Thème IV – Les échelles de gouvernement dans le monde depuis la fin de la SGM
Question II – L’échelle continentale : Le projet d’une Europe politique depuis le Congrès de la Haye de 1948.
Un cours fortement inspiré du travail de Mme Courregelongue ! Merci à elle !
Introduction :
L’Union européenne est aujourd’hui l’exemple le plus abouti de coopérations entre plusieurs Etats. L’aspiration à l’unité européenne est ancienne, mais ne commence à se réaliser concrètement qu’au lendemain de la SGM, sous la pression de nécessités liées à la reconstruction et au début de la Guerre froide. La communauté économique s’impose vite comme la structure la mieux appropriée pour réaliser l’intégration européenne. Dans le même temps, les projets d’union politique peinent à émerger et connaissent une alternance de succès et d’échecs, de relances et de crises.
Problématiques :
Pourquoi la construction européenne depuis 1948 marque-t-elle ne rupture à l’échelle du continent ?
Quelles ont été les étapes de l’Europe politique ?
I. La naissance d’un projet d’Europe politique de 1948 à 1954.
A. La renaissance de l’idée de construction européenne au lendemain de la guerre.
1. Un contexte favorable après la Seconde Guerre mondiale.
L’affaiblissement de l’Europe renforce après 1945 l’idée de la construction d’un projet européen afin de :
- Promouvoir la paix sur le continent,
- Ramener la prospérité économique.
La construction européenne doit également être observée dans le contexte des débuts de la Guerre froide :
- Les E-U ont besoin d’une Europe occidentale unie pour contenir le communisme de l’URSS.
Le rôle des mouvements « paneuropéens » et celui des pères fondateurs tels que Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, Paul-Henri Spaak en Belgique, Alcide de Gasperi en Italie.
2. Le Congrès de La Haye, point de départ de la construction européenne.
Le congrès de La Haye s’ouvre le 7 mai 1948, sous la présidence de Winston Churchill. Il rassemble pendant 3 jours près de mille personnes, et débouche sur une résolution :
- Adoption d’une Charte des droits de l’homme ;
- Mise en place d’une Cour de justice ;
- Instauration progressive de la libre circulation des hommes et des marchandises ;
- Création d’un Conseil de l’Europe.
3. Les premières institutions européennes.
- Création de l’OECE ou l’Organisation européenne de coopération économique, chargée de répartir et de gérer l’aide américaine (Plan Marshall).
- Le Conseil de l’Europe est officiellement mis en place le 5 mai 1949 à Londres (10 membres fondateurs : France, R-Y, Irlande, Belgique, P-B, Luxembourg, Italie, Norvège, Suède et Danemark). Son but est de renforcer l’union entre ses membres en multipliant les domaines de coopération et de promouvoir les droits de l’homme et les idées démocratiques.
Les Etats d’Europe se dotent pour la 1ère fois d’institutions communes : un Comité des ministres des Affaires étrangères, et une Assemblée formée de parlementaires de chaque pays.
B. Les positions qui structurent le débat depuis 1948.
Plusieurs conceptions s’affrontent depuis le Congrès de La Haye. Trois positions structurent le débat :
1. Les confédéralistes (ou unionistes ou souverainistes). Ils défendent une Europe fondée sur la coopération entre des Etats qui conservent leur pleine souveraineté : également appelés « unionistes ». Il se placent dans l’héritage du Concert des nations du XIXème siècle.
2. Les fédéralistes prônent au contraire un dépassement de l’Etat-nation par la création d’institutions supranationales placées à la tête d’une Etat fédéral européen.
3. Les fonctionnalistes sont proches des fédéralistes. Ils estiment que l’objectif d’une union européenne ne peut être atteint qu’en commençant par développer des solidarités économiques, ce qui entraînera à terme une forme d’intégration.
C. Les premières réalisations de 1951 à 1954.
1. 1951 : la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier).
