L'intériorité
St.Augustin nous livre une intériorité où apparaît le partage entre un moi et un toi à l'intérieur de moi. Un toi que dit-il, "je cherchais au dehors": "Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée ! Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais ! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas ! Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; tu m’as touché, et je me suis enflammé pour ta paix"(1).
V.Hugo nous fait part à la fois de la richesse et à la fois de la monstruosité de l'intériorité, "cette chose sombre que tout homme porte en soi" : "Faire le poème de la conscience humaine, ne fût-ce qu’à propos d’un seul homme, ne fût-ce qu’à propos du plus infime des hommes, ce serait fondre toutes les épopées dans une épopée supérieure et définitive. La conscience, c’est le chaos des chimères, des convoitises et des tentatives, la fournaise des rêves, l’antre des idées dont on a honte ; c’est le pandémonium des sophismes, c’est le champ de bataille des passions. À de certaines heures, pénétrez à travers la face livide d’un être humain qui réfléchit, et regardez derrière, regardez dans cette âme, regardez dans cette obscurité. Il y a là, sous le silence extérieur, des combats de géants comme dans Homère, des mêlées de dragons et d’hydres et des nuées de fantômes comme dans Milton, des spirales visionnaires comme chez Dante. Chose sombre que cet infini que tout homme porte en soi et auquel il mesure avec désespoir les volontés de son cerveau et les actions de sa vie !"(2).
Dans son intériorité, Mademoiselle Else navigue sur la temporalité, tantôt dans un ici, tantôt dans un ailleurs temporel : "Quelle magnifique fin de journée ! Le temps aurait été idéal pour escalader le Rosetta, jusqu'au refuge. Qu'il est majestueux, le Cimone, dressé dans ce ciel !... Nous nous serions mis en route à cinq heures. J'aurais eu mal au cœur, comme d'habitude. Après, ça passe... Il n'y a rien de plus sublime que de marcher dans l'aurore... L'Américain borgne, sur le Rosetta, avait l'air d'un boxeur. C'est peut-être à la boxe qu'on lui a crevé l'œil. J'aimerais assez me marier en Amérique, mais pas avec un Américain. Ou alors je me marie avec un Américain, et nous vivrons en Europe. Villa sur la Riviera, escalier de marbre plongeant dans la mer. Moi, étendue nue sur le marbre... Il y a combien de temps que nous étions à Menton ? Sept ou huit ans. J'en avais treize ou quatorze. Ah, nous connaissions des jours meilleurs, alors... C'était idiot de remettre notre ascension. Nous serions déjà rentrés. À quatre heures, quand je suis allée au tennis, cet exprès annoncé par Maman dans son télégramme n'était pas arrivé. Maintenant, peut-être, qui sait. J'aurais pu encore jouer largement un set... "(3).
Pour définir, ou plutôt approcher, ce qu'il faut entendre par intériorité, nous reprendrons le propos de E.Enriquez : "L'étude de l'intériorité et plus précisément du for intérieur pour reprendre ce vieux (1635) et bon terme que l'Eglise et les Juristes nous ont légué se révèle, d'emblée, fort périlleuse, le mot étant affecté d'une polysémie susceptible d'égarer les plus subtils prospecteurs. Tentons une première approximation. Tout homme doit être considéré comme un être singulier, original, irremplaçable ("le plus irremplaçable des êtres", dit le poète), créateur dont la vraie nature réside au plus profond de lui-même, là où lui seul peut avoir accès (et encore: Freud a bien montré à quel point l'être humain était souvent dirigé par des forces dont il ne pouvait avoir aucune connaissance directe car elles agissaient sur "l'autre scène", la scène de l'invisible et des désirs refoulés). Le for intérieur désignerait donc cette instance intime, lovée au creux de l'être, où sont conservés des grands et petits secrets vécus comme des trésors. Lacan parlait du "trésor des signifiants" ; il avait raison, il faudrait, en plus, pour être complet, évoquer le trésor des signifiés. Cette caverne d'Ali Baba signe, pour tous, la recherchée et impossible coïncidence de soi à soi"(4).
