Thème II : Décolonisation et construction de nouveaux Etats.
Comment les Etats colonisés construisent-ils leurs indépendances ?
Question obligatoire : L'Afrique subsaharienne, du milieu des années 1950 à la fin des années 1980.
Introduction :
L'Afrique subsaharienne correspond aux Etats du continent situés au Sud du Sahara soit " l'Afrique Noire". Du milieu des années 1950 aux années 1980, les peuples colonisés s'émancipent selon des modalités différentes allant de la négociation à la guerre. De nouveaux Etats naissent et s'affirment avec plus ou moins de facilité sur la scène internationale.
Problématiques :
Comment s'est déroulée l'émancipation de l'Afrique subsaharienne ?
A quels défis les nouveaux Etats indépendants sont-ils confrontés ?
I. L'accès à l'indépendance en Afrique subsaharienne.
A. Les "facteurs cumulatifs de l'émancipation".
Les revendications anticolonialistes sont aussi anciennes que la colonisation, et certaines aboutissent entre les deux guerres mondiales (Egypte, Irak…). Mais au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le contexte est devenu plus favorable à la décolonisation :
- Les puissances coloniales (métropoles) sortent affaiblies de la SGM.
- Mobilisées et exploitées, pendant les deux guerres mondiales, les colonies estiment avoir payé « l’impôt du sang » et des mouvements nationalistes réclament l’indépendance souvent au nom de grands principes forgés par les colonisateurs.
- L’émergence de deux superpuissances (E-U et URSS) joue en faveur de l’émancipation des peuples car elles s’opposent toutes deux à la colonisation, tant pour des raisons idéologiques que pour des raisons stratégiques.
- La création de l’ONU jour un rôle important car « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » contenu dans la Charte de San Francisco (1945) plaide pour l’accession à l’indépendance.
L’anticolonialisme c’est l’hostilité à toute forme d’exploitation des ressources et d’une population d’un territoire par un Etat étranger.
La décolonisation est un processus par lequel un peuple colonisé devient indépendant.
B. Une première vague massive et apaisée de décolonisation.
L’Afrique subsaharienne s’inscrit dans un processus déjà entamé en Asie dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1955, la conférence de Bandung permet aux nouveaux Etats notamment asiatiques issus de la décolonisation de prendre la parole et de condamner le maintien du colonialisme en Afrique.
La 1ère vague du processus de décolonisation négocié et pacifique est souvent citée comme modèle d’émancipation. Pour autant, les scénarios sont différents d’un Etat à l’autre.
Le Ghana s’émancipe de la tutelle britannique en 1957, suivi par la Guinée en 1958.
Ces exemples contagieux amènent la France à accélérer le processus notamment avec l’arrivée au pouvoir en 1958 du général De Gaulle. Dès 1960, elle reconnaît l’indépendance de 14 possessions (Côte d’Ivoire, Sénégal, Madagascar…)
Certaines indépendances sont acquises après une période de troubles comme au Congo belge, au Kenya ou en Ouganda.
C. Une deuxième vague tardive et difficile de décolonisation.
Plus longues et plus conflictuelles, les dernières décolonisations à partir de 1965 sont marqués par la résistance des « bastions blancs » à toute perspective d’indépendance négociée.
Ce n’est qu’en 1975 que les colonies portugaises, l’Angola et le Mozambique s’émancipent après de longues années de guérilla et la chute du dictateur Salazar.
En Rhodésie du Sud proclamée indépendante en 1965, les Blancs instaurent un régime d’apartheid identique à celui qui règne en Afrique du Sud. La guérilla impose l’indépendance du Zimbabwe et en 1980, ce régime disparaît.
II. Les nouveaux Etats face à de nombreux défis.
A. Les défis politiques.
1. Des Etats fragiles.
Les nouveaux Etats indépendants se heurtent à des difficultés politiques. Les frontières des nouveaux Etats héritées des puissances coloniales et déclarées intangibles par l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine) en 1964, ont été maintenues sans tenir compte des réalités africaines. Ainsi, ces Etats font cohabiter sur un même territoire des populations très différentes, et parfois hostiles les unes aux autres. Cette situation provoque des conflits ethniques :
- 1967 - 1970 : guerre du Biafra au Nigéria
- 1994 : guerre du Rwanda (entre 800 000 et 1 million de morts).