C’est dans une optique « fonctionnaliste » que Jean Monnet (rappel : Commissaire général au Plan) propose en 1950, l’instauration de la CECA : une mise en commun des intérêts de la France et de la RFA, dans une coopération sectorielle hautement stratégique, et qui a vocation à être étendue aux autres pays européens. Ces pays sont invités à mettre en commun leur production houillère et sidérurgique, et d’en confier la gestion à une instance supranationale.
Le traité fondateur de la CECA est alors adopté le 18 avril 1951 par la France, la RFA, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Cela préfigure ainsi l’Europe des Six.
Au bilan, économiquement la CECA est un succès : elle permet une croissance spectaculaire de la production et des échanges entre six pays fondateurs. Politiquement, les Etats d’Europe sont désormais dotés d’une structure supranationale :
- la Haute Autorité, composée de 9 membres choisis par les gouvernements et présidée par Jean Monnet.
- Cette structure est assistée par le Conseil des ministres où sont représentés les gouvernements de chaque pays.
- Une Assemblée, où siègent des parlementaires de chaque Etat, assure un contrôle démocratique des décisions.
- Enfin, une Cour de justice tranche les différends.
3. 1954, l’échec de la CED (Communauté Européenne de défense)
Dans le contexte de la Guerre froide, la sécurité de l’Europe est un enjeu crucial. Dans le cadre de l’OTAN, les Etats-Unis souhaitent un réarmement de la RFA. D’où le projet de CED, signé entre les Six le 27 mai 1952. Les pays du Benelux et l’Allemagne le ratifient début 1954. L’Italie attend le vote du Parlement français.
En France, le débat sur la CED est vif. Les anti-CED se recrutent essentiellement chez les gaullistes, hostiles à l’abandon de la souveraineté militaire française et chez les communistes, hostiles à l’OTAN. Le 30 aout 1954, les députés français rejettent le projet de CED : c’est un échec cinglant pour les partisans de l’Europe.
II. Le projet européen en chantier entre crises et relances de 1957 à 1992.
A. Les débuts de la CEE de 1957 à 1969.
1. La relance de la construction européenne : les traités de Rome de 1957.
Après la démission de Jean Monnet de la Haute Autorité de la CECA, une relance du processus européen est entreprise à Messine en juin 1955.
En juin 1955, la conférence de Messine se tient pour relancer la construction européenne. Elle est nécessaire face à l'affirmation des deux « Grands », ainsi que face aux débuts de la décolonisation qui affaiblit les puissances coloniales européennes. Les ministres des Affaires étrangères des six (France, RFA, Italie, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) assistés des experts de la CECA font le choix de la construction européenne par l'élargissement de la coopération économique.
Le 25 mars 1957, les traités de Rome sont signés. Ils instituent :
- La CEE ou Communauté Economique Européenne qui a pour but de mettre ne place un marché commun avec une libre circulation des biens par la baisse progressive des tarifs douaniers et un tarif extérieur commun.
- La CEEA ou Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom).
2. Institutions inédites et premières réalisations de la CEE (Communauté Economique Européenne).
Schéma des institutions.
Des institutions complexes sont mises en place en 1958 – 1959. Il s’agit d’un compromis institutionnel. Le débat fédéralisme contre unionisme n’est pas tranché, les Etats membres gardent leur souveraineté :
- La Commission européenne (Membres nommés par les gouvernements nationaux) est un organe supranational de proposition de règlements et de directives au Conseil. Elle applique les traités, les décisions du Conseil et représente la CEE à l’extérieur. Le Conseil des ministres incarne les intérêts des Etats. Il prend les décisions à l’unanimité le plus souvent.
=> aucune directive ne peut être imposée à un État contre son gré ; plus rarement, on utilise la majorité qualifiée (2/3 des voix). En 1966, un accord permet à un État de s’opposer à une décision communautaire s’il estime ses intérêts vitaux menacés). À partir de 1974, un sommet européen des chefs d’État et de gouvernement renforce la concertation.