"L'invisible et les désirs refoulés "feraient-ils de la recherche d'une intériorité une entreprise "fort périlleuse" : "En effet, comme l'expression d'Arnim le donne à voir, c'est nous qui cherchons mais nous ne savons pas, que tapies au plus profond de l'être, habitent les pulsions canalisées ou refoulées qui exigent satisfaction. Comme l'écrit Freud, "la pulsion refoulée ne cesse jamais de tendre à sa satisfaction complète qui consisterait en la répétition d'une expérience de satisfaction première" et elle nous "presse, indomptée, toujours en avant" (Goethe). Les pulsions, les passions interdites nous cherchent et nous obligent à être ce que nous n'avions jamais pensé être. Ainsi même lorsque l'homme est créateur, il doit se rendre compte de son impossibilité à apprivoiser totalement celui qui est simultanément son ennemi et son ami intérieur : l'inconscient. Freud, dans L'inquiétante étrangeté, compare les deux termes d'Heimlich, familier et d'Unheimlich, étranger, angoissant. Ces deux termes sont fort intéressants pour notre étude. Heimlich connote le familier, le confortable mais aussi ce qui est caché, dissimulé. Si on suit Schelling qui dit que Unheimlich serait "ce qui aurait dû rester caché, secret, mais qui se manifeste", alors on comprend qu'Unheimlich ne se réfère pas seulement aux choses qui nous font peur : la mort, et le retour des morts, le sexe de la femme (vu comme dangereux pour les hommes), le pouvoir des individus maléfiques, et toutes autres croyances qui survivent en nous ; mais aussi au familier (à ce qui était connu depuis longtemps) qui n'est devenu étranger et inquiétant que du fait du processus de refoulement. Il est maintenant plus facile de percevoir à quel point il peut être risqué de s'en aller sonder les profondeurs de l'âme: on peut réveiller un familier, qui n'avait pas été refoulé pour rien, et qui revient sous une forme inquiétante, faire resurgir des croyances anciennes que l'on espérait définitivement enfouies, et redonner aux pulsions toutes leurs forces archaïques"(4).
Mais on ne saurait borner l'interrogation sur l'intériorité aux dimensions visibles. M-F.Bel, docteur es sciences en neurobiologie, écrit : "Au cours du siècle dernier, les connaissances de l'Homme et de l'Univers ont considérablement évolué. L'exploration de l'infiniment petit et de l'infiniment grand a permis de dépasser la vision restreinte du monde, prisonnière de la perception de nos sens. Le concept selon lequel «tout est énergie» apporte me nouvelle appréhension, parfois paradoxale, de la réalité de l'Univers : la substance matérielle est essentiellement composée de vide habité par des particules en perpétuel mouvement vibratoire (proton, neutron, électron, quark...). Alors que la mécanique quantique et la relativité restreinte caractérisent l'infiniment petit, et la relativité générale l'infiniment grand, la physique s'achemine, vraisemblablement, vers une théorie unique pour décrire l'Univers dans son ensemble. Parallèlement, physiologie, biochimie, biophysique, biologie cellulaire ou moléculaire ont fait reculer de nombreux mystères de la nature humaine. L'exploration du vivant, de la cellule à l'homme, de la molécule aux systèmes enzymatiques, de l'ADN aux virus, de la génomique à la dynamique des populations, des nanosciences à l'imagerie micro et macroscopique, permet à la médecine de poser des diagnostics de plus en plus précis et des traitements de plus en plus sophistiqués. La compréhension de la physique quantique derrière les réactions biochimiques, qui procèdent d'échange d'électrons, de liaisons intermoléculaires, de transmission d'informations électromagnétiques sera une nouvelle étape pour inscrire la biologie dans la théorie unique de l'Univers… Quant à la vision du monde matérialiste, elle a littéralement explosé depuis que la physique a montré l'équivalence entre Matière et Énergie et découvert l'existence du vide quantique, ce qui lui permet d'accéder progressivement à la connaissance des mondes subtils. La biologie va être amenée, aussi, à admettre que le corps humain ne se limite pas au corps physique mais existe grâce à un champ d'énergie qui appartient à un continuum d'énergies constituant le vide quantique. Dans ce contexte, l'Homme est inexorablement en marche vers une nouvelle conscience à la croisée des chemins entre une science objectivable et la connaissance d'une autre Réalité… L'appréhension de cette autre Réalité constitue le fondement de différentes traditions, qu'il s'agisse de l'Égypte pharaonique, de l'hindouisme, du bouddhisme, de la tradition chaldéenne, des écoles initiatiques de l'Antiquité (Platon, Aristote), du soufisme ou, plus récemment, des courants ésotériques (théosophique, anthroposophique, rosicrucien… le corps humain… ne se limite pas au seul corps physique perçu par les sens. Ce corps se compose de plusieurs couches ou corps subtils décrits par différentes écoles initiatiques"(5).
