L'ordre des choses
Ce qui nous amène à poser la question: y a t-il un ordre des choses que nous n'aurions pas perçu ? Et son corollaire : l'ordre des choses est perçu comme tel, mais qu'en est-il ?
Aux portes de l'étrange, pour reprendre le titre de la collection, nous nous sommes intéressés au texte de B. Spalding : "Ce qui existait avant le commencement de la conscience est éternel. Ce que l'humanité pense est variable et inconsistant. Ce qui existait avant le commencement de la conscience est la Vérité. Ce que les hommes pensent n'est vérité que pour eux. Quand ils prendront conscience de la Loi de Vérité, cette loi supprimera toutes les pensées erronées de l'humanité. A mesure de leur écoulement, les siècles repoussent le voile matériel par le processus de l'évolution. En même temps, certaines idées se font jour dans la pensée de l'humanité et la font revenir vers la Vérité, ou, comme nous disons, vers le fait cosmique originel. Ces idées, qui remplissent la mémoire du passé, se confrontent aux faits du présent, et se nuancent d'après les prophéties de l'avenir. Dans l'ensemble, elles se tiennent nettement sur le chemin que parcourt la conscience évoluante de la race humaine… Quand les hommes ont été trop loin dans leurs créations personnelles, la grande loi de la Vérité Absolue intervient pour les ramener en face du plan originel. La loi cosmique, toujours polarisée dans le sens de l'égalisation, de l'équilibre, et de l'harmonie, ne permet donc jamais à la vie de s'égarer trop loin sur la tangente… Quand l'humanité pense, parle, et agit selon la loi de réalité, elle est forcément conduite vers la loi elle-même, c'est-à-dire vers la vérité… Le cycle au cours duquel les guides aveugles ont conduit la race aveugle dans un marais d'ignorance, de superstition, et d'illusion est en train de se clore rapidement. Ce marécage a été créé par les idées personnelles, et non par ceux qui s'efforcent de découvrir la vérité. La civilisation née des illusions et des superstitions des derniers siècles s'engloutit elle-même dans le marécage. Une nouvelle conscience raciale a été conçue et grandit rapidement sous le stimulant des souffrances et du tragique désordre des créations humaines. En fait, la porte s'ouvre toute grande à cette nouvelle naissance"(1). Etonnamment nous avons trouvé un écho à cette conception d'un ordre -pour le moins moral- qualifié ici de "Vérité Absolue", dans l'ouvrage de S.Pinker : "Aux yeux des auteurs qui ont remarqué des reculs de la violence, leur abondance et le fait qu'ils se déroulent sur tant d'échelles de temps et de grandeur sont apparus comme un phénomène auréolé de mystère. James Payne a évoqué la tentation de se référer à «l'œuvre d'une puissance supérieure», ainsi qu'à un processus qui paraît «presque magique». Robert Wright n'est pas loin de succomber à cette tentation, lorsqu'il se demande si le déclin de la concurrence à somme nulle est une «preuve de divinité », le signe d'un «sens divinement conféré », ou relève d'une histoire ayant un «auteur cosmique ». Je n'ai pour ma part pas trop de mal à résister à cette tentation, mais je suis d'accord sur le fait que la profusion d'ensembles de données reflétant des tendances plus ou moins régulières à la baisse constitue une énigme qui mérite qu'on s'y attarde. Que devons-nous penser de cette impression que l'histoire humaine contient un poteau indicateur pointant dans une certaine direction? Où se situe au juste ce poteau, sommes-nous en droit de nous le demander, et qui a pu le placer là? Et si cet alignement d'un si grand nombre de forces historiques dans un sens bénéfique n'est pas l'œuvre d'un peintre d'enseignes divin, peut-il corroborer l'existence d'une certaine forme de réalisme moral -l'idée que les vérités morales existent quelque part, et que c'est à nous de les découvrir, tout comme nous découvrons les vérités de la science et des mathématiques?"(2).