- le Parlement européen est essentiellement consultatif, même si ses prérogatives vont croître (il contrôle la Commission, donne son avis sur les propositions de celle-ci, il vote surtout le budget). Ses membres sont nommés par les Parlements nationaux puis, à partir de 1979, il est élu pour 5 ans au suffrage universel direct ; on peut alors parler d'élections européennes (chaque député représente la population européenne, non celle de son pays d'origine).
- la Cour Européenne de justice (CEJ) : supranationale, elle vérifie que les lois européennes (directives) sont conformes aux traités et est une cour de justice pour la CEE.
Les succès de l'intégration économique sont réels :
- organiser l’Europe de marché : disparition des barrières douanières intérieures achevée en 1968 pour obtenir un Marché commun. La Politique Agricole Commune (PAC) est instaurée en 1962 (ex. : préférence communautaire en matière de commerce agricole, garantie des prix et donc d'un revenu minimal pour les agriculteurs). Des entreprises communes à plusieurs États se développent, comme Airbus/EADS.
- créer une zone de stabilité monétaire : en 1971, crise monétaire avec la dévaluation du dollar des États-Unis et la fin de sa convertibilité en or => création du Serpent Monétaire Européen pour réduire les fluctuations entre les monnaies des pays membres, remplacé en 1979 par le Système monétaire européen (SME) pour stabiliser les taux de change.
- créer un espace de circulation : en 1985, l'accord de Schengen supprime les contrôles aux frontières des pays signataires.
3. Les premières dissensions : la CEE face à De Gaulle.
Charles de Gaulle revient au pouvoir en France en mai 1958. Bien qu'hostile aux premières organisations européennes, il accepte les engagements des traités de Rome de 1957, voyant dans la CEE un moyen de moderniser l'économie française. Menant une politique d'indépendance et de grandeur de la France, il est partisan d'une « Europe européenne » plus indépendante des États-Unis ; c'est pourquoi il rejette, en 1963 et 1967, l'adhésion du Royaume-Uni, jugé trop proche des États-Unis, et privilégie l'axe-franco-allemand en signant avec le chancelier Konrad Adenauer un Traité d'amitié et de coopération dit Traité de l'Élysée (22 janvier 1963). De Gaulle est hostile à l'Europe supranationale. Face au projet du président de la Commission européenne de renforcer les pouvoirs de celle-ci et de réclamer le vote à la majorité qualifiée au Conseil (qui pourrait forcer les États à accepter des décisions qu'ils ne soutiennent pas), la France bloque le fonctionnement de la CEE en 1965-1966 en pratiquant la « politique de la chaise vide ». En 1966, on parvient au Compromis du Luxembourg : pour les questions importantes, le vote se fera à l'unanimité.
B. Une construction européenne en panne dans les années 1970.
1. La CEE face à la crise.
En 1969, le départ de De Gaulle permet une nouvelle relance de la construction européenne à la Conférence de La Haye. Mais, les initiatives prises dans les années 1970 (élargissement, approfondissement) n’empêchent pas l’Europe politique de « tomber en panne » du fait de la crise économique. En effet, jusqu’aux années 1970, la construction européenne s’est faite dans le climat économique des Trente Glorieuses. La crise change la donne car les politiques économiques divergent.
2. 1979 : le blocage anglais.
Le Royaume-Uni demande dès 1974 une renégociation du traité d’adhésion à la CEE, obtenant une baisse de la contribution anglaise au budget européen. En 1979, Marguerite Thatcher exige une nouvelle baisse de la contribution britannique ainsi qu’un remboursement : « I want my money back ! »
3. La réforme des institutions.
- en 1974 : création d'un Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement (4 réunions par an) chargé de définir les priorités de la construction européenne et de faire entendre la voix de l'Europe). Il devient l'instance majeure de la CEE.
- en 1979 : élection au suffrage universel direct du Parlement européen (mais ses pouvoirs restent limités), dont la première présidente est la Française Simone Veil.