A la suite, M-F.Bel nous invite à découvrir l'homme et ses différents corps : "Selon le référentiel choisi, le corps humain est composé du corps physique et de six corps subtils /véhicules /enveloppes non perçus par les sens qui se différencient par leurs niveaux vibratoires. Ces corps ont un même axe central et leur étendue est d'autant plus vaste que leur niveau vibratoire est élevé. La «matière vibratoire» qui les compose est de même nature que celle qui compose différents plans de l'Univers… Le corps physique est le seul perceptible directement par nos sens. Ramené à sa constitution la plus élémentaire, il se réduit à du carbone, de l'oxygène, de l'hydrogène, de l'azote, quelques éléments minéraux et des oligoéléments. De ce point de vue, ce corps matériel appartient au règne minéral. Le corps éthérique permet l'organisation des composants élémentaires de la matière en cellules, structures, organes… Les corps physique et éthérique sont partagés avec le règne végétal… Le corps astral ou corps émotionnel permet à l'Homme de percevoir et d'interagir avec son environnement. Il est le support des émotions et des sentiments… Les corps physique, éthérique et astral sont partagés avec le règne animal. Le corps mental permet la conscience de Soi, la pensée, l'intellect. Il est le support du raisonnement. Les trois autres corps (le corps causal, le corps bouddhique, le corps atmique) sont plus difficiles à appréhender, leur étendue est liée au développement spirituel de l'individu. Le corps causal est le siège de la spiritualité… Il sert d'antenne /réceptacle à la conscience cosmique et permet «l'actualisation» des causes qui conditionnent notre existence. Le corps bouddhique est le siège de l'intuition. Son développement permet l'illumination et le contact avec des entités de différents règnes, notamment avec les guides spirituels. Le corps atmique qui met en contact avec le plan ultime de la conscience cosmique (volonté spirituelle de l'Homme) permet d'accueillir les forces divines et de les transmettre"(5).
Il est intéressant de rapporter ce regard sur la multidimensionnalité de l'intériorité et sur la présence du corps et de la personne en lien avec une approche scientifique de l'Univers. Le cheminement suivi vers la conscience de l'intériorité s'avère multiple, et sans doute en rapport avec les orientations données par les différentes dimensions des différents corps, dans ce sens on peut parler d'une intériorité vécue comme un retour vers une corporéité. Nous voulons rapporter en parallèle le propos de M-A.Descamps sur la démarche suivie en Gestalt-thérapie, parce qu'il nous dévoile autant de chemins à suivre vers l'intériorité : "Devenir conscient de tout ce qui se passe en soi, seconde par seconde, établir un continuum de conscience. Ceci entraîne une réforme totale de notre rapport au monde, une ré-éducation pour bien percevoir et bien communiquer. Elle porte sur les cinq niveaux de l'homme : neurovégétatif, moteur, sensoriel, sentimental et intellectuel. – neurovégétatif: Cela commence par une découverte et une récupération de toutes les sensations internes neurovégétatives. Pouvoir ressentir le volume interne de la bouche, du nez, des poumons, le battement du sang dans les veines et les artères, dans le cœur. Sentir son ventre et sa digestion, savoir quand on a vraiment faim ou soif. Retrouver le sens intérieur du temps pour pouvoir évaluer l'heure avec précision. – moteur : Les sensations motrices débutent avec le tonus corporel, il convient de constamment être conscient du niveau de contraction des différentes parties de son corps. Et puis de sa position : la question : «Comment est ton corps ?», qui fuse sans cesse, permet de prendre conscience de ce que veulent dire un dos voûté, un