Thème III - Le siècle des totalitarismes.
Genèse et affirmation des régimes totalitaires (soviétique, fasciste et nazi)
Introduction :
En Europe, au lendemain de la Première Guerre mondiale, trois régimes politiques d’un type nouveau apparaissent, les historiens et les philosophes qualifieront plus tard de « régimes totalitaires ». Il s’agit de l’Italie sous Mussolini entre 1922 et 1945, de l’URSS sous Staline entre 1924 et 1953 et de l’Allemagne sous Hitler entre 1933 et 1945.
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Raymond Aron, philosophe français propose 5 critères qui permettent de définir un régime totalitaire. C’est un régime qui se caractérise par :
- un seul parti est autorisé (on parle d’un parti unique)
- l’idéologie du parti unique devient l’idéologie officielle de l’Etat
- l’Etat détient le monopole des moyens de violence (pour assurer la répression politique) et propagande (pour diffuser son idéologie)
- l’Etat contrôle toutes les activités économiques et professionnelles
-l’Etat exerce une terreur policière et idéologique envers les résistants/opposants.
Hannah Arendt (1906-1975), philosophe américaine considère que contrairement au régime autoritaire classique qui se limite à un territoire déterminé, un régime totalitaire est à la recherche d’une domination totale et sans limite
Problématique :
Quels points communs et différences peut-on relever entre les trois régimes totalitaires, à la fois dans leur mise en place et leur fonctionnement ?
I. La mise en place des régimes totalitaires.
Pourquoi des régimes totalitaires sont-ils apparus en Europe ?
A. L'impact de la révolution d'octobre 1917 et la guerre civile en Russie.
1. Lénine pose les bases d'un nouveau régime
En octobre 1917, une révolution éclate en Russie lors de laquelle les bolcheviks (nom des communistes en Russie) prennent le pouvoir : Lénine est à la tête du pays et impose une dictature. La guerre civile oppose entre 1918 et 1921, les « Rouges » (camp des communistes) aux « Blancs » (camp de partisans de l’ancien régime tsariste). Elle se solde par une victoire des Rouges et l’instauration de la « Terreur rouge » c’est-à-dire une politique de répression envers ceux que les communistes considèrent comme des ennemis.
En 1924, Lénine meurt et une bataille de succession s’engage entre les leaders communistes.
2. L'ascension de Staline : l'élimination des rivaux par le meurtre.
Staline parvient à s’imposer dans cette guerre de succession en deux temps. Il prend d’abord la tête du PCUS en 1924 puis il élimine politiquement et physiquement tous ses concurrents notamment Trotski avant de s’imposer définitivement à la tête de l’Etat soviétique en 1928. La prise du pouvoir de Staline est donc non seulement illégale mais elle est, en plus violente.
B. Les frustrations liées à la "victoire mutilée" et aux révoltes en Italie.
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Proposition de correction
En 1919, lors de la signature du traité de Versailles, l’Italie est parmi les vainqueurs. Elle, qui avait commencé la guerre aux côtés de l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, a rejoint la France et le Royaume-Uni en 1915 parce qu’ils lui avaient promis des territoires. La promesse faite est partiellement tenue en 1919. De nombreux Italiens dénoncent une « paix mutilée ». Ils revendiquent des territoires austro-hongrois qui ne leur sont pas tous accordés. Ces territoires : Fiume, Dalmatie, Valona où vivent d’importantes minorités italophones entretiennent une agitation nationaliste.
Celle-ci se double d’une agitation sociale. L’Italie connaît des grèves dans les usines et dans les grandes exploitations agricoles. Cette agitation entretien la peur d’une révolution communiste.
Pour casser ces grèves, Mussolini met à disposition des patrons, la milice (groupe armé non officiel) qu’il a fondé en 1919 : les « faisceaux de combat ». Grâce à cela, il obtient la confiance des catégories dirigeantes et organise un coup de force : le 28 octobre 1922, il fait défiler les fascistes dans les rues de Rome : c’est la « marche sur Rome ». Le roi Victor Emmanuel III prend peur et nomme Mussolini, Premier ministre. L’arrivée au pouvoir de Mussolini est donc légale : il a été investi de ses fonctions par le roi, conformément à la constitution d’alors.
