Thème I : Le rapport des sociétés à leur passé
Question : Les historiens et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France.
Introduction :
Doc p.18 : Marc Bloch, Apologie pour l'histoire ou le métier de l'historien, 1997.
Qu’est-ce que la mémoire ? souvenir de faits, de la part d’un individu ou d’un groupe, dont elle peut contribuer à la cohésion. Notion de subjectivité
L’histoire ? science humaine qui cherche à comprendre et expliquer des faits, des événements, des évolutions sociales. Elle étudie les traces laissées par l’activité des hommes (les sources) qui sont traitées de manière scientifique pour construire une image du passé la plus juste possible
Doc p.79 : Pierre Nora, Les lieux de mémoire, tome 1, La République, 1984
Mémoire et Histoire deux approches différentes mais elles ne sont pas antagonistes :
Le passé laisse des traces susceptibles d’unir ou de diviser les hommes. Sur un moment sombre comme la Seconde Guerre mondiale, les mémoires peuvent être douloureuses, occultées, passionnées, partielles ou officialisées.
Dans tous les cas, ce sont des discours, des représentations subjectives du passé, ainsi on distingue histoire (objective) et mémoire (subjective). Le travail de l’historien, lui, doit s’affranchir de la mémoire, la mettre à distance.
A la Libération, les autorités issues de la Résistance souhaitent refermer au plus vite la « parenthèse vichyste ». La glorification de la France résistante doit effacer la honte de la défaite de 1940 et de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Avec le temps cependant, le souvenir du régime de Vichy refait surface, avec d’autres mémoires (déportation, Shoah) ; cette évolution est longue et complexe, pouvant aller jusqu’à susciter des polémiques et des conflits de mémoires, rendant essentiel le rôle des historiens, qui peuvent amener une lecture plus apaisée et rationnelle des événements du passé
Problématiques :
Comment l'historien peut-il expliquer que l'immédiat après-guerre n'ait pas permis l'émergence de toutes les mémoires ?
Comment les mémoires de la Seconde Guerre mondiale ont-elles évolué depuis 1945 ?
I. L'historien face aux mémoires immédiates (1945 - années 1970).
A. Les "mémoires héroïques".
Doc 4 p.87
•Présentez le document
C’est un discours de Malraux, ministre de la culture du général de Gaulle, écrivain engagé depuis la guerre d’Espagne pendant le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon.
•Quel est le rôle de Jean Moulin lors de la 2GM ?
Il est devenu le chef de l’armée secret, chef de la résistance.
•Qui arrête Jean Moulin ?
Jean Moulin est arrêté par le chef de la Gestapo (police politique) Klaus Barbie, le boucher de Lyon à Caluire en 1943.
•En quoi le discours de Malraux fait de Jean Moulin un héros ?
Jean Moulin malgré la torture ne dit rien jusqu’à la mort. Malraux identifie le visage de Jean Moulin au visage de la France. Il guide tous les persécutés de la 2GM au Panthéon. Il est comparé au grand homme de l’histoire de France comme Leclerc / Victor Hugo / Jaurès.
Présentez ces documents.
En quoi ces deux documents montrent le mythe d’une France résistante ?
Le film de R. Clément « La Bataille du rail » montre des cheminots ayant participé à la bataille du rail au côte de la résistance en occultant la participation des chemins de fer français à la déportation.
L’affiche du PCF montre un parti qui a participé à la 2GM du côté des alliés en occultant l’alliance avec le nazisme de 1939 à 1941
=> Refoulement du souvenir de Vichy
A la sorite de la SGM, les Français veulent en finir avec la guerre franco-française (épuration des personnes collaboratrices) et restaurer l’unité nationale.
En 1945, le mythe « résistancialiste » s’impose : tous résistants ! C’est donc la mémoire officielle qui insiste sur le caractère uni des Français ou tout au moins dans le refus de l’occupation allemande. Deux mémoires entretiennent ce mythe de la France résistante : la mémoire gaulliste et la mémoire communiste.
La première préfère gommer les clivages politiques et sur une vision unificatrice avec l’estime portée aux résistants comme J. Moulin.
La seconde insiste sur l’action centrale du PCF dans la résistance qui s’autoproclame « le parti des 75 000 fusillés » alors que les historiens estiment à 30 000 Français le nombre de fusillés par l’occupant.
B. Des mémoires déformées et occultées.
=> Volonté d’apaiser les conflits
A la sorite de la guerre, les historiens ont-ils les moyens de travailler sur la Shoah ?
Pourquoi ?
Qu'est-ce que le "grand silence" ?
De 1944 à 1947, les Pétainistes sont déconsidérés. A partir de 1947, ils commencent à redresser la tête et à développer la thèse du bouclier protecteur. Robert Aron évoque une complémentarité des rôles entre De Gaulle (le glaive) et Pétain (le bouclier). Ces thèses sont considérées comme fausses aujourd’hui.
II. L'historien se penche sur les différentes mémoires depuis 1970.
A. Le réveil des mémoires.
1. La mémoire de la collaboration.
Le film "le chagrin et la pitié" de Marcel Ophüls sortie au cinéma en 1971 relate la vie quotidienne des Français à Clermont-Ferrand. Il renvoie l'image d'une France massivement égoïste qui se soucie d'abord de survivre, une France indifférente à la Résistance voire même antisémite. Ce film fait scandale à sa sortie.
=> En fait en France 5% de résistants, 5% de collaborateurs et 90% d’attentistes.
Comment R. Paxton fait-il pour étudier le régime de Vichy ?
Pourquoi ne peut-il pas utiliser les archives françaises ?
Pourquoi le livre de Paxton « La France de Vichy » est une véritable révolution pour la recherche historique ?
=> Fin du résistancialisme + Rôle de Vichy corrigé par l'histoire.