Explorant un autre aspect de l'ordre des choses nous nous sommes interrogés sur le hasard -ou l'ordre des choses- dans l'Univers. Trinh Xuan Thuan apporte de stupéfiants éléments précis d'information dans le prolongement de ce questionnement : "Considérons par exemple la densité de matière de l'univers à son commencement. La matière exerce une force gravitationnelle attractive qui s'oppose à l'impulsion répulsive de l'explosion primordiale et ralentit l'expansion universelle. Si la densité initiale avait été trop élevée, l'univers se serait effondré sur lui-même au bout d'un million d'années, d'un siècle ou même d'un an. Ce laps de temps aurait été trop court pour que l'alchimie nucléaire des étoiles puisse produire les éléments lourds nécessaires à la vie et à la conscience. En revanche, si la densité initiale de matière avait été insuffisante, la force de gravité aurait été trop faible pour que les nuages d'hydrogène et d'hélium s'effondrent sous leurs masses et donnent naissance à des étoiles. Sans étoiles, adieu aux éléments lourds et à la vie ! Tout s'est joué sur un équilibre extrêmement délicat. La densité initiale de l'univers doit être réglée avec une précision de l'ordre de 10-60. En d'autres termes, si l'on changeait la densité initiale d'un chiffre après soixante zéros, l'univers serait stérile : ni vous ni moi ne serions là pour en débattre. La précision stupéfiante du réglage de la densité initiale de l'univers est comparable à celle que devrait montrer un archer pour planter une flèche dans une cible carrée d'un centimètre de côté qui serait placée aux confins de l'univers, à une distance de quelques 14 milliards d'années-lumière. Une précision à couper le souffle !... Il faut savoir que le réglage de la composition de l'atmosphère terrestre dépend aussi, en fin de compte, du réglage des constantes fondamentales et des conditions initiales de l'univers… Voyons ce qui advient quand nous varions une constante fondamentale. Augmentons par exemple de quelques pour cent la valeur de la constante qui contrôle l'intensité de la force nucléaire forte : les protons, noyaux d'hydrogène, ne pourront plus rester libres. Ils se transformeront en noyaux lourds en se combinant avec d'autres protons et neutrons. Sans hydrogène, adieu eau, molécules d'ADN et vie. Des étoiles pourront se former, mais elles s'éteindront vite, faute de carburant d'hydrogène. Diminuons un peu l'intensité de la force nucléaire forte. Nous versons alors dans l'excès contraire : aucun noyau autre que celui d'hydrogène ne pourra survivre. Les noyaux d'hydrogène ne pourront plus fusionner pour brûler en hélium. Les réactions nucléaires ne pourront plus se déclencher et les éléments lourds nécessaires à la vie et à la conscience ne feront plus leur apparition. Nous pouvons multiplier les exemples. La conclusion est toujours la même : les calculs de modèles d'univers montrent que le moindre changement — même infime — d'une constante physique ou d'une condition initiale aurait fait évoluer l'univers de façon totalement différente, sans qu'il produise les éléments lourds nécessaires à la vie et à la conscience (fondée sur la chimie du carbone)"(3).
En introduction nous posions la question : y a t-il un ordre des choses que nous n'aurions pas perçu ? C'est pour une part à cette question que répond la théorie du chaos. La théorie du chaos est un principe qui s'applique à ce que les mathématiciens appellent les "systèmes dynamiques". Dans son article, Carlos Serrano écrit : "La théorie du chaos a posé un défi majeur à la physique classique, qui est guidée par les lois de Newton. Selon ces lois, si les conditions initiales d'un objet sont connues, son comportement futur peut être prédit avec une relative facilité. En d'autres termes, ce sont des lois déterministes. Grâce à Newton, par exemple, il est possible de prédire le mouvement des planètes, ou la trajectoire d'une balle. En principe, les lois de Newton stipulent que si vous disposez de données parfaites, vous pouvez faire des prédictions. Mais en pratique, la théorie du chaos nous dit que, puisqu'il est impossible d'avoir des données parfaites, après un certain point, il devient impossible de faire des prédictions. La théorie du chaos prévient que de très faibles variations initiales dans le temps rendront les prédictions impossibles. "La théorie du chaos est révolutionnaire parce qu'elle dit que même pour la physique newtonienne, il peut y avoir des cas où, en principe, le déterminisme est vrai, mais où, en pratique, le système semble se comporter de manière aussi imprévisible qu'un jeu de dés", explique à BBC Mundo Paul Halpern, professeur de physique à l'université des sciences de Philadelphie, aux États-Unis. La théorie du chaos est un principe qui s'applique à ce que les mathématiciens appellent les "systèmes dynamiques". Un système dynamique est un ensemble d'événements qui changent ou évoluent dans le temps, comme l'état de la météo ou la population d'une ville. Lorsqu'un tel système est très sensible aux variations des conditions initiales, on l'appelle un système chaotique. Mais même si le chaos fait paraître les choses aléatoires, désordonnées ou imprévisibles, la vérité est que le chaos crée des modèles"(4). A propos du hasard, H.Poincaré écrit : "Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard. Si nous connaissions exactement les lois de la nature et la situation de l'univers à l'instant initial, nous pourrions prédire exactement la situation de ce même univers à un instant ultérieur. Mais, lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrions connaître la situation qu'approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c'est tout ce qu'il nous faut, nous disons que le phénomène a été prévu, qu'il est régi par des lois; mais il n'en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux ; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit"(5).
