Papier machine (exposition)

La bibliothèque Claude Lévi-Strauss, Paris, en octobre et novembre 2015.

Pourquoi l’œuvre d’art est-elle au musée et le livre à la bibliothèque ? En se posant ces questions, une exposition « Papier Machine » est organisée par Afour Rhizome qui est à la fois le nom d’artiste et celui du projet de la construction des archives du savoir, de l’œuvre d’art et de soi. Pendant l’exposition, l’artiste construira des archives variées avec des matériaux qui se trouvent autour de nous, partagera le processus même de construction de l’exposition. Alors, que deviendra la bibliothèque ?

Il s'agit de l'expérience de la lecture (du livre et du monde) et de la construction des archives, autrement dit une bibliothèque dans une bibliothèque. 

EnVue, Le magazine des bibliothèques de la ville de Paris, SEP./OCT. 2015, N° 74, p. 52.

Jan Amos Comenius, « Le musée-studiolo », in Orbis sensualium pictus, 1654.

Jan Amos Comenius a décrit le musée comme « un lieu où le savant, séparé des hommes, est assis seul à lire sans arrêt des livres » (cité par Lugli, Adalgisa, Naturalia et mirabilia : les cabinets de curiosités en Europe, trad. de l’italien par Marie-Louise Lentengre, Société Nouvelle Adam Biro, Paris, 1998, p. 94.)


« Il y aurait donc du papier-machine. Et ce qu'on croit reconnaître sous ce nom, un nom français.

Il y aurait ce dont on fait couramment usage, suivant l'appellation usuelle, justement, de "papier-machine", à la lettre, au sens strict ou au sens littéral : la forme d'une matière, la feuille propre à servir de support ou de médium à l'écriture de machine à écrire, voire à l'impression, à la reproduction, à l'archivation des produits, désormais, de tant de machines à traitement de texte, etc. Voilà ce qui devient ici une figure, un "lieu" dirait aussi un rhétoricien.

Papier Machine : le titre ferait donc signe vers un lieu, une figure, plus d'une figure en vérité.

À déplacer en effet l'usage courant de l'expression "papier machine" pour peser sur son articulation ; à juxtaposer, sans trait d'union, deux noms à hauteur égale (papier et machine, machine ou papier : l'un n'est jamais l'attribut de l'autre, ni son sujet), ce titre tenterait de nommer pourtant une singulière configuration, à savoir un ajointement, un ensemble réglé de métaphores, de tropes, de métonymies. Que veut dire alors ici "papier" ? Qu'entendre par "machine" ? Que signifie l'hypothèse ou la prothèse de leur accouplement sans sujet : papier machine ?

Il ne se justifierait, ce titre, que si, lentement, laborieusement, dans le temps des textes ici rassemblés, il réveillait, annonçait ou préparait quelque chose comme un "pensée" du "papier machine", la pensée d'un trait d'union visible ou invisible, entre le papier et la machine. Non pas une pensée spéculative, ni une philosophie, ni même une théorie, mais une expérience d'écriture, un frayage risqué, justement, une série de gestes "politiques" (au centre de ce livre, on entendra par exemple résonner, sur plus d'un registre, littéral et figural, la question du "sans-papier" broyé par tant de machines, "là où nous sommes tous, déjà, des "sans-papiers"). » Derrida, Jacques, « Les machines et le "sans-papiers », in Papier Machine, Galilée, Paris, 2001, p. 9-10. (le mot-clé de fiche : papier machine)

Voir aussi : Derrida, Jacques, L'avant-dernier mot, archives de l'aveu, Cycle Matière et mémoire, le ruban de machine à écrire, Bnf, Conférence du 22 janvier 2001

Lamy-Rested, Elise, « La fin et le commencement du livre », Conférence dans le colloque Derrida à venir, 2014.

« Papier machine » est également le titre du livre : 

Derrida, Jacques, Papier Machine, Galilée, Paris, 2001.

Krajewski, Markus, Papier Machines, The MIT Press, London, 2011.