ventre sorti, une tête penchée, des bras croisés sur la poitrine, etc. – sensoriel : Les sensations externes sont bien connues et on les croit bien utilisées, mais il y a un très long entraînement à faire pour pouvoir reconnaître des feuilles d'arbre (ou des tissus) rien qu'à leur toucher et bien distinguer le lisse, le satiné, le velu, le rêche, le râpeux, le grenu, etc. Et il en est de même pour bien sentir des odeurs, les goûts et les sons. Il s'agit d'arriver à sentir vraiment, c'est-à-dire à retrouver la sensation pure, vierge, originale. Pour y arriver un long travail de double purification doit être entrepris et mené à bien. – sentimental : Il est bien plus difficile de connaître ses émotions et ses vrais sentiments. Aussi demande-t-on constamment : « Comment te sens-tu ? Qu'est-ce que tu vis ? », et la réponse est trop souvent : « Bof », ou : « Je n'en sais rien. » Nous ne nous autorisons pas à reconnaître notre haine, notre amour, notre ennui ou notre joie. – intellectuel : Les procédés intellectuels sont aussi à découvrir. On peut avoir une pensée lente, inhibée, porteuse ou réfléchie, vive, rapide, logique... De nombreux tics de parole sont en rapport avec les procédés et les modes de fonctionnement de la pensée"(6).
En poursuivant notre cheminement vers l'intériorité, nous avons rencontré ce terme dont l'usage s'est de plus en plus répandu : l'acédie. A la lecture du texte de J-G.Xerri, nous nous sommes interrogés sur ce qu'il y a d'irrémédiablement, d'inévitablement et d'universellement ressenti dans ce tourment : "«On n'a jamais trop su ce que j'avais. Mais quand j'ai lu Houellebecq, je me suis dit que je n'étais pas le seul comme ça», me disait un homme venu me consulter. «Comme ça», c'est probablement le caractère acédiaque puisque ce qui caractérise les personnages de ce romancier célèbre, c'est qu'ils manifestent de nombreux symptômes de l'acédie. De nombreuses manifestations d'une neurasthénie de masse sont observables aujourd'hui, de façon systémique et individuelle : lassitude, mélancolie, surmenage, hyperactivité, activisme, instabilité, ennui, déprime, fascination pour le bien-être. Mais aussi pulsion de changer de vie, de maison, de travail, de partenaires, perte du goût de ses amis, impossibilité de finir un livre, procrastination, vagabondage incessant des idées, etc. Cette neurasthénie pousse à sans cesse changer de lieu, sous peine de perdre son temps et sa peine. Elle convainc que rien n'a de sens, ne vaut le coup, que sa vie n'a pas d'utilité ni de fécondité. On ignore le mal, on s'occupe pour s'occuper, on ne tient pas en place et en même temps on n'avance pas. On bouge pour tromper l'ennui et pour se tromper soi-même. On hait le présent et on désire ce qui ne l'est pas. Avoir l'impression de ne jamais être à sa place, de ne pas arriver à la trouver, se demandant même s'il en existe une pour soi. Être plongé dans un quotidien dont on ne voit pas l'intérêt. Éprouver des douleurs morales, mais sans trop savoir pourquoi, sinon en ressassant les mêmes pensées coupables ou accusatrices. Fuir dans l'hyperactivité, la futilité, les écrans, les plaisirs artificiels, la dépression ou la violence. Revenus de tout, riant de tout, ne croyant plus en aucun absolu, pour tuer le temps on voyage, on consomme, on se distrait, on papillonne, on zappe, on se gave de considérations futiles et superficielles, on s'étourdit de sons et d'images ; certains de ceux qui en ont, s'investissent exagérément dans leur travail. Mais tout ça remplit difficilement une vie. Beaucoup le ressentent. Certains en souffrent. Cette neurasthénie a un nom : l'acédie. Elle est une maladie de la démesure, par minimalisme ou maximalisme. Elle est en profondeur une atonie de la vie intérieure"(7).