2. Construire une cohésion nationale.
La cohésion nationale des nouveaux Etats est souvent difficile à réaliser : un des défis majeurs est de reconnaître la diversité tout en introduisant des valeurs communes. Ainsi, les Etats issus de la décolonisation s'approprient ou se réapproprient un espace national et lui donnent un nom. Ils se dotent de symboles comme un drapeau ou un hymne national qui sont des attributs essentiels de la souveraineté.
3. Les difficultés à construire la démocratie.
L'Etat-nation, modèle politique légué par les puissance coloniales, est adopté par de nombreux Etats nouvellement indépendants. La plupart d'entre eux calquent leurs constitutions sur celles de leurs anciennes métropoles et affichent leur volonté d'adhésion aux valeurs démocratiques : le pluralisme, le suffrage universel et la séparation des pouvoirs. Mais de fait, ces jeunes Etats évoluent souvent vers des régimes autoritaires, basés sur un pouvoir personnel et un parti unique.
B. Les défis économiques et sociaux.
Le photographe Kevin Carter photographie la famine au Soudan. Il remporte le prix Pulitzer pour ce cliché, mais se suicide quelques mois plus tard. Pour la petite histoire, la petite fille sur le cliché survivra à la famine.
Les États nouvellement indépendants doivent répondre à de nouveaux défis : bâtir une société postcoloniale, nourrir, soigner, éduquer, employer une population en forte croissance.
Ils connaissent une forte fragilité économique qui les classe dans les pays sous-développés. Le retard de développement se définit par :
- la pauvreté qui touche la majorité de la population,
- un fort taux d’analphabétisme,
- une croissance démographique rapide et non contrôlée,
- une dépendance financière, alimentaire et commerciale vis-à-vis des pays développés.
Les indépendances surviennent en pleine guerre froide, c’est donc logiquement que les États issus de la décolonisation ont à choisir entre capitalisme et socialisme :
- certains États, comme la Côte d'Ivoire, optent pour une logique capitaliste largement ouverte sur l'extérieur : ils s'intègrent au marché mondial et vendent leurs ressources agricoles, minières ou énergétiques. Cette voie a permis de financier le développement, mais a créé une forte dépendance vis-à-vis de la demande étrangère.
- d'autres adoptent une autre logique et s’inspirent du modèle socialiste comme la Tanzanie et l'Algérie, qui donne la priorité à l’industrie.
Mais, malgré quelques succès, aucune de ces voies n’a les effets espérés.
Ainsi se créent de nouvelles dépendances qualifiées de néocolonialisme (domination indirecte de nature économique, politique ou culturelle d’un pays sous-développée par un pays développé). D’une façon générale, les pays d’Afrique subsaharienne sont pénalisés par leur inégal échange avec les pays développés. Ils exportent des produits de base dont le prix, peu élevé, est fixé par les bourses des pays du Nord, tandis qu’ils doivent importer des produits manufacturés au coût élevé.
Autant d’indicateurs de dépendance économique et de freins au développement.
Les pays du tiers-monde revendiquent un « nouvel ordre économique international », fondé sur la juste évaluation du prix des matières premières et sur des échanges équilibrés entre le Nord et le Sud mais en vain. Pour financer leur développement, ils sont contraints de s’endetter lourdement et donc d’approfondir leur dépendance à l’égard du Nord : la crise de la dette.
C. Les défis géopolitiques.
1. Le mouvement des non-alignés : une affirmation difficile.
Non-alignement : mouvement qui se constitue après l’impulsion donnée par la conférence de Bandung, officiellement proclamé à Brioni en 1956 (la première Conférence des « non-alignés » se tient à Belgrade en 1961). Composé de pays récemment décolonisés, il définit une politique d'indépendance vis-à-vis des deux superpuissances, les États-Unis et l’Union soviétique. Il existe encore aujourd’hui.
Le non-alignement proclamé par les chefs des pays du Tiers-monde tels que Nehru (Inde), Nasser (Egypte) et Tito (Yougoslavie) est difficilement à mettre en oeuvre, car les "non-alignés" se divisent rapidement entre adeptes du développement socialiste et/ou du développement capitaliste.
2. L'aide au développement : une nouvelle coopération Nord-Sud ?
Les Etats décolonisés conservent avec leurs anciennes métropoles des relations de coopération par l'intermédiaire de politique d'aide au développement. Cette coopération permet aux anciennes puissances de conserver une forte influence sur leurs anciennes colonies. La création de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement) et la signature des accords commerciaux de Lomé en 1975 sont représentatifs d'une volonté de favoriser le développement du Tiers-Monde.