Jetant un autre regard sur le concept d'ordre et d'Etre, V.Zartarian reconsidère l'histoire de la relation au réel : "Consciemment ou pas, c'est cette ontologie sous-jacente de l'Être qui a conduit à réifier l'espace, le temps, la nature, et à abstraire des formules mathématiques qui les relient. De là toute la physique classique, relativité comprise. La physique quantique est née ensuite de la tentative d'intégrer des observations qui ne cadraient pas avec les théories classiques, comme le paradoxe onde-particule. Le choc épistémologique fut violent, au point que de nombreux physiciens ont immédiatement jugé la théorie défaillante, à commencer par Einstein lui-même. Sauf qu'elle a passé avec succès toutes les épreuves expérimentales qu'on lui a fait subir. Comme on ne pouvait tout bonnement la jeter à la poubelle parce que, tout de même, "ça marche", comme aucune révolution conceptuelle n'émergeait pour produire une théorie alternative plus compréhensible, et comme on avait quand même du mal à l'accepter comme vraie, les physiciens se sont efforcés de lui trouver des interprétations réalistes. Sans grand succès nous l'avons vu. C'est que de nombreux phénomènes révélés par la théorie résistent furieusement à toutes ces tentatives de mise en cage : indéterminisme, principe d'incertitude, a causalité, non-localité, etc. Bref, on en est réduit à manier les équations, constater la correspondance des prédictions avec les observations, faire "comme si" tout ça se déroulait dans un cadre réaliste. Mais sans y regarder de trop près parce qu'alors on serait obligé de s'avouer qu'on ne comprend pas grand chose et d'avoir à remettre en cause quelques préconceptions profondément enracinées. Il est un fait que si l'on commence à ouvrir le capot qui cache cette mécanique incroyablement efficace, on ne peut manquer d'être pris de vertige : la matérialité du monde se disloque, sa réalité même devient évanescente, le non-Être tend à prendre la place de l'Être. La pensée défaille devant ce qu'elle n'est pas apte à concevoir"(6).
Dans les lignes suivantes c'est à une autre appréhension du monde qu'il nous convie : "On emploie souvent l'expression vision du monde pour parler de la façon dont on se représente la réalité (idem en anglais avec le mot worldview). C'est dire la prééminence de la vision pour modeler nos représentations et nos expériences. Les effets de cette façon de considérer les choses sont très concrets. Sont réels des objets, caractérisés par leur étendue dans un espace tridimensionnel, leur impénétrabilité (deux objets ne peuvent occuper la même portion d'espace), leur connexité (un objet n'occupe pas deux portions d'espace disjointes, sauf à être constitué de plusieurs éléments, auquel cas il n'est plus un objet à proprement parler mais un ensemble d'objets), leur relative permanence (tout objet a un début et une fin entre lesquels il existe). Un tel objet peut se déplacer, se déformer, mais il lui est interdit de se dématérialiser pour reparaître ailleurs sous la même forme ou une autre. À quoi ressemblerait le monde si nous projetions sur lui des concepts dérivés de l'audition et non plus de la vue ? Pour commencer il n'y aurait plus d'objets tels que je viens de les définir mais plutôt des événements, des processus. Parce que ce n'est plus la permanence qui est mise en exergue, c'est la transformation. Sans cesse, des "objets sonores" apparaissent, se transforment, disparaissent. Leur durée de vie est généralement très brève, tellement que l'on perçoit davantage le changement que la continuité, comme les vaguelettes et les tourbillons sur une eau courante".
