité. Bienheureux, dit-il, les pauvres d'esprit, c'est-à-dire les humbles, parce que le royaume des cieux est à eux; bienheureux ceux qui ont le cœur pur; bienheureux ceux qui sont doux et pacifiques; bienheureux ceux qui sont miséricordieux; aimez votre prochain comme vous-même; faites aux autres ce que vous voudriez qu'on vous fit; aimez vos ennemis; pardonnez les offenses, si vous voulez être pardonné; faites le bien sans ostentation; jugez vous vous-même avant de juger les autres. Humilité et charité, voilà ce qu'il ne cesse de recommander et ce dont il donne lui-même l'exemple; orgueil et égoïsme, voilà ce qu'il ne cesse de combattre; mais il fait plus que de recommander la charité, il la pose nettement et en termes explicites comme la condition absolue du bonheur Futur".

Pour faire écho à la phrase d'A.Kardec, "les phénomènes sur lesquels il [le spiritisme] s'appuie n'ont de surnaturel que l'apparence ; ces phénomènes ne sont tels aux yeux de certaines gens que parce qu'ils sont insolites et en dehors des faits connus; mais ils ne sont pas plus surnaturels que tous les phénomènes dont la science donne aujourd'hui la solution", nous citerons S.Déthiollaz et C.C.Fourrier : "Parler de spiritualité peut donner l'impression que nous sommes bien loin d'une optique de recherche scientifique. Pourtant, il n'en est rien et, à nos yeux, les deux sont même intimement liés, science et spiritualité étant deux facettes complémentaires d'une même réalité. Bien qu'il s'agisse de deux niveaux d'observation différents, chacun étant approprié à un contexte défini qui lui est propre, tous deux sont nécessaires pour parvenir à une compréhension holistique du monde. Non seulement une théorie scientifique ne permet de décrire qu'une partie de la réalité objective, mais elle n'est pas cette réalité. Elle s'en approche le plus possible, jusqu'au jour où elle sera détrônée ou complétée par une autre théorie plus proche encore ou qui en expliquera d'autres aspects. Pourtant, cela n'empêche pas la science d'être à l'origine d'applications pratiques qui rendent nos vies plus confortables. Mais pour l'instant, elle ne peut strictement rien dire par rapport à l'expérience de l'Essence, qui est au-delà de l'objectivité et même de la subjectivité. Ce n'est tout simplement plus de son domaine. Même la physique quantique, dont on entend souvent dire que les postulats abstraits font profondément écho à ce que les expérienceurs expriment de leurs vécus, ne peut totalement rendre compte de la Réalité"(5).

L'Essence des choses, nous avons tenté de l'approcher en suivant le Compte rendu du Congrès spirite et spiritualiste : "Bien des personnes n'ayant du spiritisme et du spiritualisme moderne qu'une connaissance superficielle, sont portées à faire certaines questions dont une étude complète donnerait la solution ; le temps et la volonté leur manquant pour se livrer à des observations suivies, il est bon pour elles, avant d'entreprendre cette tâche, de savoir au moins ce dont il s'agit, et si cela en vaut la peine. Il nous a donc paru utile de déclarer que le Spiritisme est tout à la fois une science d'observation et une doctrine philosophique. Comme science pratique, il consiste dans les relations que l'on peut établir avec les Esprits; comme philosophie, il comprend toutes les conséquences morales qui découlent de ces relations. On peut dire que le Spiritisme est une science qui traite de la nature, de l'origine et de la destinée des Esprits, de leurs rapports avec le monde corporel, comme l'a écrit si judicieusement Allan Kardec. Les sciences vulgaires reposent sur les propriétés de la matière inerte et neutre, substance ou état qu'on peut expérimenter et manipuler à son gré; mais les phénomènes spirites reposent sur l'action d'un autre état de substance qui est intelligente, et, dans l'univers infini, il n'y a que cette substance, ce fluide universel intelligent à l'infini ; les êtres ou esprits qui en proviennent nous prouvent à chaque instant qu'ils ne sont pas à notre caprice. Dès lors, les observations ne pouvant se faire de la manière, requièrent des conditions spéciales et un autre point de départ; vouloir les soumettre à nos procédés ordinaires d'investigation, c'est créer des analogies qui n'existent pas".