C. Les traumatismes liés à la défaite et à la crise économique en Allemagne.
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Proposition de correction
Le 9 novembre 1918, l’empereur Guillaume II abdique et la République est proclamée. Le 11 novembre, celle-ci signe l’armistice, ce qu’une partie des Allemands n’accepte pas car le territoire n’est pas envahi. Le 28 juin 1919, l’Allemagne signe le traité de Versailles qui impose des conditions dures : perte de 20 % du territoire (qui est coupé en deux par le corridor de Dantzig), démantèlement de la flotte maritime, occupation française des régions minières de la Sarre et versements d’argents pour les dommages de guerre. Une grande partie des Allemands considère que ce traité est un « diktat ».
Le traité de Versailles plonge l’Allemagne dans une sévère crise économique et sociale qui s’amplifie avec la crise de 1929. Dans ce contexte, le NSDAP, qui n’est encore qu’un minuscule parti, tente un coup d’Etat à Munich en 1923 (mais il échoue et Hitler est emprisonné jusqu’en 1928). A sa sortie de prison, Hitler engage son parti, le NSDAP dans la conquête légale du pouvoir. Il diffuse une propagande visant démocrates, juifs et communistes, rendus responsables des maux de l’Allemagne. La crise accroît son audience et en 1932, le NSDAP devient le premier parti d’Allemagne. Le 30 janvier 1933, Hindenburg, président de la République, fait de Hitler son chef de gouvernement : il le nomme chancelier. L’arrivée au pouvoir des nazis est donc légale et démocratique.
Les régimes totalitaires naissent des conséquences de la PGM : des troubles qu’elle génère, des frustrations ou des traumatismes qu’elle induit et qui constituent un terreau favorable à leur mise en place.
II. Des régimes qui présentent certains points communs.
A. Des régimes où un seul parti et un seul chef triomphent.
1. Un parti unique.
Dans les régimes totalitaires, un seul parti est autorisé : la démocratie est donc mise à mort puisqu’il n’y a plus de pluralisme politique c’est-à-dire la possibilité de choix entre plusieurs partis. En Allemagne, tous les partis politiques sont interdits et dissous entre février et août 1933 : ne demeure que le NSDAP dont le symbole est la croix gammée. En Italie, seul le Part National Fasciste (PNF) est autorisé à partir de 1925 au moment des lois fascistissimes qui transforment la monarchie italienne en une véritable dictature. En Russie-URSS, depuis la révolution d’octobre 1917, seul le parti communiste est autorisé.
2. Le culte du chef.
Chaque régime politique fait de son chef l’unique dépositaire de son idéologie. Mussolini, Hitler et Staline jouissent d’une autorité charismatique (c’est-à-dire d’un pouvoir qui se fonde sur les qualités supposées extraordinaires d’un homme) et se présentent comme seuls capables de comprendre le peuple. Dans ce cadre, le projet idéologique qu’ils imposent ne peut être discuté : ce que le chef veut est ce que le peule veut. Se développe alors un véritable culte de la personnalité où le chef est présenté comme infaillible et entièrement dévoué au peuple. Presse, cinéma, édition, art : tout concourt à cette image.
Chaque chef a les pleins pouvoirs. Mussolini est le Duce (le guide), Hitler est le Führer : guide et chef. Staline est surnommé le Vodj (guide) ou le Petit père des peuples.
B. Des régimes où la population est embrigadée et endoctrinée.
Dès leur mise en place, les régimes totalitaires créent des organisations de jeunesse : Œuvre nationale Balilla en Italie, Pionniers et Komsomols en URSS, jeunesse du peuple et jeunesse hitlérienne en Allemagne. En contrôlant les activités des enfants, elles les soumettent à l’idéologie du régime. C’est une politique essentielle pour les totalitarismes. Elle a pour but de mobiliser dès le plus jeune âge et de permettre ainsi la naissance d’un homme nouveau. Cet endoctrinement ne se limite pas à la jeunesse car tout au long de la vie, la population est endoctrinée par la propagande.
C. Des régimes où la police politique exerce une terreur de masse.
Les totalitarismes font disparaître toute liberté, tout Etat de droit, toute opposition organisée. Une terreur de masse est exercée. La police politique est omniprésente et a une efficacité redoutable. Cette police politique se nomme le NKVD en Russie-URSS, OVRA en Italie et la Gestapo en Allemagne. Elles fabriquent de fausses preuves, procèdent à des arrestations arbitraires, des tortures, des déportations et des exécutions. Ces outils répressifs sont complétés par une réseau de camps de travaux forcés comme le Goulag en URSS ou les camps de concentration nazis en Allemagne.
Les régimes totalitaires présentent des caractéristiques communes : le monopole de l’exercice du pouvoir par un parti et un chef, l’embrigadement et l’endoctrinement des populations et l’usage de la terreur de masse.