C. Elargissement et approfondissement de la construction européenne dans les années 1980.
1. De nouveaux élargissements.
La question de l’élargissement de la Communauté européenne est à nouveau posée au milieu des années 1970 avec la candidature de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal, qui viennent de renouer avec la démocratie. L’adhésion de la Grèce est effective le 1er Janvier 1981, les adhésions espagnole et portugaise, le 1er janvier 1986.
2. L’Acte Unique de 1986 : relance l’Europe.
En 1986 – 1987, Jacques Delors, président de la Commission relance la construction européenne avec l’Acte unique européen, ratifié par les parlements nationaux, entre en vigueur le 1er janvier 1987. L’objectif principal du texte est de faciliter la libre circulation des marchandises, des hommes, des capitaux et des services à l’intérieur de la Communauté, dans le cadre d’un marché unique à l’horizon 1993. Il pose le principe d’une union économique et monétaire.
Cela suppose une harmonisation des législations et des normes nationales dans la fiscalité, les protections sociales… Il est prévu que les décisions au sein du Conseil européen, soient proses, non plus à l’unanimité mais à la majorité qualifiée et que les compétences de la Commission et du Parlement soient élargies. A la CEE se substitue donc progressivement une réelle Union, dotée d’une dimension politique.
III. L’UE met en œuvre l’approfondissement du projet européen de 1992 à nos jours.
A. La mise en place de l’UE et ses enjeux.
1. Le traité de Maastricht en 1992.
En décembre 1991, l'URSS s'effondre : c'est la fin de la « Guerre froide ». La construction européenne peut s'étendre à l'ensemble du continent, et se réoriente vers l'Est.
Le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, crée l’Union européenne et met œuvre l’Acte unique européen. Il repose sur trois piliers :
- La communauté européenne et le Parlement européen qui décident et appliquent ;
- La politique étrangère et de sécurité commune ou PESC qui vise la substitution de la simple coopération à une vraie politique commune, voire à une défense commune. Mais elle relève des seuls Etats et non des procédures communautaires.
- La coopération policière et judiciaire (CPJ)
Le Conseil européen devient le moteur de l'Union européenne : il réunit les chefs d’État et de gouvernement pour les décisions fondamentales. Le Conseil de l’Union (ministres des États membres) adopte, avec le Parlement, les règlements et directives (c'est la co-législation). Ils se prononcent sur les propositions de la Commission européenne, responsable devant le Parlement, la Cour de justice et Cour des comptes. Le Parlement est donc renforcé : avis, coopération et codécision avec le Conseil de l’Union.
2. L’extension progressive des compétences de l’UE.
Le traité de Maastricht étend les compétences de la Communauté à la politique étrangère, à la monnaie (Banque centrale européenne en 1998 puis euro en 1999 et 2002), la défense (création de Eurocorps). Il met en place une citoyenneté européenne qui reconnaît aux étrangers ressortissants de l’UE le droit de vote aux élections locales.
De plus, le traité de Maastricht relance des coopérations sectorielles. Le programme Erasmus mis en place en 1987 a pour objectif de créer un espace européen de l’éducation : harmonisation des cursus et des diplômes de l’enseignement supérieur et échanges d’étudiants. Ce programme est un véritable succès car 20 000 étudiants bénéficient du dispositif en 1989 – 1990 et 100 000 dix ans plus tard.
D’autres secteurs ont connu de réelles avancées, comme la politique des transports, devenue réellement européenne, ou la coopération industrielle. La PAC et les politiques d’aide au développement des régions en retard continuent de mobiliser l’essentiel du budget européen (80 %).
B. La dimension internationale du projet européen : faire de l’UE une puissance mondiale.
L’effondrement du communisme en Europe bouleverse fondamentalement la construction européenne, qui s’est historiquement faite contre le bloc soviétique. Celle-ci passe progressivement de douze à vingt-huit membres :
- 1995 : adhésion de l’Autriche, la Suède, la Finlande ;
- 2004 : adhésion de Chypre, de Malte puis 8 pays de l’ancien bloc soviétique (PECO : Pays d’Europe Centrale et Orientale) : République Tchèque, Slovaquie, Pologne, Hongrie, Slovénie, Estonie, Lettonie, Lituanie,
- 2007 : adhésion de la Roumanie et la Bulgarie,
- 2013 : adhésion de la Croatie.