Nous avons évoqué le passé de pédagogue d'A.Kardec, pour justifier de sa compétence à rapporter fidèlement les expériences des mediums qu'il a rencontrés : "Avec son esprit de suite, son intelligence élevée et active, et sous l'impulsion d'une ferme volonté, pendant un mois il classa méthodiquement chaque communication, ou procès-verbal, plaçant aux sections a, b, c, etc., tout ce qui leur appartenait respectivement ; puis il lit la révision de chaque section, en élimina les redites, les pages inutiles, et constata les nombreuses solutions de continuité qui existaient entre certaines demandes adressées aux esprits, et leurs réponses ; habitué à la précision de l'enseignement de Pestalozzi, il adressait des questions franches et nettes aux invisibles sur ces solutions de continuité. Les réponses reçues et enregistrées, si elles étaient en accord avec le bon sens, étaient soumises à d'autres médiums; par cette investigation continue et méthodique, on eut un critérium sérieux et constant".

Que la croyance au monde des Esprits soient fondée ou non, nous ne pouvons que saluer sa levée du voile d'obscurantisme sur des faits dont la connaissance peut nous échapper : "Quant à la frayeur qu'inspirent aujourd'hui encore les études spirites aux croyants de bonne foi, qu'ils examinent sans parti pris, ni idées préconçues d'aucune sorte,  les phénomènes… et ils reconnaîtront avec nous que le monde des esprits vient s'imposer à notre attention,  spontanément, avec une force irrésistible, le regarder en face, l'examiner, l'étudier autant que cela nous est possible dans les conditions actuelles, n'est pas seulement permis mais ordonné. Laissons à d'autres les craintes puériles".

N.Canivenq rapporte son expérience de NDE, on retrouve, comme souvent dans ces récits, deux constantes, la lumière et les Etres de lumière, et le sentiment d'Amour : "Et puis des «Êtres» blancs plus ou moins définis dans leur forme apparurent au loin dans cette clairière et ils s'avancèrent vers moi en riant… Ils n'étaient pas vraiment avec un corps comme nous mais une sorte de forme qui ressemblait à un corps. Ils étaient d'un blanc transparent, lumineux et ils étaient très beaux non dans leur apparence mais dans leur énergie… C'est comme si j'étais accueillie par ces Êtres de lumière. J'ai été envahie à leur arrivée d'un sentiment d'Amour indescriptible avec des mots. Comment expliquer l'inexplicable ? C'était de l'Amour à l'état pur, comme je n'en ai jamais connu sur la Terre. Un amour absolu, inconditionnel, éternel pourrais-je dire, un Amour total. J'étais heureuse, très heureuse, parfaitement sereine, en paix et dans une béatitude comme jamais je n'en ai connu auparavant. Les mots ne peuvent dire ce que j'ai connu dans ce moment ineffaçable de ma mémoire. Les sensations sont si puissantes et en même temps si difficiles à expliquer avec notre vocabulaire sur Terre. C'est une expérience inoubliable de l'Amour inconditionnel et de la Joie"(7).

