Mécanique & combat

La mécanique appliquée au combat

- Sylvain VIAL -

Voici quelques principes de mécanique applicables aux arts du combat.

Nous aborderons dans ce texte 3 points, sans formule, sans chiffre, sans schéma, tels qu'ils pourraient être énoncés dans un cours.

- Centre de gravité et équilibre.

- Force et chute.

- La puissance d'un coup.

Préambule

Le dictionnaire Larousse définie la physique ainsi: Science qui étudie les propriétés générales de la matière, de l'espace, du temps et établie les lois qui rendent compte des phénomènes naturels.

Ainsi, ce que nous sommes, ce que nous faisons et comment nous le faisons obéit à des lois mises en équations par l'être humain. Mais tout n'est pas encore parfaitement connu. Des mystères subsistent dans la compréhension du "très grand", l'univers, ou du "très petit", les particules. Mais à notre échelle humaine, le monde du milieu dirons-nous, les choses fonctionnent bien depuis le XVIIème siècle.

Isaac Newton (1642-1727) incarne avec ses contemporains la charnière entre la science balbutiante du moyen âge et l'aire de la modernité. Il formalise les principes de la mécanique, du mouvement, qui sont encore aujourd'hui la base de nos calculs scientifiques. Malheureusement, même après trois siècles et demi d'enseignement, ces principes demeurent souvent obscurs dans nos esprits. Les croyances populaires colportent encore trop d'inepties. Qu'un corps lourd tombe plus vite qu'un autre plus léger. Que le poids, la masse, tout ca c'est du pareil au même. Que le mouvement perpétuel semble parfois exister. Il est sûr que cet obscurantisme ne favorise pas la compréhension de nos actes quotidiens.

Pour nous, pratiquants d'arts martiaux ou de sports de combat, comprendre les lois de cette mécanique est fondamental. Car contrairement à d'autres disciplines sportives où l'objet et en partie de lutter contre ces forces, nous, combattants, les employons à vaincre notre adversaire. Il serait vain de fonder notre recherche d'efficacité sur un empirisme facile ou sur les bonnes paroles d'un maître qui n'en a parfois que le nom. Seul l'esprit critique peut s'élever. Croire c'est se soumettre, comprendre c'est diriger sa propre voie.

Les explications suivantes utilisent des raccourcis impropres à un vrai cours de physique. Mais l'intérêt est ici de comprendre l'essentiel applicable dans nos techniques de combat.

Centre de gravité et équilibre

Le centre de gravité (CG) est un point imaginaire que possède chaque chose. C'est en quelque sorte le point d'équilibre de l'objet, l'équidistance de toutes ses masses. Quand nous sommes debout au repos, il se situe dans le ventre. Lorsque nous avançons les bras, le CG avance un peu aussi. A chaque mouvement que nous faisons, il se réajuste instantanément. Il peut aussi se situer à l'extérieur de notre corps suivant la position que nous prenons. C'est la position du CG qui va déterminer notre équilibre (et celui de notre adversaire) en fonction de la base de sustentation (BdS). Pour comprendre cela, faisons une expérience.

Reprenons notre position debout immobile. Traçons au sol une surface dont le périmètre est le suivant: gros orteil gauche, extérieur de ce pied, talon gauche au talon droit en ligne droite, extérieur pied droit, gros orteil droit au gros orteil gauche en ligne droite. Nous avons tracé notre BdS actuelle. Maintenant, comme nous sommes en équilibre, cela signifie que la ligne verticale imaginaire qui passe par notre CG passe aussi à l'intérieur de notre BdS.

Poursuivons l'expérience. Sans bouger les pieds, penchons-nous lentement en avant. Lorsque les talons commencent à décoller, notre CG arrive à la verticale de la limite de la BdS. A cette frontière, l'équilibre devient instable. Si nous continuons à pencher en avant, cette verticale sort de la BdS, nous perdons l'équilibre et sommes obligé de faire un pas en avant. Cela redessine automatiquement une nouvelle BdS avec la nouvelle position des pieds. Notre CG se retrouve de nouveau à l'aplomb de celle-ci. Nous avons retrouvé un équilibre.

