2ème partie - Les espaces maritimes : une approche géostratégique
Introduction :
Le contrôle des mers et océans a souvent été une des clés de la puissance. Aujourd'hui, les 71 % de la surface du globe recouverts de mers et d'océans constituent un enjeu géostratégique majeur (c'est-à-dire qu’ils permettent de s’assurer une position dominante sur un territoire, notamment en cas d’affrontement militaire). L’amélioration des techniques de navigation et de prospection en mer contribue à intégrer rapidement les espaces maritimes à l’espace économique et politique mondial. Ces espaces sont à la fois des lieux d'échanges, des sites de ressources et des lieux stratégiques...Ils peuvent donc être à l’origine de tensions.
Problématique :
· Pourquoi les espaces maritimes suscitent-ils des convoitises et des tensions engendrées par la mondialisation?
I. Des espaces convoités pour de multiples raisons.
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A. Le vecteur fondamental des échanges mondiaux
1- Des échanges essentiellement maritimes
Echanges de marchandises : La majorité des flux transcontinentaux de marchandises transitent par les espaces maritimes : le transport maritime assure 90% du commerce mondial en tonnage.
Ø Ce trafic s'effectue pour l'essentiel sous la forme de conteneurs disposés sur des porte-conteneurs.
Ø Les hydrocarbures sont transportés par des supertankers (pétrole) et des méthaniers (gaz)
Les flux humains sont également considérables. Dans les pays du Sud, notamment en Indonésie ou dans le golfe de Guinée, le transport maritime de passagers reste important. À cela s'ajoutent les flux de migrants légaux et illégaux (ex Méditerranée) ainsi que les transports touristiques, avec le développement des croisières, notamment en Méditerranée ou dans les Caraïbes.
2- Le rôle accru des façades maritimes
Cela renforce la littoralisation et le rôle des façades maritimes ; les puissances commerciales dépendent de la voie maritime. Les façades maritimes sont donc des lieux clés de la mondialisation. Les principales façades maritimes sont celles de l'Asie orientale, de l'Amérique du Nord-Est et de l'Europe de l'Ouest (avec le « Northern Range » du Havre à Hambourg) ; on observe un basculement du trafic (X3 au niveau mondial en 40 ans) et des activités portuaires vers l’Asie Pacifique (Singapour Chine Corée Japon) cf Shanghai Pusan, baie de Tokyo)
Une hiérarchie des grands ports : Parmi ces façades maritimes s'affirment de très grands ports à conteneurs. huit en Asie orientale (Singapour, Hong Kong). Dans ce contexte, les 33 pays enclavés (ne disposant pas de côte) sont handicapés dans leur intégration au sein de l'espace mondial.
3- D’ autres réseaux transcontinentaux : cables et tubes :
D'autres réseaux traversent les océans. Par exemple, certains oléoducs et gazoducs, comme celui entre l'Algérie et l'Espagne. Il existe également des réseaux de câbles qui supportent le trafic de la bande passante Internet.
B. Les espaces maritimes recèlent des ressources
1- Des ressources vivantes : ressource halieutique (poisson), parfois menacée par la pêche industrielle et la pression démographique (la surpêche peut entraîner la mise en place de quotas : ex thon rouge en Méditerranée). Les principales zones de pêche se trouvent au large de la côte ouest de l'Amérique, à l'est de celle de l'Asie, au nord-ouest de celle de l'Europe. D’autres utilisations de la mer (algoculture, aquaculture) renforcent la pression sur les zones littorales
2- Des ressources énergétiques et minières : fort potentiel en ressources fossiles (22 % des ressources d’hydrocarbures) ;la recherche pétrolière et gazière off-shore est ancienne dans le Golfe du Mexique, le Golfe persique, la mer du N et Caspienne mais de nouvelles zones apparaissent(Brésil, Angola, Arctique, Mer de Chine)
En matière de production, les espaces maritimes fournissent aujourd'hui environ 30 % de la production de pétrole et 27 % de la production de gaz.
Un Intérêt récent pour l’énergie de la nature : vent, houle et courants marins: éoliennes de mer et hydroliennes . Le Royaume Uni et le Danemark sont fortement équipés.
C. Un enjeu militaire et stratégique essentiel
1- Des espaces stratégiques à contrôler
Canaux et détroits : Les flux empruntent des routes et des points de passage obligés (canaux et détroits) souvent sensibles (piraterie, terrorisme).
Détroits : Gibraltar, Malacca, le Bosphore, les Dardanelles, Ormuz sont autant de points de passage pour les flux de matières premières. Il en va de même pour le canal de Suez et celui de Panamá (contrôlé par les EU).
2- Les puissances maritimes
Les États qui veulent compter sur la scène internationale doivent donc avoir une politique maritime. C’est par les mers et océans que les forces militaires d’intervention se déplacent. Leurs navires, notamment les porte-avions, deviennent des bases avancées. Enfin, les sous-marins des forces de dissuasion nucléaire utilisent les profondeurs des fonds océaniques pour se déplacer et se dissimuler.