En déplorant l'excès de matérialisme, A.Kardec était-il visionnaire ? Nous citons à ce propos P.Guillemant : "Il y a étonnamment dans cet énoncé du dogme matérialiste, postulé par ceux-là mêmes qui se disent le plus souvent rationnels, cartésiens ou non croyants, une accumulation de quatre croyances fausses ou dignes d'une pensée pour le moins fragile, car en effet (1) le déterminisme temporel est aujourd'hui contredit par l'expérience;  (2) l'idée que la conscience serait un sous-produit relève de l'illusion d'un temps qui engendre les évènements ; (3) nous sommes depuis des décennies dans une crise de la physique résultant du non aboutissement de ses lois et (4) les effets à notre échelle humaine de phénomènes incompris tels que la gravité ou l'intrication quantiques sont potentiellement considérables et ne peuvent donc être négligés… Ce n'est toutefois pas une fragilité d'esprit qu'il convient d'invoquer pour expliquer le maintien dans notre société d'un «dogme matérialiste» que la science a déjà ringardisé, car ce sont en partie nos cerveaux les plus brillants qui le perpétuent par eux-mêmes. Ce serait plutôt l'inertie de la société qu'il faut invoquer, parce qu'elle a fondé toute son organisation sur ce dogme depuis des siècles et en particulier les statuts, pouvoirs ou prérogatives de ses brillants «experts». Ceux-ci ont par ailleurs souvent fait leurs études à une époque où la science n'avait pas encore soulevé les quatre problèmes indiqués. Mais si cette inertie a tendance à s'éterniser, c'est surtout à cause de l'incapacité de notre science à remplacer la vision matérialiste du monde par une nouvelle vision plus cohérente. Le problème relèverait donc en fin de compte du fait que la nature humaine a horreur du «désordre». Il ne suffirait donc pas de jeter l'ancien paradigme pour qu'un nouveau s'impose comme par enchantement, ne serait-ce qu'à cause des menaces qui pointent dans un horizon vide de renaissance de la raison, à commencer par le retour des religions. Pour résumer la problématique du matérialisme, on pourrait donc dire qu'il ne s'agit pas de savoir comment le démolir car il est déjà mort, mais plutôt de savoir comment reconstruire après lui"(8).