L'Union européenne s'étend actuellement sur un territoire continu comportant 28 États et presque 500 millions d'habitants sur plus de 4 millions de km2. Il faut rajouter à cet ensemble sept régions ultrapériphériques géographiquement éloignées du continent mais partie intégrante de certains États membres (quatre départements français d'outre-mer, Madères, les Açores, les îles Canaries) et 21 pays et territoires d'outre-mer associés à l'Union européenne sans en faire partie.
Du fait de son dynamisme et de son statut de pôle de la Triade, l'UE exerce un fort pouvoir attractif sur ses voisins. À l'inverse de ce qui peut transparaître dans les médias et au niveau du débat politique actuel, essentiellement centré sur l'intégration de la Turquie à l'Union européenne, il y a en fait beaucoup de candidats à l'adhésion : cinq candidats officiels (Turquie, Macédoine, Monténégro, Albanie, Serbie) mais aussi trois potentiels (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Moldavie) qui devraient amener l'Union européenne à plus de trente membres dans une dizaine d'années, à moins qu'elle ne tourne radicalement le dos aux principes des traités de Rome. Mais cette politique ne fait pas consensus : les États membres n'ont pas tous les mêmes logiques géopolitiques, ni les mêmes conceptions quant à ceux qui doivent ou peuvent appartenir ou non à l'entité européenne. Pour adhérer, les pays candidats doivent remplir certaines conditions depuis 1993 et le sommet de Copenhague : régime démocratique stable, respect des droits de l’homme et des minorités, capacité à adopter l’acquis communautaire (lois et règlements européens), avoir une économie de marché viable. L’adhésion de la Turquie fait débat au sein de l’UE.
C. Les difficultés de l’UE.
1. Un bloc continentale qui manque de cohérence et les limites des institutions européennes.
Avec les élargissements successifs, un débat sur les institutions est indispensable : problème du poids respectif des petits et des grands États dans les décisions, manque de transparence du fonctionnement des institutions, débat sur la supranationalité face à la souveraineté nationale => les traités d’Amsterdam en 1997 et de Nice en 2001 tentent d'améliorer le fonctionnement de l'Union (extension du vote à la majorité qualifiée avec un nombre de voix proportionnel à la population des États) mais sans réforme fondamentale. Le système politique européen est lent, complexe et mal compris par les citoyens européens => d'où une participation faible aux élections européennes.
Un projet de traité constitutionnel européen est élaboré par l'Union européenne pour améliorer son fonctionnement et le rendre plus démocratique. Une partie des opinions publiques et les souverainistes y voient au contraire un projet non démocratique et supranational. En 2005, la France et les Pays-Bas rejettent par référendum ce traité constitutionnel. L'Union adopte alors difficilement, en 2007, le « traité simplifié » de Lisbonne reprenant l’essentiel du projet précédent (ex. : renforcement du rôle des parlements nationaux et européen, droit d'initiative permettant aux citoyens d'inviter la Commission à présenter des propositions législatives, création d'un président du Conseil européen et d'un haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité...).
Le traité de Lisbonne prévoit l'extension des clauses d'exception : des États membres peuvent soit déroger, soit renforcer leurs coopérations
=> certains États refusent, en effet, d'adopter l'euro (ex. : Royaume-Uni), de prendre part aux accords de Schengen de ratifier l'ensemble de la Charte des droits fondamentaux (instituée en l'an 2000) : elle assure à tout ressortissant d'un pays membre la liberté de circuler, d'étudier, de travailler dans l'Union (+ droit de vote et d'éligibilité aux élections européennes et locales du pays de résidence) ...