Donc, chaque fois que nous bougeons les pieds, la BdS se redessine automatiquement avec le même principe. Si nous n'avons qu'un pied au sol ce sera le contour de ce pied. Si nous sommes à "quatre pattes" la BdS englobera les pieds et les mains. Pour résumer, la BdS fait le tour de tous nos appuis au sol. Tant que la verticale passant par le CG est à l'intérieur de celle-ci, nous sommes en équilibre.

Application.

Partant de ce principe, deux actions doivent être menées simultanément pour déséquilibrer un adversaire.

1 - Fléchir son axe vertical tronc-tête, c'est-à-dire déplacer vers l'extérieur son centre de gravité.

2 - Bloquer ou soustraire ses appuis afin qu'il ne puisse pas reconstruire une nouvelle base de sustentation.

Si vous désirez conserver votre équilibre, vous devez faire exactement l'inverse.

Force et chute

Le mot force est d'usage courant. Nous connaissons différents types de forces: mécanique, électrique, musculaire, nucléaire, mentale, etc… . Nous étudierons ici la force mécanique et ses applications dans le combat.

C'est ce brave Newton, cité en introduction, qui a laissé son nom comme unité de mesure de cette force. Le newton (N) exprime donc une quantité d'énergie liée au mouvement d'une masse comme la frappe d'un marteau. Pour cet exemple, Il a fallu une force pour le mettre en mouvement: le bras du charpentier. Lorsque la pointe visée arrête le marteau, ce dernier transfère son énergie (cinétique) en compensation de sa perte de mouvement. La pointe utilisera sa nouvelle force pour déchirer les fibres du bois. Ces dernières conserveront une partie de cette énergie reçue sous forme de tensions autour de la pointe. Le reste partira en chaleur et en onde sonore.

Notre poids, qui est une force, devrait aussi s'exprimer en Newton. Mais le langage populaire retient le kilogramme. Peut importe, il faut savoir que dans ce cas, un kilo vaut à peu près 10 N. Le poids est donc une force ? Pourtant rien ne semble bouger. Normal puisque le sol nous empêche de tomber plus bas. Mais l'attraction terrestre (la pesanteur) est bien présente. C'est elle qui nous fait tomber. L'écrasement de nos semelles en est la preuve. Cette tension (force statique) peut être considérée comme le stockage de l'énergie d'une chute interrompue.

Notre poids est donc l'ensemble des forces verticales dues à la pesanteur qui s'applique à toutes les particules de notre corps. Pour simplifier, on le représente comme une seule force (la somme de toutes les innombrables petites) appliquée au centre de gravité. Ceci est valable pour tous les objets, être vivants, liquide, gaz, etc …

Application.

Lorsque nous sommes debout, nous avons un potentiel de chute jusqu'à ce que notre centre de gravité ne puisse pas aller plus bas. C'est-à-dire lorsque nous sommes couchés par terre, les membres bien à plat. L'énergie générée par cette descente, debout - couché, sera la même que l'on aille vite ou doucement. Elle est liée à la différence de hauteur et à la masse qui tombe.

Cette énergie que l'on emmagasine puisque nous nous mettons en mouvement devra être restituée au sol puisqu'il retient notre chute. Rien n'est gratuit ! Par expérience, nous savons qu'une chute brutale sur le dos va être douloureuse. Alors que si nous descendons tranquillement au sol, en posant successivement différentes parties du corps, cela sera supportable.

La différence réside dans le temps que nous mettons pour effectuer cette même chute. Dans le premier cas, toutes les parties de notre corps doivent transférer rapidement leur énergie au sol et souvent sur un endroit assez localisé. Cela les oblige à une violente compression simultanée les unes contre les autres, c'est à dire une onde de choc. Dans le deuxième cas, l'échange d'énergie est étalé dans le temps et aussi sur une plus grande surface corporelle. Le corps absorbe et réparti mieux ces compressions.