Les grandes puissances entretiennent une marine militaire afin d’intervenir en cas de crise politique internationale et de protéger les routes maritimes et les lieux de passage obligé. Les flottes militaires sont aussi un révélateur de la puissance des Etats par leur coût et les technologies sophistiquées qu’elles nécessitent.
On ne compte que quatre marines capables d’assurer une intervention sur des territoires éloignés ( Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et, dans une moindre mesure, Italie) et cinq possédant des sous-marins à propulsion nucléaire (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France, Chine).
II. Des tensions possibles.
A. A qui appartiennent les espaces maritimes ?
La possession des espaces maritimes est un enjeu majeur. Depuis 1994, les espaces maritimes sont strictement définis :
· Jusqu'à 200 milles marins, s'étend une zone économique exclusive (ZEE). L'État en question peut y exploiter les ressources maritimes, mais doit garantir la libre circulation des navires originaires des autres États.
· Les eaux internationales : Le reste des espaces maritimes est constitué par les eaux internationales, qui sont considérées comme la propriété d'aucun État. La circulation y est totalement libre. Ces partages résultent de concertations internationales dans le cadre de l'ONU. Ces négociations ont été longues et difficiles. La conférence sur le droit de la mer s'est ouverte en 1973, mais les accords de Montego Bay n'ont été signés qu'en 1982 et appliqués qu'en 1994.
B. Des conflits et des différends frontaliers
Les réglementations ne règlent que partiellement les tensions entre les Etats qui cherchent à « territorialiser » les espaces maritimes afin d’en exploiter les ressources et de contrôler les routes empruntées par les navires. →Des zones maritimes sont contestées
ex en Asie du Sud-Est : doc 2 p 147 : dans la mer de Chine méridionale, la Chine revendique des espaces maritimes également réclamés par d'autres États voisins: Il s'agit de contrôler des îles pouvant servir de point d'appui, comme les Spratly ou les Paracel, mais aussi d'importants gisements offshore d'hydrocarbures. Etats concernés : République populaire de Chine, le Viêt Nam, les Philippines, la Malaisie et Brunei, Indonésie. Les intérêts des différentes nations sont l'acquisition de domaines de pêche pour les deux archipels, l'exploitation de gisements de pétrole et de gaz naturel pour les îles Spratleys, et la maîtrise d'une position stratégique.
Ex dans l'Arctique : doc 1 p 147 : contestations entre Norvège, Russie, Danemark (par le Groenland) Canada et EU. Là encore, l'enjeu réside dans la maîtrise des ressources supposées en hydrocarbures.
III. Des espaces fragiles et difficilement contrôlables
A. Trafics et zones grises
1- Le problème de la piraterie
Les espaces maritimes ne sont pas totalement sous le contrôle des États. Certains d'entre eux font partie des « zones grises » de la planète. C'est le cas des zones d'action de la piraterie. Il s'agit des espaces au large de la Somalie et du Yémen, du détroit de Malacca et du golfe de Guinée.
2- Les trafics illégaux
Parmi les flux qui parcourent les espaces maritimes, on compte également les trafics illégaux. Armes, drogues, trafics d'êtres humains transitent par voie maritime. Ces réseaux sont très actifs en mer de Chine ou même en Méditerranée.
3- La question des paradis fiscaux
Souvent de petites îles, ils facilitent le blanchiment d’argent et peuvent donner des pavillons de complaisance
B. Des milieux menacés
1- Menaces sur l'environnement
Les espaces aquatiques sont particulièrement sensibles aux problèmes environnementaux : marées noires (Erika en Bretagne en 1999, explosion d'une plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique en 2010).
On évoque aussi un nouveau continent de déchets dans le Nord-est du pacifique, entre la Californie et Hawaï : les déchets produits par les activités humaines sont acheminés par les courants marins vers un nouveau "continent" dont la taille atteint près de 3,5 millions de km² ! (6 fois la France!)
2- L'épuisement des ressources :
Certaines ressources maritimes sont particulièrement sensibles. Les hydrocarbures ne sont pas renouvelables, Les ressources halieutiques s'épuisent rapidement et leur protection n'est pas toujours respectée ( Japonais acceptent difficilement l'arrêt de la pêche à la baleine par ex).
3- Les menaces climatiques
Les espaces maritimes seraient également très affectés par le réchauffement climatique. Certains espaces maritimes de l'Arctique deviendraient des mers libres, ce qui rendrait possible l'affirmation de nouvelles routes nautiques.
Conclusion :
Les espaces maritimes sont donc des lieux clés de la mondialisation, dont ils mettent en évidence les enjeux. Les concurrences entre les différents acteurs des espaces maritimes ne peuvent cependant faire oublier que seule une gestion concertée pourra garantie une sécurisation de ces espaces fragiles.