=> C'est une « Europe à la carte » : Royaume-Uni, Suède et Danemark, notamment, hors de la zone euro (19 pays membres en 2013) ; Royaume-Uni, Irlande, Chypre, Roumanie... hors de l’espace Schengen ; Danemark hors de l’Europe de la Défense.
L'Union demeure un « nain » diplomatique et militaire : pas de réelle politique étrangère commune comme le montrent les fortes divergences en 2003 sur la 2ème guerre du Golfe, sur les crises syriennes et libyennes ou sur la crise des réfugiés. L'Union européenne n'est pas membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, elle y dépend de la France et du Royaume-Uni. Sans armée, elle a besoin de l’OTAN.
Survenant après la crise financière mondiale de 2008-2009, la crise de la dette publique de la zone Euro à partir de 2010, qui est avant tout une crise de la gouvernance européenne et de la monnaie unique, oppose les pays méditerranéens (Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Chypre, voire France) en grande difficulté, aux partenaires d'Europe du Nord et, particulièrement, à l'Allemagne, puissance européenne de plus en plus dominante, qui impose, avec les marchés financiers, la Commission européenne, la BCE et le FMI, une politique d'austérité à laquelle les opinions publiques d'Europe du Sud sont de plus en plus violemment hostiles.
2. L’UE : un projet remis en cause ?
Des doutes sont fréquemment émis sur le caractère démocratique des institutions européennes, sur le manque de transparence et la complexité des processus de décision. En effet, les opinions publiques se méfient de plus en plus de l'Union : crise économique grave, institutions jugées (souvent à juste titre) opaques, complexes et peu démocratiques, dénonciation, à gauche ou à l'extrême droite, d’une Europe libérale « de la finance et des patrons », montée du populisme... Beaucoup ne veulent pas ou plus « payer pour les autres [pays] » ; certains réclament la sortie de l'euro
Plus largement, l’Union européenne n’a pas su se fonder sur un principe de légitimité qui soit lui soit propre. Pour la plupart des « citoyens » de l’Union, la légitimité appartient aux Etats.
Le Traité de Maastricht avait été adopté à une très courte majorité (51 %) et la constitution européenne est rejetée par 55 % des électeurs français. Ces scores soulignent la montée du sentiment eurosceptique en Europe de l’ouest. Les populations ont le sentiment que l’UE de plus en plus libérale ne les protège plus contre la concurrence, contre le dumping social et fiscal pratiqué par les pays de l’est du continent ou par les pays émergents. De nombreux souverainistes accusent l’UE d’être "l’idiot utile de la mondialisation" : au nom de la libre concurrence, elle laisserait les entreprises étrangères détruire les industries et les emplois du continent.
Les partis anti-européens progressent à chaque élection : le Front National en France, le parti UKIP au Royaume-Uni. . .
Même si l’UE continue à s’étendre (28 membres en 2016), même si la mise en circulation de l’euro a été un succès, le projet européen est en crise. L’Europe n’est pas parvenue à devenir une puissance politique.
Conclusion :
A partir de 1948, les Etats européens ont décidé de s’unir pour la paix, la démocratie et le progrès économique et social. De nombreuses initiatives ont été prises pour y parvenir. Pourtant, plus de soixante ans après le Congrès de la Haye, si les Européens ont réussi à construire une union économique, ils ont pour l'heure échoué à édifier une Europe politique qui reste encore en partie au stade du projet. Les réalisations semblent encore décevantes par rapport aux ambitions affichées. De plus, alors que la construction européenne paraît irréversible, elle ne parvient pas à susciter un véritable sentiment européen. Force est en effet de constater qu’aucun projet politique n’existe aujourd’hui et sans projet politique, il est vain de réfléchir sérieusement à des questions liées aux frontières de l’Europe, à l’existence d’une identité européenne ou au renforcement de la légitimité démocratique de l’Union. La perte de sens de la construction européenne étant une réalité depuis une bonne dizaine d’années, la question se pose de savoir si l’Union européenne peut repartir de l’avant et peut retrouver le désir d’un destin commun.