En conclusion, pour minimiser les conséquences d'une chute il faut jouer sur les paramètres suivants:

1 - Freiner au maximum la fin de la descente du centre de gravité.

2 - Augmenter la surface de contact au sol et la distribuer dans le temps.

3 - Se reposer sur des volumes musculaires et pas des extrémités osseuses comme les coudes, poignets, chevilles, colonne vertébrale, …).

4 - Individualiser les trajectoires des différentes parties (jambes, tronc, bras) pour que le corps ne fasse pas qu'un bloc et que chacune arrive au sol indépendamment. Pour cela, il faut se relaxer partiellement.

Dans certains types de chutes plus violentes, par exemple suite à une projection, il faudra sacrifier une partie au profit d'une autre. La frappe violente préalable du sol par un ou les bras, ainsi que des pieds, transférera assez d'énergie pour que le dos et la tête puissent atterrir sans trop de dommage. Ce genre de chute est tolérable en entraînement sur tatamis. Sur du béton, ce sera uniquement lié à un acte de survie quand une descente relaxée n'est pas possible.

Lors des entraînements, nous étudions différentes solutions mettant en œuvre ces principes.

Puissance d'un coup

En combat, la frappe utilisant une partie du corps (poing, genoux, pied, …) fait partie de l'arsenal des techniques disponibles d'attaque ou de défense. Son application est beaucoup plus délicate qu'il n'y paraît car plusieurs critères constituent son efficacité. Intéressons-nous ici simplement à son aspect de puissance.

Prenons l'exemple d'un coup de poing. Nous avons vu ce qu'est une force mécanique. Le poing et le bras constituent une masse qui est mise en mouvement et par conséquent acquiert de l'énergie. Cette énergie est communiquée à la partie du corps de notre adversaire qui arrête notre poing. Plus cette énergie est grande, plus nous devrions lui faire mal!

Observons maintenant comment se comporte notre poing s'il n'y a pas d'adversaire à toucher.

Tout d'abord, notre poing part d'une position de repos pour arriver de nouveau à l'immobilité une fois le bras en extension. C'est comme une voiture qui démarre d'un stop pour s'arrêter de nouveau au stop suivant. Il y a donc une phase d'accélération, à un moment donné elle atteint sa vitesse maximum puis connaît une décélération jusqu'à l'arrêt. Notre poing aura donc son énergie maximum quand il atteindra sa vitesse maximum. C'est-à-dire ni au début, ni à la fin mais plutôt entre le milieu et la fin de son parcours.

Il va être freiné par 4 choses:

- Le réflexe myotatique interne. C'est la réaction des muscles opposés (antagonistes) qui vont automatiquement se contracter suite à leur étirement brusque. C'est un mécanisme de protection physiologique. Sinon, nos articulations seraient endommagées à chaque mouvement rapide.

- Les articulations qui au final finissent d'encaisser quand même le restant de mouvement.

- Pour les non-experts, la crispation inutile des muscles avoisinants qui vont gêner le déploiement de la partie frappante. C'est pour ça que les frappes doivent s'effectuer avec un certain relâchement. Seules les parties motrices doivent fonctionner.

- La charge émotionnelle du moment (sécrétion d'adrénaline) . L'influx nerveux peut être considérablement modifié.

Application.

Pour donner une approximation, l'impact devrait avoir lieu aux trois quarts environ de la trajectoire. Cela veut dire que pour un coup de poing direct, le bras est encore franchement plié lors de l'impact. Pour un coup de pied, il pourrait traverser l'espace du corps sans contraintes articulaires. Cela veut aussi dire que pour frapper fort son adversaire il faut être assez près de celui-ci.

La capacité de frapper relâché ainsi que de contrôler sa charge d'adrénaline (stress) font l'objet d'un long entraînement. Je ne parlerai pas ici d'efficacité car cela fera l'objet d'un autre texte.

Sylvain VIAL - Novembre 2009 - NÎMES

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