III. Des régimes qui présentent néanmoins des différences.
A. Des régimes aux idéologies incomparables.
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Proposition de correction de l’activité ci-dessous.
1. Le communisme, un totalitarisme de classe.
En URSS, l’idéologie met en avant le rôle du PCUS comme moyen d’exercice du pouvoir par le peuple : c’est ce que les communistes appellent la « dictature du prolétariat » (régime où le pouvoir est exercé de façon violente et autoritaire par le prolétariat, c’est-à-dire les ouvriers et les petits paysans exploités par la bourgeoisie). L’objectif final de cette dictature est l’avènement d’une société sans classes (expression communiste désignant les groupes au sein d’une société : prolétaires et bourgeois) par la destruction de la bourgeoisie (classe sociale à éliminer selon les communistes car elle possède les moyens de production donc d’exploitation du prolétariat). Le stalinisme est donc un totalitarisme d’extrême gauche centré sur la dictature du prolétariat.
2. Le fascisme, un totalitarisme d’Etat.
En Italie, l’idéologie met en avant le rôle de l’État en tant qu’autorité politique et morale suprême sur les individus, qui doivent se plier à cette autorité. Pour Mussolini, l’État fasciste ne se conçoit donc pas comme une somme d’individus ayant des droits : en cela, l’État fasciste est fondamentalement antidémocratique. Derrière cette idéologie, se cache chez Mussolini la volonté de restaurer la grandeur de l’Italie, comme à l’époque de l’Empire romain : il veut recréer une « mare nostrum » (nom latin donné à la mer Méditerranée par les Romains dans l’Antiquité) en procédant à des conquêtes militaires : en 1936, par exemple, il envahit et annexe l’Albanie puis la Libye et l’Éthiopie afin de prendre pieds sur les deux rives de la Méditerranée. Le fascisme est donc un totalitarisme d’extrême-droite centré sur la grandeur, sur la primauté de l’État.
3. Le nazisme, un totalitarisme de race.
En Allemagne, l’idéologie met en avant la supériorité de la race aryenne vis-à-vis des races dites « inférieures » (dont les Juifs). L’Aryen est forcément fort et pur alors que le Juif est corrompu est nuisible : il met en danger la pureté de la race aryenne car il est perçu comme un parasite qui s’infiltre dans le corps social. L’idéologie nazie est donc fondamentalement raciste (adjectif désignant la conviction de l’inégalité des races) et plus particulièrement antisémite (adjectif désignant la haine des juifs). Le nazisme est donc un totalitarisme d’extrême-droite centré sur l’inégalités des races.
B. Des régimes où l'usage de la terreur est différent.
Régime nazi
Régime stalinien
Régime fasciste
Camps de concentration pour les opposants politiques, les homosexuels et les Juifs
Discriminations
Pogroms
Centres de mise à mort (Auschwitz)
=> 7 à 8 millions de morts
Famines provoquées (Ukraine en 1932)
Déportations dans le Goulag
=> 20 millions de morts
Arrestations
Tortures
Déportations (Camp des îles Lipari
Exécutions sommaires d'opposants
=> Milliers de victimes.
C. Des régimes où le rapport à la guerre n'est pas le même.
L'Italie fasciste et l'Allemagne nazie sont des états agressifs. Mussolini annexe l'Albanie, la Libye, et l'Ethiopie. Hitler annexe l'Autriche en 1937, les Sudètes en 1938 et la Bohême Moravie en 1939. Ils vont signer le pacte d'acier Rome-Berlin qui scelle leur alliance diplomatique et militaire. Le 25 août 1939, Staline et Hitler signent le pacte de non-agression germano-soviétique qui prévoit qu'aucune des Etats ne devra attaquer l'autre (+ démantèlement de la Pologne). Lorsque débute la Seconde Guerre mondiale, les 3 régimes totalitaires sont donc dans le même camp.
Les régimes totalitaires présentent des caractéristiques incomparables : leurs idéologies n'ont absolument rien à voir ce qui justifie par conséquent un usage de la terreur et un rapport à la guerre différents.
Conclusion.
Bien qu'ils présentent des points communs, les 3 régimes totalitaires ne sont pas entièrement comparables car ils présentent également d'importantes différences. Pour cette raison, il est préférable de parler de "régimes totalitaires" au pluriel que d'utiliser le concept de totalitarisme au singulier qui laisserait penser que ces régimes sont similaires.