mot

« Le mot doit communiquer quelque chose (en dehors de lui-même). Tel est réellement le péché original de l’esprit linguistique. En tant qu’il communique extérieurement, le mot est en quelque façon la parodie par le verbe expressément médiat du verbe expressément immédiat, du verbe créateur, du verbe divin, et c’est la déchéance du bienheureux esprit du langage, de l’esprit adamique, situé entre les deux. Car sont fondamentalement identique le verbe qui, selon la promesse du serpent, connaît le bien et mal, et le verbe qui communique extérieurement. La connaissance des choses repose sur le nom, mais celle du bien et du mal est, dans le sens profond où Kierkegaard entend le terme, « bavardage », et elle ne connaît qu’une purification et une élévation, celles auxquelles fut soumis aussi l’homme bavard, le pécheur : le tribunal. Effectivement, au mot qui juge, le connaissance du bien et du mal est immédiate. Sa magie est différente de celle du nom, mais n’en est pas moins magie. Ce nom qui juge chasse les premiers hommes du paradis ; eux-mêmes l’ont provoqué, en vertu d’une loi éternelle selon laquelle ce mot qui juge punit - et attend - sa propre provocation comme l’unique, la plus profonde faute. Dans le péché originel, là où fut lésée l’éternelle pureté du nom, s’éleva la plus rigoureuse pureté du mot qui juge, du jugement. » Walter Benjamin, « Sur la langage », in Œuvres I, Trad. de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, Gallimard, Paris, 2000, p. 160. (le mot-clé de fiche : mot)