J. Le Roy appelle cet état inconfortable vivre en exil : "Vivre en exil, c'est essentiellement vivre avec un manque chevillé au corps, une aspiration à un ailleurs, un désir d'un au-delà. Nos désirs se portent vers les objets du monde : gloire, argent, pouvoir, sexe, par exemple, mais au bout du compte nous constatons que ces biens terrestres ne peuvent complètement satisfaire notre manque profond. C'est un constat que les philosophes ont fait depuis l'antiquité : nous en voulons toujours davantage. Dès qu'un désir est satisfait, un autre apparaît, plus puissant encore, nous entraînant dans un cycle sans fin. Tous les objets (matériels ou immatériels) qu'un homme ou qu'une femme peuvent atteindre sont forcément limités ; même l'homme le plus riche du monde ne peut tout acheter avec sa fortune : il ne peut s'offrir ni la vie éternelle par exemple, ni la santé, ni l'amour sincère. Alors pourquoi continuons-nous de désirer si le désir nous conduit à expérimenter une insatisfaction ? C'est, je crois, qu'au cœur de tous nos désirs vers des objets limités se cache un désir vers un objet infini". Le remède à l'exil pourrait être le retour à soi. J. Le Roy écrit : "Revenir à soi-même signifie d'abord, dans le contexte de la psychologie, coïncider avec son moi authentique, et se libérer d'influences étrangères. Ainsi je reviens à moi-même lorsque je retrouve une harmonie avec mes désirs profonds, mes aspirations propres au lieu d'être asservi aux volontés des autres ou de la société. Ce mouvement de retour est libérateur car il me délivre d'influences qui ont trop de poids dans ma vie… En ce sens, faire retour en soi-même signifie connaître ce qui nous rend heureux, ce qui nous épanouit. Ce chemin commence donc par une écoute de notre vraie personnalité, parfois refoulée sous les diktats et les normes sociales, souvent étouffée par les peurs enracinées dans l'enfance. Cette meilleure connaissance de nous-mêmes nous permettra ensuite d'aller vers davantage d'autonomie, de créativité, d'expression, et donc de joie et de sens… Ce retournement porte le nom d'épistrophé dans la philosophie grecque, mot qui désigne exactement un mouvement de retournement de 180°. On le trouve chez des philosophes importants de la tradition occidentale comme Platon ou Plotin. Dans la spiritualité chrétienne, c'est le mot «conversion» ou «inversion» qui traduit cette volte-face vers l'intériorité. Par conversion alors, il ne faut pas entendre un simple changement de religion mais un basculement intérieur vers l'intime de soi. En Orient, ce mouvement de retournement est très présent aussi dans l'hindouisme, le bouddhisme ou le taoïsme. Le mot qui correspond à ce retournement est en sanskrit (la langue des philosophes indiens) «paravritti» qui signifie un mouvement de retour… Il existe…de nombreuses voies de retour vers notre pays natal. Certaines passent par le corps (yoga, taï chi), d'autres par la méditation silencieuse (zen), ou l'oraison (christianisme) ou l'hésychasme (orthodoxie) ; d'autres encore s'appuient sur le questionnement philosophique (advaita vedanta hindou, platonisme, shivaïsme du Cachemire) ou sur l'énergie (alchimie taoïste interne, kundalini hindoue). On trouve aussi des voies qui utilisent des mantras, des chants, des répétitions du nom de Dieu (dhikr soufi, japa hindou), des danses (saura soufi) ou encore l'art. Certaines voies nécessitent une vie monastique, d'autres ne sont pas incompatibles avec une vie séculière...Bref, les chemins vers l'être intérieur sont multiples, et sans doute même y a-t-il autant de voies que d'individus en marche vers le Soi"(8). Nous ajouterons seulement : la Plénitude de soi, pour rappeler en parallèle le titre de l'ouvrage de D.Bohm : la Plénitude de l'univers.
1-Confessions X, 27.Saint Augustin
2-Les misérables. V.Hugo
3-Mademoiselle Else. A.Schnitzler
4-Approches du for intérieur. E. Enriquez
5-Corps subtils, science et médecine. M-F.Bel, chercheur à l'Inserm
6-Corps et psyché. Histoire des psychothérapies par le corps. M-A.Descamps
7-(Re)vivez de l'intérieur. J-G.Xerri
8-Retour à soi, retour au Soi. J. Le Roy