La lecture de Tout est relié nous incite à une autre worldview, cette fois à travers une intelligence végétale : "Les plantes n'ont pas de cerveau, pas de système nerveux. Mais sont-elles, pour autant, dépourvues d'intelligence ? Charles Darwin écrivait déjà en 1882, dans La Faculté motrice dans les plantes: «Il n'est guère exagéré de dire que l'extrémité de la radicule ainsi dotée, et ayant le pouvoir de diriger les mouvements des parties contiguës, agit comme le cerveau des animaux inférieurs». Pour le botaniste italien Stefano Mancuso, la radicule (l'extrémité de la racine) est comme une «tête chercheuse» et émet des signaux —y compris via des neurotransmetteurs comme le GABA ou la sérotonine— comparables à ceux des neurones dans le cerveau des vertébrés. Or une plante adulte possède des centaines de millions de telles radicules, et ce réseau est donc comparable à un cerveau"(7). A la suite, nous citons quelques extraits empruntés à cet ouvrage : "Pour aller au-delà, une plante doit démontrer une capacité à apprendre véritablement à partir d'informations mémorisées. C'est ce qui a été observé avec le phénomène de canalisation du transport de l'auxine (hormone de croissance) : les cellules en ayant déjà transporté en gardent une mémoire sous forme de modification membranaire, ce qui oriente et augmente le futur flux de cette hormone. Mais d'autres expériences ont permis d'aller plus loin. Chercheuse à l'université d'Australie occidentale, Monica Gagliano a travaillé sur l'apprentissage et la communication des plantes. Elle a notamment montré que la fameuse Mimosa pudica, ou «sensitive», bien connue pour replier ses feuilles au moindre contact, cesse de le faire quand on la laisse tomber délicatement au sol à plusieurs reprises, et qu'elle en conserve la mémoire des semaines plus tard. La plante a identifié et mémorisé que cette chute n'était pas une menace pour son intégrité, mais elle replie immédiatement ses feuilles si l'on tente à nouveau de la saisir. Dans un article publié dans Nature, Monica Gagliano explique comment les plantules de pois de jardin sont capables d'apprendre par association, à partir d'un signal neutre, pour anticiper l'arrivée imminente de lumière et sa direction: «Les plantes encodent une information temporelle et spatiale et adaptent en conséquence leur flexibilité». Une autre étude a montré qu'une plante peut distinguer les vibrations produites par la mastication d'une chenille de celles produites par le vent ou par le «chant» d'un insecte. Et les vibrations émises par une racine attirent les autres racines... Monica Gagliano estime donc qu'il faut repenser la notion de cognition en dehors de celle de substrat cognitif (système nerveux), puisque ces comportements font bien l'objet de recherches cognitives… À l'échelle d'une forêt, Peter Wohlleben observe que «deux arbres sont connectés l'un à l'autre, comme un couple d'amoureux; ils prennent soin l'un de l'autre et poussent de façon à ne pas se gêner ». L'ex-ingénieur forestier, devenu spécialiste de La Vie secrète des arbres, poursuit: «Au niveau des racines, c'est l'inverse, ils sont complètement entrelacés, comme s'ils ne formaient qu'un. Et si l'un des arbres venait à tomber, l'autre mourrait très vite, comme un vieux couple». Les arbres forment ainsi «une petite société, avec ses couples, ses amis et ses familles ». Il y a même des «arbres-mères» qui allaitent véritablement leurs rejetons, leur transmettant du sucre par les racines. Ce fait a été confirmé par de nombreuses expériences scientifiques, conduites notamment au Canada. Suzanne Simard, enseignante-chercheuse à l'université de Colombie-Britannique, a démontré que les arbres communiquent entre eux. Si l'on couvre par exemple un pin, un bouleau et un cèdre de sacs en plastique, puis qu'on injecte du dioxyde de carbone marqué au carbone 14 dans le sac du bouleau, et du dioxyde de carbone marqué au carbone 13 dans le sac du pin, au bout d'une heure, le bouleau et le pin ont échangé leur carbone… en Afrique du Sud, le chercheur Wouter van Hoven a montré, dès 1984, que les acacias mangés par les antilopes koudous émettent de l'éthylène par leurs feuilles, qui se dépose sur les arbres voisins. Ceux-ci réagissent en augmentant fortement la sécrétion de tanin dans leurs feuilles, jusqu'à des doses mortelles pour les koudous. Le second dispositif est donc racinaire et emprunte également le réseau de mycélium. Cette partie végétative des champignons relie les racines d'arbres éloignés les uns des autres et leur permet d'échanger du carbone, de l'azote, du phosphore, du sucre, de l'eau, des hormones... Un troisième mode de communication passerait par les sons, les vibrations, les ultrasons, émis notamment par les racines. Des chercheurs israéliens ont ainsi identifié des «cris de détresse» émis dans la gamme des ultrasons par des plants de tomates et de tabac quand ils sont privés d'eau ou qu'une tige est coupée. Ce champ d'investigation est encore neuf, mais il est clair en tout cas qu'un arbre peut être connecté à des centaines d'autres, et ce réseau d'individus constitue finalement un vaste organisme. Dans un documentaire consacré à L'Intelligence des arbres, on découvre comment ils s'informent mutuellement d'attaques de parasites ou d'un manque d'eau. Ces situations provoquent un stress et peuvent activer une réponse génétique chez les autres individus, donnant lieu par exemple à la production d'une substance insecticide. Plus surprenant encore, Peter Wohlleben et Suzanne Simard ont montré que les souches ne meurent pas, car les congénères les alimentent en sucres. En effet, ces souches renferment une «mémoire» de la forêt, en conservant des informations relatives à des événements passés, comme des tempêtes ou des sécheresses. Si les plantes n'ont pas de système nerveux à proprement parler, l'activité électrique de la plante pourrait constituer un équivalent. Des recherches menées au laboratoire de l'Inra à Clermont-Ferrand ont montré qu'une électrode placée sur la tige d'un jeune plant et une autre dans le sol permettaient de mesurer une sorte d'électroencéphalogramme de l'arbre. Un tracé régulier apparaît, qui marque une chute brutale dès que l'on tord une feuille, ce qui n'est pas sans rappeler les travaux, controversés, de Cleve Backster dans les années 1960 avec son fameux « détecteur de mensonges». Catherine Lenne, chercheuse à l'Inra, évoque pour sa part les «muscles » de l'arbre qui se redresse après avoir subi une tempête. Avec beaucoup plus de poésie, le chercheur Ernst Zürcher écoute «battre le cœur des arbres» - un véritable «pouls cosmique» qui traduit les pulsations du tronc en fonction des marées, et donc de la Lune, qui influence également les pulsations des bourgeons".