A.Kardec parle de "phénomènes qui ne sont tels aux yeux de certaines gens que parce qu'ils sont insolites et en dehors des faits connus". La science elle-même est confrontée à cette part d'inconnu et d'insolite, notamment les phénomènes télépathiques: "Concernant la télépathie par exemple, il existe des méta-analyses, portant sur 2550 études qui en prouvent l'existence avec une probabilité d'un sur un million de milliard que les résultats soient liés au hasard. Pour la micro-psychokinèse (modification, par la conscience humaine, du fonctionnement de générateurs aléatoires de « pile ou face »), l'analyse porte sur 800 études et la probabilité est de un sur un trillion (10 puissance 18) que l'effet trouvé soit lié au hasard. Pour la biopsychokinèse, l'analyse a porté sur 37 études et la probabilité est de un sur cent milliards que les résultats positifs soient liés au hasard. Par ailleurs, Sylvie Dethiollaz et Claude Charles Fourrier viennent de démontrer, avec procédure en double aveugle et contrôle par huissier, que la clairvoyance et la clairaudience sont possibles, avec une chance que le résultat soit lié au hasard d'un sur 69 milliards de milliards de milliards"(8). Ce même constat d'inconnu et d'insolite porte sur les phénomènes d'intrication : "La physique de la non-localité est essentielle à la théorie quantique. La recherche la plus exaltante de la physique moderne porte sur ce que le physicien David Bohm appelle interconnexions quantiques, ou corrélations non locales. Cette idée a d'abord été considérée par les principaux scientifiques des années 1930 comme un «défaut» dans la théorie quantique. Dans une lettre à Max Born en 1947, Einstein qualifie cette interconnexion quantique apparente de photons intriqués d'action «fantôme» à distance. Néanmoins, par la suite, en 1964, ce concept fut transformé en preuve mathématique par John Stewart Bell dont les corrélations non locales (à distance) ont depuis été démontrées expérimentalement à Berkeley, Paris, Genève et Vienne. Cette expérience montre que deux quanta de lumière, émis depuis une source unique et voyageant à la vitesse de la lumière dans des directions opposées, maintiennent un lien entre eux. Et lorsque l'on procède à des mesures avec des polariseurs, il se trouve qu'ils se comportent comme s'ils ne formaient qu'une seule entité. Mais la preuve mathématique connue sous le nom d'inégalités de Bell n'a pas réellement besoin d'être démontrée en laboratoire, il ne s'agit pas d'une hypothèse, d'une théorie ou d'une supposition. En fait, John Bell nous a donné une preuve mathématique que notre réalité fondée sur l'espace-temps est non locale, que l'on aime ou non cette idée. L'aspect le plus incroyable du théorème de Bell est que notre univers, qui est pourtant si local en apparence, ne peut s'expliquer par aucune réalité locale plausible. Ses travaux parus en 1964 soutiennent totalement les idées qu'avait exprimées Schrödinger au sujet de l'intrication une trentaine d'années plus tôt. Schrödinger avait notamment déclaré que «l'intrication était la caractéristique la plus importante de la mécanique quantique », et Bell nous a quant à lui donné une méthode pour démontrer à la fois l'intrication et la non-localité en laboratoire… Cette étonnante corrélation que nous observons entre des entités intriquées distantes que des scientifiques comme Bell, Bohm et Clauser nomment non-localité continue à nous fasciner. Écrivant sur les implications philosophiques de la non-localité, le physicien Henry Stapp de l'université de Californie à Berkeley n'hésite pas à dire que ces connexions quantiques pourraient bien être «la découverte la plus fantastique de toute l'histoire de la science» "(9). "Par ailleurs, la non-localité est une propriété aussi bien du temps que de l'espace, phénomène qui rappelle ce que l'on peut voir avec des vrais jumeaux humains, séparés à la naissance et élevés loin l'un de l'autre, qui présenteront néanmoins des similitudes frappantes dans leurs goûts, leurs centres d'intérêt, leurs conjoints, leurs vécus et leurs professions... au-delà de ce que l'on pourrait raisonnablement attribuer à un code génétique commun. Des jumeaux célèbres, qui avaient été séparés dès la naissance, avaient tous les deux été prénommés Jim. Bien qu'ils ne soient jamais entrés en contact, tous les deux avaient épousé une femme du nom de Betty, en avaient divorcé avant de se remarier avec une Linda. (Il s'agissait bien entendu de personnes différentes). Lorsque ces jumeaux ont finalement été amenés à se rencontrer à l'âge de trente-neuf ans pour la première fois, il s'est avéré qu'ils étaient tous les deux pompiers et qu'ils avaient ressenti la soudaine envie de construire un banc circulaire blanc autour d'un arbre de leur jardin avant de se rendre à l'organisation qui étudie les jumeaux à l'université du Minnesota... université qui se situe conjointement dans deux villes dites jumelles, Minneapolis et Saint Paul. Je peux concevoir qu'il existe des gènes prédisposant à devenir pompiers, ou qui vous poussent à écouter tel ou tel genre de musique, mais je ne crois pas en l'existence de gènes «Betty» ou «Linda» ; pour moi, cela ressemble fort à une forme de connexion non locale. De même, dans ses expériences de télépathie Ganzfeld réalisées au Centre de recherche Rhine (et qui ont impliqué deux cents paires de participants), Richard Broughton a constaté que les liens d'esprit à esprit de loin les plus significatifs étaient ceux qui unissaient les mères et l'un de leurs enfants"(9).

Pourquoi ne pas envisager les esprits et les Esprits,  intriqués ?

 

(1)-Le livre des Esprits. A.Kardec

(2)-Spiritisme — Wikipédia (wikipedia.org)

(3)-L'Évangile selon le spiritisme — Wikipédia (wikipedia.org)

(4)-L'Evangile selon le spiritisme. A.Kardec

(5)-Etats modifiés de conscience. S.Déthiollaz et C.C.Fourrier

(6)- Compte rendu du Congrès spirite et spiritualiste international de 1889

(7)-L'arbre du choix. N.Canivenq

(8)-La conscience immortelle. O.Chambon et M-O.Riffard

(9)-Perceptions extrasensorielles. R.Targ