SIGNIFICATION ET PÉRENNITÉ DE QUELQUES MICROTOPONYMES DANS UNE COMMUNE DU MORVAN

Roland Niaux

(2000)

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Le samedi 13 août 1289, Jehan, clerc, fils de Barthelemy de Barnay, damoiseau, reconnaissait tenir en fief de l’évêque d’Autun plusieurs terres de la paroisse de Barnay, entre autres, l’ouche de Barreval, le pré de Prele jouxtant le pré es Boissanz, la meloise de Vaul, la vigne de Lontraval, le champ de Montmien, une terre située en Lée, la terre de Malevaul, le champ es adroes de Vagemoy, la terre en Come Robert, la vigne de Malmelay, le champ des Ygauz, la terre dans la come de Vau, la terre de la Charmoye, la terre de Vaugemoy, le champ en Fonteigne Alart, le champ en haut de Mallemartien, la Chaume de Repou, la terre en la Martraie, le manse es Groliers, Champlong ainsi que d’autres terres sur les finages voisins, Micorge, Menin Thiroux, Versaules, Voudenay, etc.[1]

Ces microtoponymes ont sans doute une origine peu antérieure au XIIIe siècle et une signification simple, en rapport avec les caractéristiques des terres qu’ils désignent :

- « Barreval » évoque une vallée barrée.

- « Le Pré de la Prele » est sans doute un pléonasme et « Boissan » signifie probablement buisson.

- « Meloise de Vaul » : une meloise est une prairie humide et vaul est la forme ancienne de vallée.

- « La Vigne de Lontraval » nous signale tout d’abord qu’il existait au XIIIe siècle, des vignes à Barnay. En témoigne encore aujourd’hui le toponyme « La Vignotte » pente regardant le sud, à Barnay-Dessus (Carte IGN 2824 Est-Lucenay).

- « Lontraval » est une longue vallée.

- « Montmien » (qu’on trouve ailleurs sous la forme Montmain) est formé sur maine ou magne, dérivé de mansio, au sens d’habitat rural. Montmain, villa gallo-romaine proche de Brisecou, à Autun, se nommait, en 1418, Mommyen[2]. La meilleure traduction est « Montmaison », écart actuel de Broye.

- « Lée » a une signification imprécise. On retrouve ce toponyme sous la forme à Monthelon et à Culêtre et, dans les deux cas, il s’applique à une motte féodale le long d’une voie romaine. Peut-être dérive-t-il de lieue.

- « Malevaul » est la mauvaise vallée, sans doute pour son exposition défavorable.

- Les « Adroes de Vagemoy » sont les adroits ou adrets, lieux exposés au midi, par opposition aux avers qui sont tournés vers le nord. Quant à « Vagemoy », c’est sans doute le même terme que l’on rencontre un peu plus loin sous la forme « Vaugemoy ». Il inclut le radical vau, c’est à dire vallée.

- La « Come Robert » est une combe, petit vallon, devant son nom à un occupant prénommé Robert.

- La « vigne de Malmelay » (encore une vigne à Barnay) dont le nom – Melay – peut dériver de molaris, monticule ou de molin, moulin, le préfixe signifiant encore « mauvais ».

- Les « Ygauz » est un toponyme très courant (Bois des Igaux, à Montjeu, commune de Broye). Ce nom est lié à la présence d’eau, canaux d’irrigation ou terre spongieuse.

- La « Come de Vau » est encore un pléonasme : c’est la combe de la vallée.

- La « Charmoy » est une forêt de charmes.

- « Fonteigne Allart » est une fontaine assortie d’un nom propre.

- « Mallemartien » : la signification n’a pas été déchiffrée.

- Dans la « Chaume du Repou », Repou est peut-être le nom d’un personnage.

- La « Martraie » est un toponyme que l’on retrouve dans de nombreuses communes sous les formes Matrait, Martrat, Martois, Martoret… termes issus de martyrium. C’est le Champ des Martyrs, autrement dit un cimetière, presque toujours du Haut Moyen-Âge et dont le souvenir, en 1289, ne survit que dans ce toponyme.

- Le « Manse es Groliers » : le manse désigne l’emplacement de la maison et de ses dépendances, le tout constituant le meix, exploitation agricole mise en valeur par une famille. Grolier, ou grouié, désigne un sol rocheux (exemple la carrière des Groliers à Antully).

- « Champlong » ne pose pas de problème de compréhension.

Nous avons recherché, à l’état des sections cadastrales de 1827 (archives de la mairie de Barnay) un souvenir possible de ces microtoponymes dans les désignations de parcelles existantes au XIXe siècle. Huit ont été retrouvées sur les vingt énoncées dans l’acte du 13 août 1829. Quelques-uns ont pu disparaître mais il est probable que d’autres subsistent avec des transformations les rendant indécelables. Ces transformations sont dues à l’évolution du langage ainsi qu’aux transcriptions défectueuses provoquées par l’incompréhension des termes de la part du transcripteur. Grâce au plan parcellaire, et malgré les modifications intervenues depuis 1827, il est encore assez facile de situer sur le terrain les parcelles reconnues.

- La « méloise de Vaul » se retrouve dans le « Pré de Vaux » (section B n°150 à 153) ou bien dans « Vervaux », (section A n°141 à 149 – 371 – 684 à 686).

- Les « Adroits de Vagemoy » et « Vaugemoy » sont des sites très voisins. On trouve aujourd’hui « Voigemai » en section A n°397 à 401 et le « Pré Voigemai » même section, parcelles 551 et 552.

- « Malmelay » doit se retrouver dans le « Clos Maumoulin », section A n°69 et 70.

- Les « Ygauz » sont devenus les « Zigaud », section A n°344 à 351, 388 à 390, 559 à 562.

- « Mallemartien » est sans doute Molmassin, pré, bois et pâture, en section A n°502-503-527-528 et 531.

- la « Martraie » est devenu le « Pré Matray », section B n°308 au hameau de Barnay-Dessus. Ainsi se confirme la légende selon laquelle la première église de Barnay était à Barnay-Dessus, entourée d’un cimetière dit le « Champ des Morts », ce qui est la traduction exacte de Martraie[3].

La dépopulation des campagnes, les regroupements ou remembrements des parcelles font que la plupart de ces toponymes ont disparu ou vont prochainement disparaître. Avec eux disparaîtront les derniers témoignages de l’histoire des terroirs.

© Roland Niaux 2000 (Publication électronique : Mars 2006)

Ouvrages consultés :

E. de Chambure : Glossaire du Morvan, Laffite, 1978.

A. Pégorier : Glossaire des termes dialectaux, IGN, 1963.

P. Fénelon : Vocabulaire de géographie agraire, Tours FLSH, 1970.

G. Taverdet : Les noms des lieux de Bourgogne, Dijon, CDRP, 1991.

[1] A. de Charmasse, Cartulaire de l’Evéché d’Autun, pièce n°LXXXV, p. 89-90.

[2] E. Picard, Compte de la Gruerie des bailliages d’Autun et de Montcenis pour l’année 1419, M.S.E., XI, 1877, p. 243.

[3] J.-F.Baudiau, Le Morvan, T II, 3e éd., Paris, Guénégaud, 1965, p. 455.

viviane niaux, éditeur

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