En guise de conclusion nous citerons P.Trousson qui rappelle le dilemme manichéen du tiers exclu auquel pourrait se voir réduite l'approche de l'ordre des choses : "La logique employée dans cette science classique est toujours celle d'Aristote, c'est-à-dire celle du tiers-exclu : une variable, une entité, un concept est soit une chose soit une autre, mais pas les deux à la fois; il faut choisir. La lumière, par exemple, est soit une onde, soit un corpuscule. Une particule, un objet se situe précisément ici ou là mais pas approximativement entre les deux. On remarquera au passage que cette logique renforce le dualisme détecté ci-dessus, en empêchant toute troisième voie d'émerger. C'est la dictature du "soit... soit..." qui a conduit à des systèmes totalitaires manichéens comme nous en connaissons encore aujourd'hui. Il résulte de tout ceci que la science classique, c'est-à-dire celle d'avant la révolution quantique des années 1920, est dualiste, rationnelle, déterministe, objective, analytique et réductionniste (le tout se réduit à la somme des parties). "La science dite rationnelle n'est plus synthétique, estime Michel Maffesoli, mais analytique, annulant les réseaux de correspondance ou de similitude symbolique dont la causalité est dépréciée et transférée dans un ordre magique; cette réduction du monde du concret à l'abstraction de catégories mentales, suppose elle-même une opposition dualiste entre un sujet et un objet sans rapport l'un avec l'autre ( ... ) Rationalistes et empiristes restent prisonniers d'un dualisme, d'un principe de coupure ontologique, source de tous les faux problèmes ultérieurs". Cette science classique répond au scientisme banal. En effet, l'idée toujours présente en filigrane est qu'à un moment donné (l'instant oméga, la fin du monde, le Grand Soir, etc.), il sera possible de tout décrire, de tout expliquer par la science. La science classique se voulait ainsi omnisciente et omnipotente. Elle est devenue, en tous les cas, omniprésente au même titre que sa fille cadette, l'économie, qui submerge aujourd'hui toutes les activités humaines de notre type de société. Cette mentalité scientifique qui se veut neutre, uniquement en relation avec des faits quantitatifs et vérifiables et sans rapports avec la religion ou la culture, se trouve aujourd'hui infirmée par les faits eux-mêmes. Elle est en fait bel et bien liée à la culture qui l'a vu naître. Le matérialisme mécaniste qui fit sa force n'est plus aujourd'hui apte à répondre aux défis que nous lance l'univers. Son approche réductrice ne répond plus aux aspirations de connaissance de l'homme contemporain, qui s'aperçoit de plus en plus du besoin de se référer à un cadre culturel et à des valeurs non matérielles présentes dans des modes de connaissances autres que scientifiques"(8).
1-La vie des Maîtres. coll. Les portes de l'étrange. B.Spalding.
2-La part d'ange en nous. S.Pinker
3-Le monde s'est-il crée tout seul ? Ouvrage collectif
4-Science : que sont la théorie du chaos et l'effet papillon (et comment ils nous aident à mieux comprendre l'univers) ? - BBC News Afrique
5-Calcul des probabilités. H.Poincaré
6-Physique quantique. V.Zartarian
7-Tout est relié. R.Leterrier & J.Morisson
8-Le recours de la science au mythe. P.Trousson