=> Rééquilibrage de la Mémoire.
2. La mémoire de la Shoah
=> extrait du procès d'Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961.
•Pourquoi peut-on dire que le procès d’Eichmann permet la libération de la mémoire juive ?
Le procès crée de l’émotion et met fin au grand silence.
•Sur quoi se base ce procès ? Quel type de trace ?
Des centaines de témoignages.
Contexte : Tensions et guerres avec les pays arabes. Il y a une prise de conscience d'appartenir à une communauté dont le fondement est le souvenir du génocide
=> Véritable tournant des années 1960.
Cette mémoire juive commence donc à émerger mais elle est attaquée par des thèses négationnistes. (définition p.92)
Vidéo INA Jalons : JM Le Pen : propos négationnistes
=> Réaction et mobilisation d'acteurs divers :
Pierre Vidal Naquet
Beate et Serge Klarsfled qui créent en 1979 l'association FFDJF avec pour but de parvenir à juger les responsables du génocide.
Claude Lanzmann et son film Shoah sortie en 1985.
B. La France face à son rôle.
1. Le rôle des législateurs.
=> condamnation des négationnistes : la négation devient un crime contre l'humanité en 1990.
=> Ouverture des archives en 1997 sur la période 1940 - 1945.
2. Le rôle de la justice.
Différents procès amènent la sensibilisation de l'opinion mais suscitent des débats :
3. Le mea-culpa de la République.
Plusieurs étapes :
D'abord un long silence : Les présidents de la République se sont refusés à reconnaître la responsabilité de la France et de l'Etat dans la déportation. De Gaulle : " Vichy ce n'était pas la République". Avec l'arrivée au pouvoir de la Gauche en 1981, il y a un espoir de reconnaissance mais c'est le refus de François Mitterrand. Il institue seulement une journée nationale du souvenir des persécutions racistes et antisémites.
=> Il y a un scandale autour de son passé car il est ancien fonctionnaire de Vichy puis résistant. Il va ensuite fleurir la tombe de Pétain. Pour faire baisser la tension, il est le premier président à assister aux commémorations de la rafle du Vel d'hiv du 16 juillet 1942.
puis la repentance : Jacques Chirac reconnaît le 16 juillet 1995, la responsabilité de l'Etat français dans un discours aux commémorations de la rafle du Vel d'hiv. Il proclame la "dette imprescriptible" de la France envers les juifs.
=> Tournant avec Jacques Chirac = l'Etat français reconnait sa rôle dans la déportation.
III. L'historien devant les enjeux mémoriels aujourd'hui.
A. Des lieux de mémoires multiples.
Carte p.82.
Combien y a-t-il de lieux inaugurés ou réaménagés après 1970 ?
Quelles sont les raisons ?
=> Les lieux de mémoire permettent la réflexion pour les historiens car ils sont révélateurs d'évolutions.
Ex : Doc 1 p.80.
Le Mont Valérien : abrite les dépouilles de héros gaullistes et rappelle le souvenir des fusillés du parti communistes (Stèle). C'est donc le même lieu de mémoire mais le lieu est approprié par les gaullistes.
Ex : Doc p.94 - 95.
Le mémorial de la Shoah de Paris est un lieu en évolution dont les fonctions ont varié et se sont élargies :
- 1ère : dédié à toutes les victimes juives,
- 2ème : lieu de commémoration;
- 3ème : lieu pédagogique,
- 4ème : vocation internationale.
=> L'étude de certains lieux de mémoire aide l'historien à analyser les évolutions à l'oeuvre dans la mémoire de la Shoah.
B. Le travail de l'historien et la "déferlante mémorielle".
Les enjeux actuels ont suscité des débats :
- doc 2 p.98 : Les historiens sont appelés à témoigner dans les prétoires notamment pour le procès Papon. Ceci divise les historiens : sont-ils des experts ? sont-ils des juges ?
- Les lois mémorielles : En 2005, 19 historiens créent une association Liberté pour l’Histoire pour dénoncer les lois mémorielles. Le nom est tiré du titre de la pétition signé par 600 personnes qui critiquent ces lois qui « ont restreint la liberté de l’historien ».
- Positionnement sur la scène médiatique des historiens : exemple de Jean-Pierre Azéma conseiller historique de la série Un village français.
- Débats sur la lecture de la lettre de Guy Môquet aux élèves de lycée (résistant communiste fusillé en 1941 par les Allemands) : C'est un souhait du Président de la République en 2007, Nicolas Sarkozy => accueil très mitigé chez les professeurs et les historiens.
- Doc 1 p.102 : Pierre Laborie, le Chagrin et le venin. La France sous l'Occupation, mémoire et idées reçues
Pierre Laborie propose une prise de distance avec les excès du débat public.
=> Cet exemple montre que l'histoire est en constant renouvellement.
- Ainsi des travaux récents se penchent sur le fait que certes l'Etat français a collaboré, mais aussi près des 3/4 des 320 000 juifs présents en France en 1940 ont survécu du fait de la solidarité de la population civile à l'égard des Juifs.
Des aspects de l'histoire de la résistance sont encore à fouiller, comme le regard de la résistance sur le problème des juifs. Pour cela, l'accès aux archives est essentiel, et donc le rôle de l'Etat. Renouvellement de l'intérêt pour les "oubliés" de l'histoire : les femmes, les prisonniers de guerre, les héros (Ex : Jean-Pierre Azéma et Henry Rousso)
Conclusion :
Des mémoires multiples, parfois concurrentes, ont ainsi émergé. La sensibilité de chacun, les souvenirs et les émotions ont ici une grande place, dont l'historien doit se dégager en permanence pour à la fois récolter des données mais aussi travailler sur l'évolution des sociétés et des mentalités.