histoire

« Le document n’est pas l’heureux instrument d’une histoire qui serait en elle-même et de plein droit mémoire ; l’histoire, c’est une certaine manière pour une société de donner statut et élaboration à une masse documentaire dont elle ne se sépare pas.

Disons pour faire bref que l’histoire, dans sa forme traditionnelle, entreprenait de « mémoriser » les monuments du passé, de les transformer en documents et de faire parler ces trace qui, par elles-mêmes, souvent ne sont point verbales, ou disent en silence autre chose que ce qu’elle disent ; de nos jours, l’histoire c’est ce qui transforme les documents en monuments, et qui, là où on déchiffrait des traces laissées par les hommes, là où on essayait de reconnaître en creux ce qu’ils avaient été, déploie une masse d’éléments qu’il s’agit d’isoler, de grouper, de rendre pertinents, de mettre en relations, de constituer en ensembles. Il était un temps où l’archéologie, comme discipline des monuments muets, des traces inertes, des objets sans contexte et des choses laissées par le passé, tendait à l’histoire et ne prenait sens que par la restitution d’un discours historique ; on pourrait dire, en jouant un peu sur les mots, que l’histoire, de nos jours, tend à l’archéologie, — à la description intrinsèque du monument. »

Foucault, Michel, L’archéologie du savoir, Gallimard, Paris, 1969, p. 15. (le mot-clé de fiche : histoire)